Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme
LA SOUS-COMMISSION EXAMINE DES RAPPORTS SUR L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE, L'ÉTAT DE DROIT ET AUTRES QUESTIONS
22 août 2006
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Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme
22 août 2006
La Sous-Commission de la protection et de la promotion des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, l'examen de rapports présentés hier par certains de ses membres au titre des «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme» et des questions relatives à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie. Elle a été saisie de quatre documents de travail au titre de ce dernier point, qui concernent le droit à un recours effectif contre les violations des droits de l'homme; les travaux du groupe de travail de session sur l'administration de la justice; la responsabilité du personnel international participant à des opérations de soutien de la paix; et les circonstances dans lesquelles les civils perdent l'immunité d'attaque dont ils jouissent en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme.
Les rapports présentés hier dont l'examen s'est poursuivi cet après-midi concernaient la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères et de petit calibre, les travaux du groupe de travail de session chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme; les droits de l'homme et la souveraineté des États; l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme; et la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle.
Présentant, au nom également de Mme Françoise Hampson, un document de travail consacré à la mise en œuvre du droit à un recours effectif contre les violations des droits de l'homme, M. Mohamed Habib Cherif, expert de la Sous-Commission, a notamment souligné que les instruments nationaux et internationaux garantissent certes le droit de recours, mais que c'est l'effectivité du droit au juge qui doit être concrétisée.
Rendant compte des travaux du groupe de travail de session sur l'administration de la justice, Mme Antoanella-Iulia Motoc a indiqué que, parmi les questions qui ont été abordées au cours de la dernière session du groupe de travail, figurent notamment celles de la responsabilité des membres du personnel des Nations Unies pour leurs actes dans le cadre des opérations de soutien de la paix; de l'applicabilité du droit humanitaire international et du droit relatif aux droits de l'homme; de l'amnistie et de l'impunité; et de la justice de transition.
De nombreux membres de la Sous-Commission ont commenté ces rapports et documents de travail.
Mme Françoise Hampson a en outre fait une déclaration dans laquelle elle s'est félicitée de ce que le Conseil des droits de l'homme ait adopté, en juin dernier, le projet de Convention sur les disparitions forcées et a exprimé l'espoir que l'Assemblée générale adopte à son tour cet instrument.
Jeudi matin, à 10 heures, la Sous-Commission se prononcera sur une trentaine de projets de résolutions dont elle est saisie.
Suite de l'examen des rapports portant sur des questions relatives aux armes légères, au terrorisme, ainsi qu'à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie
La Sous-Commission a poursuivi l'examen de rapports présentés hier par certains de ses membres (voir notre compte rendu de l'après-midi du 21 août) au titre des «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme» et de l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie. Il s'agit du rapport final de Mme Barbara Frey sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères et de petit calibre (A/HRC/Sub.1/58/27 et Add.1, à paraître), du rapport de Mme Kalliopi Koufa, Présidente du groupe de travail de session chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme (A/HRC/Sub.1/58/26, à paraître), ainsi que du document de travail de M. Vladimir Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté des États (E/CN.4/Sub.2/2006/7), l'étude détaillée de M. Emmanuel Decaux sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme (A/HRC/Sub.1/58/5), et le rapport préliminaire de Mme Lalaina Rakotoarisoa sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle (A/HRC/Sub.1/58/CRP.9, document de séance).
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, s'agissant du document de travail de M. Vladimir Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté des États, s'est notamment déclaré d'accord avec l'auteur pour dire que la souveraineté, qui représente le pouvoir suprême au sein d'un territoire et l'indépendance dans les relations internationales, ne revêt pas un caractère absolu. La souveraineté est limitée, au sein de l'État, par la volonté du peuple et, au plan international, par le droit international. La conception de la souveraineté du peuple dont l'exercice est assuré par l'État correspond au principe de l'autodétermination qui a donné sa base juridique au principe de l'indépendance des peuples coloniaux.
Par ailleurs, le document de M. Kartashkin dresse la liste des limitations que le droit international impose à la souveraineté des États. Cependant, a dit M. Yokota, il conviendrait peut-être de faire une distinction dans ce contexte entre la «limitation de la souveraineté» et la «limitation de l'exercice de la souveraineté». L'argumentation de M. Kartashkin semble en effet s'appliquer le plus souvent à des mesures touchant à la seconde option, qui explique d'ailleurs pourquoi les États peuvent recouvrer leur pleine souveraineté en dénonçant les traités qui les lient. Par ailleurs, le document pose que la souveraineté des États est fortement limitée par la caractérisation d'une série de violations massives des droits de l'homme en tant que «crimes internationaux». Si cette assertion est correcte, a observé M. Yokota, il n'en reste pas moins qu'il est très difficile d'appliquer ce principe, comme le montre l'exemple du Timor-Leste, où la plupart des agents du gouvernement responsables de violations des droits de l'homme lors des événements de 1999 ont échappé à toute poursuite effective. Enfin, a dit M. Yokota, il est certain que les efforts de la communauté internationale et des États pour faire respecter les droits et libertés fondamentaux ne peuvent être considérés comme autant d'ingérences dans les affaires intérieures des États. L'expert n'a pourtant pas partagé la conclusion selon laquelle les États ont le droit de prendre des mesures militaires unilatérales.
Revenant sur le rapport de Mme Lalaina Rakotoarisoa concernant la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, M. Yokota a noté que cette question recouvre partiellement la problématique soulevée dans le cadre du rapport de M. Kartashkin. Il est en effet extrêmement difficile de récolter des preuves des crimes sexuels systématiques commis contre les femmes lors des conflits, un problème compliqué encore par la réticence traditionnelle dans de nombreuses sociétés à aborder les sujets liés à l'intimité. C'est pourquoi les travaux de Mme Rakotoarisoa sont si importants, a dit M. Yokota, espérant que l'experte pourra poursuivre sa recherche.
M. ABDUL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a souligné l'urgence qu'il a aujourd'hui à élaborer des principes et directives sur les droits de l'homme et le terrorisme. Le travail de la Rapporteuse spéciale, Mme Kalliopi Koufa, et du Groupe de travail qu'elle préside devrait se poursuivre avec toute la diligence voulue et pourrait être la base d'une résolution des Nations Unies qui servirait de base de travail. La question de la coopération judiciaire doit être traitée distinctement, a estimé M. Sattar. L'expert a également déclaré soutenir les remarques de M. Chen Shiqiu qui exhortait le groupe de travail à avancer rapidement dans ses travaux. Si la Sous-Commission n'est pas en mesure de présenter un document dans les délais voulus, il sera plus difficile d'obtenir l'accord des États, a estimé l'expert.
M. Sattar a par ailleurs salué le document de travail de M. Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté de l'État, qui représente une véritable étude approfondie. «On voit se dessiner une tendance en faveur des droits de l'homme. La souveraineté ne doit pas être un obstacle à la jouissance des droits de l'homme», a-t-il relevé.
Concernant le rapport de M. Emmanuel Decaux sur l'application universelle des instruments en matière des droits de l'homme, ce rapport final reflète l'aboutissement d'un travail substantiel. Même encore en cours, ce travail a déjà porté ses fruits, a souligné M. Sattar.
S'agissant de l'étude de Mme Lalaina Rakotoarisoa, M. Sattar a souligné que les femmes s'éveillent et affirment leur droit à l'égalité et aux droits de l'homme universellement acceptés, mais le travail en ce domaine doit encore se poursuivre.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, réagissant au document de travail de M. Kartashkin, a constaté un éclatement de la notion d'État, qui est abordée indépendamment de celle de souveraineté. L'État est constitué au premier chef du peuple, puis du territoire, enfin de sa souveraineté: c'est la conception du droit international. L'État n'existe pas sans souveraineté: distinguer entre les deux principes revient à les affaiblir l'un et l'autre, a souligné l'expert. La souveraineté internationale représente la possibilité des États à participer à la vie de la communauté internationale. Il s'agit d'un aspect fondamental de la souveraineté. Jusqu'à une époque récente, l'individu n'existait que derrière l'État qui le représentait. Aujourd'hui, l'individu dispose des instruments juridiques qui lui permettent d'assigner les États en justice, pour autant que ces derniers aient adopté les instruments internationaux nécessaires. Il ne faut pas opposer cette notion à celle de droits de l'homme, ceux-ci sortant toujours perdants d'une telle confrontation, a dit l'expert. L'individu, doté des moyens de droit d'assigner son propre État en justice, se doit aussi de respecter une démarche donnée pour y accéder, car il se voit de fait investi d'un pan de la souveraineté nationale. M. Guissé a demandé ainsi à M Kartashkin de développer l'aspect de son étude concernant la relation entre les individus et les États en matière de l'exercice des droits de l'homme, compte tenu de la souveraineté des États.
M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, s'est associé aux membres de la Sous-Commission qui ont félicité et encouragé Mme Rakotoarisoa pour son travail sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle. Ce travail mérite tout le soutien de la Sous-Commission et du secrétariat, a-t-il estimé. M. Decaux a par ailleurs mis l'accent sur l'importance que revêt le Groupe de travail que préside Mme Koufa et qui est chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. Il est très utile qu'il y ait dans le système des Nations Unies un point focal avec quelqu'un qui dispose d'une expérience solide sur un sujet qui demande des analyses multidisciplinaires, a insisté M. Decaux.
S'agissant du document de travail de M. Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté des États, M. Decaux a relevé que, sur le plan de la méthode, ce document avait l'intérêt de montrer l'amplitude du sujet. Il serait néanmoins peut-être prudent de délimiter le sujet en établissant des priorités claires, a ajouté M. Decaux. Il faudrait en outre que ce travail soit collectif, compte tenu de la diversité des sources, a-t-il poursuivi. M. Decaux a insisté sur la nécessité d'éviter toute politisation concernant cette question. Le prochain document de travail sur ce sujet devrait présenter une problématique claire avec des hypothèses de travail, a affirmé M. Decaux. Sur le fond, M. Decaux a rappelé que la souveraineté comporte deux faces: l'une nationale et l'autre internationale. Prenant l'exemple de la France, il a rappelé que, dans la logique des institutions actuelles, c'est le peuple qui est le souverain. Cela peut se traduire par un certain nationalisme juridique mais aussi par une véritable démocratie, a noté M. Decaux. Pour ce qui est de la souveraineté internationale, a-t-il poursuivi, il convient de distinguer toute une série de problèmes de nature différente: les engagements de l'État qui limitent la souveraineté; le droit dérivé des organisations internationales; le rôle de la communauté internationale face à la souveraineté nationale et la question des États qui prétendent incarner la communauté internationale.
MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a jugé importante l'étude menée par M. Kartashkin sur le thème des droits de l'homme et de la souveraineté des États. Cette étude traite notamment de la situation des États en relation avec la notion d'ingérence humanitaire, a-t-elle relevé. À cet égard, M. Kartashkin aurait peut-être dû présenter un historique de cette notion qui est une invention française des années 1980-1990 visant à garantir l'acheminement de l'aide humanitaire dans certains pays précis, a affirmé Mme Warzazi. Il faudrait toutefois veiller à ce que les interventions militaires à caractère humanitaire soient totalement dépolitisées et conformes aux décisions du Conseil de sécurité, a-t-elle souligné. Elle a encouragé M. Kartashkin à poursuivre son travail.
Mme Warzazi a par ailleurs félicité M. Decaux pour son travail concernant l'application universelle des instruments internationaux des droits de l'homme. Elle a insisté sur l'importance extrême que revêt la ratification universelle de ces instruments. Grâce au rapport de M. Decaux, on dispose maintenant d'une bonne vue d'ensemble de l'engagement des États dans ce domaine, a-t-elle relevé. Une convention qui n'est pas suivie de manière systématique est condamnée à l'oubli, a-t-elle souligné. S'il y a effectivement régression par rapport aux engagements pris dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne, il appartiendra à M. Decaux de poursuivre son travail, a-t-elle ajouté.
Mme Warzazi s'est ensuite penchée sur le rapport de Mme Rakotoarisoa concernant la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, pour relever que les victimes, faute de preuve, sont privées de la possibilité de faire valoir leurs droits et de demander réparation. Les violeurs sont rarement condamnés et les victimes souvent stigmatisées au sein de leurs familles et communautés, a-t-elle rappelé. Les problèmes des crimes d'honneur et de la traite des femmes semblent impossibles à résoudre, compte tenu des sommes énormes qui sont en jeu, a affirmé Mme Warzazi. Il incombe aux États de prendre les mesures adéquates pour mettre un terme à des violences au sujet desquelles les victimes n'osent pas se plaindre ni témoigner, a-t-elle insisté. La question des preuves est problématique compte tenu de la clandestinité dans laquelle les crimes sont commis, a-t-elle insisté. Les organisations non gouvernementales doivent donc participer à la dénonciation des crimes. Les États devraient suivre l'exemple de l'Inde, qui a décidé de désigner des femmes parmi les juges et les policiers pour traiter les plaintes des victimes.
Mme Warzazi a également salué la qualité du travail réalisé par Mme Koufa s'agissant des droits de l'homme et du terrorisme. Il est certain que la vigilance quant au respect des droits de l'homme demeure de rigueur dans la lutte contre le terrorisme, a-t-elle souligné. Elle a enfin attiré l'attention sur l'importance du rapport de Mme Frey concernant les conséquences néfastes pour l'exercice des droits de l'homme de la disponibilité et de l'utilisation abusive d'armes légères et de petit calibre.
MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a félicité pour son travail le Groupe de travail chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. En ce qui concerne le travail effectué par Mme Rakotoarisoa sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, Mme Motoc a fait observer que ces questions connaissent actuellement une grande évolution dans le contexte du droit international. Elle s'est interrogée sur l'utilisation de la notion de mariage forcé, faisant observer que dans ce contexte, le terme de mariage est inapproprié; les termes «mariage forcé» devraient donc être retirés.
Mme Motoc a par ailleurs félicité M. Decaux pour son rapport final sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. La question du système dualiste et du monisme par rapport aux droits interne et international est très compliquée, a affirmé Mme Motoc, avant de relever que la frontière entre le dualisme et le monisme s'est estompée. L'experte a par ailleurs attiré l'attention sur deux autres questions qu'elle a jugées importantes, à savoir celle de la primauté des traités sur la législation interne et celle des traités ayant un caractère auto-exécutoire.
M. IBRAHIM SALAMA, expert de la Sous-Commission, a souligné que, dans le cadre de l'examen des rapports préparés par les experts de la Sous-Commission, il fallait définir les lacunes existantes et de proposer une ligne d'action. Le rapport de Mme Kalliopi Koufa est à cet égard un bon exemple de la définition d'un problème et de la proposition de moyens d'action. M. Salama a souligné le nombre et la qualité des documents présentés, et la qualité du débat autour de ces études. Le projet de principes et directives sur la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme arrive à point nommé. Même s'il a manqué de temps pour sa finalisation, la Sous-Commission devrait l'accepter.
Par ailleurs, M. Salama a salué le rapport de Mme Lalaina Rakotoarisoa sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, estimant très intéressante la spécificité de son approche, compte tenu du fait que l'importance du problème est sans doute beaucoup plus importante qu'il pouvait être soupçonné. Les bonnes pratiques proposées seront-elles suffisantes pour en faire des normes des droits de l'homme, et ne faudrait-il pas envisager des normes complémentaires, a cependant demandé l'expert. On pourrait envisager, à cet égard, de féminiser les procédures et les instances de traiter les plaintes et faire figurer ces exigences dans des normes complémentaires.
Plusieurs aspects de l'étude de M. Vladimir Kartashkin sont très stimulants, notamment l'idée que la véritable «intrusion» du droit humanitaire dans le domaine du droit international risque d'entraîner des problèmes. Du point de vue des droits de l'homme, les conclusions du rapport ne distinguent cependant pas assez clairement entre les interventions humanitaires collectives et les interventions unilatérales au regard de la Charte. La Sous-Commission a adopté une résolution sur l'intervention humanitaire et sa relation avec les droits de l'homme, a rappelé l'expert. Le problème soulevé implicitement est de faire la part des dimensions humanitaire et politique des situations portées à l'attention des organes des droits de l'homme des Nations Unies. Si l'on n'arrive pas à se départir de prises de positions politiques, on risque d'entraver la prise de décision destinée à faire appliquer le droit, comme on l'a vu récemment lors de la crise au Liban, a mis en garde M. Salama.
Concernant le rapport de M. Emmanuel Decaux sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, l'expert a jugé utile l'idée de déterminer, au-delà du constat de la non-ratification, la raison pour laquelle les États choisissent de ne pas ratifier tel instrument international. Certains choisissent cette solution au terme d'une réflexion sur leur possibilité de mettre en œuvre les dispositions des textes, d'autres connaissent tout simplement des difficultés matérielles insurmontables. Il est essentiel que les États soient sûrs de pouvoir appliquer les textes qu'ils adoptent, et qu'il ne s'agisse pas d'une simple manœuvre d'opportunité politique. Il faut aussi prévoir une assistance technique aux États qui ont des difficultés à assumer leurs obligations en vertu des organes des traités, a dit l'expert, qui a fait valoir que la souveraineté est une notion utile pour certains États qui souhaitent échapper à leurs obligations au regard du droit international.
M. MOHAMED HABIB CHERIF, expert de la Sous-Commission, a remercié M. Decaux pour son travail et lui a demandé à quel rythme s'effectuait le retrait par les États parties des réserves qu'ils ont émises sur les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Concernant le rapport de Mme Rakotoarisoa, M. Cherif a salué le développement de la question des dénonciations calomnieuses. D'autre part, il a relevé que l'appréciation des preuves différait selon les personnes en charge du dossier. Concernant le rapport de M. Kartashkin, la difficulté de son sujet vient d'un cercle vicieux: Si la souveraineté de l'État est respectée, tout contrôle sur les droits de l'homme risque d'être annulé. Toute la question est de doser entre souveraineté des États et contrôle négocié afin de protéger et promouvoir les droits de l'homme. Ce contrôle doit être marqué par la coopération fructueuse et non d'une ingérence, a déclaré M. Cherif.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a déclaré que les documents présentés sont à bien des égards liés entre eux, compte tenu de l'indivisibilité des droits de l'homme. En ce qui concerne l'obtention de preuves s'agissant de crimes sexuels, il existe certes des obstacles liés aux traditions à la recherche de la preuve, mais il est aussi possible de renverser la charge de la preuve, a dit l'experte. Mme O'Connor a également relevé la nécessité de charger des femmes de recueillir les plaintes, une démarche qui permet souvent de limiter des traumatismes supplémentaires pour les victimes.
Quant à la notion de souveraineté, Mme O'Connor a souligné, à l'instar de M. Salama, que les raisons qui empêchent les États de ratifier des traités ou de présenter des rapports tiennent parfois à des causes matérielles.
Répondant aux divers commentaires apportés par les membres de la Sous-Commission au sujet de son rapport, MME LALAINA RAKOTOARISOA, Rapporteuse spéciale sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, a indiqué qu'elle tiendrait compte de toutes les suggestions qui ont été avancées lors de l'élaboration de ses prochains rapports. S'agissant du mariage forcé, elle a reconnu que le mariage suppose une union volontaire, alors que le qualificatif forcé énonce une contrainte. Effectivement, le terme de «mariage» n'est pas approprié dans ce contexte, a admis Mme Rakotoarisoa.
En réponse aux commentaires suscités par son document de travail sur les droits de l'homme et la souveraineté des États, M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a rappelé que tout recours à la force exige une approbation du Conseil de sécurité. La plupart des interventions unilatérales à caractère humanitaire ont eu des visées politiques, a-t-il fait observer, même si l'on peut trouver des cas de telles interventions à but réellement humanitaire. M. Kartashkin a souligné que la perspective de son document de travail se fonde sur la Charte des Nations Unies et sur le système international des droits de l'homme tel qu'il existe actuellement. La dénonciation d'un traité par un État est, peut-être, une manifestation de la souveraineté implicite des États, a poursuivi M. Kartashkin. Il n'en demeure pas moins qu'il existe un certain nombre de traités et conventions qui, une fois ratifiés, engagent indéfiniment les États et donc limitent leur souveraineté, a-t-il souligné; tel est le cas de la Convention contre la torture ou encore de celle interdisant le génocide. M. Kartashkin a jugé nécessaire de parvenir à une interprétation commune des dispositions régissant les droits de l'homme dans le contexte de la souveraineté des États et a préconisé la nomination d'un rapporteur spécial sur la question.
Déclaration au titre de l'administration de la justice, de l'état de droit et de la démocratie
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, s'est réjouie que lors de sa première session, en juin dernier, le Conseil des droits de l'homme ait adopté le projet de la Convention sur les disparitions forcées. Le texte aurait peut-être pu être amélioré si l'adoption de ce projet avait été reportée; mais il n'y avait aucune garantie à cet égard, a-t-elle souligné. Mme Hampson a exprimé l'espoir que l'Assemblée générale adopterait la Convention afin que celle-ci puisse être ouverte aux signatures et à la ratification. Les disparitions forcées sont les pires violations des droits de l'homme, a déclaré Mme Hampson. Faisant observer que plusieurs États ont accepté de s'imposer davantage d'obligations que n'en énonçait le deuxième Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, Mme Hampson a lancé un appel aux premiers États qui ratifieront la Convention sur les disparitions forcées afin qu'ils adoptent une attitude similaire à l'égard de cette dernière. Si l'on veut que le Comité qui doit être établi en vertu de la Convention sur les disparitions forcées soit en mesure de travailler, celui-ci doit pouvoir interviewer tous les témoins importants, a-t-elle souligné. À cette fin, Mme Hampson a proposé une déclaration modèle à l'attention des États qui signeront puis ratifieront ladite Convention.
Présentation d'autres rapports sur l'administration de la justice
MME HAMPSON a ensuite brièvement présenté ses documents de travail sur la responsabilité du personnel international participant à des opérations de soutien de la paix (A/HRC/Sub.1/58/CRP.3, document de séance) et sur les circonstances dans lesquelles les civils perdent l'immunité d'attaque dont ils jouissent en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme (A/HRC/Sub.1/58/CRP.5, document de séance).
Présentant, au nom également de Mme Françoise Hampson, un document de travail consacré à la mise en œuvre du droit à un recours effectif contre les violations des droits de l'homme (A/HCR/Sub.1/58/CRP.4, document de séance), M. MOHAMED HABIB CHERIF, expert de la Sous-Commission, a fait valoir que les instruments nationaux et internationaux garantissent certes le droit de recours, mais c'est l'effectivité du droit au juge qui doit être concrétisée. Le droit à un recours utile et équitable nécessite que le tribunal saisi soit compétent et indépendant, qu'il soit public et qu'il garantisse les droits de la défense, a souligné l'expert. L'étude détermine donc la portée du droit à un recours utile, effectif et équitable, les raisons pour lesquelles ce droit est si important et les moyens de le concrétiser et de le renforcer par des mesures concrètes que pourraient adopter les États, les organes chargés des droits de l'homme et les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine. Le rapport présente comme potentiellement très utile l'analyse de la jurisprudence de certains organes chargés des droits de l'homme concernant le droit de recours, le droit à un juge. Cette ambition n'est pas facile à réaliser, car à part la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, toutes les autres jurisprudences sont difficiles à trouver.
MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a rendu compte des travaux du groupe de travail de session sur l'administration de la justice. L'experte a déclaré que le Groupe de travail s'est réuni à deux reprises au cours de la présente session de la Sous-Commission. Parmi les questions qui ont été abordées, figure notamment celles de la responsabilité des membres du personnel des Nations Unies pour leurs actes dans le cadre des opérations de soutien de la paix; l'applicabilité du droit humanitaire international et du droit relatif aux droits de l'homme; la question de l'amnistie et de l'impunité; le thème de la justice de transition.
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel
et de la protection des droits de l'homme
22 août 2006
La Sous-Commission de la protection et de la promotion des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, l'examen de rapports présentés hier par certains de ses membres au titre des «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme» et des questions relatives à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie. Elle a été saisie de quatre documents de travail au titre de ce dernier point, qui concernent le droit à un recours effectif contre les violations des droits de l'homme; les travaux du groupe de travail de session sur l'administration de la justice; la responsabilité du personnel international participant à des opérations de soutien de la paix; et les circonstances dans lesquelles les civils perdent l'immunité d'attaque dont ils jouissent en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme.
Les rapports présentés hier dont l'examen s'est poursuivi cet après-midi concernaient la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères et de petit calibre, les travaux du groupe de travail de session chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme; les droits de l'homme et la souveraineté des États; l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme; et la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle.
Présentant, au nom également de Mme Françoise Hampson, un document de travail consacré à la mise en œuvre du droit à un recours effectif contre les violations des droits de l'homme, M. Mohamed Habib Cherif, expert de la Sous-Commission, a notamment souligné que les instruments nationaux et internationaux garantissent certes le droit de recours, mais que c'est l'effectivité du droit au juge qui doit être concrétisée.
Rendant compte des travaux du groupe de travail de session sur l'administration de la justice, Mme Antoanella-Iulia Motoc a indiqué que, parmi les questions qui ont été abordées au cours de la dernière session du groupe de travail, figurent notamment celles de la responsabilité des membres du personnel des Nations Unies pour leurs actes dans le cadre des opérations de soutien de la paix; de l'applicabilité du droit humanitaire international et du droit relatif aux droits de l'homme; de l'amnistie et de l'impunité; et de la justice de transition.
De nombreux membres de la Sous-Commission ont commenté ces rapports et documents de travail.
Mme Françoise Hampson a en outre fait une déclaration dans laquelle elle s'est félicitée de ce que le Conseil des droits de l'homme ait adopté, en juin dernier, le projet de Convention sur les disparitions forcées et a exprimé l'espoir que l'Assemblée générale adopte à son tour cet instrument.
Jeudi matin, à 10 heures, la Sous-Commission se prononcera sur une trentaine de projets de résolutions dont elle est saisie.
Suite de l'examen des rapports portant sur des questions relatives aux armes légères, au terrorisme, ainsi qu'à l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie
La Sous-Commission a poursuivi l'examen de rapports présentés hier par certains de ses membres (voir notre compte rendu de l'après-midi du 21 août) au titre des «questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme» et de l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie. Il s'agit du rapport final de Mme Barbara Frey sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères et de petit calibre (A/HRC/Sub.1/58/27 et Add.1, à paraître), du rapport de Mme Kalliopi Koufa, Présidente du groupe de travail de session chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme (A/HRC/Sub.1/58/26, à paraître), ainsi que du document de travail de M. Vladimir Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté des États (E/CN.4/Sub.2/2006/7), l'étude détaillée de M. Emmanuel Decaux sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme (A/HRC/Sub.1/58/5), et le rapport préliminaire de Mme Lalaina Rakotoarisoa sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle (A/HRC/Sub.1/58/CRP.9, document de séance).
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, s'agissant du document de travail de M. Vladimir Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté des États, s'est notamment déclaré d'accord avec l'auteur pour dire que la souveraineté, qui représente le pouvoir suprême au sein d'un territoire et l'indépendance dans les relations internationales, ne revêt pas un caractère absolu. La souveraineté est limitée, au sein de l'État, par la volonté du peuple et, au plan international, par le droit international. La conception de la souveraineté du peuple dont l'exercice est assuré par l'État correspond au principe de l'autodétermination qui a donné sa base juridique au principe de l'indépendance des peuples coloniaux.
Par ailleurs, le document de M. Kartashkin dresse la liste des limitations que le droit international impose à la souveraineté des États. Cependant, a dit M. Yokota, il conviendrait peut-être de faire une distinction dans ce contexte entre la «limitation de la souveraineté» et la «limitation de l'exercice de la souveraineté». L'argumentation de M. Kartashkin semble en effet s'appliquer le plus souvent à des mesures touchant à la seconde option, qui explique d'ailleurs pourquoi les États peuvent recouvrer leur pleine souveraineté en dénonçant les traités qui les lient. Par ailleurs, le document pose que la souveraineté des États est fortement limitée par la caractérisation d'une série de violations massives des droits de l'homme en tant que «crimes internationaux». Si cette assertion est correcte, a observé M. Yokota, il n'en reste pas moins qu'il est très difficile d'appliquer ce principe, comme le montre l'exemple du Timor-Leste, où la plupart des agents du gouvernement responsables de violations des droits de l'homme lors des événements de 1999 ont échappé à toute poursuite effective. Enfin, a dit M. Yokota, il est certain que les efforts de la communauté internationale et des États pour faire respecter les droits et libertés fondamentaux ne peuvent être considérés comme autant d'ingérences dans les affaires intérieures des États. L'expert n'a pourtant pas partagé la conclusion selon laquelle les États ont le droit de prendre des mesures militaires unilatérales.
Revenant sur le rapport de Mme Lalaina Rakotoarisoa concernant la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, M. Yokota a noté que cette question recouvre partiellement la problématique soulevée dans le cadre du rapport de M. Kartashkin. Il est en effet extrêmement difficile de récolter des preuves des crimes sexuels systématiques commis contre les femmes lors des conflits, un problème compliqué encore par la réticence traditionnelle dans de nombreuses sociétés à aborder les sujets liés à l'intimité. C'est pourquoi les travaux de Mme Rakotoarisoa sont si importants, a dit M. Yokota, espérant que l'experte pourra poursuivre sa recherche.
M. ABDUL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a souligné l'urgence qu'il a aujourd'hui à élaborer des principes et directives sur les droits de l'homme et le terrorisme. Le travail de la Rapporteuse spéciale, Mme Kalliopi Koufa, et du Groupe de travail qu'elle préside devrait se poursuivre avec toute la diligence voulue et pourrait être la base d'une résolution des Nations Unies qui servirait de base de travail. La question de la coopération judiciaire doit être traitée distinctement, a estimé M. Sattar. L'expert a également déclaré soutenir les remarques de M. Chen Shiqiu qui exhortait le groupe de travail à avancer rapidement dans ses travaux. Si la Sous-Commission n'est pas en mesure de présenter un document dans les délais voulus, il sera plus difficile d'obtenir l'accord des États, a estimé l'expert.
M. Sattar a par ailleurs salué le document de travail de M. Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté de l'État, qui représente une véritable étude approfondie. «On voit se dessiner une tendance en faveur des droits de l'homme. La souveraineté ne doit pas être un obstacle à la jouissance des droits de l'homme», a-t-il relevé.
Concernant le rapport de M. Emmanuel Decaux sur l'application universelle des instruments en matière des droits de l'homme, ce rapport final reflète l'aboutissement d'un travail substantiel. Même encore en cours, ce travail a déjà porté ses fruits, a souligné M. Sattar.
S'agissant de l'étude de Mme Lalaina Rakotoarisoa, M. Sattar a souligné que les femmes s'éveillent et affirment leur droit à l'égalité et aux droits de l'homme universellement acceptés, mais le travail en ce domaine doit encore se poursuivre.
M. EL HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, réagissant au document de travail de M. Kartashkin, a constaté un éclatement de la notion d'État, qui est abordée indépendamment de celle de souveraineté. L'État est constitué au premier chef du peuple, puis du territoire, enfin de sa souveraineté: c'est la conception du droit international. L'État n'existe pas sans souveraineté: distinguer entre les deux principes revient à les affaiblir l'un et l'autre, a souligné l'expert. La souveraineté internationale représente la possibilité des États à participer à la vie de la communauté internationale. Il s'agit d'un aspect fondamental de la souveraineté. Jusqu'à une époque récente, l'individu n'existait que derrière l'État qui le représentait. Aujourd'hui, l'individu dispose des instruments juridiques qui lui permettent d'assigner les États en justice, pour autant que ces derniers aient adopté les instruments internationaux nécessaires. Il ne faut pas opposer cette notion à celle de droits de l'homme, ceux-ci sortant toujours perdants d'une telle confrontation, a dit l'expert. L'individu, doté des moyens de droit d'assigner son propre État en justice, se doit aussi de respecter une démarche donnée pour y accéder, car il se voit de fait investi d'un pan de la souveraineté nationale. M. Guissé a demandé ainsi à M Kartashkin de développer l'aspect de son étude concernant la relation entre les individus et les États en matière de l'exercice des droits de l'homme, compte tenu de la souveraineté des États.
M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, s'est associé aux membres de la Sous-Commission qui ont félicité et encouragé Mme Rakotoarisoa pour son travail sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle. Ce travail mérite tout le soutien de la Sous-Commission et du secrétariat, a-t-il estimé. M. Decaux a par ailleurs mis l'accent sur l'importance que revêt le Groupe de travail que préside Mme Koufa et qui est chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. Il est très utile qu'il y ait dans le système des Nations Unies un point focal avec quelqu'un qui dispose d'une expérience solide sur un sujet qui demande des analyses multidisciplinaires, a insisté M. Decaux.
S'agissant du document de travail de M. Kartashkin sur les droits de l'homme et la souveraineté des États, M. Decaux a relevé que, sur le plan de la méthode, ce document avait l'intérêt de montrer l'amplitude du sujet. Il serait néanmoins peut-être prudent de délimiter le sujet en établissant des priorités claires, a ajouté M. Decaux. Il faudrait en outre que ce travail soit collectif, compte tenu de la diversité des sources, a-t-il poursuivi. M. Decaux a insisté sur la nécessité d'éviter toute politisation concernant cette question. Le prochain document de travail sur ce sujet devrait présenter une problématique claire avec des hypothèses de travail, a affirmé M. Decaux. Sur le fond, M. Decaux a rappelé que la souveraineté comporte deux faces: l'une nationale et l'autre internationale. Prenant l'exemple de la France, il a rappelé que, dans la logique des institutions actuelles, c'est le peuple qui est le souverain. Cela peut se traduire par un certain nationalisme juridique mais aussi par une véritable démocratie, a noté M. Decaux. Pour ce qui est de la souveraineté internationale, a-t-il poursuivi, il convient de distinguer toute une série de problèmes de nature différente: les engagements de l'État qui limitent la souveraineté; le droit dérivé des organisations internationales; le rôle de la communauté internationale face à la souveraineté nationale et la question des États qui prétendent incarner la communauté internationale.
MME HALIMA EMBAREK WARZAZI, experte de la Sous-Commission, a jugé importante l'étude menée par M. Kartashkin sur le thème des droits de l'homme et de la souveraineté des États. Cette étude traite notamment de la situation des États en relation avec la notion d'ingérence humanitaire, a-t-elle relevé. À cet égard, M. Kartashkin aurait peut-être dû présenter un historique de cette notion qui est une invention française des années 1980-1990 visant à garantir l'acheminement de l'aide humanitaire dans certains pays précis, a affirmé Mme Warzazi. Il faudrait toutefois veiller à ce que les interventions militaires à caractère humanitaire soient totalement dépolitisées et conformes aux décisions du Conseil de sécurité, a-t-elle souligné. Elle a encouragé M. Kartashkin à poursuivre son travail.
Mme Warzazi a par ailleurs félicité M. Decaux pour son travail concernant l'application universelle des instruments internationaux des droits de l'homme. Elle a insisté sur l'importance extrême que revêt la ratification universelle de ces instruments. Grâce au rapport de M. Decaux, on dispose maintenant d'une bonne vue d'ensemble de l'engagement des États dans ce domaine, a-t-elle relevé. Une convention qui n'est pas suivie de manière systématique est condamnée à l'oubli, a-t-elle souligné. S'il y a effectivement régression par rapport aux engagements pris dans la Déclaration et le Programme d'action de Vienne, il appartiendra à M. Decaux de poursuivre son travail, a-t-elle ajouté.
Mme Warzazi s'est ensuite penchée sur le rapport de Mme Rakotoarisoa concernant la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, pour relever que les victimes, faute de preuve, sont privées de la possibilité de faire valoir leurs droits et de demander réparation. Les violeurs sont rarement condamnés et les victimes souvent stigmatisées au sein de leurs familles et communautés, a-t-elle rappelé. Les problèmes des crimes d'honneur et de la traite des femmes semblent impossibles à résoudre, compte tenu des sommes énormes qui sont en jeu, a affirmé Mme Warzazi. Il incombe aux États de prendre les mesures adéquates pour mettre un terme à des violences au sujet desquelles les victimes n'osent pas se plaindre ni témoigner, a-t-elle insisté. La question des preuves est problématique compte tenu de la clandestinité dans laquelle les crimes sont commis, a-t-elle insisté. Les organisations non gouvernementales doivent donc participer à la dénonciation des crimes. Les États devraient suivre l'exemple de l'Inde, qui a décidé de désigner des femmes parmi les juges et les policiers pour traiter les plaintes des victimes.
Mme Warzazi a également salué la qualité du travail réalisé par Mme Koufa s'agissant des droits de l'homme et du terrorisme. Il est certain que la vigilance quant au respect des droits de l'homme demeure de rigueur dans la lutte contre le terrorisme, a-t-elle souligné. Elle a enfin attiré l'attention sur l'importance du rapport de Mme Frey concernant les conséquences néfastes pour l'exercice des droits de l'homme de la disponibilité et de l'utilisation abusive d'armes légères et de petit calibre.
MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a félicité pour son travail le Groupe de travail chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. En ce qui concerne le travail effectué par Mme Rakotoarisoa sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, Mme Motoc a fait observer que ces questions connaissent actuellement une grande évolution dans le contexte du droit international. Elle s'est interrogée sur l'utilisation de la notion de mariage forcé, faisant observer que dans ce contexte, le terme de mariage est inapproprié; les termes «mariage forcé» devraient donc être retirés.
Mme Motoc a par ailleurs félicité M. Decaux pour son rapport final sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. La question du système dualiste et du monisme par rapport aux droits interne et international est très compliquée, a affirmé Mme Motoc, avant de relever que la frontière entre le dualisme et le monisme s'est estompée. L'experte a par ailleurs attiré l'attention sur deux autres questions qu'elle a jugées importantes, à savoir celle de la primauté des traités sur la législation interne et celle des traités ayant un caractère auto-exécutoire.
M. IBRAHIM SALAMA, expert de la Sous-Commission, a souligné que, dans le cadre de l'examen des rapports préparés par les experts de la Sous-Commission, il fallait définir les lacunes existantes et de proposer une ligne d'action. Le rapport de Mme Kalliopi Koufa est à cet égard un bon exemple de la définition d'un problème et de la proposition de moyens d'action. M. Salama a souligné le nombre et la qualité des documents présentés, et la qualité du débat autour de ces études. Le projet de principes et directives sur la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme arrive à point nommé. Même s'il a manqué de temps pour sa finalisation, la Sous-Commission devrait l'accepter.
Par ailleurs, M. Salama a salué le rapport de Mme Lalaina Rakotoarisoa sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, estimant très intéressante la spécificité de son approche, compte tenu du fait que l'importance du problème est sans doute beaucoup plus importante qu'il pouvait être soupçonné. Les bonnes pratiques proposées seront-elles suffisantes pour en faire des normes des droits de l'homme, et ne faudrait-il pas envisager des normes complémentaires, a cependant demandé l'expert. On pourrait envisager, à cet égard, de féminiser les procédures et les instances de traiter les plaintes et faire figurer ces exigences dans des normes complémentaires.
Plusieurs aspects de l'étude de M. Vladimir Kartashkin sont très stimulants, notamment l'idée que la véritable «intrusion» du droit humanitaire dans le domaine du droit international risque d'entraîner des problèmes. Du point de vue des droits de l'homme, les conclusions du rapport ne distinguent cependant pas assez clairement entre les interventions humanitaires collectives et les interventions unilatérales au regard de la Charte. La Sous-Commission a adopté une résolution sur l'intervention humanitaire et sa relation avec les droits de l'homme, a rappelé l'expert. Le problème soulevé implicitement est de faire la part des dimensions humanitaire et politique des situations portées à l'attention des organes des droits de l'homme des Nations Unies. Si l'on n'arrive pas à se départir de prises de positions politiques, on risque d'entraver la prise de décision destinée à faire appliquer le droit, comme on l'a vu récemment lors de la crise au Liban, a mis en garde M. Salama.
Concernant le rapport de M. Emmanuel Decaux sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, l'expert a jugé utile l'idée de déterminer, au-delà du constat de la non-ratification, la raison pour laquelle les États choisissent de ne pas ratifier tel instrument international. Certains choisissent cette solution au terme d'une réflexion sur leur possibilité de mettre en œuvre les dispositions des textes, d'autres connaissent tout simplement des difficultés matérielles insurmontables. Il est essentiel que les États soient sûrs de pouvoir appliquer les textes qu'ils adoptent, et qu'il ne s'agisse pas d'une simple manœuvre d'opportunité politique. Il faut aussi prévoir une assistance technique aux États qui ont des difficultés à assumer leurs obligations en vertu des organes des traités, a dit l'expert, qui a fait valoir que la souveraineté est une notion utile pour certains États qui souhaitent échapper à leurs obligations au regard du droit international.
M. MOHAMED HABIB CHERIF, expert de la Sous-Commission, a remercié M. Decaux pour son travail et lui a demandé à quel rythme s'effectuait le retrait par les États parties des réserves qu'ils ont émises sur les instruments internationaux dans le domaine des droits de l'homme. Concernant le rapport de Mme Rakotoarisoa, M. Cherif a salué le développement de la question des dénonciations calomnieuses. D'autre part, il a relevé que l'appréciation des preuves différait selon les personnes en charge du dossier. Concernant le rapport de M. Kartashkin, la difficulté de son sujet vient d'un cercle vicieux: Si la souveraineté de l'État est respectée, tout contrôle sur les droits de l'homme risque d'être annulé. Toute la question est de doser entre souveraineté des États et contrôle négocié afin de protéger et promouvoir les droits de l'homme. Ce contrôle doit être marqué par la coopération fructueuse et non d'une ingérence, a déclaré M. Cherif.
MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a déclaré que les documents présentés sont à bien des égards liés entre eux, compte tenu de l'indivisibilité des droits de l'homme. En ce qui concerne l'obtention de preuves s'agissant de crimes sexuels, il existe certes des obstacles liés aux traditions à la recherche de la preuve, mais il est aussi possible de renverser la charge de la preuve, a dit l'experte. Mme O'Connor a également relevé la nécessité de charger des femmes de recueillir les plaintes, une démarche qui permet souvent de limiter des traumatismes supplémentaires pour les victimes.
Quant à la notion de souveraineté, Mme O'Connor a souligné, à l'instar de M. Salama, que les raisons qui empêchent les États de ratifier des traités ou de présenter des rapports tiennent parfois à des causes matérielles.
Répondant aux divers commentaires apportés par les membres de la Sous-Commission au sujet de son rapport, MME LALAINA RAKOTOARISOA, Rapporteuse spéciale sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, a indiqué qu'elle tiendrait compte de toutes les suggestions qui ont été avancées lors de l'élaboration de ses prochains rapports. S'agissant du mariage forcé, elle a reconnu que le mariage suppose une union volontaire, alors que le qualificatif forcé énonce une contrainte. Effectivement, le terme de «mariage» n'est pas approprié dans ce contexte, a admis Mme Rakotoarisoa.
En réponse aux commentaires suscités par son document de travail sur les droits de l'homme et la souveraineté des États, M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a rappelé que tout recours à la force exige une approbation du Conseil de sécurité. La plupart des interventions unilatérales à caractère humanitaire ont eu des visées politiques, a-t-il fait observer, même si l'on peut trouver des cas de telles interventions à but réellement humanitaire. M. Kartashkin a souligné que la perspective de son document de travail se fonde sur la Charte des Nations Unies et sur le système international des droits de l'homme tel qu'il existe actuellement. La dénonciation d'un traité par un État est, peut-être, une manifestation de la souveraineté implicite des États, a poursuivi M. Kartashkin. Il n'en demeure pas moins qu'il existe un certain nombre de traités et conventions qui, une fois ratifiés, engagent indéfiniment les États et donc limitent leur souveraineté, a-t-il souligné; tel est le cas de la Convention contre la torture ou encore de celle interdisant le génocide. M. Kartashkin a jugé nécessaire de parvenir à une interprétation commune des dispositions régissant les droits de l'homme dans le contexte de la souveraineté des États et a préconisé la nomination d'un rapporteur spécial sur la question.
Déclaration au titre de l'administration de la justice, de l'état de droit et de la démocratie
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, s'est réjouie que lors de sa première session, en juin dernier, le Conseil des droits de l'homme ait adopté le projet de la Convention sur les disparitions forcées. Le texte aurait peut-être pu être amélioré si l'adoption de ce projet avait été reportée; mais il n'y avait aucune garantie à cet égard, a-t-elle souligné. Mme Hampson a exprimé l'espoir que l'Assemblée générale adopterait la Convention afin que celle-ci puisse être ouverte aux signatures et à la ratification. Les disparitions forcées sont les pires violations des droits de l'homme, a déclaré Mme Hampson. Faisant observer que plusieurs États ont accepté de s'imposer davantage d'obligations que n'en énonçait le deuxième Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits de l'enfant, Mme Hampson a lancé un appel aux premiers États qui ratifieront la Convention sur les disparitions forcées afin qu'ils adoptent une attitude similaire à l'égard de cette dernière. Si l'on veut que le Comité qui doit être établi en vertu de la Convention sur les disparitions forcées soit en mesure de travailler, celui-ci doit pouvoir interviewer tous les témoins importants, a-t-elle souligné. À cette fin, Mme Hampson a proposé une déclaration modèle à l'attention des États qui signeront puis ratifieront ladite Convention.
Présentation d'autres rapports sur l'administration de la justice
MME HAMPSON a ensuite brièvement présenté ses documents de travail sur la responsabilité du personnel international participant à des opérations de soutien de la paix (A/HRC/Sub.1/58/CRP.3, document de séance) et sur les circonstances dans lesquelles les civils perdent l'immunité d'attaque dont ils jouissent en vertu du droit international humanitaire et du droit international des droits de l'homme (A/HRC/Sub.1/58/CRP.5, document de séance).
Présentant, au nom également de Mme Françoise Hampson, un document de travail consacré à la mise en œuvre du droit à un recours effectif contre les violations des droits de l'homme (A/HCR/Sub.1/58/CRP.4, document de séance), M. MOHAMED HABIB CHERIF, expert de la Sous-Commission, a fait valoir que les instruments nationaux et internationaux garantissent certes le droit de recours, mais c'est l'effectivité du droit au juge qui doit être concrétisée. Le droit à un recours utile et équitable nécessite que le tribunal saisi soit compétent et indépendant, qu'il soit public et qu'il garantisse les droits de la défense, a souligné l'expert. L'étude détermine donc la portée du droit à un recours utile, effectif et équitable, les raisons pour lesquelles ce droit est si important et les moyens de le concrétiser et de le renforcer par des mesures concrètes que pourraient adopter les États, les organes chargés des droits de l'homme et les organisations non gouvernementales actives dans ce domaine. Le rapport présente comme potentiellement très utile l'analyse de la jurisprudence de certains organes chargés des droits de l'homme concernant le droit de recours, le droit à un juge. Cette ambition n'est pas facile à réaliser, car à part la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, toutes les autres jurisprudences sont difficiles à trouver.
MME ANTOANELLA-IULIA MOTOC, experte de la Sous-Commission, a rendu compte des travaux du groupe de travail de session sur l'administration de la justice. L'experte a déclaré que le Groupe de travail s'est réuni à deux reprises au cours de la présente session de la Sous-Commission. Parmi les questions qui ont été abordées, figure notamment celles de la responsabilité des membres du personnel des Nations Unies pour leurs actes dans le cadre des opérations de soutien de la paix; l'applicabilité du droit humanitaire international et du droit relatif aux droits de l'homme; la question de l'amnistie et de l'impunité; le thème de la justice de transition.
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