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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION EXAMINE LE RAPPORT SUR LA SITUATION DES DROITS DE L'HOMME EN COLOMBIE

13 Avril 2005

Commission des droits de l'homme
APRÈS-MIDI

13 avril 2005


Elle est également saisie de rapports sur
la protection des droits de l'homme
dans la lutte antiterroriste, les défenseurs
des droits de l'homme, et la lutte
contre l'impunité


La Commission des droits de l'homme a examiné cet après-midi, au titre de l'organisation de ses travaux, le rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie qui lui a été présenté par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour. La Commission a également été saisie, au titre de la promotion et de la protection des droits de l'homme, de rapports concernant la protection des droits de l'homme dans la lutte antiterroriste, les défenseurs des droits de l'homme et la mise à jour de l'Ensemble de principes pour la lutte contre l'impunité.

La Haut-Commissaire a déclaré qu'en dépit des efforts consentis par les autorités colombiennes, la situation humanitaire et le respect du droit international humanitaire en Colombie continuent d'être une source de préoccupation. La persistance du conflit armé interne continue d'avoir des conséquences négatives sur la population civile. Les groupes armés illégaux n'ont pas tenu compte des recommandations de la Haut-Commissaire, continuant de commettre des meurtres, de pratiquer des enlèvements, des actes terroristes ainsi que le recrutement de mineurs à des fins militaires. En outre, le Bureau du Haut Commissariat en Colombie continue de recevoir, de plus en plus souvent, des allégations d'exécutions extrajudiciaires attribuées notamment aux forces de sécurité, ainsi que de tortures, de disparitions forcées, de détentions. Suite à la présentation de ce rapport, le représentant de la Colombie a mis l'accent sur les efforts réalisés par son Gouvernement pour faire progresser la promotion et le respect des droits de l'homme dans le pays.

Le Luxembourg (au nom de l'Union européenne), le Canada, la Norvège et la Suisse sont intervenus dans le cadre de l'examen du rapport sur la situation des droits de l'homme en Colombie.

Les organisations non gouvernementales suivantes ont également pris la parole: Commission colombienne de juristes (au nom également de la Commission internationale de juristes et Amnesty International); Franciscain international (au nom également de la Fédération luthérienne mondiale; la Commission des églises pour les affaires internationales du Conseil oecuménique des églises; et l'Alliance réformée mondiale); Fédération internationale des ligues des droits de l'homme; Centre on Housing Rights and Evictions; Fédération syndicale mondiale; Human Rights Watch; Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples; Fédération latino-américaine des associations des familles des détenus disparus (FEDEDAM); Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté; Grupo Internacional de Trabajo sobre Asuntos Indigenas; Netherlands Centre for Indigenous Peoples; et Global Rights.

La Colombie a exercé le droit de réponse.

L'Expert indépendant sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, M. Robert Goldman, présentant son rapport, a rappelé que, même en situation de conflit armé, un État ne peut pas suspendre les droits de l'homme, en particulier le droit à la vie, l'interdiction de la torture et l'interdiction de la détention illégale. Différents États ont récemment employé des pratiques et des mesures en contradiction avec les Conventions de Genève, a-t-il relevé. L'expert a également dénoncé le transfert de suspects terroristes vers d'autres pays sans tenir compte du risque qu'ils y encourent du point de vue de leur intégrité physique.

La Représentante spéciale du Secrétaire général sur la situation des défenseurs des droits de l'homme, Mme Hina Jilani, s'est pour sa part dite encouragée par certaines évolutions positives intervenues au cours de l'année écoulée, soulignant néanmoins que le nombre de communications envoyées aux États concernant des abus commis sur des défenseurs de droits de l'homme était supérieur de plus de 30% à celui de l'année dernière. De nombreux abus ont frappé les défenseurs des droits de l'homme travaillant sur les questions relatives aux droits des populations autochtones, a souligné Mme Jilani. Leurs pays étant directement concernés par le rapport de la Représentante spéciale, qui y a effectué des visites, les représentants de l'Angola et de la Turquie ont fait des déclarations.

L'Experte indépendante chargée de mettre à jour l'Ensemble de principes pour la lutte contre l'impunité, Mme Diane Orentlicher, a présenté son rapport contenant la version mise à jour des principes en soulignant qu'il est particulièrement important d'assurer une participation la plus large possible des citoyens au processus d'élaboration et de mise en œuvre des programmes de lutte contre l'impunité.

Au titre du point de l'ordre du jour consacré au fonctionnement efficace des mécanismes de protection des droits de l'homme, le Président du Comité pour la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leur famille, M. Prasad Kariyawasam, a fait une déclaration dans laquelle il a notamment observé qu'il semblait y avoir une certaine réticence de certains États à ratifier, ajoutant que les tendances xénophobes et les pratiques discriminatoires créent encore des obstacles à l'adhésion à la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille, que seuls 28 pays ont ratifiée.

La séance s'est achevée par les interventions des six organisations non gouvernementales suivantes, au titre des questions relatives aux groupes et individus particuliers: Parti radical transnational; Association internationale de gérontologie (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1); Becket Fund for Religious Liberty (au nom également de World Evangelical Alliance); Human Rights Advocates (au nom également de National Association of Criminal Defense Lawyers); Fédération luthérienne mondiale (au nom également de Asian Forum for Human Rights and Development; Coalition internationale Habitat; Jesuit Refugee Service; et International Educational Development); Service international pour les droits de l'homme (au nom également du Réseau juridique canadien VIH/SIDA et de Human Rights Council of Australia).


Demain matin, à 10 heures, la Commission doit se prononcer sur un projet de résolution qui lui est soumis concernant le caractère inacceptable de certaines pratiques qui contribuent à alimenter les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée ainsi que sur les projets de résolutions qui lui sont soumis s'agissant de la question de la violation des droits de l'homme dans les territoires arabes occupés, y compris la Palestine. La Commission poursuivra ensuite son débat sur les groupes et individus particuliers. Dans l'après-midi, elle se prononcera sur des projets de résolution et de décision concernant la question de la violation des droits de l'homme où qu'elle se produise dans le monde, ainsi que les droits économiques, sociaux et culturels.


Rapport de la Haut-Commissaire sur la situation des droits de l'homme en Colombie

MME LOUISE ARBOUR, Haut Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a affirmé que des progrès ont été réalisés par l'État colombien au cours de la deuxième moitié de 2004, même si le processus de mise en œuvre des recommandations formulées l'an passé demeure encore trop faible. En dépit des efforts positifs consentis par les autorités colombiennes, la situation humanitaire et le respect du droit international humanitaire dans le pays continuent d'être une source de préoccupation. La persistance du conflit armé interne continue d'avoir des conséquences négatives sur la population civile de la Colombie et sur la jouissance des droits des Colombiens.

Les groupes armés illégaux n'ont pas tenu compte des recommandations de la Haut-Commissaire, a déploré Mme Arbour. Ces groupes ont continué de commettre des meurtres, de mener des attaques contre des civils sans défense, de pratiquer des enlèvements, des actes terroristes, des déplacements forcés, le recrutement de mineurs à des fins militaires, l'esclavage sexuel, la violence contre les femmes et les filles, et l'utilisation de mines antipersonnel. De même, le Bureau du Haut Commissariat a continué de recevoir des accusations de violations du droit international humanitaire commises par les forces de sécurité, y compris de violations des principes de distinction, de proportionnalité, de limitation et d'immunité de la population civile, ainsi que de meurtres, de déplacements forcés, d'actes de violence sexuelle, de pillages. Des informations ont été reçues en 2004 faisant état de violations du droit à la vie, à l'intégrité, à la liberté et à la sécurité des personnes. Le Bureau du Haut Commissariat en Colombie continue de recevoir, de plus en plus souvent, des allégations d'exécutions extrajudiciaires attribuées notamment aux forces de sécurité, ainsi que de tortures, de disparitions forcées, de détentions.

La Haut Commissaire a indiqué que la majorité des 27 recommandations adressées aux différents secteurs de l'État colombien et aux parties impliquées dans le conflit interne, aux représentants des secteurs de la société civile et à la communauté internationale que contient son rapport n'étaient pas nouvelles. Ces recommandations continuent de répondre à la situation difficile traversée par la Colombie et doivent être mises en œuvre intégralement, par l'adoption de mesures appropriées. Elle s'est déclarée convaincue que la situation des droits de l'homme et du droit international humanitaire verrait des améliorations notables si les recommandations étaient entièrement appliquées. Elle a souligné que les groupes armés illégaux devaient prendre ses recommandations très au sérieux et les respecter de manière efficace. Ces recommandations traduisent simplement en actions concrètes les obligations humanitaires que ces groupes doivent respecter, en particulier pour assurer la protection de la population civile. Mme Arbour a également invité le Gouvernement colombien à renforcer les mesures auxquelles il s'est engagé devant la Commission, et à œuvrer sans relâche à la mise en œuvre de ses recommandations. Elle a invité la communauté internationale à soutenir les efforts de l'État colombien.

Le rapport de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la situation des droits de l'homme en Colombie est paru en anglais, espagnol, chinois et russe sous la cote E/CN.4/2005/10. Il contient notamment 27 recommandations concrètes et prioritaires dirigées aux autorités nationales des trois branches du pouvoir public et des organes de contrôle de protection et de promotion des droits de l'homme, aux secteurs représentatifs de la société civile et aux groupes armés illégaux. Comme les deux années précédentes, les recommandations sont groupées sous les six rubriques suivantes: prévention et protection; conflit armé interne; État de droit et impunité; politiques économiques et sociales; promotion d'une culture des droits de l'homme; et consultation et coopération technique avec le Bureau du Haut Commissariat en Colombie.


Pays concerné

M. CARLOS FRANCO (Colombie) a rappelé les efforts réalisés par le Gouvernement colombien pour faire progresser la promotion et le respect des droits de l'homme dans ce pays. Il a cité le travail de protection des civils réalisé par la force publique, les efforts pour mettre en œuvre les recommandations de la Commission des droits de l'homme afin de renforcer les droits de l'homme, les progrès réalisés dans le cadre du plan national d'action, l'injonction présidentielle permettant l'examen des archives de renseignement, l'incorporation d'une perspective d'égalité entre hommes et femmes dans les politiques publiques, la lutte contre l'impunité et les sanctions contre les agents des services publics qui transgressent les ordres gouvernementaux, les efforts pour étendre la couverture et améliorer la qualité de l'éducation, la diminution de la violence au sein de la population et par les institutions. Toutes ces réalisations montrent un engagement clair de l'État colombien en faveur de la promotion des droits de l'homme. Le Gouvernement prend note des préoccupations exprimées dans le rapport de la Haut-Commissaire. Certaines d'entre elles ont déjà fait l'objet de mesures de la part du Gouvernement. Une loi a été approuvée qui réglemente le mécanisme de recherche urgente pour les cas de disparitions forcées. Cette année, le Gouvernement a mis 500 000 dollars à disposition pour le registre unique des personnes disparues. Un plan choc a été approuvé contre les disparitions forcées et des équipes de travail ont été mises sur pied pour agir plus énergiquement contre cette violation grave. Le Gouvernement réitère sa volonté d'évaluer, d'analyser, et d'accorder la priorité à la collaboration avec le bureau du Haut-Commissariat en Colombie pour la mise en place des recommandations du rapport.

Le représentant colombien a fait remarquer que le Haut-Commissariat recevait des messages contradictoires sur la situation en Colombie. D'un côté, on entend que depuis deux ans et demi de pouvoir, le Président Uribe atteint des niveaux de popularité supérieurs à 65%, que les forces armées et la police sont acceptées par la société, que les investissements affluent, que l'économie est en pleine croissance, que les groupes armés perdent du terrain. D'un autre côté, l'on entend que le Gouvernement pratique des violations systématiques des droits de l'homme, que la violence fait partie de la politique gouvernementale, que la situation des droits de l'homme s'est aggravée, que le Gouvernement poursuit les syndicalistes et les organisations des droits de l'homme. Face à ces messages contradictoires, il n'est pas facile de comprendre la réalité. Il se trouve que le Gouvernement n'ignore pas les graves problèmes qui se posent en Colombie et déploie d'importants efforts pour les résoudre. Il en appelle à la reconnaissance de ces efforts. Le Gouvernement est parvenu à réduire de 400 000 à 160 000 du nombre de déplacés à l'intérieur du pays, les victimes de massacres sont passées de 1400 à 259, la Colombie est passée de 65 assassinats pour 100 000 habitants à 44. L'an dernier néanmoins, les captures des membres de la guérilla ont augmenté de 50% par rapport à 2003. Le Gouvernement peut avoir des divergences d'opinion avec beaucoup d'organisations non gouvernementales, mais les observations de nombreuses d'entre elles sont prises en compte. Les fonctionnaires de diverses instances du gouvernement travaillent jour et nuit pour mettre en ouvre la politique des droits de l'homme : aucun effort n'est épargné, a assuré le représentant en conclusion.


Débat sur la situation des droits de l'homme en Colombie

M. JULIEN ALEX (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a indiqué que l'Union européenne mène d'étroites consultations avec le Gouvernement colombien pour l'élaboration d'une «déclaration du Président» sur la situation des droits de l'homme en Colombie. Cette déclaration devrait notamment soutenir le Gouvernement colombien dans la recherche d'une paix durable et l'appelle à s'engager dans des pourparlers directs avec les groupes armés illégaux disposés à négocier et appeler tous les groupes armés illégaux à s'engager dans les pourparlers. Le désarmement et la démobilisation des groupes paramilitaires ne peut pas se réaliser sans un arrêt total des violences par les groupes concernés et sans l'adoption d'un cadre juridique adéquat. Un tel cadre juridique permettra d'éviter l'impunité pour les responsables de violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire, et de reconnaître pleinement le droit des victimes à la justice, à la vérité et à la réparation. Le représentant de l'Union européenne a par ailleurs reconnu les progrès réalisés au cours de l'année dans l'établissement d'un État démocratique exerçant pleinement ses fonctions. L'Union européenne prend note de la diminution du nombre de crimes et de violations des droits de l'homme.

Le représentant de l'Union européenne a souligné que les menaces et défis auxquels est confrontée la Colombie sont majeurs mais il est essentiel que le Gouvernement colombien respecte et protège le droit de ses citoyens dans les luttes qu'il mène. L'Union européenne condamne fermement toutes les atteintes au droit humanitaire international résultant du conflit, quels qu'en soient les auteurs. À cet égard, elle note qu'en 2004, une grande majorité des violations ont été du chef des groupes armés illégaux. Elle les appelle à cesser toutes les hostilités. Le représentant a condamné fermement le meurtre brutal de huit membres de la Communauté de paix de San José de Apartadó, dont quatre enfants, au mois de février 2005. Il a également condamné fermement les pratiques de prises d'otages et d'enlèvements qui se poursuivent en Colombie. En conclusion, le représentant a dit attacher une grande importance au rôle de la société civile en Colombie et a salué sa participation à la recherche d'une solution pacifique et durable au conflit. L'Union européenne tient enfin à rappeler que les recommandations faites par la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et celles qui sont adoptées par la Commission doivent être mises en œuvre intégralement.

M. PAUL MEYER (Canada) a exhorté le Gouvernement colombien à faire en sorte que toutes ses politiques respectent les droits de la personne et de s'assurer que toutes les mesures de sécurité prévues dans son Programme de sécurité démocratique sont effectivement conformes aux obligations qu'il a contractées en vertu du droit international. Le représentant canadien a déploré la persistance d'une culture de l'impunité en Colombie. Il s'est félicité de l'implication récente de la Cour pénale internationale dans la situation des droits de l'homme en Colombie et a invité le Gouvernement colombien à continuer sa collaboration avec la Cour pour supprimer la culture d'impunité dans le pays. Il l'a aussi exhorté à intervenir concrètement afin de rendre l'appareil judiciaire plus efficace et plus indépendant. Il a lancé un appel à tous les groupes armés illégaux pour qu'ils cessent de s'attaquer injustement à la population civile et qu'ils mettent fin à leurs attentats, homicides, massacres, prises d'otages, déplacements forcés, utilisation de mines antipersonnel, recrutement des enfants, et esclavage sexuel et violence contre les femmes et les jeunes filles. Le représentant a rappelé qu'il était impérieux et urgent d'instituer un cadre juridique intégral propre à permettre la démilitarisation et la démobilisation des groupes armés illégaux et la réintégration de certains de leurs éléments au sein des forces gouvernementales, et ce, afin de faire en sorte que ceux qui se sont rendus coupables d'atteintes aux droits humains et au droit humanitaire international ne demeurent pas en liberté. Il a souhaité que les paramilitaires qui se sont livrés au trafic de stupéfiants ne bénéficient pas de l'impunité.

M. WEGER STRØMMEN (Norvège) a estimé que le rapport de la Haut-Commissaire permet une évaluation complète et utile de la situation des droits de l'homme en Colombie. Il a souligné que cette analyse est critique. Un engagement actif du gouvernement pour la mise en place des recommandations du rapport est essentiel. Pour le moment, a regretté le représentant norvégien, les efforts n'ont été que sporadiques. Le Gouvernement colombien doit renforcer ses efforts pour trouver une solution à la grave situation humanitaire qui prévaut dans le pays. Le représentant de la Norvège s'est dit gravement préoccupé par les problèmes que rencontrent les défenseurs des droits de l'homme en Colombie et par le fait que les groupes armés illégaux continuent de se livrer à des violations graves du droit humanitaire. La Norvège leur demande de mettre fin aux enlèvements et à la pratique du recrutement d'enfants soldats. Il faut en outre que des mesures soient prises pour lutter contre l'impunité.

MME JANINE VOIGT (Suisse) a pris note des efforts déployés par le Gouvernement colombien dans l'application des recommandations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme et lui demande de les poursuivre afin d'obtenir des résultats concrets dans les plus brefs délais. Elle reconnaît les progrès du Gouvernement dans son effort de récupération de la légitimité institutionnelle, de l'ordre et de la sécurité sur le territoire de la Colombie. La Suisse reste toutefois préoccupée par les informations faisant état de meurtres et attaques contre des civils sans défense et demande au Gouvernement colombien de garantir les conditions pour des enquêtes exhaustives et indépendantes dans tous les cas où la responsabilité d'agents étatiques pourrait être impliquée. Dans ce sens, a précisé la représentante suisse, il importe que la lumière soit faite dans le cas de San José de Apartadó. La Suisse condamne par ailleurs les très graves infractions au droit international humanitaire commises par les FARC, l'ELN et les AUC. Elle s'inquiète également de la persistance de la crise humanitaire en Colombie. Elle est également gravement préoccupée par le recrutement d'enfants de la part des groupes armés illégaux et par le nombre croissant d'enfants victimes du conflit armé. Elle en appelle au Gouvernement colombien afin qu'il cesse d'impliquer les enfants dans des activités à connotation militaire ou comme informateurs, et à ne pas occuper militairement des écoles. La Suisse insiste enfin sur la nécessité de tout entreprendre pour la recherche d'une solution négociée au conflit armé.

M. ANDRÉS SÁNCHEZ THORÍN (Commission colombienne de juristes, au nom également de la Commission internationale de juristes; et Amnesty International) a affirmé que l'analyse contextuelle faite par la Haut Commissaire montrait que la situation des droits de l'homme en Colombie continuait d'être critique. Il a relevé que la Haut Commissaire décrivait la pratique fréquente de crimes contre les civils, qualifiés de «décès pendant les combats», alors qu'ils sont commis par les groupes paramilitaires. Le représentant a mis l'accent sur la mort de 30 syndicalistes, sur l'augmentation des détentions arbitraires, des attentats à la bombe, du recrutement de mineurs par l'armée et d'autres violations des droits de l'homme. Il a notamment souligné la nécessité de procéder à une démobilisation intégrale et de mettre fin à l'impunité pour les groupes paramilitaires.

MME ALESSANDRA AULA (Franciscain international, au nom également de la Fédération luthérienne mondiale; Commission des églises pour les affaires internationales du Conseil oecuménique des églises; et l'Alliance réformée mondiale) a déclaré qu'il faut garantir l'élimination du paramilitarisme en Colombie. On observe aujourd'hui au contraire une consolidation de ce phénomène. La faiblesse de la lutte contre les groupes paramilitaires constitue une menace pour les droits de l'homme. Le représentant s'est dit préoccupé par le fait que ces groupes continuent à jouir de l'impunité. Il a également regretté l'implication des États-Unis dans le conflit armés, en envoyant en Colombie des militaires et des consultants militaires. L'analphabétisme et le chômage sont en augmentation, a souligné le représentant qui a aussi regretté que la santé et logement soient l'apanage de quelques-uns. La tendance à la privatisation des services publics dans l'intérêt des sociétés transnationales est également inquiétante. Le représentant a indiqué qu'1% de la population possède 55% des terres cultivables. Il a également rappelé qu'il existe trois millions de personnes déplacées dans le pays. Les déplacements sont un moyen pour imposer la loyauté politique de force. Des intérêts politiques et économiques sont à l'origine de ce phénomène. Le représentant a demandé au Haut-Commissariat de prier le Gouvernement colombien de mettre en œuvre ses recommandations et qu'il présente en 2005 un plan national d'action.

MME SORAYA GUTIERRES (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme) a demandé à la Commission des droits de l'homme de faire pression sur le Gouvernement colombien afin qu'il garantisse le droit à la vérité, à la justice et à réparation pour les victimes. Le Gouvernement colombien doit enquêter et sanctionner les fonctionnaires qui ont des liens avec les groupes paramilitaires. La Colombie doit en outre prendre les mesures nécessaires pour que les défenseurs des droits de l'homme et les institutions qui travaillent avec eux puissent convenablement s'acquitter de leurs tâches. La représentante a en outre demandé au Gouvernement colombien de respecter les droits de l'homme et le droit humanitaire international. Enfin, le gouvernement colombien se doit de rechercher une solution politique au conflit et d'appuyer le Bureau du Haut Commissariat aux droits de l'homme.

MME MEGHNA ABRAHAM (Centre on Housing Rights and Evictions) a fait état de la vive préoccupation de son organisation face à l'augmentation du nombre des personnes déplacées en Colombie, et à la violation des droits au logement et des autres droits qui en découlent. Au moins un Colombien sur 40 est un déplacé forcé, majoritairement des femmes et des enfants, a-t-elle ajouté. Le Gouvernement n'est pas parvenu à remplir ses obligations internationales pour empêcher les déplacements et expulsions forcées et fournir une protection à ces populations.

MME AIDA AVELLA (Fédération syndicale mondiale) s'est dite très préoccupée par la situation grave des travailleurs en Colombie. Les violations des droits de l'homme n'ont cessé d'augmenter en 2004. Elle a souligné que 668 violations du droit à la vie et à l'intégrité physique des travailleurs ont été enregistrées en 2004. Les disparitions forcées ont augmenté de plus de 16%. Les violations de la part des forces armées publiques ont augmenté de 21% et les actes de violence contre les femmes syndicalisées ont augmenté de 20%. Les menaces contre les syndicalistes ont augmenté de plus de 50%, affectant leur capacité à défendre les droits des travailleurs. En Colombie, la violation de liberté syndicale ne connaît aucune limite et s'étend même aux syndicalistes étrangers qui ont été interdits d'accès en Colombie. Le Gouvernement a lancé l'«opération dragon» qui est un processus d'enquête concernant des dirigeants sociaux des droits de l'homme en vue d'aboutir à les éliminer. Comment, dans ces conditions, peut-on parler de démocratie en Colombie, a demandé la représentante, qui a lancé un appel pour que les crimes contre le l'humanité ne restent pas impunis.

MME EMMANUELLE VERNER (Human Rights Watch) a suggéré à la Commission de recommander l'augmentation du budget et des effectifs du Bureau du Haut Commissariat en Colombie, qui joue un rôle essentiel pour surveiller la situation des droits de l'homme dans le pays. En outre, la Commission devrait recommander la poursuite des visites dans le pays de ses mécanismes spéciaux afin d'enquêter sur des cas spécifiques de violations des droits de l'homme. La Commission devrait enfin s'assurer auprès du Gouvernement colombien que le cadre juridique applicable à la démobilisation des groupes paramilitaires soit bien conforme aux règles internationales relatives en matière de justice et d'obligation redditionnelle.

MME VERENA GRAF (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a affirmé que le massacre dans lequel huit personnes ont été tués à San José de Apartadó, dont quatre mineurs et un bébé de 18 mois, était un acte de terreur qui a choqué le monde entier. Des unités de l'armée nationale ont été accusées d'être les auteurs de ce massacre, malgré les demandes de protection des membres de cette communauté. La représentante a ajouté que des disparitions forcées, des détentions arbitraires, des pillages, des actes de torture avaient été commis par des éléments de l'armée nationale.

MME CECILIA TOLEDO (Fédération latino-américaine des associations des familles des détenus disparus - FEDEDAM) a fait observer que les organisations de défense des droits de l'homme avaient rapporté le nombre de plus de 6 000 personnes tuées ou disparues dans les combats en Colombie entre 2002 et 2004. La fuite des populations civiles pour échapper à la violence a eu un impact sur l'organisation sociale du pays. En outre, la persécution des syndicalistes a augmenté. La Commission devrait accroître sa pression sur le Gouvernement pour qu'il soit mis un terme à cette situation.

MME ANA VERA (Ligue internationale des femmes pour la paix et la liberté) a souligné que chaque jour en Colombie une femme meurt ou disparaît à cause de la violence sociopolitique. Les femmes ont été réduites au rang d'objets. La violence sexuelle est devenue une forme principale des abus dont elles font l'objet. Le viol est utilisé comme arme de guerre par tous les groupes paramilitaires, a dénoncé la représentante. Partant, elle a lancé un appel à la Colombie afin que le cadre de négociation avec les groupes armés tienne dûment compte des règles internationales pertinentes, afin que les auteurs des atrocités commises contre les femmes ne restent pas impunis. La Colombie doit prendre des mesures garantissant le droit à réparation des femmes victimes, a insisté la représentante.

M. LUIS EVELYS ANDRADE (Grupo Internacional de Trabajo sobre Asuntos Indigenas) a affirmé que, résistant à l'oppression et face à l'indifférence de l'État, 94 peuples autochtones continuaient de survivre en Colombie, au milieu de conflits territoriaux et d'une guerre qui leur sont étrangers. Ils ne peuvent pas réaliser leur projet de vie et d'autonomie en toute sécurité, a-t-il ajouté. Le représentant a demandé à la Commission de prier le Gouvernement colombien de tenir compte des recommandations de la Haut-Commissaire et de faire ce qu'il faut pour que la situation dans les territoires autochtones soit améliorée.

MME LEONOR ZALALOCITA TORRES (Netherlands Centre for Indigenous Peoples) a attiré l'attention de la Commission sur la situation des peuples autochtones de la Sierra Nevada de Santa Marta en Colombie où prévalent les cultures illicites faisant l'objet de luttes armées. Il s'est développé sur ce territoire une crise humanitaire très grave qui se manifeste notamment par des assassinats collectifs, des massacres de populations autochtones et des déplacements forcés. Les droits fondamentaux, tels le droit à l'intégrité physique, à la santé ou à l'alimentation, ne sont pas respectés. La politique de sécurité démocratique a mené à une militarisation excessive de la région. Les militaires occupent les lieux sacrés dans les localités traditionnelles, ce qui menace notamment les fondements culturels et spirituels des populations. Des mineurs autochtones sont en outre engagés par des guérillas ou par des paramilitaires.

MME EMILIANA BERNARD (Global Rights) a souligné les discriminations dont sont victimes les femmes d'ascendance africaine en Colombie. Le pays compte 12 millions de personnes de race noire, qui sont victimes de discrimination et vivent en situation d'exclusion et de marginalisation. La liberté d'opinion et d'expression est déniée à ces femmes. Elles représentent 48% des populations déplacées, a précisé la représentante. Elles sont prises pour cibles par les groupes armés. La représentante a lancé un appel à la Colombie pour qu'elle mette en œuvre les recommandations de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme concernant le droit à la vie et à la justice des communautés d'ascendance africaine frappées par le conflit.


Droit de réponse

M. CARLOS FRANCO (Colombie) a salué l'appel lancé aujourd'hui aux groupes armés pour libérer les otages. Le Gouvernement national n'a pas pris part au massacre de San José de Apartadó et est prêt à donner toutes les garanties de sécurité et de protection aux témoins. Il a souligné que le Gouvernement ne souhaite pas fuir ses responsabilités s'agissant de sa responsabilité à garantir les droits de l'homme en faisant référence aux exactions commises par des tierces parties.


Présentation de rapports au titre de la promotion et de la protection des droits de l'homme

Présentant son rapport (E/CN.2005/103, à paraître), M. ROBERT GOLDMAN, Expert indépendant sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste, a condamné tous les actes de terrorisme, soulignant qu'ils représentent une menace sérieuse pour les droits de l'homme, le fonctionnement démocratique des institutions et le maintien de la paix et de la sécurité internationales. L'apparition de réseaux mondiaux de terrorisme a entraîné des pertes sans précédent en vies humaines. Il faut donc mettre en place une coopération internationale régionale renforcée pour prévenir, supprimer et punir le terrorisme. Il ne faut pas seulement répondre aux conséquences du terrorisme; il convient aussi de préserver l'État de droit pour prévenir ce fléau. La lutte contre le terrorisme et le respect des droits de l'homme ne sont pas contradictoires; ils se renforcent mutuellement et relèvent de la responsabilité des États. Quelle que soit la conception que l'on a de la lutte contre le terrorisme, c'est le droit humanitaire qui doit régir l'action. Aucune personne ne peut être placée en dehors de la protection du droit humanitaire international, a insisté M. Goldman. Même en situation de conflit armé, un État ne peut pas suspendre les droits de l'homme, en particulier le droit à la vie, l'interdiction de la torture et l'interdiction de la détention illégale.

L'Expert indépendant a précisé qu'avant et après le 11 septembre, comme l'indique son rapport, beaucoup d'États ont mis en place des pratiques qui menacent les droits de l'homme et sont incompatibles avec le droit humanitaire international. L'isolation prolongée et les détentions au secret des suspects, y compris des enfants, ainsi que les disparitions et les actes de torture, entre autres, sont autant de mesures qui ont été prises dans le cadre de la lutte antiterroriste. La détention d'enfants doit rester exceptionnelle et être assortie de mesures qui reconnaissent leur caractère vulnérable. M. Goldman a souligné que, comme l'indique son rapport, différents Etats ont employé des pratiques et des mesures en contradiction avec les Conventions de Genève. Le transfert de suspects terroristes vers d'autres pays sans tenir compte du risque qu'ils y encourent du point de vue de leur intégrité physique est également une pratique qui a été observée dans le contexte de la lutte contre le terrorisme et qui est incompatible avec le droit international, a souligné l'Expert indépendant. M. Goldman a lancé un appel pour que soit assurée la compatibilité des mesures antiterroristes avec le droit international.
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La Commission est également saisie du rapport du Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste (E/CN.4/2005/100), qui examine les mesures prises par le Haut-Commissariat aux droits de l'homme et le système de protection des droits de l'homme des Nations Unies conformément aux résolutions visant à protéger les droits de l'homme et les libertés fondamentales tout en combattant le terrorisme. Le rapport note que les mécanismes des Nations Unies en matière de protection des droits de l'homme continuent d'exprimer de vives préoccupations devant les mesures de lutte contre le terrorisme qui mettent en péril les droits de l'homme et les libertés fondamentales. On y exprime l'espoir qu'une action renforcée de l'ONU dans ce domaine amènera les États à honorer plus systématiquement les obligations internationales en matière de droits de l'homme dans leur lutte contre le terrorisme.

Présentant son rapport, MME HINA JILANI, Représentante spéciale du Secrétaire général concernant la situation des défenseurs des droits de l'homme, s'est dite encouragée par certains développements positifs intervenus au cours de l'année écoulée. Elle a toutefois souligné que le nombre de communications envoyées aux États concernant des abus commis sur des défenseurs de droits de l'homme était supérieur de plus de 30% à celui de l'année dernière. Cette année des communications ont été envoyées concernant 895 défenseurs de droits de l'homme et 170 organisations non gouvernementales. Chacune de ces affaires reflète en elle-même les difficultés rencontrées par les défenseurs des droits de l'homme ainsi que les risques encourus par ces personnes sur le terrain. Dans ce contexte, la Représentante spéciale a souligné que de nombreux abus ont frappé les défenseurs des droits de l'homme travaillant sur les questions relatives aux droits des populations autochtones: assassinats, torture, disparitions forcées. Mme Jilani a par ailleurs exprimé sa préoccupation face aux attaques perpétrées contre des personnels humanitaires dans les régions de conflit. La Représentante spéciale a exprimé son inquiétude face aux réponses données par les différents gouvernements qui tentent de justifier des atteintes aux droits des défenseurs des droits de l'homme en mettant en avant leur législation nationale. La loi doit être conforme aux instruments internationaux pertinents, a rappelé avec force la Représentante spéciale, qui a en outre souligné que nombre d'États ont vite fait d'assimiler les défenseurs des droits de l'homme à des terroristes. Les gouvernements ne prennent pas de mesures suffisantes pour assurer que les responsables d'abus contre les défenseurs des droits de l'homme fassent l'objet de poursuites, a déclaré Mme Jilani.

Le rapport concernant la situation des défenseurs des droits de l'homme (E/CN.4/2005/101 et Add.1 à 3) prie instamment les États de reconnaître pleinement et concrètement le rôle positif que jouent les défenseurs des droits de l'homme dans la recherche d'une solution pacifique aux conflits politiques et sociaux. Il les prie de respecter l'expression pacifique des revendications concernant les droits fonciers et les droits des populations autochtones, les droits des travailleurs, les droits des minorités et les droits démocratiques, en tant qu'exercice légitime du droit énoncé dans la Déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme, à savoir promouvoir la protection et la réalisation des droits de l'homme. Dans les situations de conflit armé, et en particulier de troubles civils, les gouvernements et les autres belligérants sont instamment priés de s'abstenir de prendre pour cible les défenseurs des droits de l'homme et de distinguer l'expression publique et pacifique d'un dissentiment de la rébellion armée. Le rapport demande à tous les organes et institutions des Nations Unies de porter une attention particulière à la protection des défenseurs des droits de l'homme dans le cadre de leur action.
Un additif au rapport contient les communications envoyées par la Représentante spéciale aux gouvernements concernant les abus commis contre des défenseurs de droits de l'homme ainsi que les réponses reçues des gouvernements.
L'additif 2 au rapport concerne la mission effectuée par la représentante spéciale en Angola. La Représentante spéciale y souligne que les textes de loi applicables en matière de liberté d'expression, d'information et d'association comportent encore de nombreuses lacunes qui pénalisent les défenseurs des droits de l'homme. Tout en se félicitant des initiatives louables prises par le Gouvernement pour mettre en place des politiques et des institutions nationales en vue de promouvoir et de protéger les droits de l'homme dans le pays, elle observe que des efforts supplémentaires s'imposent pour en assurer le bon fonctionnement. Elle se félicite de la relative amélioration de la situation des défenseurs intervenue depuis la fin de la guerre, tout en regrettant que les autorités de l'État continuent de porter un regard hostile sur les défenseurs des droits de l'homme et d'assimiler leur action à celle d'une opposition politique. Elle souligne également que l'absence de médias indépendants entrave la capacité des défenseurs des droits de l'homme d'exprimer publiquement leurs préoccupations et de mener leurs activités. La Représentante spéciale observe que l'échéance électorale de 2006 met l'Angola face à un défi de taille dans sa marche vers la démocratie et que, pour que ce défi puisse être relevé, il est impératif que les défenseurs des droits de l'homme soient autorisés à participer de manière effective à la préparation, à la surveillance et à la conduite de cet important processus.
L'additif 3 au rapport concerne la visite de la représentante spéciale en Turquie. La Représentante spéciale y salue le vaste processus de réforme engagé par le Gouvernement turc, en particulier dans le domaine de la liberté d'expression, de réunion et d'association, et souligne la nécessité de l'approfondir et de l'étendre aux lois régissant les fondations et les syndicats. Elle se réjouit également de la mise en place de politiques et d'institutions nationales visant à promouvoir et à protéger les droits de l'homme dans le pays, mais relève que des efforts supplémentaires s'imposent pour en assurer le bon fonctionnement. Tout en constatant avec satisfaction que leur situation s'est notablement améliorée, elle observe que les défenseurs des droits de l'homme rencontrent toujours des difficultés dans l'accomplissement de leur travail, notamment pour ce qui est d'exposer publiquement les préoccupations en matière de droits de l'homme, de créer des organizations non gouvernementales et d'avoir accès aux informations et aux financements. La Représentante spéciale relève avec inquiétude que les défenseurs des droits de l'homme font fréquemment l'objet de poursuites et se voient infliger de lourdes peines d'amende, et que de nombreuses instances turques les considèrent encore comme des adversaires. Le rapport se félicite néanmoins de l'amélioration de la situation des défenseurs des droits de l'homme intervenue ces quatre dernières années et note que le processus de réforme offre d'excellentes possibilités de la faire encore évoluer et de modifier le regard porté sur les organisations de défense des droits de l'homme dans le pays.

Pays concernés

M. JOAQUIM BELO MANGUEIRA (Angola) a affirmé qu'en visitant librement l'intérieur de l'Angola, la Représentante spéciale sur la situation des défenseurs des droits de l'homme a pu constater la volonté du peuple angolais en matière de promotion du développement, après 30 années d'une guerre fratricide et dévastatrice. Le Gouvernement angolais est honoré par la conviction exprimée par la Représentante spéciale selon laquelle les indicateurs positifs de l'évolution des droits de l'homme dans le pays constituaient «un indicateur de tendance de progrès». L'amélioration notoire de la situation des droits de l'homme en Angola est aujourd'hui reconnue par les principales chancelleries étrangères et par les plus importantes organisations internationales de défense des droits de l'homme. À l'exception de quelques cas isolés, depuis la fin du conflit armé, l'Angola n'a pas enregistré de cas graves de violations des droits de l'homme concernant les défenseurs des droits de l'homme. Lorsque des cas sont signalés au Gouvernement, ce dernier met en place la solution adéquate et s'efforce d'améliorer les méthodes visant à prévenir les risques d'abus. En revanche, le Gouvernement n'est pas d'accord avec certaines considérations de principes contenues dans le rapport, lesquelles, a-t-il dit, ne reflètent pas la réalité et les efforts entrepris par le Gouvernement et la société civile.

Le Gouvernement, a fait valoir M. Mangueira, a mis en place depuis 1991, avec l'avènement du multipartisme, de mécanismes de promotion et de sauvegarde des droits de l'homme, avec la coopération active des Nations Unies et la participation des représentants de la société civile et des organisations non gouvernementales. Certains aspects ne sont en revanche pas satisfaisants, a-t-il souligné, citant le fonctionnement déficient de quelques institutions. Conscient de ces lacunes, le Gouvernement a proposé l'élection par le Parlement d'un médiateur et s'est engagé à élaborer un plan national pour les droits de l'homme. Il n'existe pas de conflit, ni d'hostilité, ni de tension entre le Gouvernement et les défenseurs des droits de l'homme, a poursuivi le représentant. L'Angola vit un climat de paix totale, a-t-il dit, évoquant la société active ainsi que des partis politiques qui participent activement à la vie de la société, sans parler des journaux qui publient des articles de tout genre. Depuis l'établissement de la paix en 2002, le Gouvernement a entamé un programme de démocratisation et se comporte en ardent défenseur des droits de l'homme; c'est pour cette raison qu'il y a dans toutes les provinces des unités des droits de l'homme.

M. TÜRKEKUL KURTTEKIN (Turquie) s'est félicité que le rapport de la Représentante spéciale sur les défenseurs des droits de l'homme souligne les progrès réalisés en Turquie s'agissant non seulement de la situation des défenseurs des droits de l'homme mais aussi dans le domaine des droits de l'homme en général. Le représentant s'est également félicité que Mme Jilani se dise encouragée par les progrès enregistrés par le Gouvernement turc en matière de réformes dans le domaine des droits de l'homme. La détermination du peuple et du gouvernement de la Turquie de parvenir à des normes plus élevées dans le domaine des droits de l'homme se poursuivra, a affirmé le représentant.

Le représentant turc a par ailleurs affirmé que certaines des observations, recommandations et critiques contenues dans le rapport de Mme Jilani devaient être appréhendées en tenant compte du fait que la nouvelle loi sur les associations n'était pas en vigueur au moment de la visite de la Représentante spéciale. Elle est entrée en vigueur en novembre 2004. Cette loi vise à résoudre certains des aspects au sujet desquels le rapport de Mme Jilani exprime des réserves. Par la promulgation et l'application de cette loi, certaines recommandations ont été traitées, notamment du point de vue du Code pénal. Le représentant turc a assuré que les autorités de son pays allaient examiner les conclusions, critiques et recommandations de la Représentante spéciale afin de pouvoir en tirer bénéfice. Enfin, le représentant a estimé qu'il eût été utile pour le lecteur et conforme à la réalité que le rapport indique que le PKK fait partie des organisations terroristes reconnues comme telles par l'Union européenne et les États-Unis. Les représentants de la société civile sont des éléments importants du processus démocratique, a conclu le représentant turc.

MME DIANE ORENTLICHER, Experte indépendante chargée de mettre à jour l'Ensemble de principes pour la lutte contre l'impunité, a déclaré que l'expérience accumulée ces dernières années dans un certain nombre de domaines fournit une source d'inspiration dans laquelle il est possible de puiser pour progresser en matière de principes de lutte contre l'impunité. Mme Orentlicher a notamment fait référence à l'entrée en fonction de la Cour pénale internationale ainsi qu'à la mise sur pied de tribunaux spéciaux en Sierra leone, au Timor Leste ou encore au Kosovo. Si l'on tient compte d'un aspect particulier des principes, celui des règles concernant le droit à la vérité, il est frappant de voir que ce sont près de 20 commissions de la vérité qui ont été mises en place depuis 1997 et qui constituent autant d'expériences permettant de tirer des leçons. L'expérience unique vécue par chaque État a inévitablement des répercussions sur la manière qu'ont les citoyens d'appréhender la justice. Il apparaît en tout cas qu'il est particulièrement important d'assurer une participation la plus large possible des citoyens au processus d'élaboration et de mise en œuvre des programmes de lutte contre l'impunité, a souligné l'Experte indépendante. En outre, a-t-elle ajouté, l'expérience montre qu'il est essentiel que les femmes et autres groupes pertinents qui se sont avérés particulièrement vulnérables aux violations des droits de l'homme, participent à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques destinées à lutter contre l'impunité. Ces considérations sont reflétées dans la mise à jour des principes, a souligné l'Experte. Elle a en outre précisé que les principes prennent en compte dans un nouveau paragraphe, les programmes administratifs de réparation qui peuvent permettre une indemnisation rapide et pertinente dans des cas impliquant un grand nombre de victimes.

Le rapport sur la mise à jour de l'Ensemble de principes pour la lutte contre l'impunité (E/CN.4/2005/102) souligne que cet ensemble de principes a été mis à jour de façon à refléter l'évolution récente du droit international, notamment de la jurisprudence internationale et de la pratique des États. Dans son évolution récente en la matière, le droit international a dans son ensemble confirmé avec force les Principes tout en donnant de plus amples éclaircissements sur la portée des obligations juridiques établies des États. Si la plupart des révisions tiennent compte de l'évolution du droit international positif, certaines sont le reflet d'événements institutionnels majeurs survenus depuis que les Principes ont été proposés, tels que l'émergence d'un nouveau type de juridiction composée d'éléments tant nationaux qu'internationaux.
Dans une perspective plus large, les faits nouveaux qui sont à l'origine des révisions apportées aux Principes représentent des progrès remarquables dans l'action menée aux plans national et international pour lutter contre l'impunité. Des obstacles aux poursuites qui semblaient infranchissables ont été abattus dans des pays ayant enduré les ravages d'une dictature; un nouveau type d'institution, combinant des éléments nationaux et internationaux, a fait son apparition dans la nomenclature des institutions ayant vocation à faire justice aux victimes de crimes atroces; des États ont coopéré pour que des dirigeants parmi les haut placés soient poursuivis devant les juridictions internationales, internationalisées et nationales; enfin, les gouvernements et la société civile disposent d'un répertoire en expansion d'instruments de lutte contre l'impunité. Si ces progrès ont rendu nécessaire de mettre à jour les Principes, les Principes eux-mêmes ont certainement contribué à ces avancées par leur énorme influence.
Un additif au rapport (E/CN.4/2005/102/Add.1) contient l'Ensemble de principes actualisé pour la protection et la promotion des droits de l'homme pour la lutte contre l'impunité.


Autres rapports

Au titre de la promotion et de la protection des droits de l'homme, la Commission est également saisie du rapport du Haut Commissariat aux droits de l'homme sur les résultats du séminaire sur les pratiques de bonne gouvernance pour la promotion des droits de l'homme (E/CN.4/2005/97); du rapport quinquennal du Secrétaire général sur la peine capitale (E/CN.4/2005/94) ; du rapport du Secrétaire général sur les droits de l'homme et la bioéthique (E/CN.4/2005/93) ; du rapport actualisé du Secrétaire général sur la science et l'environnement (E/CN.4/2005/96) ; ainsi que de rapports concernant le développement des activités d'information dans le domaine des droits de l'homme (E/CN.4/2005/92) et la Décennie des Nations Unies pour l'éducation dans ce domaine (E/CN.4/2005/98).

La Commission est par ailleurs saisie d'une note du Secrétariat transmettant les avis des États parties à la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide sur la proposition du Secrétaire général tendant à ce qu'ils envisagent de créer un comité pour la prévention des génocides (E/CN.4/2005/46).


Intervention du Président du Comité sur la protection des droits des travailleurs migrants au titre du point relatif au fonctionnement efficace des mécanismes des droits de l'homme

M. PRASAD KARIYAWASAM, Président du Comité sur la protection des droits des travailleurs migrants et des membres de leurs familles, a rappelé que la Convention sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles était entrée en vigueur le 1er juillet 2003, et que les membres du Comité avaient été élus par les États parties en décembre 2003. Le Comité constate que, dans le contexte de la mondialisation, le XXIe siècle est devenu un siècle de migrations. La Convention est ainsi devenue un outil principal de protection pour les travailleurs migrants, a-t-il souligné. Lors de sa réunion du mois d'octobre, le Comité a poursuivi son dialogue avec les institutions des Nations Unies et les organisations non gouvernementales internationales, ainsi que des représentants de la société civile. Cette réunion s'est concentrée principalement sur les voies et les moyens de promouvoir la Convention. La Convention, a-t-il ajouté, a été ratifiée par seulement 28 pays. Il semble, a-t-il précisé, qu'il y ait une certaine réticence à ratifier de la part de certains États, ajoutant que les tendances xénophobes et les pratiques discriminatoires créent encore des obstacles à l'adhésion. Le faible nombre d'adhérents rend le système de protection des migrants fragile. Le Président du Comité a par ailleurs appelé les États parties à la Convention à soumettre sans délai leur rapport initial.


Suite du débat sur les «groupes et individus particuliers»

M. UMAR KHANBIEV (Parti radical transnational) a déclaré que la situation en Tchétchénie est catastrophique. Les prises d'otages se multiplient ainsi que les enlèvements et les disparitions forcées. Le représentant a affirmé que 300 00 réfugiés sont privés de leurs droits humains fondamentaux. L'assassinat, par les forces spéciales russes, du Président tchétchène légalement élu, Aslan Maskhadov, risque d'aggraver la situation des groupes et individus vulnérables de la région. Dans ce contexte, il est important que l'actuel dirigeant tchétchène, Abdul-Halim Sadulaev, reçoive le soutient de la communauté internationale. Seules des négociations et la fin des hostilités sont à même d'améliorer le sort des Tchétchènes, a conclu le représentant.

MME ASTRID STUCKELBERGER (Association internationale de gerontologie, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1) a souligné la nécessité de reconnaître les besoins des personnes âgées et de tenir compte des bouleversements démographiques actuels qui font que d'ici 15 ans il y aura dans le monde plus de personnes âgées de plus de 60 ans que de personnes âgées de moins de 15 ans. Les personnes âgées deviennent une majorité croissante, a souligné la représentante. Pourtant, les personnes âgées ne pas reconnues et sont de plus en plus victimes de l'exclusion. C'est pourquoi, nous demandons la nomination d'un rapporteur spécial sur les droits des personnes âgées, a affirmé la représentante. Elle a également demandé que les questions relatives aux droits des personnes âgées soient intégrées dans l'agenda des Nations Unies et a appelé de ses vœux la mention expresse des droits des personnes âgées à l'ordre du jour de la prochaine session de la Commission.

M. PENG VOONG (Becket Fund for Religious Liberty, au nom également de World Evangelical Alliance) s'est déclaré très inquiet d'une nouvelle loi à l'examen à Sri Lanka contre l'apostasie, qui cible de manière injuste la petite minorité chrétienne du pays. Il a rappelé l'effort humanitaire sans précédent qui a été fourni par la société dans son ensemble suite à la tragédie du raz-de-marée. Mais, au lieu de s'appuyer sur cette dynamique d'unité, la loi envisagée va envenimer les dissensions religieuses. Cette loi menace les minorités religieuses de Sri Lanka, a-t-il dit, demandant au Gouvernement de la retirer.

MME ANA GEGAJ (Human Rights Advocates, au nom également de National Association of Criminal Defense Lawyers) a dénoncé le fait que les migrants irréguliers soient sujets à des violations une fois qu'ils traversent la frontière. Le nombre de migrants a triplé depuis 1996. Les politiques qui criminalisent les migrants entraînent la violation de leurs droits, a regretté la représentante. Une fois qu'ils sont dans le pays d'accueil, ils acceptent des conditions proches de l'esclavage plutôt que de dénoncer ces abus de peur de se faire expulser. Les États-Unis et l'Espagne interdisent notamment aux travailleurs sans papiers de s'organiser. La représentante a demandé à la Commission de demander aux pays de supprimer la détention arbitraire des migrants irréguliers, de respecter leur droit à s'organiser et de renouveler le mandat du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme des migrants. Elle a aussi demandé que la Commission agisse en faveur de leur intégration sociale et de mettre fin à la criminalisation dont ils sont l'objet.

MME MICHELLE TONISSEN (Fédération luthérienne mondiale, au nom également de Asian Forum for Human Rights and Development; Coalition internationale Habitat; Jesuit Refugee Service; et International Educational Development) a attiré l'attention de la Commission sur le fait qu'un sixième de la population du Bouthan a dû quitter le sud du pays en raison de la politique discriminatoire menée à leur encontre par le Gouvernemnt. Près de 100 000 personnes vivent ainsi dans des camps dans le sud-est du Népal depuis cette époque. Aussi, la représentante a-t-elle demandé à la Commission de lancer un appel au Gouvernement du Bouthan afin qu'il permette au Haut Commissariat aux réfugiés d'exercer son mandat en ce qui concerne les réfugiés bouthanais, de respecter le droit au retour de ces réfugiés lorsqu'ils souhaitent l'exercer et de leur garantir un retour dans la sécurité et dans la dignité. La représentante a par ailleurs lancé un appel à la communauté internationale afin qu'elle aide le Bouthan à trouver une solution juste et globale pour tous les réfugiés.

M. CHRIS SIDOTI (Service international pour les droits de l'homme, au nom également du Réseau juridique canadien VIH/sida et de Human Rights Council of Australia) a affirmé que la diversité parmi les êtres humains était un fait. Il est également un fait, a-t-il ajouté, que de nombreux êtres humains font l'expérience de violations des droits de l'homme en raison de cette diversité, parce qu'ils sont différents. Des personnes continuent de subir des violations des droits de l'homme basées sur leur orientation sexuelle, réelle ou supposée, et leur identité sexuelle. Il a appelé les États et les organisations non gouvernementales à se rencontrer entre cette session de la Commission et la prochaine pour établir des propositions trans-régionales destinées à régler le problème de la persécution fondée sur l'orientation sexuelle et l'identité sexuelle.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

1Déclaration conjointe: Association internationale de gérontologie; Société pour les études psychologiques des questions sociales; l'Association des femmes du Pacifique et de l'Asie du Sud-Est; Worldwide Organization for Women; Mouvement mondial des mères; International Association for Counselling; Conseil international des femmes juives; Université spirituelle internationale des brahma-kumaris; Fondation sommet mondial des femmes; Institut pour une synthèse planétaire; et Fédération internationale des femmes diplômées des universités; International Inner Wheel; Conseil international des infirmières; Alliance mondiale des unions chrétiennes de jeunes filles; Fédération interconfessionnelle et internationale pour la paix dans le monde et le Conseil international des femmes.

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