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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME DÉCIDE DE REPORTER À LUNDI SA DÉCISION SUR LE PROJET DE RÉSOLUTION RELATIF À LA SITUATION AU TIMOR ORIENTAL

24 Septembre 1999

.APRES-MIDI

HR/CN/99/69
24 septembre 1999



Les consultations ont permis d'aboutir à un nouveau texte qui prend en compte
nombre d'éléments proposés aux co-auteurs par d'autres délégations


La Commission des droits de l'homme a décidé, cet après-midi, de poursuivre sa session extraordinaire lundi à 15 heures, après avoir entendu une déclaration, au nom des auteurs d'un projet de résolution sur la situation des droits de l'homme au Timor oriental, indiquant que certaines délégations souhaitent disposer de davantage de temps afin de consulter leurs capitales.

Le représentant de la Finlande, qui a fait cette déclaration, a souligné que les consultations sur le projet de résolution qui été distribué ce matin (E/CN.4/S-4/L.1) ont permis d'aboutir à un nouveau texte qui, a-t-il précisé, prend en compte un certain nombre d'éléments proposés par nos partenaires dans les consultations. Il était alors apparu que certaines délégations avaient besoin de temps pour consulter leurs gouvernements. Il devenait alors sage de reporter l'examen du nouveau projet (E/CN.4/S-4/L.1/Rev.2) à lundi, l'objectif étant le consensus.

Selon ce projet de résolution, la Commission des droits de l'homme demanderait au Gouvernement indonésien d'assurer, en coopération avec la Commission nationale des droits de l'homme d'Indonésie, que les personnes responsables des actes de violence et des violations flagrantes et systématiques des droits de l'homme soient traduites en justice. La Commission demanderait au Secrétaire général d'établir une commission internationale d'enquête avec une représentation adéquate d'experts asiatiques afin, en coopération avec la Commission nationale indonésienne et les rapporteurs thématiques de la Commission des droits de l'homme des NationsUnies, de recueillir et de compiler systématiquement les informations sur les éventuelles violations de droits de l'homme perpétrées au Timor oriental depuis janvier 1999. La Commission demanderait à la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, au Représentant spécial du Secrétaire général sur les personnes déplacées internes, au Rapporteur spécial sur la torture, à la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et au Groupe de travail sur les disparitions forcées ou involontaires d'entreprendre des missions au Timor oriental et de faire rapport à la Commission et à l'Assemblée générale.

La Commission a conclu cet après-midi son débat général dans le cadre de sa session extraordinaire sur la situation au Timor oriental en entendant douze organisations non gouvernementales, ainsi que le Président de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Indonésie, M.Marzuki Darusman. Ce dernier a rappelé que la Commission nationale des droits de l'homme de son pays a annoncé il y a deux jours la création d'une commission d'établissement des faits sur les événements survenus au Timor oriental qui, a-t-il assuré, sera ouverte à la participation des organisations internationales. Prenant la parole au nom de l'organisation non gouvernementale Worldview International Foundation, le Prix Nobel de la paix José Ramos Horta a estimé que si la Commission n'adopte pas une résolution très ferme demandant au moins une enquête internationale, elle risque de se faire le complice de l'impunité et des crimes de guerre au Timor oriental. Le représentant de l'Institut catholique pour les relations internationales a pour sa part annoncé devant la Commission le meurtre du chef de l'équipe de Caritas au Timor, M.Francisco Barreto, et de la plupart des membres de cette équipe.

Sont également intervenues les organisations non gouvernementales suivantes: Association pour l’éducation d’un point de vue mondial, International Work Group for Indigenous Affairs, Survivance internationale, Société anti-esclavagiste, Fédération internationale des droits de l'homme, Human Rights Watch, Médecins du monde, Federación Internacional Democrática de Mujeres, Réhabilitaiton internationale et Société pour les peuples en danger.

Le représentant de l'Iraq a exercé son droit de réponse.

La Commission poursuivra les travaux de sa session extraordinaire lundi prochain, 27 septembre, à 15 heures.


Déclarations

M.DAVID LITTMAN (Association pour l’éducation d’un point de vue mondial) a déclaré que les récents événements horribles qui se sont déroulés au Timor oriental étaient prévisibles et auraient pu être aisément évités. Il n'est désormais plus possible de nier la lourde responsabilité des chefs militaires de Jakarta dans les exécutions massives perpétrées par leurs prétendues «milices locales» au Timor oriental. Il y a eu et il continue à y avoir une évidente complicité pour commettre un génocide. M.Littman a insisté sur la nécessité de traduire rapidement en justice les responsables directs et indirects des atrocités commises au Timor oriental. Pour ce faire, il a préconisé la création d'un tribunal ad hoc sur le modèle de ceux qui ont déjà été créés pour l'ex-Yougoslavie et pour le Rwanda. M.Littman a par ailleurs estimé que les organes des droits de l'homme devaient étroitement surveiller les mouvements sociaux en Indonésie, en particulier ceux qui intègrent des revendications visant une plus grande autonomie ou une plus grande indépendance. L'indépendance du Timor oriental peut servir d'exemple à d'autres dans ce vaste archipel. L'assistance d'organes chargés des droits de l'homme tels que le Groupe de travail sur les minorités de la Sous-Commission peut aider à prévenir toute nouvelle violence en Indonésie. Il est également urgent de redoubler d'efforts pour résoudre les conflits violents qui se produisent dans d'autres régions connaissant de fortes tendances génocidaires, en particulier en Afrique.


M.JOSÉ RAMOS HORTA (Worldview International Foundation) a déclaré qu'en suivant ce qui se passe dans son pays, il ne peut s'empêcher de penser à d'autres tragédies, telles que l'holocauste. L'Europe des années 30 n'a pas pris les mesures qui auraient pu empêcher l'holocauste des Juifs. Il y a une dizaine d'années, le Koweït a été détruit et certains Koweïtiens n'ont toujours pas été retrouvés à l'heure actuelle. M.Ramos Horta a rappelé qu'il y a quelques jours, il a rencontré le Président des États-Unis et le Secrétaire général des NationsUnies, et leur a fait part du sentiment qu'il nourrit à l'égard de son pays, un sentiment similaire à celui qu'inspire la tragédie des Juifs. M.Ramos Horta a félicité le Président Habibie du courage dont il a fait preuve pour avoir réussi à rompre avec le passé de l'Indonésie. Il a souligné que la véritable responsable est l’armée indonésienne. La démocratie en Indonésie est menacée par les mêmes forces qui sont responsables des atrocités au Timor oriental. Si la Commission n'adopte pas une résolution très ferme demandant au moins une enquête internationale, il risque de ne pas être tenu compte dans le pays de l'évolution que connaît l'Indonésie vers la démocratie et l'état de droit, qui sont encore aujourd'hui menacés. La Commission des droits de l'homme des NationsUnies ne peut pas fuir ses responsabilités face à la situation de génocide et de crimes de guerre que l'on peut observer au Timor. Cette violence est dirigée par une armée qui devrait avoir pour tâche de protéger la population civile. La Commission ne doit pas être complice de l'impunité et des crimes de guerre au Timor.

MME SARAH PRITCHARD (International Work Group for Indigenous Affairs, au nom de plusieurs autres organisations non gouvernementales) a rappelé que la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, MmeMary Robinson, a proposé de créer une commission d'enquête internationale sur les événements du Timor oriental. Comme l'a signalé le Conseil de sécurité dans le rapport de sa mission envoyée sur le terrain, les milices pro-intégrationnistes étaient appuyées, dans leurs agissements, par les forces armées indonésiennes. Elle s'est prononcée en faveur de la mise sur pied d'un tribunal ad hoc qui serait chargé de juger des crimes commis au Timor. Seul un tribunal ad hoc susceptible d'engager des poursuites en toute indépendance pourra permettre de traduire les responsables en justice. Les commissions de la vérité se traduisent rarement par des poursuites et se soldent souvent par des amnisties. Les événements qui se sont produits au Timor oriental avaient été planifiés, a affirmé la représentante. Le Conseil de sécurité doit donc décider de créer un tel tribunal ad hoc sans quoi il incombera à l'Assemblée générale d'établir ce tribunal.

M. CHRISTIAN RANHEIM(Survivance internationale) a affirmé que les effusions de sang et les déplacements auxquels ont été soumises les populations du Timor oriental auraient pu être évités. Il a rappelé que dans une lettre envoyée au Secrétaire général avant le scrutin du 30 août, son organisation avait demandé le désarmement des milices. Après l'annonce des résultats du scrutin, le 4 septembre, la violence s'est déchaînée, livrant le peuple du Timor oriental aux massacres. De nombreux éléments, notamment des transmissions radiophoniques que Survivance internationale a pu enregistrer, attestent de la connivence de l'armée et des milices dans les événements qui se sont produits au Timor oriental, y compris avant le déroulement du scrutin du 30 août.

M. EDWIN KEIJZER(Société anti-esclavagiste) a déclaré que les militaires indonésiens ont mené une campagne bien orchestrée visant à tuer un très grand nombre d'Est-Timorais. Le Gouvernement indonésien a invoqué des prétextes légalistes pour freiner la fourniture d'une aide d'urgence, a-t-il dit. Si l'on avait agi dès les massacres de Dili du printemps dernier, beaucoup de souffrances auraient pu être évitées. Le représentant s'est prononcé en faveur de la création d'une commission d'enquête internationale chargée d'enquêter sur les crimes commis au Timor oriental. L'exercice de la justice est importante mais il est encore plus important d'empêcher que de nouvelles exactions se produisent. Les NationsUnies doivent assurer immédiatement la sécurité au Timor oriental. Le Timor oriental ne doit pas être divisé et les militaires et les milices doivent s'en retirer au plus vite. Les milliers de Timorais déplacés de force doivent bénéficier d'une aide immédiate et pouvoir retourner rapidement dans leur pays en toute sécurité. À l'heure actuelle, il semble que les milices et les militaires continuent d'enlever des Est-Timorais, même depuis l'arrivée de la force internationale (Interfet). Il faut espérer que le Conseil de sécurité décidera de créer une commission d'enquête internationale et que sera ensuite établi un tribunal pénal international ad hoc.

M.ANICETO GUTTERES (Fédération internationale des droits de l'homme, FIDH) a déclaré que la duplicité des autorités indonésiennes dans la genèse des événements qui se sont produits au Timor oriental sont incontestables, notamment si l'on se réfère aux positions officielles qu'elles ont défendues en ce qui concerne les questions relatives aux prisonniers politiques et à la formation des milices. Depuis le début de l'année 1999, de nombreuses organisations non gouvernementales ont été prises pour cibles par les milices qui bénéficiaient d'ailleurs de la complicité de l'armée indonésienne. Les NationsUnies et la communauté internationale ont pour responsabilité morale et légale d'assurer le respect des résultats du scrutin favorables à l'indépendance. Il convient d'établir une commission internationale d'enquête sous les auspices du Conseil de sécurité. Les autorités indonésiennes doivent garantir le retour de tous les réfugiés et libérer tous les prisonniers politiques timorais.

MME JOANNA WESCHLER (Human Rights Watch) a déclaré qu'il ne fait aucun doute que des crimes contre l'humanité ont été commis au Timor oriental. La Commission doit donc mettre sur pied une commission d'experts chargée de conduire des enquêtes approfondies sur les événements qui se sont produits au Timor oriental depuis le 27 janvier 1999, date à laquelle le Président Habibie avait annoncé qu'il accordait aux Est-Timorais la possibilité de se prononcer sur l'indépendance. Un mécanisme d'enquête est nécessaire de toute urgence pour clarifier les faits.

MME GRACIELA ROBERT (Médecins du monde) a rappelé que son organisation se trouvait au Timor oriental depuis le mois de mars dernier. Elle a déclaré que son organisation reste encore à ce jour sans nouvelle de la plupart de ses partenaires sur le terrain. Le maintien de la présence d'un des médecins de cette organisation dans une clinique de Dili quelques jours après l'évacuation de la plupart des étrangers a permis de constater directement le caractère massif des exactions commises après le 4 septembre. Le niveau de sécurité ne permet pas encore l'implantation durable d'une équipe expatriée de Médecins du monde. Il est urgent de garantir de toute urgence l'accès des organisations humanitaires aux populations qui se trouvent dans le besoin. Il est impératif de mener un travail de qualification des faits et des exactions commises au Timor. Les responsables des exactions doivent être identifiés et jugés. Pour cela, et dans l'attente du déclenchement des procédures, des mesures conservatoires des preuves
doivent être prises.

M. JOSE LUIS GUTTERES(Institut catholique pour les relations internationales) a fait part à la Commission du meurtre ) qui vient d'intervenir ) du chef de Caritas au Timor, M.Francisco Barreto, et de la majorité de son équipe. Rappelant que l'Institut a envoyé deux missions d'observation au Timor oriental cet été, il a souligné que ces missions avaient conclu que le scrutin du 30 août s'était déroulé de manière libre et équitable. Selon les estimations, la grande majorité de la population du Timor oriental a dû fuir la violence qui s'est déchaînée après l'annonce des résultats du scrutin. Il faut que la communauté internationale vienne en aide de toute urgence aux personnes déplacées et réfugiées. L'Institut demande la mise sur pied d'un comité d'experts chargé d'enquêter sur les violations des droits de l'homme commises au Timor oriental. Il faudrait aussi envisager l'imposition de sanctions contre Jakarta, notamment un embargo sur les ventes et transferts d'armes aussi longtemps que l'Indonésie ne respectera pas les termes de l'accord du 5 mai 1999. Il faut espérer que l'Indonésie laissera le Timor oriental accéder à l'indépendance conformément aux résultats du scrutin du 30août.

MME AIDA AVELLA (Federación Internacional Democrática de Mujeres) a déclaré que ce qui s'est produit au Timor oriental avant et après le scrutin du 30 août relève d'une chronique annoncée dont les acteurs étaient connus. Dans la tragédie qui s'est déroulée, les femmes ont enduré des humiliations et des traitements inhumains et dégradants ainsi que de nombreuses violations de leurs droits humains. Il faut que soit constituée une commission d'enquête internationale pour faire la lumière sur les atrocités qui ont été commises. Il faut que la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, à l'instar d'autres mécanismes de la Commission, se rende au Timor pour faire rapport à la prochaine session de la Commission.

M. ORAN DOYLE(Réhabilitation internationale) a fait part d'événements survenus au Timor oriental durant la dernière semaine du mois d'août dernier attestant que les exactions des milices pro-intégrationnistes avaient commencé dès avant le scrutin du 30 août. La nuit de l'annonce des résultats, le 4septembre, les rues étaient désertées et des coups de feu ont commencé à être tirés, a-t-il témoigné. Certains ont alors commencé à se réfugier dans des collines et la Croix-Rouge a également subi des attaques. Sur le chemin qui le menait alors à l'aéroport, le représentant a déclaré avoir pu observer une connivence entre l'armée, la police et les milices. Le représentant s'est prononcé en faveur de la création d'une commission internationale d'enquête suivie de la création d'un tribunal ad hoc chargé de juger les responsables des exactions.

MME GRIN BREEZE (Société pour les peuples en danger) a déclaré que le 18 septembre dernier, des soldats ont ouvert le feu sur des réfugiés près de Dare. Les preuves abondent d'une connivence entre les soldats de l'armée et les milices, a-t-elle ajouté. Elle a lancé un appel à la Commission pour qu'elle mette sur pied sans retard un tribunal sur les crimes de guerre perpétrés au Timor oriental en vue de traduire en justice les responsables du génocide. Elle a également fait part de son extrême préoccupation face à la situation dans laquelle se trouvent les réfugiés au Timor occidental. Leurs camps seraient contrôlés par des milices pro-indonésiennes, a-t-elle affirmé.

M. MARZUKI DARUSMAN, Président de la Commission nationale des droits de l'homme de l'Indonésie, a déclaré que de toute évidence, le Timor oriental est sur le point d’accéder à son autonomie. À la fin de l'année 1997, la Commission nationale des droits de l'homme avait conclu que si des élections se déroulaient, environ 80 à 90% des gens opteraient pour la liberté. Les résultats du scrutin du 30 août ont confirmé ces prévisions et il faut espérer que ces résultats seront entérinés rapidement.


La Commission nationale des droits de l'homme fait sienne les arguments visant à évaluer la situation des droits de l'homme de manière fidèle à la réalité et à l'histoire. Il semble clair qu'il y a eu ingérence de la force militaire dans les affaires civiles. Nous avons toutefois affaire, dans ces événements, à une combinaison exceptionnelle de facteurs sociaux et de dynamique sociale. Il est nécessaire de peser tous les facteurs socio-économiques, politiques et culturels pour comprendre, sans idée préconçue, les événements survenus et la situation au Timor. Le Timor n'a jamais été une zone en guerre. On peut présumer que le Timor restera, pour quelque temps encore, une zone de turbulence. La Commission nationale des droits de l'homme indonésienne a annoncé la création d'une commission d'établissement des faits chargée de recueillir les faits et informations disponibles afin d'examiner les violations des droits de l'homme qui se sont produites après le 30 août et de faire des recommandations. Cette commission sera ouverte à la participation d'organisations internationales.


Droit de réponse

Le représentant de l'Iraq a répondu à une organisation non gouvernementale en rappelant que cette session extraordinaire de la Commission a été convoquée pour discuter d'une question précise et non pour soulever d'autres questions répondant à des visées politiques. Si cette organisation non gouvernementale est aussi soucieuse des questions de génocide qu'elle semble le prétendre, pourquoi ne parle-t-elle pas du génocide perpétré contre l'Iraq depuis des années et qui s'est déjà soldé par deux millions de victimes ? Pourquoi ne parle-t-elle pas non plus des tonnes d'uranium appauvri lancées sur l'Iraq ?

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