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Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme

LA SOUS-COMMISSION EXAMINE LE RAPPORT DE LA RAPPORTEUSE SPÉCIALE SUR LE TERRORISME ET LES DROITS DE L'HOMME

13 août 2002



Sous-Commission de la promotion et
de la promotion des droits de l'homme
54ème session
13 août 2002
Matin


Elle conclut le débat sur les questions se rapportant
à la prévention de la discrimination


La Sous-Commission de la promotion et de la promotion des droits de l'homme a été saisie ce matin du rapport de la Rapporteuse spéciale sur le terrorisme et les droits de l'homme, qui a fait l'objet de plusieurs interventions de la part de membres de la Sous-Commission. Elle a d'autre part achevé son débat sur la prévention de la discrimination.
Au titre du point de l'ordre du jour intitulé «questions spécifiques dans le domaine des droits de l'homme», Mme Kalliopi Koufa a présenté son second rapport intermédiaire sur le terrorisme et les droits de l'homme. Le rapport constate que la lutte contre le terrorisme est devenue une véritable obsession pour tous les gouvernements, avec des conséquences parfois néfastes pour les droits de l'homme. Le rapport passe en revue les dispositions prises par les institutions de coopération régionale et les recommandations formulées par les organismes spécialisés des Nations Unies, et contient des réflexions notamment sur «des réactions proches de la panique» en matière de lutte antiterroriste suite aux événements du 11 septembre 2001. Or, poursuit le rapport, «ces réactions qui confinent à la panique peuvent avoir de graves incidences sur le droit international et sur le droit relatif aux droits de l'homme, ainsi que sur le droit humanitaire».
Le rapport de Mme Koufa a été commenté par plusieurs membres de la Sous-Commission : M. Fisseha Yimer, Mme Halima Warzazi, M. Chen Shiqiu, M. Soo Gil Park, M. Asbjørn Eide. Les membres de la Sous-Commission ont notamment souligné l'importance accrue de l'étude sur le terrorisme depuis les événements du 11 septembre dernier et plusieurs d'entre eux ont souhaité que Mme Koufa poursuive ses travaux à la lumière de l'aggravation récente de la situation dans plusieurs régions du monde en matière de terrorisme.
M. Miguel Alfonso Martínez et Mme Françoise Jane Hampson, membres de la Sous-Commission, ont pour leur part commenté le document de travail présenté hier par M. Y.K.J. Sik Yuen, qui porte sur les armes de destruction massive et les droits de l'homme.
Dans le cadre du débat sur la prévention de la discrimination, des déclarations ont été faites par les représentants de la Banque mondiale, de Pax Romana, de l'Institut international de la paix et du Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples - MRAP, ainsi que par les délégations des pays suivants : Azerbaïdjan, Sri Lanka, Chili, République fédérale de Yougoslavie, Chine, Inde et Iraq. Le Viet nam, le Pakistan, l'Arménie et Azerbaïdjan ont exercé un droit de réponse.
La Sous-Commission poursuivra, cet après-midi, son débat sur les questions spécifiques dans le domaine des droits de l'homme, à savoir les questions se rapportant aux femmes et les droits de l'homme, aux formes contemporaines d'esclavage et aux nouvelles priorités, en particulier le terrorisme.

Suite du débat sur la prévention de la discrimination
MME RIMA KOHIL (Pax Romana) a déclaré que la situation des non-ressortissants était menacée par les politiques menées depuis les attentats du 11 septembre et a demandé à la Sous-Commission de se pencher sur le sort des non-citoyens aux États-Unis, où un certain nombre de personnes d'origine arabe ont été détenues dans des conditions tenues secrètes. Elle demande aussi que le Rapporteur spécial s'intéresse de près aux cas des non-ressortissants en Asie, région dans laquelle il n'existe pas de politiques nationales ou régionales, ainsi qu'aux minorités religieuses en Inde et ailleurs, dont les droits sont régulièrement bafoués. À ce propos, il faut que la Sous-Commission et le Groupe de travail sur les minorités établissent un bilan détaillé de la situation des minorités religieuses, et élaborent des lignes directrices que les États devraient respecter en attendant l'adoption d'un Code de conduite.
MME TATIANA SHANMIAN (Institut international de la paix) a souligné que la discrimination contre les minorités se poursuit à travers le monde. Ainsi, aucune mesure n'a été prise par le Gouvernement du Kénya pour reconnaître l'existence des minorités dans la Constitution, a-t-elle poursuivi. En Iraq, aucune mesure n'existe pour protéger les minorités non arabes, a ajouté la représentante. Elle a par ailleurs fait observer qu'au Soudan, le conflit exacerbe les atrocités commises contre les minorités. Quant au peuple balouche au Pakistan, ses droits de propriété sont déniés, a poursuivi la représentante. Elle a par ailleurs attiré l'attention de la Sous-Commission sur le fait qu'étant donné que la majorité des Cachemiriens sont des musulmans, tout plébiscite au Cachemire mettra en avant le point de vue de cette majorité et toute décision fondée sur un tel plébiscite reviendrait à une violation des droits de l'homme des minorités du Ladakh, des Territoires du Nord et du Jammu.
M. JEAN JACQUES KIRKYACHARIAN (Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples- MRAP) a déclaré que pour appliquer les recommandations de Durban, il fallait combattre l'«atrocité cachée derrière l'hypocrisie morale», c'est-à-dire lutter contre le racisme. Il faut pour cela que tous les organes de l'État soient appelés à œuvrer activement à l'application des principes de Durban et que le travail ne soit pas laissé aux seules organisations non gouvernementales et institutions des Nations Unies, dénuées de tout pouvoir exécutif. Trois problèmes urgents doivent être résolus: la protection des droits des travailleurs migrants et de leurs familles, la poursuite de l'immigration et la politique d'asile, la situation faite aux Tsiganes. En ce qui concerne l'asile, les États doivent agir sur les raisons qui poussent les demandeurs d'asile à quitter leurs pays, avec toutes les conséquences que cela entraîne sur l'économie de ces régions. Le MRAP demande qu'un groupe de travail sur la question de l'asile soit mis en place et fasse rapport à la Commission.
M. ALFREDO SFEIR-YOUNIS (Banque mondiale) a affirmé que la protection et le respect des droits des populations autochtones et des minorités ne sont pas seulement bénéfiques à ces dernières mais aussi à tous ceux qui vivent sur cette planète. Il a déclaré que l'instabilité macroéconomique a avant tout des répercussions sur les groupes minoritaires. Il est donc nécessaire de prévoir des politiques spécifiquement destinées à ceux qui ont été spoliés et aux plus démunis. La Banque mondiale a mis en place plus de deux cents projets impliquant les populations autochtones. Ces dernières années, la Banque mondiale s'est par ailleurs engagé dans des projets en faveur des Roms. Pour mettre en œuvre les droits des minorités et des populations autochtones, il est essentiel de se concentrer sur les réformes juridiques, a par ailleurs souligné le représentant avant de préciser que la Banque mondiale finance actuellement plus de 300 projets de réforme juridique et judiciaire.
M. MURAD NAJAFOV (Azerbaïdjan) a déclaré que son pays est multiethnique et multiconfessionnel, et a assuré que la majorité azérie et les minorités du pays vivent en paix. Le Gouvernement prend toutes les mesures pour garantir les droits de chacun, et notamment des minorités, qui sont représentées dans tous les organes de l'État. Il faut bien entendu que les minorités acceptent les règles du jeu et respectent les décisions de la majorité, a précisé la délégation. Malheureusement, le mouvement séparatiste du Nagorny-Karabakh et ses velléités sécessionnistes ont entraîné des désordres violents au profit d'un État voisin. Rien dans Déclaration des droits des personnes appartenant à des minorités ne peut être interprété comme justifiant cette attitude, a conclu le représentant azerbaïdjanais qui s'est dit convaincu que la Sous-Commission accordera plus d'attention à ces questions à l'avenir.
M. PRASAD KARIYAWASAM (Sri Lanka) a fait observer que la grande majorité des pays sont aujourd'hui multi-ethniques et pluriculturels et a relevé que la situation des minorités contribue souvent au déclenchement de conflits internes violents. Dans ce contexte, il convient de se pencher davantage sur l'élaboration de normes et leur mise en œuvre au bénéfice de toutes les communautés minoritaires. Le représentant sri lankais a indiqué que son pays approuve l'initiative visant à créer un mécanisme spécial des Nations Unies chargé de se pencher sur les questions relatives aux minorités. Il a également indiqué que le Sri Lanka appuie la recommandation visant à convoquer une session spéciale du Groupe de travail sur les minorités à l'occasion du dixième anniversaire de la Déclaration des Nations Unies sur les droits des personnes appartenant à des minorités ethniques, religieuses ou linguistiques. Le Sri Lanka est aussi favorable à la proposition visant à organiser un séminaire sur l'approche des minorités dans le contexte asiatique. Le représentant a d'autre part estimé que la rédaction d'un code de conduite pour la mise en œuvre de la Déclaration susmentionnée devrait être l'une des tâches essentielles de la prochaine session du Groupe de travail. Enfin, le représentant a souligné que son gouvernement ne ménage actuellement aucun effort pour parvenir à une solution pacifique aux griefs que peuvent nourrir toutes les minorités de Sri Lanka, afin que toutes les communautés du pays puissent s'épanouir dans un cadre multi-ethnique et pluriculturel.
M. PATRICIO UTRERAS (Chili) a déclaré que son pays accordait une grande importance aux résultats de la Conférence de Durban, qui a été un véritable succès mais qui n'est que le point de départ d'un processus, la lutte contre le racisme, auquel tous les acteurs de la scène mondiale doivent participer. Populations autochtones, Afro-descendants, migrants, réfugiés, Roms, Sintis, personnes atteintes du VIH/sida, autant de groupes, parmi d'autres, victimes de formes de discrimination. La gageure consiste à créer les conditions d'application du programme défini à Durban. Le groupe d'experts éminents dur les questions de discrimination, un groupe sur les Afro-ascendants et l'Unité antidiscrimination du Haut-Commissariat pourront tirer parti des études menées par la Sous-Commission.
M. MILORAD SCEPANOVIC (République fédérale de Yougoslavie) a rappelé que les communautés ethniques et nationales représentent un tiers de la population de son pays. Il a affirmé que les nouvelles dispositions législatives adoptées dans son pays en février dernier pour gérer les questions relatives aux droits et libertés des minorités nationales marquent un tournant et rompent définitivement de toute politique de discrimination, de manque de confiance et d'intolérance dans ce domaine hautement sensible. Le représentant yougoslave a par ailleurs indiqué que le Ministère fédéral des communautés nationales et ethniques a mis sur pied un groupe d'experts sur l'éducation chargé de se pencher sur la réforme de l'éducation dans les langues des minorités. Le représentant a en outre apporté le plein appui de son pays aux recommandations présentées par le Groupe de travail sur les minorités, y compris s'agissant de la suggestion de créer un mécanisme spécial des Nations Unies traitant des minorités.
M. SHA ZUKANG (Chine) a déclaré que son pays regroupait soixante-six groupes ethniques distincts, et que son gouvernement leur accordait des droits égaux. Pour garantir une représentation équitable, chaque minorité est représentée au Congrès du peuple. Elles disposent de droits au niveau des communautés locales, et maîtrisent ainsi leur destin. Le représentant chinois a toutefois souligné que certaines minorités téléguidées de l'étranger prétendent imposer leur loi au Tibet, et tentent de porter atteinte à l'unité du pays. Certaines régions de la Chine sont moins développées que d'autres, a expliqué le représentant, il s'agit d'une tendance historique que le Gouvernement combat en octroyant des facilités économiques aux régions de l'ouest. La croissance au Tibet, par exemple, y a été plus forte que dans le reste du pays.
M. DEBABRATA SAHA (Inde) a déclaré que l'existence de groupes minoritaires vivant en paix et en harmonie a toujours caractérisé l'Inde. La Constitution indienne s'efforce d'assurer que tous les citoyens, quelle que soit leur race, leur religion, leur couleur, leur langue et leur croyance, jouissent de droits égaux, a-t-il souligné. Malheureusement, et en dépit de sa longue tradition de tolérance, l'Inde connaît des incidents violents résultant de l'intolérance religieuse parfois appuyée de l'extérieur par des forces hostiles à la laïcité de la société indienne. Le Gouvernement indien a toujours condamné ces incidents sans équivoque et pris les mesures qui s'imposaient pour leur faire échec. Après avoir remercié M. Asbjørn Eide pour le rapport équilibré qu'il a présenté concernant la huitième session du Groupe de travail sur les minorités qu'il préside, le représentant indien a déploré certaines critiques adressées à ce rapport de la part d'un des nouveaux membres de la Sous-Commission qui, selon le représentant indien, ne semble pas avoir pris conscience du fait que son rôle au sein de la Sous-Commission est celui d'un expert et non d'un représentant de pays. Il est faux de prétendre que rien n'a été fait en Inde pour poursuivre les responsables des événements qui se sont déroulés au Gujarat, a déclaré le représentant indien.
M. ABDUL KARIM ASWAD (Iraq) a déclaré que l'une des conséquences des attentats du 11 septembre a été la distillation d'une haine contre les Arabes. Il a par ailleurs fait valoir que la législation iraqienne stipule qu'aucune discrimination ne peut exister contre aucune minorité. Le représentant a en outre souligné que l'Iraq a récemment présenté au Comité pour l'élimination de la discrimination raciale un rapport sur la situation dans le pays. L'Iraq est victime d'un embargo qui frappe douloureusement son peuple, de même que d'actions militaires qui ont fait 1,6 millions de victimes. Il s'agit là de comportements manifestement racistes, comme le sont les actes similaires perpétrés contre les Palestiniens, a déploré le représentant.

Exercice du droit de réponse au titre de la prévention de la discrimination
La représentante du Viet Nam a répondu à la déclaration faite par le Parti radical transnational en affirmant que tous ceux qui vivent sur le territoire du Viet Nam jouissent de droits égaux. Le Gouvernement vietnamien s'efforce de faire participer toutes les communautés au développement commun du pays, a assuré la représentante.
Le représentant du Pakistan a répondu à l'intervention faite par une organisation non gouvernementale «qui a profité de l'ordre du jour de la Sous-Commission pour se livrer à des calomnies» en parlant d'attaques récentes contre des chrétiens au Pakistan. Il a affirmé qu'au Pakistan, les chrétiens sont égaux devant la loi et libres de pratiquer leur religion. La violence qui s'est répandue dernièrement à l'encontre de chrétiens est le fait d'une minorité bénéficiant d'appuis extérieurs – minorité qui ne représente pas l'ensemble des musulmans ni l'ensemble des Pakistanais. Le Gouvernement pakistanais a bien l'intention de tout faire pour prévenir ce type d'attaques. La loi sur le blasphème existe pour protéger toutes les religions et aucune peine de mort n'a été appliquée en vertu de cette loi, a précisé le représentant. Il a ajouté que les forces indiennes massées le long de la frontière indo-pakistanaise sont là pour réaliser «les sombres desseins de leur maître fasciste» et a dénoncé les violations massives des droits des Cachemiriens.
Le représentant de l'Arménie, en réponse à la déclaration faite ce matin par l'Azerbaïdjan, a regretté les tentatives constantes de cette délégation de détourner les faits. Des faits étayés existent qui montrent que les droits des Arméniens du Nagorny-Karabakh sont bafoués par l'Azerbaïdjan. La délégation d'Azerbaïdjan ne semble pas avoir conscience des discussions qui vont avoir lieu demain entre des ministres des deux pays, a remarqué le représentant arménien.
Le représentant de l'Azerbaïdjan s'est déclaré surpris que le Président ait autorisé le représentant de l'Arménie à citer l'Azerbaïdjan dans son discours.

Débat au titre des «questions spécifiques» dans le domaine des droits de l'homme
M. MIGUEL ALFONSO MARTÍNEZ, membre de la Sous-Commission, a commenté le rapport présenté hier par M. Y.K. Yeung Sik Yuen sur les droits de l'homme et les armes de destruction massive. Il a mis l'accent sur certaines vertus qu'il reconnaît à ce travail et dont la moindre n'est pas d'avoir présenté aux experts de la Sous-Commission les règles de droit international public qui s'appliquent aux armes de destruction massive. M. Martinez s'est dit d'accord avec les conclusions de cette étude et a estimé que M. Sik Yuen devait continuer à travailler dans la direction qu'il a donnée à son étude.
MME FRANÇOISE JANE HAMPSON, membre de la Sous-Commission, a déploré que le mandat très vaste confié à M. Sik Yuen ait empêché le développement d'une analyse sur les armes de destruction massive centrée sur les droits de l'homme. Nombre d'aspects du rapport de M. Sik Yuen pourraient en effet bénéficier de rapprochements avec d'autres questions. Il est par exemple frappant de constater le parallèle entre l'interdiction du «traitement cruel et inhumain» en droit humanitaire et les «souffrances superflues» en matière d'utilisation d'armes. Il faut encore établir des distinctions entre les notions de «disproportion» et de «discrimination» quand il est question d'évaluer les effets des armes. Les deux termes entraînent en effet des implications juridiques différentes.
L'action future de la Sous-Commission, a estimé Mme Hampson, peut donc continuer à adopter une attitude politique, mais alors, cette approche n'aura pas d'influence sur les États dont la Sous-Commission souhaiterait qu'ils adoptent des mesures. La Sous-Commission pourrait plutôt adopter une attitude plus restrictive et plus «légaliste», que Mme Hampson favorise, et qui serait fondée sur le respect des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Cette approche a quelque chance d'être intégrée par certains gouvernements et les forces armées. En cas d'approbation de cette option, il faudra que la Sous-Commission fasse établir, sur la base des informations techniques fournies par M. Sik Yuen, une analyse qui tienne compte du droit humanitaire.
M. Y.K. YEUNG SIK YUEN, ancien membre de la Sous-Commission et auteur du document de travail sur les droits de l'homme et les armes de destruction massive, en réponse à certains membres de la Sous-Commission qui regrettaient qu'il ne se soit pas sufffisamment penché sur le Traité sur la non-prolifération nucléaire et sur le Traité d'interdiction complète des essais nucléaires, a rappelé que son travail s'inscrit dans le cadre de l'élaboration d'un simple document de travail et ne constitue pas une étude complète des questions en jeu. Il a en outre indiqué que le Traité de non-prolifération de 1970 est abordé dans les paragraphes 62 à 64 de son rapport.
Un membre de la Sous-Commission s'étant hier interrogé sur le concept de dissuasion dans le contexte de la Guerre froide, M. Sik Yuen a relevé que s'il n'y a pas eu de grande guerre durant la période de la Guerre froide, l'antagonisme n'en restait pas moins très fort à cette époque et un nombre important de conflits périphériques n'en ont pas moins existé. L'idée de la dissuasion fondée sur la «destruction mutuelle assurée» (MAD, selon l'acronyme anglais) était pertinente à une époque où deux pays disposaient d'armes de force à peu près égale. Mais la véritable sécurité ne réside-t-elle pas plutôt dans le fait de s'abstenir de construire des armes de destruction massive, s'est interrogé M. Sik Yuen?

Examen du rapport sur le terrorisme et les droits de l'homme
MME KALLIOPI KOUFA, Rapporteuse spéciale sur le terrorisme et les droits de l'homme, a présenté son second rapport intérimaire sur le terrorisme et les droits de l'homme et rappelé les effets et séquelles émotionnelles que les attentats du 11 septembre 2001 ont eues sur les opinions publiques. Le rapport constate que la lutte contre le terrorisme est devenue une véritable obsession pour tous les gouvernements et tous les grands forums internationaux, avec de nombreuses conséquences pour les droits de l'homme en général, de même que pour l'extradition ou le droit d'asile, entre autres. Certaines de ces mesures causent de très graves inquiétudes aux organismes chargés de protéger les droits de l'homme. C'est sous cet angle que Mme Koufa a décidé d'aborder ces mesures antiterroristes.
Mme Koufa a indiqué que son rapport passe en revue les dispositions prises par les institutions de coopération régionale, les recommandations formulées par les organismes spécialisés des Nations Unies, y compris les résolutions du Conseil de sécurité. Il contient enfin des réflexions sur la «panique» qui semble caractériser les décisions en matière de lutte antiterroriste. La Rapporteuse spéciale a souligné que les attaques terroristes intervenues après la création de son mandat ont récemment pris une grande importance et que l'on assiste actuellement à un environnement instable du point de vue de l'application des lois et des réactions adoptées face terrorisme. Mme Koufa a rappelé qu'il faudra un minimum de distance avec les faits pour les évaluer de façon raisonnable, surtout quand il s'agit d'événements d'une telle amplitude, et a recommandé à la Sous-Commission d'autoriser la préparation d'un nouveau rapport intérimaire.
Dans son rapport (E/CN.4/Sub.2/2002/35), la Rapporteuse spéciale souligne que les effroyables événements du 11 septembre 2001 ont donné une dimension nouvelle et sans précédent à sa tâche, qui a pris des proportions telles que l'accomplir tient presque de la gageure. Depuis ces événements, les actes de terrorisme se sont multipliés d'un bout à l'autre du monde, liés avant tout à un certain nombre de situations de crise en divers points chauds. Les réponses au terrorisme, expressions parfois d'un sentiment de panique ou d'urgence, se sont elles-mêmes avérées spectaculaires. D'ailleurs, pour une bonne part, l'activité politique et juridique liée au terrorisme continue à révéler des réactions proches de la panique, et les réactions de beaucoup de gens, un peu partout, procèdent de la même source. Or ces réactions qui confinent à la panique peuvent avoir de graves incidences sur le droit international et sur le droit relatif aux droits de l'homme, ainsi que sur le droit humanitaire.
Dans son rapport, Mme Koufa souligne par ailleurs que certains spécialistes défendent maintenant des positions qui, il y a seulement un an, auraient été jugées déraisonnables, y compris par leurs tenants d'aujourd'hui – des positions où se trouvent vigoureusement rejetés nombre de principes fondamentaux du droit international, du droit des droits de l'homme et du droit humanitaire qui requièrent l'attention de la Rapporteuse spéciale. Depuis le 11 septembre, ne sont pas rares les États et les chercheurs qui suggèrent qu'il peut être nécessaire d'abroger les droits de l'homme pour combattre le terrorisme, ajoute le rapport. Imprévues, les importantes conséquences de la lutte mondiale contre le terrorisme pourraient bien justifier une réorientation de cette étude. Aussi, la Rapporteuse spéciale recommande-t-elle qu'on lui confie l'établissement d'un autre rapport intérimaire.
M. FISSEHA YIMER, membre de la Sous-Commission, a commenté le rapport présenté par Mme Koufa sur le terrorisme et les droits de l'homme en soulignant que la différence essentielle entre le rapport qu'elle a présenté l'an dernier et celui qu'elle soumet cette année se situe dans les événements du 11 septembre intervenus dans l'intervalle. Le 11 septembre a transformé le paysage géopolitique et stratégique du monde, a souligné M. Yimer, et il est donc inévitable que cela ait eu des répercussions sur la manière dont Mme Koufa appréhende son étude. Ceux qui avaient des doutes quant à la pertinence d'une étude sur le terrorisme ont bien dû voir leurs doutes se dissiper après le 11 septembre, a fait observer M.Yimer. Il a en outre demandé à Mme Koufa de lui préciser ce qu'elle veut dire lorsqu'elle parle dans son rapport de «réactions proches de la panique». M. Yimer a fait part d'un certain sentiment de frustration qui l'anime face à la manière dont Mme Koufa semble aborder son étude maintenant que sont intervenus les événements du 11 septembre. Mme Koufa ne devrait peut-être pas se laisser par trop perturber ou déborder par l'irruption de ces événements dans son étude, a estimé l'expert.
MME HALIMA WARZAZI, membre de la Sous-Commission, a fait observer que la définition du terrorisme n'était pas encore établie et que la question des droits de l'homme avait été absente des négociations de New York. Mme Warzazi a déclaré être d'accord avec Mme Koufa sur le fait que les réactions de panique enregistrées après les attentats du 11 septembre peuvent avoir des implications sérieuses pour le droit international. Contrairement à ce que certains semblent vouloir faire croire, le terrorisme religieux n'est pas le fait des musulmans en général, mais bien d'un petit groupe d'individus. Il faut se dresser contre toutes les tentatives de diabolisation des musulmans auxquelles ont assiste dans les pays occidentaux. Le qualificatif même de «terroriste» a été appliqué de façon quelque peu aléatoire aux résistants au colonialisme ou au régime d'apartheid. La violence a des causes qu'il faut analyser et résoudre, car si les injustices se perpétuent, le monde sera toujours exposé aux dangers de la violence. En ce qui concerne par exemple la situation actuelle des Palestiniens, il faut certes admettre que les ressentiments ne sauraient justifier les attentats contre des civils innocents, mais croire que les opérations suicide peuvent être contrôlées dans les conditions d'injustice qui prévalent actuellement n'est pas réaliste, a estimé Mme Warzazi.
M. CHEN SHIQIU, membre de la Sous-Commission, a commenté le rapport sur le terrorisme et les droits de l'homme présenté par Mme Koufa en relevant que ce rapport ne présente pas de solutions éventuelles. Pour difficile qu'elle soit dans ce domaine, la recherche de solutions devrait pourtant être au cœur de cette étude, a estimé M. Chen. L'expert a par ailleurs souligné que le terrorisme va à l'encontre de la dignité humaine et a donc estimé que toute l'humanité doit s'unir pour le combattre tout en respectant l'intégrité territoriale de chaque pays et les normes internationales en matière de droits de l'homme et de droit humanitaire. M. Chen a souligné que lutter contre la violence par la violence ne fera pas disparaître la menace du terrorisme. On ne saurait faire l'économie d'une étude des causes profondes du terrorisme, a déclaré l'expert. La communauté internationale doit notamment relever le défi du rééquilibrage de l'ordre économique injuste qui prévaut dans le monde.
M. SOO GIL PARK, membre de la Sous-Commission, a souligné que la lutte contre le terrorisme s'effectue au détriment des droits de l'homme. Ceux-ci sont pourtant les meilleurs garants de la sécurité internationale. Il ne faut s'assurer que l'on ne lutte pas contre le terrorisme par le terrorisme. La politique mondiale est actuellement centrée sur le terrorisme, lequel n'est cependant pas une menace pour nos civilisations elles-mêmes, comme avait pu l'être la menace nucléaire à une époque. Si nous ne pouvons pas annihiler le terrorisme, il faudra apprendre à vivre avec, comme nous le faisons avec la criminalité, a estimé M. Park. Dans quelle mesure la Sous-Commission pourrait-elle contribuer à la lutte contre le terrorisme? Peut-on qualifier les actes terroristes d'actes de guerre? Un pays peut-il être en guerre avec un groupe terroriste? Autant de questions auxquelles le rapport pourrait apporter des réponses, a estimé M. Park, qui a aussi relevé l'exploitation que font les terroristes des avantages des sociétés démocratiques.
M. ASBJØRN EIDE, membre de la Sous-Commission, a affirmé que, le 11 septembre ayant créé une situation nouvelle, on peut certes comprendre que la Rapporteuse spéciale sur le terrorisme n'ait pas très bien su comment aller de l'avant dans le cadre de son étude. Il n'en demeure pas moins qu'il faut poursuivre l'étude. Pour ce faire, il faut garder à l'esprit que les actes de terreur, par leur nature même, constituent des violations des droits de l'homme et que cela n'empêche pas que les mesures antiterroristes doivent être conformes aux droits de l'homme. Il serait naïf de croire que derrière tous les actes de terrorisme se cachent des réactions à l'oppression, a déclaré M. Eide : rien ne saurait justifier le terrorisme. Aucune lutte ne saurait justifier des actes qui frappent sans discrimination des civils, a insisté l'expert. Tout en rappelant aux États leurs obligations en matière de respect des droits de l'homme, il faut également rappeler les acteurs non étatiques à leur devoir de ne jamais commettre des actes violant les droits de l'homme, a souligné M. Eide. Pour prévenir le terrorisme, il faut avant tout promouvoir le respect des droits de l'homme de tous, a-t-il affirmé. Le terrorisme ne saurait être assimilé à la fraternité que cherche à promouvoir la Déclaration universelle des droits de l'homme.



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