Communiqués de presse Organe subsidiaire de la Commission des droits de l’homme
LA SOUS-COMMISSION EXAMINE PLUSIEURS DOCUMENTS AU TITRE DES DROITS ÉCONOMIQUES, SOCIAUX ET CULTURELS
07 août 2003
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Sous-Commission de la promotion
et de la protection des droits de l'homme
55ème session
6 août 2003
Après-midi
Elle achève le débat général sur l'administration de la justice,
l’état de droit et la démocratie
La Sous-Commission de la promotion et de la protection des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen des questions relatives aux droits économiques, sociaux et culturels avec la présentation de plusieurs rapports et documents de travail portant sur la réalisation du droit à l'eau potable, les méthodes de travail des sociétés transnationales, la restitution des biens des réfugiés et des personnes déplacées, les effets de la mondialisation, la corruption et l'extrême pauvreté. Des membres de la Sous-Commission ont fait des commentaires sur ces documents. En début de séance la Sous-Commission a en outre achevé son débat général sur l'administration de la justice, l’état de droit et la démocratie.
S'agissant de la réalisation du droit à l'eau dans le contexte de la libéralisation des services, M. El Hadji Guissé s'est fait l'avocat d'un système de tarification sociale progressive, qui permet de veiller à ce que les plus démunis ne soient pas privés de leur droit à l'eau du fait des privatisations. Signalant qu'en Afrique aujourd'hui, du fait de la libéralisation, il arrive qu'un hôpital ou une école soient privés d'eau pour n'avoir pas payé leur facture, il a appelé les États africains à compter le nombre de morts provoquées par la non-réalisation du droit à l'eau et à prendre conscience des liens qui existent entre le droit à l'eau et le développement rural.
M. Paulo Sérgio Pinheiro a souligné l'ampleur du problème posé par la restitution des logements et des biens aux millions de réfugiés et personnes déplacées dans le monde qui souhaitent revenir dans leurs foyers. Alors que le droit à restitution est largement reconnu, l'expert a suggéré que la Sous-Commission envisage d'élaborer des normes universelles en la matière, ce qui permettrait d'harmoniser les régimes disparates actuellement en vigueur.
En ce qui concerne l'impact de la mondialisation sur les droits de l'homme, M. Joseph Oloka-Oyango a recommandé que les États et les institutions financières internationales accordent une plus grande importance à l'impact sur les populations des mesures qu'ils prennent pour favoriser la mondialisation. Il a regretté en particulier que l'élan de la réunion ministérielle de l'OMC à Doha (Qatar) ne se soit pas traduit par des accords permettant, par exemple, l'accès aux médicaments génériques. Il a espéré que les prochaines négociations de Cancún permettront de relancer cet élan et non d'entériner le recul que l'on observe actuellement. L'expert a appelé à un nouveau débat sur les responsabilités des principaux acteurs de la mondialisation, car c'est ainsi que la mondialisation prendra un visage plus humain.
Présentant son document de travail sur les conséquences de la corruption pour la réalisation et la jouissance de tous les droits de l'homme, M. Christy Ezim Mbonu a comparé la corruption à un cancer qui se développe au sein des sociétés, enrichissant un petit groupe au détriment du plus grand nombre. Elle a appelé l'attention sur la difficulté de parvenir à une définition universelle de la corruption qui est perçue différemment suivant les contextes culturels, comme en attestent les négociations en cours en vue de l'élaboration d'un instrument international contre la corruption.
En vue de l'élaboration d'un cadre conceptuel permettant d'aborder la question des droits de l'homme et de la pauvreté, M. José Bengoa recommande dans son rapport que soient organisées de larges consultations sur ce thème et a invité les organisations non gouvernementales à participer activement au groupe spécial qu’il est chargé d’organiser. L'expert a rappelé que la pauvreté revenait à une négation des droits de la personne et s'est félicité que l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture (Unesco) ait fait de la lutte contre la pauvreté un élément central de sa politique.
Sont intervenus au cours de l'échange de vues qui s'est engagé entre les experts suite à ces présentations : M. Paulo Sérgio Pinheiro, M. Absjørn Eide, M. Shiqiu Chen, Mme Christy Ezim Mbonu, M. El-Hadji Guissé, M. Vladimir Katarshkin, M. Rui Baltazar Alves Dos Santos, M. Abdul Sattar et Mme Lalaina Rakotoarisoa.
Dans le cadre du débat général sur l'administration de la justice, l’état de droit et la démocratie, les organisations non gouvernementales Asian Women's Human Rights Council et International Human Rights Association for American Minorities ont pris la parole, ainsi que les représentants du Soudan, de la Turquie, de la Roumanie et de l'Égypte.
La Commission poursuivra demain, vendredi 8 août, à 10 heures, son débat général sur les droits économiques, sociaux et culturels.
Fin du débat sur l'administration de la justice, l'état de droit et la démocratie
MME TOMO SHIBATA (Asian Women's Human Rights Council) a appelé l'attention sur l'impunité s'agissant des crimes sexuels au Japon. Elle a déclaré que le système judiciaire japonais perpétuait cet état de fait. Elle a fait savoir que les crimes sexuels au Japon étaient punis de 5 ans de prison et les viols de 7 ans sans que soient prises en compte les circonstances particulières du crime, par exemple l'âge de la victime. Elle a insisté sur le fait que le système judiciaire japonais ne reconnaissait pas les troubles psychiques des enfants ayant subi des crimes sexuels. Elle a recommandé à cet égard que la prescription soit supprimée pour les délits sexuels afin que les abus sexuels commis sur des enfants puissent être punis. La représentante a ensuite expliqué que la perpétuation des abus sexuels dans les familles était rendue possible par la complicité des mères et la structure familiale. Aussi, il importe non seulement de réformer le droit, de pénaliser le silence sur les abus sexuels, de faciliter l'accès des victimes à la justice, mais aussi d'enseigner les droits de l'homme dans les familles et les institutions afin que les victimes ne restent pas silencieuses.
M. FAROOQ SIDIQI (International Human Rights Association of American Minorities) a déclaré que les principes inhérents à la démocratie ne sont pas respectés au Cachemire. La démocratie et la justice ne sauraient exister lorsqu'un État ou la frontière d'un État se trouve sous occupation d'une force étrangère, a-t-il souligné. L'occupation et la démocratie ne sont pas compatibles, a-t-il insisté. Aucune véritable démocratie ne maintient des millions de gens en servitude contre la volonté du peuple et contre le droit international. Le moment est venu pour la Sous-Commission et les mécanismes des Nations Unies d'examiner le bilan de la démocratie indienne qui est coupable du massacre de milliers de Cachemiriens, musulmans, chrétiens, sikhs et dalits depuis cinquante ans.
M. OSMAN EL-SEDDIG (Soudan), commentant le rapport d'une organisation non gouvernementale sur les événements qui se sont produits dans le Darfour, a déclaré que les violations des droits de l'homme au Soudan sont à attribuer au conflit armé, car le Gouvernement ne ménage aucun effort pour parvenir à instaurer la paix dans le pays. Le Gouvernement a pris les mesures nécessaires pour que soient supprimés les tribunaux spéciaux., a ajouté le représentant. Ainsi, les droits de l'accusé sont respectés, a-t-il affirmé en insistant sur le fait que la peine capitale n'était pas applicable aux mineurs au Soudan, conformément à la Constitution.
M. UGUR DOGAN (Turquie) a mis l'accent sur le processus de réforme en cours dans son pays en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme. Suite à l'adoption d'amendements constitutionnels en 2001, l'entrée en vigueur en 2002 d'un nouveau Code civil ainsi que l'adoption de trois trains de réformes législatives, l'état d'urgence a été levé le 30 novembre 2002 dans les deux provinces où il restait en vigueur, a-t-il rappelé. Il a assuré que le Gouvernement turc est résolu à maintenir ce processus de réforme et a fait remarquer que la voie de la réforme suivie par la Turquie est d'autant plus remarquable que se manifeste dans certaines parties du monde une tendance croissante à restreindre les droits et libertés fondamentaux en raison de préoccupations sécuritaires. Le représentant turc a rappelé que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels ont été ratifiés par le Parlement de son pays en juin 2003. L'abolition de la peine de mort (sauf en temps de guerre) a également été décidée, a-t-il souligné. En outre, la Turquie reste engagée à coopérer étroitement avec les mécanismes de la Commission des droits de l'homme comme en témoigne la visite que la Représentante spéciale du Secrétaire général pour les défenseurs des droits de l'homme effectuera dans ce pays en décembre prochain. Il est également prévu que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes se rende en Turquie, a précisé le représentant.
M. Petru DUMITRIU (Roumanie) a mis l'accent sur la fragilité des processus de démocratisation et s'est inquiété de l'émergence de démocraties purement nominales, dans lesquelles subsistent la corruption, l'absence de transparence, le non-respect de l'obligation redditionnelle et des droits de minorités. Il s'est déclaré d'avis que les mécanismes des droits de l'homme ne devraient ménager aucun effort pour renforcer les piliers de la démocratie et a recommandé que l'on n'attende pas l'effondrement d'un régime pour le reconnaître comme non démocratique, comme c'est trop souvent le cas. La Commission des droits de l'homme devrait donc se donner pour priorité de promouvoir la démocratie et la Sous-Commission devrait continuer d'apporter sa contribution à la construction d'une cadre global de protection de tous les droits de l'homme. À cet égard, il a appelé l'attention sur la résolution adoptée cette année par la Commission des droits de l'homme et qui réaffirme l'interdépendance entre la démocratie et les droits de l'homme. Il a précisé que ce texte vise aussi à renforcer l'action du Haut Commissariat aux droits de l'homme dans la promotion de la démocratie et envisage de réunir un séminaire d'experts sur la démocratie et l'état de droit. En dernier lieu, il a appelé l'attention sur la prochaine conférence des démocraties nouvelles ou restaurées, qui se tiendra à Ulan-Bator en Mongolie, du 10 au 12 septembre 2003.
M. MOHAMED MOUNIR LOUTFY (Égypte), indiquant qu'il souhaitait commenter les déclarations faites par certaines organisations non gouvernementales s'agissant des tribunaux égyptiens, a affirmé que ces déclarations manquaient d'objectivité. L'Égypte respecte l'État de droit, a-t-il assuré. Il a affirmé que la lutte contre le terrorisme est menée par l'Égypte dans le cadre de l'état de droit et de la légalité. La Chambre basse du Parlement a récemment aboli les tribunaux de sécurité de l'État, a-t-il ajouté.
Présentation de rapports au titre des droits économiques, sociaux et culturels
M. EL-HADJI GUISSÉ, Président-rapporteur du Groupe de travail de session sur les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales a rendu compte de la participation du Groupe de travail à l'élaboration de normes qui pourront être transmises à la Commission des droits de l'homme et de l'examen par le Groupe de travail des diverses propositions des organisations non gouvernementales. M. Guissé a déclaré que le Groupe de travail était parvenu à élaborer un projet de normes sur les activités des transnationales et leur impact sur les droits économiques, sociaux et culturels. Il a fait savoir que le Groupe de travail avait examiné en particulier la situation des populations autochtones (le rapport du Groupe de travail paraîtra sous la cote E/CN.4/Sub.2/2003/13).
Présentant par ailleurs son rapport préliminaire sur la réalisation du droit à l'eau potable et à l'assainissement (E/CN.4/Sub.2/2003/10, à paraître), M. GUISSÉ a rendu compte de sa recherche d'un fondement juridique à ce droit. Il a ainsi présenté les normes juridiques existant dans les législations nationales et dans les instruments internationaux. Il a ensuite expliqué qu'il s'était consacré cette année à l'analyse du droit à l'eau dans le contexte de la pauvreté. Il a présenté le système de tarification sociale progressive qui, dans les pays développés, a pour fonction de garantir le droit à l'eau des segments défavorisés de la population.
M. Guissé a recommandé que les États prennent des mesures particulières pour assurer que le droit à l'eau de leur population est garanti, notamment dans le cadre de l'aide au logement ou d'aides particulières. Il s'est inquiété des privatisations des services de fourniture en eau quand elles ne sont pas assorties de protections particulières. Il a illustré son propos en expliquant qu'actuellement en Afrique, il arrive qu'un hôpital ou une école se voient privés d'eau pour n'avoir pas réglé leur facture. Il a estimé que le droit à l'eau reste une chimère pour une part trop grande des populations rurales en Afrique où la corvée d'eau pèse sur les femmes. Il a recommandé aux États africains de recenser les décès résultant de la non-réalisation du droit à l'eau et à l'assainissement. L'expert a aussi souligné le lien entre le droit à l'eau et le développement rural.
M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, Rapporteur spécial sur la restitution des logements et des biens dans le cadre du retour des réfugiés et autres personnes déplacées (le rapport préliminaire de M. Pinheiro porte la cote E/CN.4/Sub.2/2003/11, à paraître en français), a rappelé que le problème de perte de logements et de biens affecte, dans toutes les régions du monde, des millions de personnes. M. Pinheiro a indiqué que son rapport de cette année présente une vue d'ensemble des programmes de restitution de logements et de biens mis en place dans un certain nombre de pays suite à un conflit interne ou à des déplacements massifs, ce qui permet notamment de mieux connaître les obstacles auxquels se heurte la mise en œuvre de ces programmes et de jeter les bases d'une future politique commune dans ce domaine. Le Rapporteur spécial a souligné qu'à tous les moments du cycle de déplacement, protéger les droits des personnes déplacées doit rester une obligation de premier ordre. D'après le Haut Commissariat pour les réfugiés, il y aurait entre 20 et 25 millions de personnes déplacées internes dans le monde, auxquelles il faut ajouter une vingtaine de millions de réfugiés, ce qui donne la mesure de l'ampleur du problème auquel nous sommes confrontés, a rappelé M. Pinheiro.
Le Rapporteur spécial a encouragé la Sous-Commission à adopter au cours de la présente session une résolution afin de se pencher sur le problème des expulsions forcées à travers le monde - problème qui est largement abordé dans le cadre du présent rapport préliminaire. Au niveau international, le droit à la restitution des terres, du logement et des biens est de plus en plus fréquemment reconnu comme faisant partie intégrante des droits accompagnant le droit au retour des réfugiés et des personnes déplacées, a fait observer M. Pinheiro. Il a estimé que la Sous-Commission pourrait judicieusement contribuer à l'élaboration de normes universellement acceptables sur la restitution des logements et des biens des personnes déplacées.
M. JOSEPH OLOKA-OYANGO, Rapporteur spécial de la Sous-Commission chargé d'examiner la mondialisation et de ses effets sur la pleine jouissance de tous les droits de l’homme a présenté le rapport sur la question qu'il a préparé avec Mme Deepika Udagama (E/CN.4/Sub.2/2003/14), a précisé que les processus de la mondialisation ne sont pas naturels mais nourris par des intérêts économiques. Il a déclaré qu'il n'y avait pas un seul modèle de mondialisation, mais qu'actuellement c'était la mondialisation du haut vers le bas qui primait. Il a observé que les États s'efforçaient surtout de faciliter la mondialisation. Il a expliqué que les auteurs de l'étude se sont efforcés d'examiner comment la situation de groupes spécifiques était affectée par la mondialisation. Il a observé qu'une attention insuffisante avait été accordée aux groupes qui souffraient de la mondialisation et que les institutions financières internationales n'accordaient pas une attention suffisante aux effets de leurs programmes sur les droits de l'homme
Pour remédier à cette tendance, M. Oloka-Oyango a souligné l'interdépendance des pays et des populations et a fait remarquer qu'il n'y a qu'un seul monde partagé par tous. L'expert a indiqué que les Rapporteurs spéciaux se sont également efforcés de mesurer l'impact des événements du 11 septembre sur les processus de la mondialisation et a appelé les États à s'assurer que les mesures prises après le 11 septembre 2001 n'aient pas de répercussions négatives sur la jouissance des droits de l'homme. En outre, il importe que les États accordent un plus grand respect au multilatéralisme, a-t-il déclaré, regrettant la résurgence de l'unilatéralisme qui a culminé avec la guerre en Iraq dont on ne mesure pas encore toutes les conséquences sur le multilatéralisme.
S'agissant de l'action des institutions financières internationales, M. Oloka-Oyango a estimé que l'Organisation mondiale du commerce aurait un rôle à jouer en assurant que les accords multilatéraux sont mis en œuvre. Il a illustré son propos en regrettant que l'élan de Doha ne se soit pas traduit par des accords permettant, par exemple, l'accès aux médicaments génériques. Il a espéré que les négociations de Cancún permettront de relancer l'élan qui avait marqué la réunion ministérielle de Doha et non d'entériner le recul que l'on observe actuellement. En conclusion, l'expert a estimé qu'il importait de revaloriser le rôle de l'État en tant que protecteur des droits de l'homme. Il a appelé ensuite à un nouveau débat sur les responsabilités des êtres humains et des principaux acteurs de la mondialisation, car c'est ainsi que la mondialisation prendra un visage plus humain.
Présentant son document de travail sur la corruption et ses conséquences pour l'exercice des droits de l'homme, en particulier les droits économiques, sociaux et culturels (E/CN.4/Sub.2/2003/18), MME CHRISTY EZIM MBONU, experte de la Sous-Commission, a souligné que la corruption peut être considérée comme étant pire qu'un cancer grandissant au cœur même des sociétés, enrichissant un petit nombre d'individus et appauvrissant le plus grand nombre. La corruption crée la pauvreté qui engendre à son tour le déni des droits civils, politiques, économiques, sociaux et culturels. Mme Mbonu a rappelé qu'il n'existe à ce jour aucun accord universel quant à ce que pourrait être une définition de la corruption. Elle a fait remarquer que les différences culturelles jouent un grand rôle dans la perception de la corruption. Les négociations en cours à Vienne sur une convention internationale traitant de la question ont clairement mis à jour ces différences de perception, a-t-elle souligné. Elle a précisé que le blanchiment d'argent reste en dehors du cadre son étude.
Mme Mbonu a indiqué que, dans son document de travail, elle cite au nombre des causes de la corruption, la dictature et le manque de démocratie; une faible application de la loi; une pauvreté rampante; la cupidité morbide et le matérialisme; ainsi que la décadence morale. Elle a toutefois mis l'accent sur trois facteurs essentiels que l'on retrouve à la source de la corruption et qui ne sont pas mentionnés dans son document de travail, à savoir: la mondialisation de la corruption par les sociétés transnationales; les programmes de privatisation imposés par le FMI et la Banque mondiale aux pays en développement et volontairement mis en œuvre par les pays développés; ainsi que la corruption du secteur privé.
Le document de travail de Mme Mbonu souligne que la jouissance des droits de tous ordres est gravement menacée par le phénomène de la corruption. Au plan économique, la corruption a pour effet une affectation inefficace des ressources, elle alourdit le coût des investissements, diminue la confiance des investisseurs, favorise les inégalités et l'inefficacité dans le secteur privé et accroît le coût des projets et des services du secteur public tout en diminuant la qualité. On ne peut que regretter que nombre de dictateurs corrompus de pays en développement aient volé leur pays pour investir à leur propre profit les fonds détournés dans les sociétés développées qui ne posent pas de questions quant à l'origine de l'argent, dont il est en général notoire qu'elle est illicite. Dans de nombreuses sociétés, le mauvais exemple venu du haut engendre corruption et pauvreté. Mais hélas, la pauvreté elle-même a tendance à induire la corruption au cœur de la société, affirme le rapport. Au nombre des formes que prend la corruption, le rapport identifie les fonds provenant de pillages et richesses accumulées secrètement à l'étranger, le détournement de fonds publics, le blanchiment d'argent, les commissions occultes, et l'abus de pouvoir.
Les enjeux que représente la corruption doivent désormais être traités avec tout le sérieux que la situation mérite, conclut le rapport. Malgré les remèdes passés, la corruption s'aggrave et prend des proportions alarmantes, précise-t-il. Il est encourageant de noter qu'à l'échelon national, de nombreux pays ont mis en place des mécanismes stricts de lutte contre la corruption pour traiter de ce problème, précise néanmoins Mme Mbonu dans son rapport. Aussi, invite-t-elle instamment tous les autres pays à s'attaquer à cette plaie en lui accordant une place prioritaire dans les affaires de la nation. Des actions régionales et interrégionales sont aussi nécessaires pour juguler ce fléau, ajoute-t-elle. Mme Mbonu recommande fermement qu'une étude approfondie du problème soit entreprise à l'échelon de la Sous-Commission, dans la perspective de contribuer à promouvoir la transparence, la responsabilité et la bonne gouvernance dans les États membres de l'ONU afin de permettre à tous de jouir de leurs droits fondamentaux. Si son principe est approuvé, cette étude devra examiner en détail les manifestations tant générales que spécifiques de la corruption. Elle devra notamment élaborer des directives sur le respect des droits de l'homme, les mécanismes internationaux de recours et les systèmes de sanctions. Les problèmes auxquels sont confrontés les pays en développement du fait de la fuite des capitaux provoquée par le pillage des caisses de l'État par des personnalités corrompues devront être traités. Les solutions à apporter pour assurer le rapatriement des fonds d'origine illicite déposés à l'étranger et leur retour à leurs propriétaires légitimes devront aussi être traitées, indique Mme Mbonu dans son rapport.
La Sous-Commission est également saisie au titre de ce point du document de travail préliminaire sur l'application des normes et critères relatifs aux droits de l'homme dans le contexte de la lutte contre l'extrême pauvreté (E/CN.4/Sub.2/2003/17), préparé par M. José Bengoa, qui propose à la Sous-Commission les principes fondamentaux d'un cadre conceptuel pour l'élaboration de principes directeurs concernant l'application de telles normes et de tels critères. Rappelant que l'an dernier, la Sous-Commission a prié un groupe spécial d'experts, coordonné par M. Bengoa, de présenter un document de travail sur la nécessité de mettre au point de tels principes directeurs, ce document contient un certain nombre de recommandations dont celle visant à ce que le groupe spécial procède à de larges consultations sur la base du cadre conceptuel proposé au chapitre II, section B, du document et exposé en détail (en anglais seulement) en annexe de ce même document.
M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, expert de la Sous-Commission, a réagi à la présentation du rapport des rapporteurs spéciaux sur les effets de la mondialisation en soulignant notamment qu'un monde pétri par les technologies comme l'est notre monde actuel doit rester lié à un ensemble de valeurs.
M. ASBJØRN EIDE, expert de la Sous-Commission, a relevé que le Groupe de travail sur les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales a apporté une contribution importante en complétant le projet de normes sur la responsabilité de ces sociétés en matière de droits de l'homme. Il faut espérer que la Sous-Commission pourra entériner ce projet de normes, a déclaré M. Eide. Les problèmes de l'eau, étudié par M. Guissé, et celui de la corruption, traité par Mme Mbonu, sont d'une importance capitale, a ajouté M. Eide. Quant au problème de la restitution des logements et des biens des réfugiés et personnes déplacées internes, il revêt une importance croissante en cette période, a poursuivi l'expert. Il a également salué les travaux accomplis par les Rapporteurs spéciaux sur les effets de la mondialisation sur la jouissance des droits de l'homme et par M. Bengoa s'agissant de l'extrême pauvreté.
Beaucoup de politiques dites de développement créent la pauvreté, a souligné M. Eide. Il convient donc de s'assurer qu'à l'avenir, un terme soit mis à cet état de fait. Actuellement, la mondialisation fait de plus en plus l'objet de critiques et suscite une résistance accrue. On commence à comprendre qu'il faut apporter des modifications de ce point de vue, a poursuivi l'expert. En se fondant sur le travail effectué cette année dans ce domaine, la Sous-Commission est bien placée pour apporter les réponses aux problèmes que le monde rencontre aujourd'hui en la matière, a estimé l'expert.
M. CHEN SHIQUIU, expert de la Sous-Commission a souligné l'aspect fondamental de la lutte contre la pauvreté, qui est l'un des grands défis du XXIe siècle alors que l'on observe une marginalisation croissante de certains États. Il en a cité pour preuve l'augmentation du nombre de pays inscrits sur la liste des pays les moins avancés. Insistant sur la nécessaire solidarité de la communauté internationale, il a émis l'espoir que les pays développés respectent leurs engagements et œuvrent à l'instauration d'un monde plus juste. Il a exhorté ces pays à mettre en œuvre les engagements qu'ils ont pris lors des grandes conférences, car les attentes des populations se font plus pressantes. Il a espéré que le groupe spécial sur les droits de l'homme et la pauvreté continuera ses travaux, car l'élimination de la pauvreté est indispensable à la réalisation des droits de l'homme.
MME CHRISTY EZIM MBONU, experte de la Sous-Commission, a félicité M. Guissé pour son rapport sur le droit à l'eau potable et a souligné que dans certains pays en développement, comme le sien, l'eau est un luxe. On ne saurait donc sous-estimer l'importance de la question de l'eau, a-t-elle insisté. Mme Mbonu a rappelé que certains pays en développement utilisent pour le paiement du service de la dette l'argent qu'ils auraient pu consacrer à la fourniture de l'eau à leurs citoyens.
M. EL-HADJI GUISSÉ, expert de la Sous-Commission, s'est étonné du choix des Rapporteurs spéciaux d'intégrer les événements du 11 septembre 2001 dans un rapport sur la mondialisation et ses effets sur les droits de l'homme. Il a ensuite joint sa voix à celle de M. Bengoa pour appeler les organisations non gouvernementales à collaborer à l'élaboration du cadre conceptuel sur les droits de l'homme et la pauvreté. S'adressant ensuite à Mme Mbonu, il a dit que, pour sa part, il considérait la corruption comme une entrave à la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Il a appelé l'attention sur les liens entre corrupteurs et corrompus et a établi une distinction entre corruption et prévarication des fonctionnaires. Il a souligné l'importance particulière pour l'Afrique de cette étude sur la corruption.
M. VLADIMIR KARTASHKIN, expert de la Sous-Commission, a regretté que les nombreuses questions traitées au titre du point de l'ordre du jour consacré aux droits économiques, sociaux et culturels doivent être traitées dans un laps de temps si court. S'agissant du rapport présenté par le Groupe de travail sur les méthodes de travail et les activités des sociétés transnationales, il a rappelé que ce Groupe de travail a consacré une dizaine de séances à l'élaboration d'un projet de normes concernant la responsabilité de ces sociétés en matière de droits de l'homme. Commentant par ailleurs le rapport de Mme Mbonu sur la corruption, M. Kartashkin a souligné que la corruption touche tous les pays.
Se concentrant sur le rapport présenté par les Rapporteurs spéciaux sur les effets de la mondialisation, M. Kartashkin a rappelé que certains associent la mondialisation à l'inégalité entre les États, à la pauvreté et à la recrudescence des tensions de par le monde, alors que d'autres, au contraire, ne tarissent pas d'éloges face à la mondialisation qui, selon eux, est responsable de tous les biens du monde. Mais on ne peut lutter ni contre le progrès technique ni contre la mondialisation, et il faut donc s'attacher à en corriger les effets négatifs. Contrairement à ce que pensent certains qui lui attribuent la responsabilité du caractère unipolaire du monde actuel, la mondialisation, c'est inéluctable, va aboutir à un monde multipolaire et au renforcement des Nations Unies, a estimé M. Kartashkin. La guerre en Iraq a montré qu'aucun pays à lui seul ne saurait faire face aux conséquences d'une telle guerre sans l'aide des Nations Unies. En témoigne le fait que le pays qui a engagé cette guerre demande aujourd'hui l'assistance des Nations Unies, a fait remarquer l'expert.
S'agissant de la corruption, M. RUI BALTAZAR DOS SANTOS ALVES, expert de la Sous-Commission, a expliqué que ce phénomène n'était pas limité aux pays en développement, ce qui signifie qu'il faudra des cadres d'interprétation valables pour connaître des diverses formes de corruption. Par exemple dans le cas de l'Afrique, la priorité doit être donnée à la résolution des conflits et à la restauration de l'état de droit. L'expert a ensuite indiqué que la corruption se nourrit aussi du non-respect de la responsabilité des fonctionnaires et de l'absence de transparence. Il a fait quelques suggestions pour y remédier en recommandant notamment d'informer les populations, de garantir la responsabilité de l'administration, de privilégier la transparence. Il a également observé que la presse se révélait souvent un bon chien de garde en la matière en faisant la lumière sur la corruption. Il a également recommandé à Mme Mbonu d'élaborer des questionnaires distincts pour les États en fonction du type de corruption qu'ils connaissent.
M. ABDEL SATTAR, expert de la Sous-Commission, a commenté le rapport de Mme Mbonu sur la corruption en affirmant qu'aucun malheur ne sape davantage les droits de l'homme de pans entiers de secteurs de l'humanité que la pauvreté, qui prive les gens de nourriture, de vêtements, de services médicaux et d'éducation tout en dévaluant l'humanité même des individus. Dans son document de travail, Mme Mbonu a souligné qu'aucun mal n'aggrave plus la pauvreté que ne le fait la corruption, en particulier dans les pays en développement, a souligné l'expert. Il s'est réjoui des efforts déployés par le Comité spécial créé par l'Assemblée générale pour négocier une convention contre la corruption. «Nous saurons seulement demain si ce Comité est parvenu à mener à bien ses travaux ou si cette tâche va se poursuivre indéfiniment sans que les victimes de la corruption voient leurs souffrances atténuées», a déclaré M. Sattar. Il a suggéré que Mme Mbonu soit priée de suivre de près les progrès réalisés en ce qui concerne cette convention.
MME LAILANA RAKOTOARISOA, experte de la Sous-Commission, a pour sa part observé que la corruption était un sérieux obstacle au progrès, à la cohésion sociale, à la démocratie et à la stabilité des gouvernements. En outre, la corruption décourage l'investissement et constitue aujourd'hui un problème mondial dont l'élimination suppose une collaboration entre les États, notamment judiciaire. Elle a également établi un lien entre la corruption et les activités des groupes criminels qui sont à la recherche d'États faibles où blanchir leur argent. Si la coopération internationale est indispensable, elle devra toutefois s'appuyer sur un vigoureux élan interne, a observé l'experte. Elle a ensuite suggéré divers moyens afin d'identifier les fonctionnaires corrompus et a recommandé à Mme Mbonu d'envisager le rôle de l'éducation dans la lutte contre la corruption. Évoquant ensuite le droit à l'eau potable, Mme Rakotoarisoa a appuyé la proposition de M. Guissé selon laquelle l'assistance technique en faveur de la réalisation du droit à l'eau est une nécessité.
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