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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION EXAMINE DES RAPPORTS SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE

11 août 2004


11 août 2004


La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a poursuivi ce matin son débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie. Elle a été saisie dans ce cadre du rapport présenté par l'un de ses experts sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires, ainsi que du rapport de son Groupe de travail de session sur l'administration de la justice.

Présentant son rapport sur la question de l'administration de la justice par les tribunaux militaires, M. Emmanuel Decaux a rappelé que la Commission des droits de l'homme considère que la justice militaire doit faire partie intégrante de l'appareil judiciaire normal. En tout état de cause, les tribunaux militaires ne devraient être compétents que pour juger d'infractions militaires commises par des militaires, ont souligné nombre d'intervenants au cours du dialogue interactif qui a suivi la présentation de ce rapport.

La Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur l'administration de la justice, Mme Iulia-Antoanella Motoc, a notamment rappelé que l'ordre du jour du Groupe de travail cette année a porté en particulier sur les questions relatives à la justice pénale internationale; aux témoins et règles de la preuve; ainsi qu'à la mise en œuvre dans la pratique nationale de l'obligation de fournir des mesures correctives nationales. Deux thèmes généraux ont été identifiés pour la prochaine session, a précisé Mme Motoc: la question des femmes et du système de justice pénale et celle de la justice pénale internationale.

Au cours de la présente séance, les experts suivants ont participé aux discussions : M. Emmanuel Decaux, M. El-Hadji Guissé, M. Lee A. Casey, M. Mohamed Habib Chérif, Mme Françoise Jane Hampson, Mme Iulia-Antoanella Motoc, Mme Kalliopi Koufa, Mme Halima Embarek Warzazi et Mme Chin Sung Chung.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre des débats de ce matin : Voluntary Action Network India; All for Reparations and Emancipation; Conseil mondial de la paix; Association américaine de juristes; Japanese Workers Committee for Human Rights; Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes; Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers; Internationale des résistants à la guerre; Commission internationale de juristes; South Asia Human Rights Documentation Centre; Atlas - Association tunisienne pour l'auto-développement et la solidarité; Association internationale des juristes démocrates; Association pour l'éducation d'un point de vue mondial; et Japan Fellowship of Reconciliation.

Des organisations non gouvernementales ont notamment souligné que les tribunaux militaires ne sont pas des tribunaux de justice car ils ne respectent pas les critères d'indépendance, d'objectivité et d'impartialité qui doivent prévaloir en matière d'administration de la justice. Un autre intervenant a pour sa part estimé que l'option consistant à abolir les tribunaux militaires était irréaliste. Il a lancé un appel à la communauté internationale afin qu'elle précise un cadre et des principes relatifs au fonctionnement de ces tribunaux.


La Sous-Commission achèvera son débat sur ces questions cet après-midi, à partir de 15 heures.


Présentation de rapports sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a présenté son rapport sur la question de l'administration de la justice par les tribunaux militaires en rappelant que ce travail s'inscrit dans la poursuite de la voie tracée par son prédécesseur, M. Louis Joinet. Cette étude est arrivée à un tournant, a souligné M. Decaux, précisant qu'il attend à cet égard beaucoup du dialogue interactif qui va suivre cette présentation. Il a rappelé que la résolution 2004/32 de la Commission demande «aux États qui ont institué des tribunaux militaires ou des tribunaux pénaux spéciaux pour juger les auteurs d'infractions pénales de veiller à ce que ces tribunaux, lorsque le droit applicable l'exige, fassent partie intégrante de l'appareil judiciaire normal»; ce faisant, la Commission fournit la clef de l'étude en cours, à savoir que la justice militaire fait partie intégrante, doit faire partie intégrante de l'appareil judiciaire normal. Il s'agit en quelque sorte de normaliser la justice militaire, de la banaliser, de la civiliser, autrement dit d'en faire une justice digne de ce nom, une justice comme une autre.

Tout en se disant conscient que, pour les pays latino-américains, justice militaire a trop longtemps rimé avec dictature militaire, M. Decaux a déclaré que l'actualité montre aussi qu'une justice militaire digne de ce nom peut être un ultime garde-fou face à l'arbitraire et l'impunité. La difficulté principale est de déterminer les compétences résiduelles de cette justice qui ne saurait juger les civils mais qui ne saurait non plus devenir une justice corporative, a poursuivi M. Decaux. Le principal argument en faveur de la justice militaire est son caractère «exportable», disponible sur le terrain, notamment lors d'opérations extérieures, à proximité des témoins et des victimes.

Dans son rapport sur la question de l'administration de la justice par les tribunaux militaires (E/CN.4/Sub.2/2004/7), M. Emmanuel Decaux souligne qu'il serait très utile qu'une très large consultation des États comme des organisations internationales, des institutions nationales de promotion et de protection des droits de l'homme et des organisations non gouvernementales permette un examen approfondi du projet de principes sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires, par l'ensemble des personnes intéressées. M. Decaux recommande par ailleurs l'organisation, par la Commission internationale de juristes, sous les auspices du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, d'un deuxième séminaire d'experts, notamment militaires. À cet égard, il souligne que certains aspects mériteraient d'être mieux explorés, comme la portée du principe non bis in idem ainsi que des conflits positifs de compétence entre les juridictions militaires et les juridictions ordinaires; la distinction entre infractions disciplinaires et délits et crimes militaires, et la liste des incriminations figurant dans les codes de justice militaire, y compris lorsque ceux-ci sont appliqués par la justice de droit commun. La question des pouvoirs d'enquête et de poursuite sous le contrôle de la justice militaire ainsi que le rôle de la police militaire en amont du déclenchement des poursuites devant les juridictions militaires mériterait également d'être mieux explorée. En outre, il conviendrait de mieux explorer le régime juridique des prisons militaires et leur place dans l'ensemble du système de la justice militaire; la notion de personnels assimilés ainsi que la participation de forces paramilitaires ou de contractants privés à des régimes d'occupation internationale ou à des opérations de maintien de la paix.


Débat interactif

M. EL-HADJI GUISSé, expert de la Sous-Commission, a encouragé M. Decaux dans ces recherches d'une justice militaire qui puisse répondre à la notion d'infraction militaire, c'est à dire attachée exclusivement à l'acte militaire. En aucun cas, a souligné l'expert, des civils ne sauraient être soumis à la compétence des tribunaux militaires. Au-delà de cette précision de l'infraction militaire, a-t-il déclaré, il faut également demander à l'infraction militaire de rester dans le cadre des définitions classiques des infractions.

M. LEE A. CASEY, expert de la Sous-Commission, a exprimé son désaccord avec l'idée que la justice militaire est d'une qualité moindre. Il a ensuite appuyé l'idée que les civils ne doivent pas être soumis à la justice militaire, sauf circonstances extrêmes. M. Casey a par ailleurs estimé que la création de tribunaux militaires ne viole pas forcément la séparation des pouvoirs. Toute personne accusée a droit à un procès impartial, a affirmé l'expert. Il faut rejeter l'idée que les tribunaux militaires sont, de par leur nature même, incapables d'impartialité. M. Casey a enfin rappelé que la tendance abolitionniste n'est pas universelle.

M. MOHAMED HABIB CHÉRIF, expert de la Sous-Commission, a déclaré que l'étude de M. Decaux sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires a le mérite d'être à la fois exhaustive et subjective. La juridiction militaire dans bien des pays constitue une atteinte à l'intégrité de l'appareil judiciaire, a rappelé M. Chérif. Il a déclaré que la tentative de constitutionnalisation des tribunaux militaires ne peut avoir d'effet juridique car elle ne peut placer ces juridictions au-dessus de la loi. La juridiction militaire porte atteinte à l'unité de la justice, a insisté M. Chérif. Vu tous ces inconvénients, il faut préconiser l'abolition des tribunaux militaires ou, à défaut, dans un premier temps, restreindre leur compétence aux seules infractions disciplinaires perpétrées dans la seule sphère militaire par du personnel militaire.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a indiqué qu'elle était d'accord avec M. Lee Casey pour dire qu'il est possible que la justice militaire puisse être appliquée de manière équitable. Elle a toutefois fait remarquer que ce n'est pas le cas dans de nombreux pays. En revanche, pour ce qui est de savoir sur qui les tribunaux militaires ont juridiction, Mme Hampson a rappelé que dans le droit des conflits armés, il n'y a pas de combattants illégaux; il y a uniquement les combattants et les civils. À ce sujet, ce n'est pas aux États-Unis de dire ce que doit être l'avis de tous les autres pays, a souligné Mme Hampson. Dire qu'il y a un doute quelconque quant à l'idée qu'infliger la peine capitale à un mineur est contraire au droit international relève du fantasme, a ajouté l'experte. Tous les pays à l'exception de la Somalie et des États-Unis ont ratifié la Convention relative aux droits de l'enfant, a-t-elle insisté. Il n'y a aucun doute quant au fait qu'il n'est pas possible d'assurer un procès équitable pour des civils devant un tribunal militaire, a poursuivi Mme Hampson. Tous les textes existants le disent, a-t-elle insisté.

M. EL-HADJI GUISSé, expert de la Sous-Commission, a souligné qu'il ne pense pas que la justice militaire est fondamentalement injuste mais qu'elle doit répondre aux exigences du droit à un procès équitable. M. Guissé a rappelé que la jurisprudence de Nuremberg avait été écartée parce qu'elle représentait une justice partisane, la justice des vainqueurs sur les vaincus. Si nous nous inquiétons de la justice militaire telle qu'elle est rendue, c'est que nous savons que la plupart des droits reconnus à l'être humain ne sont pas respectés par cette justice là. Il faut que l'être humain puisse être protégé par le droit et la justice. Ces inquiétudes levées, rien ne s'oppose à ce que des tribunaux militaires soient présidés par des civils.

M. CASEY, expert de la Sous-Commission, a notamment expliqué que Nuremberg a été critiqué par plusieurs générations pour avoir imposé la justice des vainqueurs. Toutefois, des milliers de commissions militaires ont été créées à la suite de la seconde guerre mondiale. Les normes de justice étaient respectées de manière inattaquable et obéissaient aux normes fondamentales.

MME HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a notamment souligné que la Cour européenne des droits de l'homme a interprété les termes «indépendant» et «impartial» de la même manière que la Cour interaméricaine des droits de l'homme, soulignant qu'il n'est pas possible que des civils soient jugés par des tribunaux militaires.

M. CASEY, expert de la Sous-Commission, a mis l'accent sur la nécessité de veiller à ce que certains ne profitent pas d'un statut qui leur permettrait de bénéficier des privilèges des civils tout en se comportant comme des combattants.

MME IULIA-ANTOANELLA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a exprimé son attachement au principe de l'interdiction de la compétence des tribunaux militaires pour connaître des violations massives des droits de l'homme. C'est un principe très utile, a-t-elle souligné. On a eu des exemples de tribunaux militaires se chargeant de tels crimes en leur donnant d'autres qualifications, en organisant des procès vitrines et en prononçant des condamnations peu sévères. Partant, Mme Motoc a demandé dans quelles conditions les tribunaux civils peuvent-être à même de se saisir efficacement de ce type d'affaires.

MME KALLIOPI KOUFA, experte de la Sous-Commission, a appuyé les principes contenus dans le rapport présenté par M. Decaux. Elle a encouragé l'expert à poursuivre son travail pour préciser les principes, un travail qui s'inscrit dans le rôle important que joue la Sous-Commission en matière d'élaboration de règles.

MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a affirmé que l'étude de M. Decaux reflète les problèmes qu'ont suscité parmi les membres de la Sous-Commission certaines situations. Elle a apporté son soutien sans réserve à tous les principes et recommandations énoncés dans le rapport de M. Decaux.

MME RACHEL BRETT (Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers)
s'est félicité du rapport de M. Decaux et des principes qu'il contient. La question de l'objection de conscience, qui fait l'objet de l'un des principes énoncés dans le rapport, continue d'être source de difficultés à travers le monde, a rappelé le représentant. S'agissant de la question des mineurs, il a toutefois relevé que le rapport ne mentionne pas le Protocole à la Convention relative aux droits de l'enfant qui traite de l'implication des enfants dans les conflits armés, pas plus qu'il ne mentionne la Convention n°182 de l'OIT sur les pires formes de travail des enfants qui interdit la conscription, forcée ou non, dans les forces armées.

M. MICHEL MONOD (Internationale des résistants à la guerre) s'est dit préoccupé par le sort des objecteurs de conscience. Il a fait valoir que le rapport de M. Decaux présente les objecteurs de conscience comme des civils qui ne sauraient être traduits en justice devant un tribunal militaire. Il faudrait ajouter à la liste des personnes auxquelles la peine de mort ne peut pas être appliquée les objecteurs de conscience, dont les droits ont été dûment reconnus, conformément à l'Observation générale n°22 du Comité des droits de l'homme. Pourtant, on constate que plusieurs pays ont exécuté des déserteurs, a souligné le représentant.
MME CORDULA DROEGE (Commission internationale de juristes) a mis l'accent sur la nécessité de dé-marginaliser la justice militaire et de la ramener dans le cadre des droits de l'homme. Pour la ramener dans le cadre des droits de l'homme, il faut s'assurer qu'elle respecte les principes d'indépendance et d'impartialité, a précisé la représentante. Elle a mis l'accent sur la nécessité d'assurer que les tribunaux militaires ne jugent pas des civils.

M. ADRIEN-CLAUDE ZOLLER (South Asia Human Rights Documentation Centre) a relevé que, très souvent, les tribunaux militaires ne permettent dans la pratique que des semblants de procès et assurent l'impunité. Selon le représentant, deux options se présentent : la première consiste à abolir les tribunaux militaires, mais cela ne semble pas réaliste; la deuxième consiste à soumettre les tribunaux militaires à des règles classiques de la justice, ce qui semble plus approprié. Aussi, le représentant a-t-il encouragé la communauté internationale à préciser les principes et le cadre de fonctionnement des tribunaux militaires.

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a rappelé que les principes qu'il a examinés s'adressent à tous les États de la planète. Il a également rappelé que l'essentiel de sa démarche consiste à élaguer pour arriver à des règles minimales de fonctionnement des tribunaux militaires. Il y a une compétence résiduelle des juridictions militaires qui s'accompagne de conséquences sur la justice ordinaire et qu'il faudra creuser. L'expert a déclaré que la création d'une juridiction d'exception par l'exécutif pose un véritable problème au regard du principe de la séparation des pouvoirs. La question de l'impartialité des juges militaires ne se pose pas dans les mêmes termes pour la justice militaire et la justice civile. L'expert a rappelé l'importance du double degré de juridiction.


Présentation du rapport du Groupe de travail sur l'administration de la justice

Présentant le rapport du Groupe de travail sur l'administration de la justice (E/CN.4/Sub.2/2004/6, à paraître), qui a tenu deux séances de travail lors de la première semaine de la présente session de la Sous-Commission, MME IULIA-ANTOANELLA MOTOC, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail, a rappelé que l'ordre du jour portait en particulier, cette année, sur les questions relatives à la justice pénale internationale; aux témoins et règles de la preuve; ainsi qu'à la mise en œuvre dans la pratique nationale de l'obligation de fournir des mesures correctives nationales.

S'agissant de la justice pénale internationale, deux études faites par les membres du Centre des droits de l'homme de l'Université d'Essex ont été présentées devant le Groupe, a indiqué Mme Motoc, dont l'une portait sur la question des droits de l'homme dans l'exécution du droit pénal international par les tribunaux nationaux. Une discussion sur le besoin de créer une forme de contrôle institutionnel de droits de l'homme des tribunaux pénaux internationaux a été initiée à partir d'un deuxième document de travail. Parmi les options proposées, celle visant la rédaction d'un protocole additionnel au Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui permettrait au Comité des droits de l'homme de recevoir des plaintes d'individus dont les droits garantis par le Pacte n'ont pas été respecté par les tribunaux internationaux, a été jugée comme la mesure qui serait le plus efficace.

Mme Françoise Jane Hampson ayant présenté son étude sur la pénalisation, l'enquête et la poursuite des actes de grave violence sexuelle, il a semblé nécessaire au Groupe de travail de donner de meilleures définitions du viol au niveau national, celles-ci étant souvent en désaccord avec les définitions utilisées par les tribunaux pénaux internationaux, a par ailleurs indiqué Mme Motoc. Elle a en outre souligné que le Groupe de travail considère que la condition de virginité pour entamer des poursuites judiciaires en cas de viol est une exigence excessive de preuve. De meilleures règles de la preuve et règles de procédure doivent être développées afin de protéger les victimes et les témoins d'agressions sexuelles, a ajouté Mme Motoc.

Deux thèmes généraux ont été identifiés pour la prochaine session, a poursuivi Mme Motoc: la question des femmes et le système de justice pénale et celle de la justice pénale internationale.


Dialogue interactif

MME CHIN SUNG CHUNG, experte de la Sous-Commission, s'est félicitée des travaux relatifs à la «justice transitionnelle», qui seront très utiles aux pays qui connaissent la transition d'un régime autoritaire à un régime démocratique. En effet, il n'y a eu jusque là que très peu de discussions sur les règles devant présider à la justice transitionnelle.


Suite du débat sur l'administration de la justice, l'État de droit et la démocratie

MME VINOD SHANKAR (Voluntary Action Network India) a souligné que les droits civils et politiques et les droits économiques, sociaux et culturels ne peuvent être réalisés sans le renforcement de la démocratie au niveau local, national et international. L'État de droit est un concept dynamique, a par ailleurs affirmé la représentante. En outre, elle a déclaré que la vitalité de la société civile est la seule garantie contre l'oppression du pouvoir. La représentante a également déclaré que la notion de droits est inséparable de celle de devoirs, les deux allant de pair. Aussi, nul ne saurait jouir de ses droits sans dans le même temps assumer ses devoirs. Il est important de veiller à ce que l'éducation aux droits de l'homme mette l'accent sur la notion de devoir, a-t-elle souligné.

M. MOHAMMAD AHSAN (All for Reparations and Emancipation) a déclaré que les barons féodaux primitifs n'ont jamais laissé la démocratie s'enraciner au Pakistan. Que ce soit durant les périodes de gouvernements démocratiques ou durant celles où a prévalu le régime de la loi martiale, le pouvoir au Pakistan, depuis la création du pays, a toujours été monopolisé par les mêmes 2% constituant la classe privilégiée. Souvent, le djihad a été soutenu par les barons exerçant le pouvoir à travers le pays, a poursuivi le représentant. Il a déclaré que le Pakistan doit renoncer à son système politique féodal. Pour cela, il faut démanteler le système féodal pour le remplacer par un système où la classe moyenne joue pleinement son rôle, a-t-il précisé.

M. ABBAS BUTT (Conseil mondial de la paix) a souligné qu'en dépit de la Déclaration des droits de l'homme, des millions de personnes sont toujours privées de leurs droits civils et politiques par manque de démocratie. Au Pakistan, a indiqué le représentant, certaines populations ne bénéficient d'aucun droit de l'homme depuis des siècles, notamment à Jammu-et-Cachemire. Le représentant a par ailleurs attiré l'attention de la Sous-Commission sur l'envoi systématique de personnes en provenance du Pakistan vers le Gilgit et le Baltistan. Un phénomène qui provoque le ressentiment des populations locales qui craignent de devenir des minorités dans leur propre région, a souligné le représentant. Il a demandé à la Sous-Commission de prendre les mesures appropriées pour mettre fin à de tels abus.

MME CECILIA TOLEDO (Association américaine de juristes) a souligné que les tribunaux militaires ne sont pas des tribunaux de justice car ils ne respectent pas les critères d'indépendance, d'objectivité et d'impartialité qui doivent prévaloir en matière d'administration de la justice. En tout état de cause, les tribunaux militaires ne devraient juger que des délits commis par des militaires, a souligné la représentante. Elle a jugé particulièrement dangereuse la proposition figurant au principe 1 du rapport présenté cette année par M. Decaux sur la question visant à ce que les tribunaux militaires se voient octroyer un rang constitutionnel, ce qui serait un moyen faire un peu plus obstacle encore à la possibilité de parvenir ultérieurement à leur suppression pure et simple. Avec l'objectif proclamé de démilitariser les tribunaux militaires, existe le risque de parvenir au résultat inverse, à savoir militariser l'administration de la justice, a estimé la représentante.

M. AKIRA MAEDA (Japanese Workers Committee for Human Rights) s'est félicité de la décision prise par la Cour de Niigata, le 26 mars dernier, par laquelle elle a enjoint au Gouvernement japonais et à une entreprise de dédommager à hauteur de 88 millions de yen les chinois contraints aux travaux forcés par l'armée japonaise au cours de la seconde guerre mondiale. Il a ajouté que les victimes d'esclavage sexuel continuent de souffrir de préjudices physiques et psychologiques et que, sans une juste indemnisation, leur dignité ne sera jamais rétablie. Il ne reste que peu e temps à ces personnes qui sont désormais très âgées, a souligné le représentant.

M. RIYAZ PUNJABI (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a souligné que de fortes institutions de gestion démocratique, fondées sur la primauté du droit, un pouvoir exécutif responsable et transparent, ainsi que des membres du pouvoir législatif élus et un pouvoir judiciaire indépendant sont les principaux indicateurs de la santé d'une démocratie. Selon une étude, a-t-il ajouté, sur 81 pays qui prétendent être démocratiques, 47 seulement le sont véritablement. À cet égard, le représentant a attiré l'attention de la Sous-Commission sur les situations où les institutions démocratiques sont monopolisées par les classes et groupes privilégiés de la société. Il a en outre souligné que la communauté internationale devrait exercer des pressions sur les pays qui se trouvent sous le contrôle plus ou moins direct de l'armée, afin qu'ils restaurent la démocratie dans leurs sociétés. Il a enfin mis l'accent sur le danger que représente le terrorisme, citant en exemple l'attaque dont ont été l'objet le Parlement indien et l'Assemblée d'État du Jammu-et-Cachemire, ainsi que les assassinats de dirigeants politiques populaires, notamment des dirigeants religieux modérés au Cachemire. Parfois, comme l'attestent des études, ces organisations terroristes antidémocratiques jouissent de la couverture bienveillante de régimes militaires. Il serait judicieux que la Sous-Commission envisage une résolution en réponse à de telles situations, a conclu le représentant.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a abordé la question des disparitions forcées, soulignant que les familles de disparus se trouvent dans une position terrible, dans une sorte de vide, tant qu'ils ne disposent pas des informations leur permettant d'accepter la situation. Pour une famille ou des proches de disparus, renoncer à savoir ce qui s'est passé équivaut à une trahison. Certains pensent que les disparitions forcées sont uniquement une pratique caractéristique de l'Amérique latine. En réalité, les nazis ont utilisé ce procédé pour terroriser les populations et plus récemment le rapport 2004 de Amnesty international montre que les disparitions forcées se produisent en Europe, en Afrique du Nord, en Afrique sub-saharienne et en Asie. S'agissant des négociations actuelles sur le projet de convention relative aux disparitions forcées, Mme Hampson a souligné que, étrangement, le droit à ne pas disparaître semble poser en lui-même un problème. À cet égard, Mme Hampson a rappelé que les États ont l'obligation de prendre des mesures effectives pour prévenir les disparitions forcées. En outre, aussi surprenant que cela puisse paraître, il semble que le droit des familles à savoir ce qui s'est passé en cas de disparition pose également problème, a souligné l'experte. Mme Hampson a exhorté le Groupe de travail à ne pas tomber dans le piège du consensus qui pourrait fausser le texte futur de la convention. Certes le consensus est souhaitable, mais il ne doit pas aller au delà d'une certaine limite, celle des acquis existants en droit international. Mme Hampson a finalement exhorté les membres du Groupe de travail de préserver l'espoir des milliers de proches de personnes disparues.

MME RACHEL BRETT (Comité consultatif mondial de la Société des amis - Quakers) a relevé qu'il a très peu été tenu compte jusqu'ici des problèmes que rencontrent jusqu'ici les femmes en prison. Elles sont souvent détenues dans des installations mixtes, a-t-elle notamment souligné. Le taux d'emprisonnement de femmes augmente rapidement, a fait observer la représentante. Dans de nombreux pays, les femmes autochtones constituent le groupe de la population carcérale qui augmente le plus rapidement, a-t-elle souligné. De façon générale, elle a attiré l'attention sur la vulnérabilité particulière des femmes en prison.

M. MONCEF BALTI (Atlas - Association tunisienne pour l'auto-développement et la solidarité) a déclaré que l'on ne peut parler de progrès et de développement sans parler de démocratie, d'état de droit, de justice, de liberté d'expression et d'autres valeurs civiles et politiques. Seuls le droit international et l'État de droit sont les garants de la protection et la promotion des droits de l'homme, a déclaré le représentant. Sans leur existence dans les faits et dans les idées, nous ouvrons la voie aux frustrations, à la haine et à la déstabilisation des sociétés. Il est évident que l'on ne pourra atteindre les résultats escomptés en matière de promotion et de protection des droits de l'homme, dans aucun pays du monde, sans une volonté politique concrétisée par des réformes d'ordre politique institutionnel, juridique et social.

MME HISAE SAITO (Association internationale des juristes démocrates) a indiqué avoir reçu des informations selon lesquelles le Gouvernement iraquien aurait démantelé sans raison, la semaine dernière, l'Association du barreau iraquien. Elle a par ailleurs rappelé que, de 1931 à 1945, le Gouvernement impérial japonais a mené une agression en Chine et ailleurs dans la région Asie-Pacifique. Beaucoup de Chinois et de Coréens ont été amenés au Japon pour y être forcés à travailler et de nombreuses femmes coréennes, chinoises et philippines ont été réduites à l'état d'esclaves sexuelles, a précisé la représentante. Si toutes ces violations de droits de l'homme se sont produites, c'est parce que le Gouvernement impérial japonais n'avait aucune notion de ce que sont les droits de l'homme. Il est regrettable que le Japon refuse toujours de verser des indemnisations individuelles et de présenter des excuses aux victimes.

M. DAVID LITTMAN (Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a notamment dénoncé l'illégalité de la réglementation relative à l'État d'urgence en Égypte. Il a par ailleurs dénoncé les discriminations dans le système de justice pénale égyptien, notamment à l'encontre des coptes. À cet égard, le représentant a demandé la libération de M. Abdul Malek. Le représentant a salué le rapport présenté par M. Decaux sur l'administration de la justice par les tribunaux militaires. Il a enfin souligné que les peuples de la région du Darfour au Soudan ont un besoin urgent de protection de la part de la communauté internationale. Si nous n'agissons pas maintenant, alors quand allons-nous agir, a-t-il demandé.

MME YURILO YABU (Japan Fellowship of Reconciliation) a déclaré que jusqu'à aujourd'hui, le Gouvernement japonais, considéré comme étant un gouvernement démocratique, n'a jamais admis l'esclavage sexuel militaire. La secte boudhiste Nishi-Hongwanji a activement soutenu la politique nationale menée pendant 15 ans par le Japon impérial contre plusieurs pays asiatiques à partir de 1931. Il est impératif, a affirmé la représentante, que le Gouvernement japonais et les adeptes de la secte s'excusent afin d'obtenir le pardon des victimes.

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