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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION EXAMINE DES RAPPORTS SUR LES ARMES LÉGÈRES, L'ADMINISTRATION DE LA JUSTICE ET L'ÉTAT DE DROIT

21 août 2006

Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme

21 août 2006


Elle est saisie du rapport de son groupe de travail chargé d'élaborer des
principes et directives sur la promotion et la protection des droits
de l'homme dans la lutte contre le terrorisme


La Sous-Commission de la protection et de la promotion des droits de l'homme a entendu cet après-midi, dans le cadre de l'examen des questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme, la présentation de deux rapports concernant, l'un, la prévention des violations des droits de l'homme commises à l'aide d'armes légères et de petit calibre et, l'autre, la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. Au titre du débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie, la Sous-Commission a en outre été saisie de rapports portant sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, ainsi que sur les droits de l'homme et la souveraineté de l'État. Les présentations des rapports ont généralement été suivies de commentaires de la part de membres de la Sous-Commission.

Mme Barbara Frey, Rapporteuse spéciale sur la prévention des violations de droits de l'homme commises à l'aide d'armes légères et de petit calibre, a notamment insisté sur la nécessité, pour les États, de mettre en place un véritable mécanisme de contrôle, comme l'introduction d'un permis de port d'armes, afin de prévenir de telles violations. Même s'il existait un droit de l'homme à la légitime défense, il n'annulerait pas la responsabilité des États de maximiser la protection du droit à la vie en interdisant le port d'armes par des personnes qui risqueraient d'en abuser, a par ailleurs souligné Mme Frey, dont le rapport contient un projet de principes sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères.

Mme Kalliopi Koufa a pour sa part présenté le rapport du Groupe de travail de session chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme. Elle a attiré l'attention sur la recommandation de transmettre pour examen le projet-cadre de directives, figurant dans le rapport, au Conseil des droits de l'homme.

Dans le cadre de l'examen des questions relatives à l'administration de la justice, à l'état de droit et à la démocratie, M. Emmanuel Decaux, Rapporteur spécial sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, a présenté son rapport en soulignant que les tendances et les évolutions récentes incitent à l'optimisme en matière de ratification des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme. Pour autant, l'universalité des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme est loin d'être acquise et une volonté politique de ratification s'impose, a-t-il ajouté.

Présentant son rapport préliminaire sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle, Mme Lalaina Rakotoarisoa, Rapporteuse spéciale sur la question, a rappelé les difficultés qu'il y a, dans ce contexte, à rassembler des preuves et à en apprécier la valeur. Elle a toutefois relevé que le Statut de Rome élimine certains problèmes en matière de preuves dans les cas de violence sexuelle.

M. Vladimir Kartashkin a pour sa part présenté son document de travail sur les droits de l'homme et la souveraineté de l'État qui décrit notamment les changements que la mondialisation impose au contenu du droit international.

Un représentant de l'organisation non gouvernementale Pax Romana est intervenu dans le cadre du débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie.

Au titre du débat général sur la prévention de la discrimination, Mme Françoise Jane Hampson, experte de la Sous-Commission, a fait en début de séance une déclaration portant sur les personnes handicapées.

Demain matin, de 10 heures à 11 heures, la Sous-Commission tiendra une séance publique afin de préparer un document dressant le bilan de ses travaux et dans lequel seront exposées sa propre vision et ses recommandations quant aux services consultatifs d'experts à fournir à l'avenir au Conseil des droits de l'homme. Demain après-midi, la Sous-Commission reprendra son débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie.


Déclaration au titre de la prévention de la discrimination

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a fait observer qu'en ce qui concerne les personnes handicapées et malades mentales, les problèmes ne se limitent pas aux seuls traitement médicaux. Ces personnes souffrent souvent de discrimination, directe ou indirecte, sur la seule base de leur condition, a-t-elle souligné. La discrimination peut prendre diverses formes, toutes largement répandues sans être limitées à des régions spécifiques. Il existe tout un corpus de droit «non contraignant», traitant de ce problème. Il ne s'agit donc pas à proprement parler d'un problème de normes, mais plutôt de mise en œuvre des normes de ce droit que l'on peut qualifier d'indicatif. Mme Hampson a souhaité que la Sous-Commission se penche sur la question ainsi que sur la nécessité d'élaborer des directives à l'attention de ces groupes de personnes.


Présentation de rapports au titre des questions spécifiques se rapportant aux droits de l'homme

Présentant son rapport final sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères et de petit calibre (A/HRC/Sub.1/58/27 et Add.1, à paraître en français), MME BARBARA FREY, Rapporteuse spéciale sur la question, a déclaré qu'elle s'était attachée à y rassembler des informations juridiques permettant d'aider les États à comprendre leurs responsabilités vis-à-vis de ces types d'armes. Elle a précisé avoir analysé plus avant le principe de la diligence due (ndlr: «due diligence», c'est-à-dire la responsabilité d'agir avec la diligence nécessaire), concluant notamment qu'au regard de la jurisprudence internationale en matière de droits de l'homme, les mesures minimales que les États doivent prendre pour prévenir les violences commises avec des armes légères vont au-delà de la simple criminalisation des actes de violence armée. Les États doivent en effet mettre en place un véritable mécanisme de contrôle pour prévenir toute violation des droits fondamentaux en la matière, notamment en introduisant un permis de port d'armes. Pour ce qui est de la question de l'autodéfense, Mme Frey a souligné que le port d'armes par des particuliers devait être appréhendé dans le contexte plus large de l'obligation de l'État de protéger les droits humains. Même s'il existait un droit de l'homme à la légitime défense, il n'annulerait pas la responsabilité des États de tout faire pour assurer la protection du droit à la vie, en interdisant le port d'armes par des personnes qui risqueraient d'en abuser - notamment des personnes qui, eu égard à leurs antécédents criminels ou du fait de leur état mental, seraient incapables de faire preuve de discernement et de proportionnalité dans l'exercice de leur droit de légitime défense.

Le rapport de Mme Frey contient également une analyse des trente-huit réponses reçues des États suite au questionnaire qui leur a été adressé. Dans leurs réponses, ces derniers expliquent notamment qu'ils tiennent compte des antécédents personnels des demandeurs de permis de port d'arme et qu'ils exigent aussi la preuve d'une maîtrise technique des armes possédées. Quant aux principes sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères, dont le projet figure dans l'additif au rapport, ils reflètent l'interprétation de la Sous-Commission quant aux responsabilités des États en matière de prévention. L'adoption de ces principes encouragerait les acteurs étatiques à envisager leurs décisions et politiques concernant cette forme de violence sous l'angle des droits de l'homme internationaux et de la nécessité d'assurer la sécurité humaine.

M. EMMANUEL DECAUX, expert de la Sous-Commission, a rappelé que la question de la prévention des violations des droits de l'homme commises à l'aide d'armes légères et de petit calibre est cruciale sur le plan international. Il a rappelé que, selon le Conseil de sécurité, la question des armes légères est par définition une question multilatérale; le Conseil de sécurité a en outre souligné la nécessité d'engager les organismes internationaux, les organisations non gouvernementales et les institutions commerciales et financières à contribuer à l'application des embargos sur les armes et à la prévention du trafic d'armes légères. D'une certaine manière, la démarche de la Sous-Commission est tout à fait complémentaire, en ce sens qu'elle met l'accent sur la prévention des violations des droits de l'homme dues à l'usage abusif des armes légères, dans un cadre purement interne, a relevé M. Decaux. Il s'est ensuite penché sur la question des destinataires des normes envisagées dans ce domaine. Le projet de principes sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères vise aussi les acteurs non-étatiques, a affirmé M. Decaux. Il faudrait souligner que les exigences en matière de formation, de déontologie et de contrôle s'appliquent à tous les «agents de la force publique», au sens large, et pas seulement aux «agents de l'État».

Pour ce qui est des personnes privées, M. Decaux a attiré l'attention sur l'existence de deux situations bien distinctes: il y a d'une part les personnes privées possédant des armes légères à titre licite; et d'autre part les personnes privées qui collaborent à un service public, par exemple les prisons privées, ou qui ont l'autorisation d'exercer certaines responsabilités à l'égard de la collectivité, comme les sociétés de gardiennage, par exemple. Pour cette seconde catégorie de personnes, on sort alors du droit commun applicable aux particuliers ayant un permis de port d'arme et il faut donc prévoir des règles spécifiques et des contrôles renforcés, a déclaré M. Decaux. Il faudrait notamment transposer à l'attention de ces personnes les principes de tutelle, de contrôle et d'enquête. On se trouve alors dans une situation intermédiaire qui dépasse la notion de «due diligence» de la part des personnes privées pour intégrer des responsabilités renforcées de l'État s'agissant de faire respecter les droits de l'homme, a précisé M. Decaux. Il a exprimé l'espoir que Mme Frey tiendrait compte de ces suggestions qui visent à renforcer la portée du rapport. Le pont établi entre droits de l'homme et contrôle des armes est très fructueux, a affirmé l'expert. La Sous-Commission peut dès maintenant apporter une contribution très utile aux efforts déployés par les Nations Unies dans le domaine des armes légères, a-t-il conclu.
M. YOZO YOKOTA, expert de la Sous-Commission, s'est félicité des nouvelles informations contenues dans le rapport sur la prévention des violations des droits de l'homme commises avec des armes légères et de petit calibre, et de l'approche novatrice dont elles témoignent. L'examen de la question des armes légères et de petit calibre utilisées par des acteurs privés est très intéressante, de même que l'exposé du principe de la responsabilité des États dans la prévention de la violence résultant de l'emploi de ces armes. Par ailleurs, l'expert a évoqué des discussions ayant eu lieu au sein du Groupe de travail concernant la réglementation de l'activité des sociétés transnationales, qui réussissent à utiliser le droit national des États dans lesquels elles opèrent pour échapper à leurs devoirs en matière de contrôle du trafic illicite des armes légères. M. Yokota a espéré que les projets de principes seront entérinés par la Sous-Commission et le Conseil des droits de l'homme.

MME FLORIZELLE O'CONNOR, experte de la Sous-Commission, a fait observer que la Jamaïque connaissait un taux d'homicide parmi les plus élevés de sa région alors que ce pays ne connaît pas de conflit. Il est de la responsabilité de l'État destinataire d'armes d'assurer le contrôle des activités des trafiquants. L'experte a relevé l'incapacité des petits États à contrôler l'arrivée illégale d'armes sur leur territoire. La Sous-Commission pourrait à cet égard se pencher sur la responsabilité des États pour les obliger à définir des mesures de coopération afin de protéger le droit à la vie. Une coopération entre les États est également requise, a souligné l'experte, de même qu'une classification des armes légères. Il conviendrait également de se pencher sur le facteur humain de cette question. C'est un sujet qui revêt encore plus d'importance dans le contexte de l'examen de la question de la lutte contre le terrorisme. Ce thème devrait également être lié au rôle des transnationales et de la définition du terrorisme dans le but de mieux protéger le droit à la vie, a conclu Mme O'Connor.

MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, experte de la Sous-Commission, a salué la rigueur intellectuelle du rapport de Mme Frey et les conséquences pratiques des directives qu'il contient, si elles sont appliquées. Elle a relevé qu'un aspect particulièrement important dans ce domaine est celui de la formation du personnel de police, qui doit être adaptée aux exigences locales. Elle doit aussi viser à assurer l'application des droits de l'homme. Il est à espérer que les objections formulées ne conduiront pas à enterrer le rapport dans le processus de transition. Peut-être faudrait-il prier la Rapporteuse spéciale de modifier le texte en tenant compte du débat d'aujourd'hui. Le texte serait adopté, dans son principe, par la Sous-Commission. Les directives ainsi modifiées et adoptées devraient être communiquées à toutes les instances internationales chargées de les mettre en application, et non pas seulement les États, a souligné Mme Hamspson.

M. ABDUL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a souhaité connaître l'avis de Mme Frey sur la situation que connaissent certains pays où, en raison d'un problème d'héritage ou de coutume, les hommes insistent pour dire qu'ils ont, dès la naissance, le droit de porter des armes, droit qu'ils entendent protéger farouchement. Quelle recommandation Mme Frey pourrait-elle adresser à ces pays, a demandé M. Sattar. Il a par ailleurs souhaité savoir si Mme Frey s'était penchée sur la question de la responsabilité des fournisseurs d'armes légères et de petit calibre.

Concluant le débat, MME FREY a déclaré que les commentaires constructifs dont son rapport a fait l'objet lui permettront d'améliorer encore son projet de directives. Elle a relevé que les nombreux partenaires concernés - notamment les États et les organisations non gouvernementales - souhaitent tous que la perspective des droits de l'homme soit affirmée dans ces directives. Elle a par ailleurs assuré qu'elle veillerait à ce que les versions française et anglaise des directives concordent bien. En ce qui concerne la question des fabricants d'armes, Mme Frey a attiré l'attention sur le rôle important que jouent les intermédiaires dans le commerce des armes; il faudra donc veiller à détailler leur action. D'autres répercussions des armes sur la vie des gens doivent aussi être traitées, comme par exemple leurs effets sur les enfants ou sur les femmes, a poursuivi Mme Frey. Les gouvernements ne sont pas seuls responsables en matière de formation, a-t-elle ajouté, rappelant le rôle des instances internationales à cet égard. Il existe des moyens de régler d'autres difficultés liées à la contrebande d'armes légères et à leur transfert vers les acteurs étatiques et non-étatiques; reste à les employer, a déclaré Mme Frey, avant de souligner qu'il est très difficile de poursuivre les marchands d'armes. Elle a insisté sur l'importance que revêt l'éducation quant aux dangers des armes légères et a cité l'exemple du Yémen, où le taux de violences commises avec des armes individuelles est très faible par rapport au nombre d'armes détenues par des particuliers.


Examen du rapport du Groupe de travail sur la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme

Présentant le rapport du groupe de travail de session chargé d'élaborer des principes et directives détaillés concernant la promotion et la protection des droits de l'homme dans la lutte contre le terrorisme (A/HRC/Sub.1/58/26, à paraître), MME KALLIOPI KOUFA, experte de la Sous-Commission, a décrit le déroulement des réunions du Groupe de travail s'agissant notamment de l'examen des questions de la coopération judiciaire internationale et des victimes du terrorisme. Mme Françoise Jane Hampson a préparé un document de travail qui attire l'attention sur le fait que, ces dernières années, les activités terroristes ont changé de nature en ce sens qu'elles sont désormais transnationales et requièrent donc une coopération internationale pour y faire face, a précisé Mme Koufa. En outre, Mme Hampson a souligné que les transferts de personnes dans le contexte de la lutte contre le terrorisme devaient se faire dans le cadre du droit. M. Emmanuel Decaux a pour sa part attiré l'attention sur la difficulté d'obtenir réparation de la part des véritables responsables d'actes de terrorisme et a préconisé que les États mettent en place des fonds nationaux de solidarité en faveur des victimes du terrorisme.

En conclusion, Mme Koufa a insisté sur trois recommandations visant à ce que soit soumise au Conseil des droits de l'homme pour examen une version mise à jour du projet de principes et directives, qui tienne compte des documents présentés lors de la dernière session du Groupe de travail et des commentaires qu'ils ont suscités; que soit organisé un séminaire sur la coopération judiciaire internationale, regroupant des participants issus de diverses traditions juridiques; et que le travail sur les directives se poursuive, quelle que soit la décision du Conseil des droits de l'homme quant au cadre chargé de fournir des avis d'experts.


Examen de l'étude sur la mise en œuvre universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme

M. EMMANUEL DECAUX, Rapporteur spécial chargé d'établir une étude détaillée sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme, a indiqué que son étude permet de dégager des tendances et des évolutions récentes incitant à l'optimisme, notamment quand on envisage le nombre important des ratifications et la dynamique de la réforme du nouveau Conseil des droits de l'homme. Les promesses faites par les États font l'objet d'une analyse méticuleuse dans le rapport, en fonction des engagements qui ont été pris. Si ces engagements sont tenus, la dynamique internationale sera relancée. Les deux Pactes internationaux, sur les droits économiques, sociaux et culturels et sur les droits civils et politiques, ont ainsi été ratifiés par de nouveaux États en 2006, a relevé M. Decaux, qui a ajouté que des engagements à ratifier ont été pris par des États désormais membres du Conseil. Il serait nécessaire d'avoir un «tableau de bord» plus complet de la situation des ratifications, organisé en fonction de différents critères, a estimé le Rapporteur spécial.

M. Decaux a par ailleurs déploré d'importantes lacunes, faisant valoir notamment que l'universalité des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme est loin d'être acquise: une volonté politique de ratification doit s'imposer. La justiciabilité doit être renforcée et, à cet égard, le projet de Protocole facultatif au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels devrait être adopté par les États et intégré aux législations nationales, ce qui ne va pas toujours de soi, comme le montrent les débats qui ont lieu actuellement en France à ce sujet. Les enjeux à cet égard ne sont pas seulement d'ordre juridique, a dit l'expert, relevant le rôle des institutions nationales des droits de l'homme et les plans d'action nationaux, de nature plus politique, qui existent dans certains pays et qui pourraient servir d'exemple à d'autres États.

Le rapport final du Rapporteur spécial chargé d'établir une étude détaillée sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme (A/HRC/Sub.1/58/5*) présente notamment un état des lieux, en examinant l'évolution de la situation dans ce domaine depuis la Conférence mondiale sur les droits de l'homme, tenue à Vienne en 1993. Il rappelle les différents engagements assumés par les États et les progrès à accomplir pour réaliser pleinement l'objectif de la ratification universelle que les États s'étaient fixé en 1993. Le rapport souligne que la récente mise en place du Conseil des droits de l'homme a été l'occasion pour les États candidats de préciser une série d'engagements, notamment en matière de ratification, en se rapprochant un peu plus de l'objectif d'une ratification universelle. L'accent est également mis sur les défis juridiques à venir, concernant la nature et la portée du droit international des droits de l'homme.

L'étude développe d'autre part la problématique de l'application universelle des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme, notamment sur la base des informations tirées du questionnaire élaboré par le Rapporteur spécial. Il traite successivement la question préalable de l'applicabilité des instruments internationaux en droit interne, en distinguant les systèmes dualistes et monistes, et la question de l'application effective des engagements, qui implique l'existence de garanties contentieuses et non contentieuses, mais également un véritable volontarisme politique de la part des pouvoirs publics et de tous les «organes de la société». Le rapport est complété par un document (A/HRC/Sub.1/58/5/Add.1) contenant une série d'indicateurs chiffrés.

M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, expert de la Sous-Commission, a déclaré que le rapport de M. Decaux sur l'application universelle des traités internationaux relatifs aux droits de l'homme sera d'une extrême utilité pour l'organe qui succédera à la Sous-Commission. Ce rapport apporte plusieurs éléments prometteurs, a relevé M. Pinheiro, ajoutant que des engagements concrets ont été pris par plusieurs États. M. Pinheiro a souligné que ce rapport offre une «carte de navigation» et a espéré que le Conseil des droits de l'homme portera son attention sur ce rapport afin d'inclure dans l'examen périodique universel de la situation dans les divers États une analyse rigoureuse de la situation en ce qui concerne la ratification des traités. L'expert a souligné l'esprit de dialogue dont témoigne le rapport de M. Decaux, notamment en ce qui concerne les réserves émises par certains États. M. Pinheiro a également exprimé l'espoir que l'organe successeur pourra poursuivre les travaux dans ce domaine.

M. R.J. RAJKUMAR (Pax Romana) s'est félicité des paragraphes du rapport de M. Decaux traitant des engagements des États membres du nouveau Conseil des droits de l'homme. Le niveau de ratification des États asiatiques est encore assez bas, a notamment relevé le représentant. Il faudra en outre contrôler le suivi que les États donnent à leurs engagements, notamment dans le cadre de la nouvelle procédure d'examen universel prévue par le Conseil. Le problème des réserves devrait quant à lui être suivi par le Groupe de travail, a estimé le représentant. Ce dernier a aussi estimé que les instances judiciaires nationales devraient être informées de la manière d'appliquer les normes internationales au plan interne.

Concluant le débat, M. DECAUX a confirmé l'importance que revêt la question des «réserves». La Commission du droit international est en train de travailler sur cette question et prépare, pour mai 2007, un séminaire d'experts de haut niveau. Il faut espérer que la Sous-Commission - ou son successeur - sera associée à ce travail. D'une manière générale, les États sont priés de revoir les réserves qu'ils ont émises à l'égard des traités. Du point de vue des traités relatifs aux droits de l'homme, les États ont eux-même implicitement fixé le principe de la levée des réserves, a insisté M. Decaux. Par ailleurs, il est clair que les juges jouent un rôle clé en matière de justiciabilité, a rappelé M. Decaux, la question en jeu étant ici celle de l'effectivité des textes. M. Decaux a attiré l'attention sur une étude réalisée par l'International Law Association, qui porte sur les garanties judiciaires en matière de protection des droits de l'homme et souligne qu'il ne saurait être dérogé, dans ce contexte, à la garantie relative à la possibilité de recourir à un juge. Les recommandations du rapport proposent la tenue de séminaires pour aller plus loin dans l'analyse des bonnes pratiques et des difficultés, a souligné M. Decaux.

Débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie

Présentant son rapport préliminaire sur la difficulté d'établir la culpabilité ou la responsabilité en matière de crimes de violence sexuelle (A/HRC/Sub.1/58/CRP.9, document de séance), MME LALAINA RAKOTOARISOA, Rapporteuse spéciale sur la question, a rappelé les difficultés qu'il y a à rassembler des preuves dans ce domaine et à en apprécier la valeur. Elle a attiré l'attention sur le caractère hybride de la démarche adoptée dans ce rapport, qui prend en compte la jurisprudence existant aussi bien sur le plan national qu'international. Rappelant le rôle primordial des preuves lors d'un procès, elle a souligné que le fait que les preuves en matière de violence sexuelle reposent sur le discours de la victime rend la situation difficile. Le manque de preuve conduit à l'impunité de l'auteur des violences sexuelles, a-t-elle insisté. Toutes les violences sexuelles constituent des atteintes à la dignité humaine, a poursuivi la Rapporteuse spéciale. La traite d'êtres humains et le tourisme sexuel sont également des formes de violence sexuelle, a-t-elle souligné. Elle a mis l'accent sur l'importance de l'accueil réservé aux victimes de violences sexuelles, lequel peut influer sur le bon déroulement du procès. Mme Rakotoarisoa a rappelé que la liberté d'appréciation est la règle pour l'admissibilité des preuves. Le Statut de Rome élimine certains problèmes en matière de preuves dans les cas de violence sexuelle, a-t-elle fait valoir.

M. MOHAMED HABIB CHÉRIF, expert de la Sous-Commission, a souligné que le principe de la présomption d'innocence est fondamental. La présomption d'innocence détermine en effet l'intime conviction du juge qui préfère - en l'absence de preuves si difficiles à récolter ainsi que l'a relevé Mme Rakotoarisoa - libérer un accusé dont la culpabilité n'est pas complètement avérée. M. Cherif a par ailleurs rappelé que certains moyens techniques modernes, tels que l'analyse de l'ADN, permettent de pallier, en partie, cette difficulté.

Présentant son document de travail sur les droits de l'homme et la souveraineté de l'État, M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a déclaré qu'à l'ère de la mondialisation, les normes de droit international changent constamment. M. Kartashkin s'est efforcé de décrire ces changements. Dans le monde actuel, il existe toute une série de groupes qui ont intérêt à violer les principes de normes internationales, en particulier dans le domaine des droits de l'homme, a-t-il relevé. Dans le présent rapport sont examinées les questions relatives à la notion de souveraineté de l'État, qui est limitée par les lois internes de l'État et les lois internationales; le respect des droits de l'homme dans la Charte des Nations Unies; les différentes relations qu'entretiennent les droits de l'homme et la souveraineté; les infractions pénales aux droits de l'homme et à la souveraineté de l'État et le recours à la force à des fins humanitaires. Seuls certains aspects de la question sont examinés dans ce document de travail, a souligné l'expert, qui a proposé que cette étude soit poursuivie en vue de lui apporter une approche plus globale en mettant à contribution plusieurs experts originaires de différentes régions. Il conviendrait donc de nommer par la suite plusieurs rapporteurs spéciaux pour présenter une vision globale de la Sous-Commission. Aucune recommandation ne figure pour l'instant dans ce document de travail, a précisé l'expert.


Le document de travail préparé par M. Vladimir Kartashkin en application de la décision 2005/105 de la Sous-Commission et portant sur les droits de l'homme et la souveraineté de l'État (E/CN.4/Sub.2/2006/7) traite de la notion de souveraineté non seulement comme un droit de l'État mais aussi comme une responsabilité; des motifs de restriction de la souveraineté de l'État; de la portée des obligations des États de respecter les droits de l'homme et les libertés fondamentales; de la souveraineté de l'État et du droit international relatif aux droits de l'homme; et de la souveraineté de l'État et des infractions pénales internationales aux droits de l'homme. Du fait du cadre limité du document de travail, l'auteur dit n'avoir pu aborder certaines questions comme la souveraineté de l'État et le recours à la force contre des régimes illégitimes, le terrorisme et les trafiquants de drogues ou encore le statut de l'individu en droit international et la souveraineté de l'État. C'est pourquoi M. Kartashkin estime souhaitable que la Sous-Commission prie le Conseil des droits de l'homme de nommer un rapporteur spécial, ou des rapporteurs spéciaux, pour effectuer une telle analyse.

M. GUDMUNDUR ALFREDSSON, expert de la Sous-Commission, a estimé que le document préparé par M. Kartashkin aborde très bien l'essentiel du sujet, notamment l'idée que certaines obligations internationales limitent par nature la souveraineté des États, qui n'existe plus de manière absolue. Trois domaines développés dans ce document suscitent quelques interrogations: la définition des caractéristiques de la souveraineté figurant dans ce texte mentionne la souveraineté du peuple et de l'État. Cependant, il n'est pas précisé quelle souveraineté doit prévaloir, a observé M. Alfredsson. Un autre passage du texte laisse entendre que les grands États sont autorisés à accomplir des actes interdits aux États plus petits, ce qui est troublant. De même, le texte semble offrir une nouvelle possibilité de recours à la force, ce qui mériterait davantage d'explications. Enfin, on a le sentiment, à la lecture du document de travail, que toutes les interventions humanitaires de pays occidentaux sont critiquables, contrairement à celles menées par d'autres États, a relevé l'expert.

M. SHIQIU CHEN, expert de la Sous-Commission, a déclaré que les questions traitées dans le document de travail de M. Kartashkin touchent non seulement les droits de l'homme mais aussi des questions politiques. Les relations entre le droit international et la souveraineté de l'État méritent d'être approfondies, a-t-il estimé. Lorsqu'un État adhère à un instrument, il a le droit d'émettre certaines réserves, il ne renonce donc pas à sa souveraineté. La question de la limite à la souveraineté de l'État devra être examinée plus avant, a estimé l'expert.

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