Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme
LA SOUS-COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES MINORITÉS ET LES POPULATIONS AUTOCHTONES
18 août 2006
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Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme
18 août 2006
La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme s'est penchée ce matin sur les rapports de son Groupe de travail sur les minorités et de son Groupe de travail sur les populations autochtones, après avoir entendu les derniers orateurs dans le cadre du débat sur le terrorisme et la lutte antiterroriste et autres questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme.
Ouvrant le débat sur la question de la prévention de la discrimination, M. Gudmundur Alfredsson a présenté le rapport du Groupe de travail sur les minorités dont il est le Président-Rapporteur. À l'issue d'un échange de vues auquel ont participé plusieurs membres de la Sous-Commission, il a insisté sur la dimension temporelle de la notion de minorité, faisant observer que des populations nouvelles qui arrivent dans un pays ne deviennent pas ipso facto une minorité: il faut un certain temps. Plusieurs experts se sont manifestés en faveur de la poursuite des travaux de ce Groupe de travail. L'importance de parvenir à une définition opérationnelle des «minorités» a aussi été soulignée.
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les populations autochtones, M. Yozo Yokota a pour sa part fait valoir que les organisations non gouvernementales attendaient du Groupe de travail qu'il traite avec tout le sérieux requis l'adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et en précise certains points controversés, comme par exemple la notion d'autodétermination. Le fait que la Déclaration ait été adoptée par le Conseil des droits de l'homme est un progrès, et il convient de demander à l'Assemblée générale de l'adopter à son tour. De nombreux experts ont souhaité que soit reconduit le mandat du Groupe de travail sur les populations autochtones, créé il y a 25 ans.
Intervenant dans le cadre du débat général sur la prévention de la discrimination, un représentant du Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, a exprimé son inquiétude face au fossé qui se creuse entre les mondes musulman et occidental.
Concluant en début de séance son débat sur les questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme, la Sous-Commission a entendu les interventions de la Fédération de Russie et de l'Iran au sujet de questions se rapportant à la lutte contre le terrorisme. Les organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenues sur ces questions ainsi que sur les droits des femmes, les formes contemporaines d'esclavage, les droits de l'homme et la bioéthique: International Educational Development; European Union for Public Relations; Worldwide Organization for Women; Commission to Study the Organisation of Peace; Association of World Citizens; et Association tunisienne des droits de l'enfant.
La Sous-Commission poursuivra cet après-midi, à partir de 15 heures, l'examen des questions relatives à la prévention de la discrimination. Elle sera notamment saisie d'un rapport sur la discrimination à l'encontre des victimes de la lèpre.
Débat général sur le terrorisme et la lutte antiterroriste, les femmes et les droits de la personne humaine et autre questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) a attiré l'attention sur la situation des enfants enlevés par un parent privé du droit de garde - un problème qui se pose de manière aiguë en Arabie saoudite, par exemple. Elle a salué la nouvelle loi marocaine sur la famille, soulignant qu'il s'agit d'un modèle du genre pour la protection des intérêts de l'enfant. La représentante a par ailleurs apporté son soutien aux travaux du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage,dont le mandat devrait être maintenu. Il serait également dommage de ne pas permettre que soit complétée l'étude sur le génome humain.
MME LUDOVICA VERZEGNASSI (European Union for Public Relations) a déclaré que le soutien que les États-Unis apportent au régime du général Musharraf au Pakistan ne doit pas cacher la menace terroriste en provenance de ce dernier pays. Le Président pakistanais a souvent insisté sur les sacrifices consentis par son armée et son gouvernement dans la lutte contre le terrorisme. Mais la véritable question est de savoir pourquoi, depuis une quinzaine d'années, tant d'organisations terroristes ont trouvé un sanctuaire au Pakistan. La représentante a cité plusieurs organisations terroristes qui seraient basées au Pakistan et dont les actions ont fait des victimes un peu partout dans le monde. La religion est incriminée à tort comme facteur à l'origine du terrorisme, a-t-elle poursuivi. Il est également clair que les citoyens pakistanais ordinaires ne sont pas des terroristes. Le problème du Pakistan réside dans la mainmise des forces armées sur la vie politique, dont le seul objectif, obsessionnel, reste la déstabilisation de l'Inde. Les écoles religieuses qui se propagent insufflent aux esprits faibles une idéologie de haine et d'agression. Malgré le rôle d'allié dans la lutte contre le terrorisme dont le Gouvernement pakistanais cherche à se prévaloir, la réalité est que des groupes terroristes continuent d'agir en toute liberté au Pakistan. Le général Musharraf n'a pas réussi à limiter les activités des écoles religieuses, car il compte sur l'aide politique des extrémistes religieux, a également affirmé la représentante. L'armée pakistanaise devrait être renvoyée dans ses casernes, a-t-elle conclu.
MME AFTON BEUTLER (Worldwide Organization for Women) a soulevé la question des droits de l'homme dans le contexte de la bioéthique. Rappelant que jouir des bienfaits issus des progrès scientifiques est un droit de l'homme, elle a rappelé que les États se devaient de mettre en place des réglementations déterminant les modalités d'utilisation et de préservation du génome humain. Le génome humain fait partie du patrimoine commun de l'humanité, a-t-elle rappelé. Insistant sur les nombreux débats autour de la question de la propriété intellectuelle et du génome humain, la représentante a plaidé en faveur de l'établissement de réglementations concernant les thérapies géniques. Parmi les problèmes soulevés, figurent ceux en rapport avec le clonage ou avec la détermination du sexe, a-t-elle précisé. La représentante a souhaité que soit engagée une réflexion sur les conséquences éthiques et juridiques des recherches en la matière.
M. RAMESH KUMAR JOSHI (Commission to Study the Organisation of Peace) a rappelé qu'à l'instar des États-Unis et des pays européens, l'Asie du Sud ne connaît que trop bien les effets du terrorisme international, notamment depuis la fin de l'Union soviétique. L'enseignement dispensé par certaines écoles religieuses - ou madrasas - extrémistes incite ouvertement à la violence terroriste, a-t-il déclaré, estimant que les États où ces écoles ont pignon sur rue doivent poursuivre ces institutions pour incitation au crime raciste. Le représentant a condamné tous les discours visant à idéaliser les terroristes et à glorifier les attaques contre des civils innocents. Le terrorisme a des effets indirects très lourds pour les populations et entraîne la perte de très nombreux droits humains, a-t-il souligné.
MME GENEVIÈVE JOURDAN (Association of World Citizens) s'est dite inquiète pour les personnes réfugiées et pour celles qui ne bénéficient pas de ce statut et sont en fuite. Elle a rappelé que le terrorisme inflige des souffrances terribles et pousse les gens à fuir. Le problème est que très peu de personnes ayant ainsi fui ont la possibilité d'obtenir des papiers légaux et donc de reconstruire une vie convenable sur le plan des droits humains, a-t-elle souligné. Elle a également exprimé son inquiétude face à l'utilisation d'enfants soldats. La représentante a par ailleurs relevé qu'il n'y avait eu aucune condamnation pour viol au Darfour, elle a déploré cette situation d'impunité. Elle a par ailleurs plaidé en faveur de la réalisation d'une étude sur toutes ces réfugiés qui n'ont aucun statut et qui ne peuvent pas jouir de leurs droits.
MME BEHHADI IMEN (Association tunisienne des droits de l'enfant) a souhaité répondre à la représentante de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme qui s'était exprimée hier, lui reprochant de s'être violemment attaquée aux pays arabes en les taxant de misogynie, d'hypocrisie et de violation des droits des femmes. Elle a souligné que son pays, la Tunisie, a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et que les droits de la femme ont été considérablement consolidés dans le pays. La femme tunisienne est une citoyenne épanouie qui a un statut juridique, social, économique et politique accompli qui ne diffère en rien de celui de l'homme, a-t-elle fait valoir. En conclusion, Mme Imen a estimé que le rôle des organisations non gouvernementales dans la consolidation des droits de l'homme est certainement important, mais qu'elles ne doivent pas pêcher par généralisation hâtive et le manque d'objectivité.
M. ALEXEY O. GOTTYAEV (Fédération de Russie) a souligné que la lutte contre le terrorisme, une menace universelle, est une priorité pour son pays. Le représentant s'est félicité que la Sous-Commission, dans son rôle de forum d'experts, soit prête à apporter sa contribution à la résolution de ce problème. Le représentant a salué le travail de Mme Kalliopi Koufa sur le terrorisme et estimé que le potentiel de la Sous-Commission dans ce domaine doit pouvoir se développer. Il convient de prendre en compte les droits des victimes du terrorisme et d'établir la responsabilité des groupes terroristes, a dit le représentant, saluant la contribution de
M. Emmanuel Decaux à cet égard.
MME FOROUZANDEH VADIATI (Iran) a rappelé que les Nations Unies disposent de mécanismes qui visent à lutter contre la menace du terrorisme, mais que l'organisation a rencontré des obstacles dans l'élimination du terrorisme. Certains États utilisent la lutte contre le terrorisme pour répandre la haine entre les cultures et les religions, a-t-elle souligné, et elle devient plus préoccupante que le terrorisme lui-même. Il faut lutter contre l'utilisation abusive du terme «terrorisme», a poursuivi Mme Vadiati. S'agissant des tensions actuelles au Moyen-Orient, elle a souligné que la puissance occupante utilise ce prétexte pour cacher ses faits de guerre, ainsi que la détention et la violation des droits de milliers d'Arabes. Enfin, elle a souhaité que cette question soit reflétée dans le rapport de la présente session de la Sous-Commission.
Examen du rapport du Groupe de travail sur les minorités
M. GUDMUNDUR ALFREDSSON, expert de la Sous-Commission et Président-Rapporteur du Groupe de travail, a présenté le rapport sur la douzième session du Groupe de travail sur les minorités (A/HRC/Sub.1/58/19*, à paraître), qui s'est tenue du 8 au 11 août, en faisant valoir que les débats de cette session ont été largement suivis par des représentants de minorités et d'organisations non gouvernementales. Des dizaines de déclarations ont été entendues sur la situation concrète des minorités, déclarations résumées dans le rapport. Seules quatre séances, soit deux jours de travail au lieu de quatre habituellement, ont pu être organisées cette année, ce qui est insuffisant, a déploré M. Alfredsson. Le Groupe de travail a adopté des recommandations qui reflètent les travaux réalisés et préconisent le maintien d'un organe d'experts sur les minorités qui soit ouvert et qui garantisse la participation des acteurs concernés. Le rapport contient quatre annexes, dont une déclaration d'organisations non gouvernementales concernant l'avenir du Groupe de travail, a indiqué M. Alfredson.
M. GÁSPÁR BÍRÓ, expert de la Sous-Commission, a relevé que depuis dix à quinze ans, des progrès importants ont été réalisés s'agissant du respect des droits des minorités. Mais des problèmes manifestes persistent, notamment en matière de reconnaissance des minorités, a-t-il souligné. Il y a des situations ou les minorités ne veulent pas être considérées comme telles, mais comme nationalité ou peuple, a-t-il fait observer, estimant qu'à l'avenir, le Groupe de travail pourrait aborder cette question. Il a aussi fait observer que les financements visant à permettre aux minorités de disposer de leurs propres institutions posent toujours problème. Il faudra aussi se pencher sur le problème de la participation insuffisante des minorités à la vie publique. Il a souhaité que soit maintenu le Groupe de travail.
MME ANTONELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a remercié les membres du Groupe de travail, dont la méthode de fonctionnement est exemplaire. Après avoir lu le rapport, Mme Motoc a dit attendre encore des réponses juridiques à certaines questions: quelle est, par exemple, la distinction en droit entre «minorités» et «peuples autochtones», une question qui se pose en Afrique et en Asie, notamment. Mme Motoc a demandé dans quel sens la notion de minorité allait évoluer. Par ailleurs, a dit l'experte, une notion récente de «nouvelles minorités», sans lien ancestral avec les territoires des pays sur lesquels elles sont installées, est en train d'émerger. Enfin, Mme Motoc a évoqué la situation des Roms d'Europe centrale et orientale, minorité qui a déjà fait l'objet de nombreuses initiatives au niveau européen. Comment intégrer des minorités non traditionnelles, et comment conceptualiser l'existence d'une minorité au niveau international?
MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a abordé la question des travailleurs migrants. Toute étude sur cette question implique d'avoir à l'esprit diverses considérations, et notamment que le travailleur migrant ne doit pas, dans le pays où il travaille, être traité comme un migrant, mais comme un être humain. Il n'est pas un voleur d'emploi, un trafiquant de drogue ou un terroriste, a poursuivi Mme Warzazi. Elle a à cet égard regretté que l'Europe se barricade de plus en plus, soulignant que toutes les études réalisées à ce jour indiquent que l'Europe nécessitera un grand nombre de travailleurs étrangers, du simple fait que sa population vieillit et que le système social mis en place ne permettra pas de soutenir les plus âgés à l'avenir. Ce n'est pas un mal dont on doit se protéger, a-t-elle estimé, mais un facteur de progrès et de rapprochement. S'agissant des migrants clandestins, elle a souligné que ces vagues de migration de plus en plus grandes auxquelles on assiste actuellement posent problème. Elle a à cet égard souhaité attiré l'attention sur les conséquences que ces vagues ont sur les pays intermédiaires comme le Maroc. Ce pays, conscient du problème, a par ailleurs organisé une grande conférence sur le sujet, a-t-elle précisé. Enfin, elle a souhaité que cesse «l'émigration sélective» qui prive les pays africains des leurs cerveaux.
M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a rappelé que les recommandations du Groupe de travail insistent notamment sur le fait qu'il s'agit du seul organe des Nations Unies consacré aux minorités: il convient donc d'argumenter très clairement pour le maintien de ce Groupe de travail ou pour l'instauration d'une structure similaire. Il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une demande des minorités elles-mêmes. La plupart des conflits dans le monde impliquent des minorités à un titre ou un autre, a aussi dit l'expert, ce qui justifie d'autant plus le maintien d'une structure telle le Groupe de travail. M. Bengoa a aussi évoqué la tenue en 2005 d'une réunion à Chincha, au Pérou, un lieu symbolique de l'esclavage en Amérique du Sud, réunion à laquelle participaient notamment des experts des Nations Unies, et dont les résultats ont permis de mettre en lumière les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les populations d'ascendance africaine.
Le Président-rapporteur du Groupe de travail, M. ALFREDSSON a rappelé que le terme minorité, outre le fait qu'il implique l'existence de caractéristiques nationales, religieuses ou linguistiques qui se distinguent de la population, associé à une «auto-identification», comprend une dimension de temps. L'élément «temps» de la définition est le plus controversé et le plus difficile, a-t-il estimé. Il a fait observer qu'il n'y a pas de minorités instantanées qui surgissent dans un pays donné. Elles ne deviennent pas ipso facto une minorité, il faut du temps, a-t-il poursuivi, et l'estimation de cette durée diffère selon les pays. Il a souligné que la question du facteur temps restait ouverte. Il a également attiré l'attention sur l'importance de ne pas élargir les droits des minorités à tous les nouveaux habitants d'un pays. Ceci aurait pour conséquence de diluer les droits des minorités. Enfin, il a souligné la question des minorités régionales qui, à cause de l'histoire ou des traditions, ont traversé les frontières. Ces minorités dispersées, comme les Roms par exemple, devraient avoir le droit de traverser les frontières nationales, a-t-il fait observer.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, a souligné qu'il fallait avant tout faire en sorte que les gouvernements soient amenés à reconnaître les minorités. Si un groupe répond à certains critères, cela doit suffire à le considérer comme une minorité. Des critères peuvent être tirés d'éléments statistiques, l'importance numérique par exemple, mais le nombre ne suffit pas toujours, comme le montre la situation des Noirs dans l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid: c'est le fait de ne pas être en position dominante qui importe ici. Il faut donc mettre au point une définition opérationnelle des «minorités», a estimé l'expert.
Examen du rapport du Groupe de travail sur les populations autochtones
M. YOZO YOKOTA, Expert de la Sous-Commission et Président-Rapporteur du Groupe de travail, a présenté le rapport du Groupe de travail sur les populations autochtones (A/HRC/Sub.1/58/22, à paraître), dont la vingt-quatrième session s'est tenue à Genève du 31 juillet au 4 août. Il a souligné que trente-trois États membres ont participé aux séances du Groupe de travail, ainsi que des organisations des Nations Unies et un grand nombre de représentants de populations autochtones et d'organisations non gouvernementales. Il a fait observer, à l'instar de M. Alfredsson, que tous les Groupes de travail ont souffert de contraintes, regrettant que plusieurs réunions aient été organisées en parallèle. Les incertitudes quant à leur avenir et l'avenir de la Sous-Commission en général a également exercé une influence sur les travaux des Groupes de travail, a-t-il souligné. Il a souligné l'importance de permettre au Groupe de travail de poursuivre ses travaux. M. Yokota a souligné que tous les problèmes exposés par les représentants des populations et d'organisations non gouvernementales ne pouvaient pas tous figurer dans les divers points développés dans le rapport. Le Groupe de travail a toutefois établi une liste des nouveaux thèmes qui devraient être traités à l'avenir. On ne peut pas vraiment ressentir dans sa chair le problème des populations autochtones, a-t-il fait valoir, et la seule manière de traduire de manière correcte leurs vues est d'écouter leurs représentants. Il s'agit là d'un exercice extrêmement productif, a-t-il poursuivi. Enfin, il a attiré l'attention sur les nombreuses recommandations faites par le Groupe de travail et a espéré que les membres les appuieront.
M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a dit l'importance des questions relatives aux droits des populations autochtones, surtout en cette année qui a vu l'adoption d'une Déclaration les garantissant. Il serait utile de comparer ce qui a été accompli ces dernières années par la Sous-Commission et ce qui a été fait par la Commission. On verrait ainsi les points forts et les faiblesses de la Déclaration. Sa force réside essentiellement dans le fait qu'elle pose expressément des droits collectifs, comme par exemple le droit à l'autodétermination, a souligné M. Bengoa. Il y a d'autres éléments importants, notamment le droit à réparation, mentionné à l'article 38 et considéré il y a peu comme irréalisable. Le texte contient néanmoins des faiblesses. Fruit de longues négociations, il semble parfois peu homogène au lecteur qui n'est pas au fait des enjeux qui ont sous-tendu sa rédaction. Il faudrait à cet égard pouvoir disposer de critères normalisés pour la rédaction d'instruments afin d'en garantir la cohérence, a suggéré l'expert. Enfin, il faut appeler l'Assemblée générale à adopter la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert de la Sous-Commission, a exprimé sa satisfaction d'avoir pu travailler au sein de ce Groupe de travail. Cela fait bientôt 25 ans que ce Groupe de travail existe, personne n'en a interrompu l'activité et le Conseil des droits de l'homme est en train d'examiner son avenir, a-t-il précisé, soulignant que l'issue de ces débats verra peut-être l'interruption des activités du Groupe de travail. Il a rappelé qu'il faut en finir avec l'aliénation sociale et la discrimination dont font l'objet tant de populations autochtones dans le monde. S'agissant du projet de déclaration qui sera soumis à l'Assemblée générale, il a rappelé qu'il consacre une des formes par lesquelles les peuples autochtones peuvent exercer leur droit à l'autodétermination et que c'est n'est pas la seule. Il a par ailleurs insisté sur le fait que la Charte consacre aussi le droit à l'autodétermination. Il a en outre espéré que cette déclaration soit adoptée par l'Assemblée générale et souligné que toute recommandation de la part de la Sous-Commission à l'Assemblée générale n'aurait pas la force des recommandations émises par le Conseil des droits de l'homme.
MME ANTONELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a souligné que le Groupe de travail sur les populations autochtones est l'un des plus efficaces de la Sous-Commission. Elle a exprimé le souhait que le Groupe de travail continue ses activités, compte tenu des réactions très positives des populations autochtones elles-mêmes. Mme Motoc s'est félicitée par ailleurs de l'adoption du projet de Déclaration des droits des peuples autochtones. Elle a relevé deux difficultés juridiques, la première ayant trait au recours au droit coutumier ou primitif des peuples autochtones, un droit non officiel qui est utilisé dans certains pays et dont l'application pourrait résoudre certains problèmes. Un autre problème tient à la relation parfois conflictuelle entre l'affirmation des droits des femmes et le maintien des droits des peuples autochtones. Sans doute la Sous-Commission devra s'attacher à mieux documenter le rôle et la place réels des femmes au sein des populations autochtones.
M. GUDMUNDUR ALFREDSSON, expert de la Sous-Commission, a estimé que le Groupe de travail sur les populations autochtones constitue l'une des instances les plus importantes du système des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme. Et il faut que cette possibilité pour les populations autochtones de s'exprimer continue d'exister et que soit maintenu le Groupe de travail, a préconisé M. Alfredsson. S'agissant de la déclaration de M. Alfonso Martínez, il a pour sa part exprimé quelques réserves sur l'emploi du terme «autodétermination», mais tenu à souligner qu'il n'appartient pas à la Sous-Commission d'intervenir sur cette question.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, s'est interrogé sur la notion d'autodétermination dans le contexte des droits des peuples autochtones. Historiquement, elle a été utilisée pour justifier des luttes d'indépendance nationale. Aujourd'hui, il existe un risque que cette notion soit utilisée à l'appui de revendications autonomistes pas toujours justifiées. De même, il doit être clairement précisé que le bénéfice de l'exploitation des ressources naturelles par les peuples autochtones ne signifie pas qu'ils disposent de la souveraineté sur ces ressources. Les populations autochtones sont liées à la terre mais restent liées à un État, a rappelé l'expert.
MME CHRISTY MBONU, experte de la Sous-Commission, a indiqué qu'elle approuvait entièrement les propos de M.Guissé. Le Groupe de travail sur les populations autochtones n'a pas été créé pour pointer du doigt les États membres, a-t-elle précisé. Elle a estimé qu'il importe que les populations autochtones puissent jouir de leurs droits, mais qu'il ne faut pas mélanger cette question avec celle de l'autodétermination.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a souligné qu'il fallait reconnaître et respecter les droits traditionnels et culturels des personnes appartenant à des minorités. Cette reconnaissance est absolument nécessaire. Elle a fait observer que les minorités se voient spoliées de leurs droits en particulier en raison des droits liés à la propriété intellectuelle. Peut-être devraient-ils breveter leurs droits traditionnels et coutumiers, avant qu'ils en aient été spoliés, a-t-elle suggéré. Enfin, elle a préconisé que, quel que soit l'avenir des travaux du Groupe de travail et de la Sous-Commission, une attention particulière soit accordée à cette question.
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail, M. YOKOTA, a fait valoir que les organisations non gouvernementales attendaient du Groupe de travail, ou de son organe successeur, qu'il traite avec tout le sérieux requis l'adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et en précise certains points controversés, comme par exemple la notion d'autodétermination. Cette notion a fait l'objet d'un travail important de Mme Erica-Irene Daes qui doit servir de base à toute réflexion. Le seul fait que la Déclaration ait été adoptée par le Conseil des droits de l'homme est un progrès, a aussi dit M. Yokota, estimant qu'il convient de demander à l'Assemblée générale de l'adopter à son tour. L'expert s'est félicité de la forte participation des peuples autochtones aux travaux du Groupe de travail, une participation qui devrait être encouragée par des mesures destinées à faciliter la participation aux travaux du Groupe de travail. Un organe militant pour les droits des populations autochtones devrait suivre la manière dont les gouvernements appliquent ces dispositions, ce qui implique l'existence d'un organe des Nations Unies spécialisé, a dit M. Yokota. En réponse à une question de Mme Motoc, l'expert a confirmé que le recours aux règles du droit coutumier pourraient théoriquement résoudre certains problèmes. Cependant, il n'a pas été possible d'entrer jusqu'ici dans les droits coutumiers des différents peuples autochtones, une tâche énorme qui devra être assumée par le nouvel organe. Quant aux règles coutumières qui limitent les droits des femmes, la résolution de ce problème demandera de grands efforts de dialogue avec les États concernés.
Débat général sur la prévention de la discrimination
M. MASOOD KHAN (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, OCI) a déploré le fossé qui se creuse entre les mondes musulman et occidental. Aucune réponse à ce problème n'a encore été trouvée. Le Conseil des droits de l'homme a dénoncé la tendance actuelle à la diffamation des religions, a rappelé le représentant, faisant valoir que toute incitation à la haine religieuse est illégale. Plusieurs millions de musulmans vivent en Europe, dont les politiques d'intégration ont été revues à la baisse depuis quelque temps. Une véritable campagne de diabolisation de l'islam fait rage dans ces pays. Les citoyens musulmans de ces pays se sentent fragilisés, exactement comme les Juifs au début du XXe siècle. On constate en fait une volonté d'expulser les migrants musulmans, a dit le représentant. Il n'existe en fait pas de tension entre liberté de religion et respect des droits de l'homme. Par contre, le droit d'expression n'est pas illimité et ne doit pas conduire à des comportements antireligieux. Des règles internationales doivent garantir le respect des religions et dissuader toute incitation à la haine. La Sous-Commission peut guider le Conseil des droits de l'homme dans la préparation de telles normes de droit international, a estimé le représentant. Des tentatives sont faites dans le monde islamique pour lutter contre l'obscurantisme, une charte des droits de l'homme étant en préparation par l'OCI, a-t-il annoncé.
et de la protection des droits de l'homme
18 août 2006
La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme s'est penchée ce matin sur les rapports de son Groupe de travail sur les minorités et de son Groupe de travail sur les populations autochtones, après avoir entendu les derniers orateurs dans le cadre du débat sur le terrorisme et la lutte antiterroriste et autres questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme.
Ouvrant le débat sur la question de la prévention de la discrimination, M. Gudmundur Alfredsson a présenté le rapport du Groupe de travail sur les minorités dont il est le Président-Rapporteur. À l'issue d'un échange de vues auquel ont participé plusieurs membres de la Sous-Commission, il a insisté sur la dimension temporelle de la notion de minorité, faisant observer que des populations nouvelles qui arrivent dans un pays ne deviennent pas ipso facto une minorité: il faut un certain temps. Plusieurs experts se sont manifestés en faveur de la poursuite des travaux de ce Groupe de travail. L'importance de parvenir à une définition opérationnelle des «minorités» a aussi été soulignée.
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les populations autochtones, M. Yozo Yokota a pour sa part fait valoir que les organisations non gouvernementales attendaient du Groupe de travail qu'il traite avec tout le sérieux requis l'adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et en précise certains points controversés, comme par exemple la notion d'autodétermination. Le fait que la Déclaration ait été adoptée par le Conseil des droits de l'homme est un progrès, et il convient de demander à l'Assemblée générale de l'adopter à son tour. De nombreux experts ont souhaité que soit reconduit le mandat du Groupe de travail sur les populations autochtones, créé il y a 25 ans.
Intervenant dans le cadre du débat général sur la prévention de la discrimination, un représentant du Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, a exprimé son inquiétude face au fossé qui se creuse entre les mondes musulman et occidental.
Concluant en début de séance son débat sur les questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme, la Sous-Commission a entendu les interventions de la Fédération de Russie et de l'Iran au sujet de questions se rapportant à la lutte contre le terrorisme. Les organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenues sur ces questions ainsi que sur les droits des femmes, les formes contemporaines d'esclavage, les droits de l'homme et la bioéthique: International Educational Development; European Union for Public Relations; Worldwide Organization for Women; Commission to Study the Organisation of Peace; Association of World Citizens; et Association tunisienne des droits de l'enfant.
La Sous-Commission poursuivra cet après-midi, à partir de 15 heures, l'examen des questions relatives à la prévention de la discrimination. Elle sera notamment saisie d'un rapport sur la discrimination à l'encontre des victimes de la lèpre.
Débat général sur le terrorisme et la lutte antiterroriste, les femmes et les droits de la personne humaine et autre questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme.
MME KAREN PARKER (International Educational Development) a attiré l'attention sur la situation des enfants enlevés par un parent privé du droit de garde - un problème qui se pose de manière aiguë en Arabie saoudite, par exemple. Elle a salué la nouvelle loi marocaine sur la famille, soulignant qu'il s'agit d'un modèle du genre pour la protection des intérêts de l'enfant. La représentante a par ailleurs apporté son soutien aux travaux du Groupe de travail sur les formes contemporaines d'esclavage,dont le mandat devrait être maintenu. Il serait également dommage de ne pas permettre que soit complétée l'étude sur le génome humain.
MME LUDOVICA VERZEGNASSI (European Union for Public Relations) a déclaré que le soutien que les États-Unis apportent au régime du général Musharraf au Pakistan ne doit pas cacher la menace terroriste en provenance de ce dernier pays. Le Président pakistanais a souvent insisté sur les sacrifices consentis par son armée et son gouvernement dans la lutte contre le terrorisme. Mais la véritable question est de savoir pourquoi, depuis une quinzaine d'années, tant d'organisations terroristes ont trouvé un sanctuaire au Pakistan. La représentante a cité plusieurs organisations terroristes qui seraient basées au Pakistan et dont les actions ont fait des victimes un peu partout dans le monde. La religion est incriminée à tort comme facteur à l'origine du terrorisme, a-t-elle poursuivi. Il est également clair que les citoyens pakistanais ordinaires ne sont pas des terroristes. Le problème du Pakistan réside dans la mainmise des forces armées sur la vie politique, dont le seul objectif, obsessionnel, reste la déstabilisation de l'Inde. Les écoles religieuses qui se propagent insufflent aux esprits faibles une idéologie de haine et d'agression. Malgré le rôle d'allié dans la lutte contre le terrorisme dont le Gouvernement pakistanais cherche à se prévaloir, la réalité est que des groupes terroristes continuent d'agir en toute liberté au Pakistan. Le général Musharraf n'a pas réussi à limiter les activités des écoles religieuses, car il compte sur l'aide politique des extrémistes religieux, a également affirmé la représentante. L'armée pakistanaise devrait être renvoyée dans ses casernes, a-t-elle conclu.
MME AFTON BEUTLER (Worldwide Organization for Women) a soulevé la question des droits de l'homme dans le contexte de la bioéthique. Rappelant que jouir des bienfaits issus des progrès scientifiques est un droit de l'homme, elle a rappelé que les États se devaient de mettre en place des réglementations déterminant les modalités d'utilisation et de préservation du génome humain. Le génome humain fait partie du patrimoine commun de l'humanité, a-t-elle rappelé. Insistant sur les nombreux débats autour de la question de la propriété intellectuelle et du génome humain, la représentante a plaidé en faveur de l'établissement de réglementations concernant les thérapies géniques. Parmi les problèmes soulevés, figurent ceux en rapport avec le clonage ou avec la détermination du sexe, a-t-elle précisé. La représentante a souhaité que soit engagée une réflexion sur les conséquences éthiques et juridiques des recherches en la matière.
M. RAMESH KUMAR JOSHI (Commission to Study the Organisation of Peace) a rappelé qu'à l'instar des États-Unis et des pays européens, l'Asie du Sud ne connaît que trop bien les effets du terrorisme international, notamment depuis la fin de l'Union soviétique. L'enseignement dispensé par certaines écoles religieuses - ou madrasas - extrémistes incite ouvertement à la violence terroriste, a-t-il déclaré, estimant que les États où ces écoles ont pignon sur rue doivent poursuivre ces institutions pour incitation au crime raciste. Le représentant a condamné tous les discours visant à idéaliser les terroristes et à glorifier les attaques contre des civils innocents. Le terrorisme a des effets indirects très lourds pour les populations et entraîne la perte de très nombreux droits humains, a-t-il souligné.
MME GENEVIÈVE JOURDAN (Association of World Citizens) s'est dite inquiète pour les personnes réfugiées et pour celles qui ne bénéficient pas de ce statut et sont en fuite. Elle a rappelé que le terrorisme inflige des souffrances terribles et pousse les gens à fuir. Le problème est que très peu de personnes ayant ainsi fui ont la possibilité d'obtenir des papiers légaux et donc de reconstruire une vie convenable sur le plan des droits humains, a-t-elle souligné. Elle a également exprimé son inquiétude face à l'utilisation d'enfants soldats. La représentante a par ailleurs relevé qu'il n'y avait eu aucune condamnation pour viol au Darfour, elle a déploré cette situation d'impunité. Elle a par ailleurs plaidé en faveur de la réalisation d'une étude sur toutes ces réfugiés qui n'ont aucun statut et qui ne peuvent pas jouir de leurs droits.
MME BEHHADI IMEN (Association tunisienne des droits de l'enfant) a souhaité répondre à la représentante de la Fédération internationale des Ligues des droits de l'homme qui s'était exprimée hier, lui reprochant de s'être violemment attaquée aux pays arabes en les taxant de misogynie, d'hypocrisie et de violation des droits des femmes. Elle a souligné que son pays, la Tunisie, a ratifié la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et que les droits de la femme ont été considérablement consolidés dans le pays. La femme tunisienne est une citoyenne épanouie qui a un statut juridique, social, économique et politique accompli qui ne diffère en rien de celui de l'homme, a-t-elle fait valoir. En conclusion, Mme Imen a estimé que le rôle des organisations non gouvernementales dans la consolidation des droits de l'homme est certainement important, mais qu'elles ne doivent pas pêcher par généralisation hâtive et le manque d'objectivité.
M. ALEXEY O. GOTTYAEV (Fédération de Russie) a souligné que la lutte contre le terrorisme, une menace universelle, est une priorité pour son pays. Le représentant s'est félicité que la Sous-Commission, dans son rôle de forum d'experts, soit prête à apporter sa contribution à la résolution de ce problème. Le représentant a salué le travail de Mme Kalliopi Koufa sur le terrorisme et estimé que le potentiel de la Sous-Commission dans ce domaine doit pouvoir se développer. Il convient de prendre en compte les droits des victimes du terrorisme et d'établir la responsabilité des groupes terroristes, a dit le représentant, saluant la contribution de
M. Emmanuel Decaux à cet égard.
MME FOROUZANDEH VADIATI (Iran) a rappelé que les Nations Unies disposent de mécanismes qui visent à lutter contre la menace du terrorisme, mais que l'organisation a rencontré des obstacles dans l'élimination du terrorisme. Certains États utilisent la lutte contre le terrorisme pour répandre la haine entre les cultures et les religions, a-t-elle souligné, et elle devient plus préoccupante que le terrorisme lui-même. Il faut lutter contre l'utilisation abusive du terme «terrorisme», a poursuivi Mme Vadiati. S'agissant des tensions actuelles au Moyen-Orient, elle a souligné que la puissance occupante utilise ce prétexte pour cacher ses faits de guerre, ainsi que la détention et la violation des droits de milliers d'Arabes. Enfin, elle a souhaité que cette question soit reflétée dans le rapport de la présente session de la Sous-Commission.
Examen du rapport du Groupe de travail sur les minorités
M. GUDMUNDUR ALFREDSSON, expert de la Sous-Commission et Président-Rapporteur du Groupe de travail, a présenté le rapport sur la douzième session du Groupe de travail sur les minorités (A/HRC/Sub.1/58/19*, à paraître), qui s'est tenue du 8 au 11 août, en faisant valoir que les débats de cette session ont été largement suivis par des représentants de minorités et d'organisations non gouvernementales. Des dizaines de déclarations ont été entendues sur la situation concrète des minorités, déclarations résumées dans le rapport. Seules quatre séances, soit deux jours de travail au lieu de quatre habituellement, ont pu être organisées cette année, ce qui est insuffisant, a déploré M. Alfredsson. Le Groupe de travail a adopté des recommandations qui reflètent les travaux réalisés et préconisent le maintien d'un organe d'experts sur les minorités qui soit ouvert et qui garantisse la participation des acteurs concernés. Le rapport contient quatre annexes, dont une déclaration d'organisations non gouvernementales concernant l'avenir du Groupe de travail, a indiqué M. Alfredson.
M. GÁSPÁR BÍRÓ, expert de la Sous-Commission, a relevé que depuis dix à quinze ans, des progrès importants ont été réalisés s'agissant du respect des droits des minorités. Mais des problèmes manifestes persistent, notamment en matière de reconnaissance des minorités, a-t-il souligné. Il y a des situations ou les minorités ne veulent pas être considérées comme telles, mais comme nationalité ou peuple, a-t-il fait observer, estimant qu'à l'avenir, le Groupe de travail pourrait aborder cette question. Il a aussi fait observer que les financements visant à permettre aux minorités de disposer de leurs propres institutions posent toujours problème. Il faudra aussi se pencher sur le problème de la participation insuffisante des minorités à la vie publique. Il a souhaité que soit maintenu le Groupe de travail.
MME ANTONELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a remercié les membres du Groupe de travail, dont la méthode de fonctionnement est exemplaire. Après avoir lu le rapport, Mme Motoc a dit attendre encore des réponses juridiques à certaines questions: quelle est, par exemple, la distinction en droit entre «minorités» et «peuples autochtones», une question qui se pose en Afrique et en Asie, notamment. Mme Motoc a demandé dans quel sens la notion de minorité allait évoluer. Par ailleurs, a dit l'experte, une notion récente de «nouvelles minorités», sans lien ancestral avec les territoires des pays sur lesquels elles sont installées, est en train d'émerger. Enfin, Mme Motoc a évoqué la situation des Roms d'Europe centrale et orientale, minorité qui a déjà fait l'objet de nombreuses initiatives au niveau européen. Comment intégrer des minorités non traditionnelles, et comment conceptualiser l'existence d'une minorité au niveau international?
MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a abordé la question des travailleurs migrants. Toute étude sur cette question implique d'avoir à l'esprit diverses considérations, et notamment que le travailleur migrant ne doit pas, dans le pays où il travaille, être traité comme un migrant, mais comme un être humain. Il n'est pas un voleur d'emploi, un trafiquant de drogue ou un terroriste, a poursuivi Mme Warzazi. Elle a à cet égard regretté que l'Europe se barricade de plus en plus, soulignant que toutes les études réalisées à ce jour indiquent que l'Europe nécessitera un grand nombre de travailleurs étrangers, du simple fait que sa population vieillit et que le système social mis en place ne permettra pas de soutenir les plus âgés à l'avenir. Ce n'est pas un mal dont on doit se protéger, a-t-elle estimé, mais un facteur de progrès et de rapprochement. S'agissant des migrants clandestins, elle a souligné que ces vagues de migration de plus en plus grandes auxquelles on assiste actuellement posent problème. Elle a à cet égard souhaité attiré l'attention sur les conséquences que ces vagues ont sur les pays intermédiaires comme le Maroc. Ce pays, conscient du problème, a par ailleurs organisé une grande conférence sur le sujet, a-t-elle précisé. Enfin, elle a souhaité que cesse «l'émigration sélective» qui prive les pays africains des leurs cerveaux.
M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a rappelé que les recommandations du Groupe de travail insistent notamment sur le fait qu'il s'agit du seul organe des Nations Unies consacré aux minorités: il convient donc d'argumenter très clairement pour le maintien de ce Groupe de travail ou pour l'instauration d'une structure similaire. Il faut garder à l'esprit qu'il s'agit d'une demande des minorités elles-mêmes. La plupart des conflits dans le monde impliquent des minorités à un titre ou un autre, a aussi dit l'expert, ce qui justifie d'autant plus le maintien d'une structure telle le Groupe de travail. M. Bengoa a aussi évoqué la tenue en 2005 d'une réunion à Chincha, au Pérou, un lieu symbolique de l'esclavage en Amérique du Sud, réunion à laquelle participaient notamment des experts des Nations Unies, et dont les résultats ont permis de mettre en lumière les problèmes spécifiques auxquels sont confrontés les populations d'ascendance africaine.
Le Président-rapporteur du Groupe de travail, M. ALFREDSSON a rappelé que le terme minorité, outre le fait qu'il implique l'existence de caractéristiques nationales, religieuses ou linguistiques qui se distinguent de la population, associé à une «auto-identification», comprend une dimension de temps. L'élément «temps» de la définition est le plus controversé et le plus difficile, a-t-il estimé. Il a fait observer qu'il n'y a pas de minorités instantanées qui surgissent dans un pays donné. Elles ne deviennent pas ipso facto une minorité, il faut du temps, a-t-il poursuivi, et l'estimation de cette durée diffère selon les pays. Il a souligné que la question du facteur temps restait ouverte. Il a également attiré l'attention sur l'importance de ne pas élargir les droits des minorités à tous les nouveaux habitants d'un pays. Ceci aurait pour conséquence de diluer les droits des minorités. Enfin, il a souligné la question des minorités régionales qui, à cause de l'histoire ou des traditions, ont traversé les frontières. Ces minorités dispersées, comme les Roms par exemple, devraient avoir le droit de traverser les frontières nationales, a-t-il fait observer.
M. SOLI JEHANGIR SORABJEE, expert de la Sous-Commission, a souligné qu'il fallait avant tout faire en sorte que les gouvernements soient amenés à reconnaître les minorités. Si un groupe répond à certains critères, cela doit suffire à le considérer comme une minorité. Des critères peuvent être tirés d'éléments statistiques, l'importance numérique par exemple, mais le nombre ne suffit pas toujours, comme le montre la situation des Noirs dans l'Afrique du Sud au temps de l'apartheid: c'est le fait de ne pas être en position dominante qui importe ici. Il faut donc mettre au point une définition opérationnelle des «minorités», a estimé l'expert.
Examen du rapport du Groupe de travail sur les populations autochtones
M. YOZO YOKOTA, Expert de la Sous-Commission et Président-Rapporteur du Groupe de travail, a présenté le rapport du Groupe de travail sur les populations autochtones (A/HRC/Sub.1/58/22, à paraître), dont la vingt-quatrième session s'est tenue à Genève du 31 juillet au 4 août. Il a souligné que trente-trois États membres ont participé aux séances du Groupe de travail, ainsi que des organisations des Nations Unies et un grand nombre de représentants de populations autochtones et d'organisations non gouvernementales. Il a fait observer, à l'instar de M. Alfredsson, que tous les Groupes de travail ont souffert de contraintes, regrettant que plusieurs réunions aient été organisées en parallèle. Les incertitudes quant à leur avenir et l'avenir de la Sous-Commission en général a également exercé une influence sur les travaux des Groupes de travail, a-t-il souligné. Il a souligné l'importance de permettre au Groupe de travail de poursuivre ses travaux. M. Yokota a souligné que tous les problèmes exposés par les représentants des populations et d'organisations non gouvernementales ne pouvaient pas tous figurer dans les divers points développés dans le rapport. Le Groupe de travail a toutefois établi une liste des nouveaux thèmes qui devraient être traités à l'avenir. On ne peut pas vraiment ressentir dans sa chair le problème des populations autochtones, a-t-il fait valoir, et la seule manière de traduire de manière correcte leurs vues est d'écouter leurs représentants. Il s'agit là d'un exercice extrêmement productif, a-t-il poursuivi. Enfin, il a attiré l'attention sur les nombreuses recommandations faites par le Groupe de travail et a espéré que les membres les appuieront.
M. JOSÉ BENGOA, expert de la Sous-Commission, a dit l'importance des questions relatives aux droits des populations autochtones, surtout en cette année qui a vu l'adoption d'une Déclaration les garantissant. Il serait utile de comparer ce qui a été accompli ces dernières années par la Sous-Commission et ce qui a été fait par la Commission. On verrait ainsi les points forts et les faiblesses de la Déclaration. Sa force réside essentiellement dans le fait qu'elle pose expressément des droits collectifs, comme par exemple le droit à l'autodétermination, a souligné M. Bengoa. Il y a d'autres éléments importants, notamment le droit à réparation, mentionné à l'article 38 et considéré il y a peu comme irréalisable. Le texte contient néanmoins des faiblesses. Fruit de longues négociations, il semble parfois peu homogène au lecteur qui n'est pas au fait des enjeux qui ont sous-tendu sa rédaction. Il faudrait à cet égard pouvoir disposer de critères normalisés pour la rédaction d'instruments afin d'en garantir la cohérence, a suggéré l'expert. Enfin, il faut appeler l'Assemblée générale à adopter la Déclaration sur les droits des peuples autochtones.
M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, expert de la Sous-Commission, a exprimé sa satisfaction d'avoir pu travailler au sein de ce Groupe de travail. Cela fait bientôt 25 ans que ce Groupe de travail existe, personne n'en a interrompu l'activité et le Conseil des droits de l'homme est en train d'examiner son avenir, a-t-il précisé, soulignant que l'issue de ces débats verra peut-être l'interruption des activités du Groupe de travail. Il a rappelé qu'il faut en finir avec l'aliénation sociale et la discrimination dont font l'objet tant de populations autochtones dans le monde. S'agissant du projet de déclaration qui sera soumis à l'Assemblée générale, il a rappelé qu'il consacre une des formes par lesquelles les peuples autochtones peuvent exercer leur droit à l'autodétermination et que c'est n'est pas la seule. Il a par ailleurs insisté sur le fait que la Charte consacre aussi le droit à l'autodétermination. Il a en outre espéré que cette déclaration soit adoptée par l'Assemblée générale et souligné que toute recommandation de la part de la Sous-Commission à l'Assemblée générale n'aurait pas la force des recommandations émises par le Conseil des droits de l'homme.
MME ANTONELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a souligné que le Groupe de travail sur les populations autochtones est l'un des plus efficaces de la Sous-Commission. Elle a exprimé le souhait que le Groupe de travail continue ses activités, compte tenu des réactions très positives des populations autochtones elles-mêmes. Mme Motoc s'est félicitée par ailleurs de l'adoption du projet de Déclaration des droits des peuples autochtones. Elle a relevé deux difficultés juridiques, la première ayant trait au recours au droit coutumier ou primitif des peuples autochtones, un droit non officiel qui est utilisé dans certains pays et dont l'application pourrait résoudre certains problèmes. Un autre problème tient à la relation parfois conflictuelle entre l'affirmation des droits des femmes et le maintien des droits des peuples autochtones. Sans doute la Sous-Commission devra s'attacher à mieux documenter le rôle et la place réels des femmes au sein des populations autochtones.
M. GUDMUNDUR ALFREDSSON, expert de la Sous-Commission, a estimé que le Groupe de travail sur les populations autochtones constitue l'une des instances les plus importantes du système des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme. Et il faut que cette possibilité pour les populations autochtones de s'exprimer continue d'exister et que soit maintenu le Groupe de travail, a préconisé M. Alfredsson. S'agissant de la déclaration de M. Alfonso Martínez, il a pour sa part exprimé quelques réserves sur l'emploi du terme «autodétermination», mais tenu à souligner qu'il n'appartient pas à la Sous-Commission d'intervenir sur cette question.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, s'est interrogé sur la notion d'autodétermination dans le contexte des droits des peuples autochtones. Historiquement, elle a été utilisée pour justifier des luttes d'indépendance nationale. Aujourd'hui, il existe un risque que cette notion soit utilisée à l'appui de revendications autonomistes pas toujours justifiées. De même, il doit être clairement précisé que le bénéfice de l'exploitation des ressources naturelles par les peuples autochtones ne signifie pas qu'ils disposent de la souveraineté sur ces ressources. Les populations autochtones sont liées à la terre mais restent liées à un État, a rappelé l'expert.
MME CHRISTY MBONU, experte de la Sous-Commission, a indiqué qu'elle approuvait entièrement les propos de M.Guissé. Le Groupe de travail sur les populations autochtones n'a pas été créé pour pointer du doigt les États membres, a-t-elle précisé. Elle a estimé qu'il importe que les populations autochtones puissent jouir de leurs droits, mais qu'il ne faut pas mélanger cette question avec celle de l'autodétermination.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a souligné qu'il fallait reconnaître et respecter les droits traditionnels et culturels des personnes appartenant à des minorités. Cette reconnaissance est absolument nécessaire. Elle a fait observer que les minorités se voient spoliées de leurs droits en particulier en raison des droits liés à la propriété intellectuelle. Peut-être devraient-ils breveter leurs droits traditionnels et coutumiers, avant qu'ils en aient été spoliés, a-t-elle suggéré. Enfin, elle a préconisé que, quel que soit l'avenir des travaux du Groupe de travail et de la Sous-Commission, une attention particulière soit accordée à cette question.
Le Président-Rapporteur du Groupe de travail, M. YOKOTA, a fait valoir que les organisations non gouvernementales attendaient du Groupe de travail, ou de son organe successeur, qu'il traite avec tout le sérieux requis l'adoption de la Déclaration sur les droits des peuples autochtones et en précise certains points controversés, comme par exemple la notion d'autodétermination. Cette notion a fait l'objet d'un travail important de Mme Erica-Irene Daes qui doit servir de base à toute réflexion. Le seul fait que la Déclaration ait été adoptée par le Conseil des droits de l'homme est un progrès, a aussi dit M. Yokota, estimant qu'il convient de demander à l'Assemblée générale de l'adopter à son tour. L'expert s'est félicité de la forte participation des peuples autochtones aux travaux du Groupe de travail, une participation qui devrait être encouragée par des mesures destinées à faciliter la participation aux travaux du Groupe de travail. Un organe militant pour les droits des populations autochtones devrait suivre la manière dont les gouvernements appliquent ces dispositions, ce qui implique l'existence d'un organe des Nations Unies spécialisé, a dit M. Yokota. En réponse à une question de Mme Motoc, l'expert a confirmé que le recours aux règles du droit coutumier pourraient théoriquement résoudre certains problèmes. Cependant, il n'a pas été possible d'entrer jusqu'ici dans les droits coutumiers des différents peuples autochtones, une tâche énorme qui devra être assumée par le nouvel organe. Quant aux règles coutumières qui limitent les droits des femmes, la résolution de ce problème demandera de grands efforts de dialogue avec les États concernés.
Débat général sur la prévention de la discrimination
M. MASOOD KHAN (Pakistan, au nom de l'Organisation de la Conférence islamique, OCI) a déploré le fossé qui se creuse entre les mondes musulman et occidental. Aucune réponse à ce problème n'a encore été trouvée. Le Conseil des droits de l'homme a dénoncé la tendance actuelle à la diffamation des religions, a rappelé le représentant, faisant valoir que toute incitation à la haine religieuse est illégale. Plusieurs millions de musulmans vivent en Europe, dont les politiques d'intégration ont été revues à la baisse depuis quelque temps. Une véritable campagne de diabolisation de l'islam fait rage dans ces pays. Les citoyens musulmans de ces pays se sentent fragilisés, exactement comme les Juifs au début du XXe siècle. On constate en fait une volonté d'expulser les migrants musulmans, a dit le représentant. Il n'existe en fait pas de tension entre liberté de religion et respect des droits de l'homme. Par contre, le droit d'expression n'est pas illimité et ne doit pas conduire à des comportements antireligieux. Des règles internationales doivent garantir le respect des religions et dissuader toute incitation à la haine. La Sous-Commission peut guider le Conseil des droits de l'homme dans la préparation de telles normes de droit international, a estimé le représentant. Des tentatives sont faites dans le monde islamique pour lutter contre l'obscurantisme, une charte des droits de l'homme étant en préparation par l'OCI, a-t-il annoncé.
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