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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION SE PENCHE SUR LA SITUATION AU DARFOUR, QUALIFIÉE DE «BOMBE À RETARDEMENT» PAR UN EXPERT

08 Avril 2005

Commission des droits de l'homme
APRÈS-MIDI

8 avril 2005



Elle poursuit son débat général sur les droits de l'enfant


La Commission des droits de l'homme a tenu, cet après-midi, au titre de l'organisation de ses travaux, un débat sur la situation au Soudan sur la base du rapport présenté par M. Emmanuel Akwei Addo, Expert indépendant nommé l'an dernier pour examiner la situation des droits de l'homme dans ce pays. M. Addo a qualifié de «bombe à retardement susceptible d'exploser à tout moment» la situation actuelle au Darfour. La Commission a ensuite repris son débat sur les droits de l'enfant.

S'agissant du Soudan, M. Addo a mis l'accent sur la nécessité d'accorder à la force de l'Union africaine déployée au Darfour un mandat de protection de la population civile, y compris les personnes déplacées. La situation au Darfour semble brusquement se détériorer, a-t-il affirmé. Les rebelles sont devenus plus intransigeants et la sécurité sur le terrain empire. La primauté du droit fait toujours défaut au Soudan, a insisté l'Expert indépendant. Il a estimé qu'il existait de fortes indications que des crimes de guerre ont été commis au Darfour. «Je considère également que des crimes contre l'humanité ont aussi été commis au Darfour», a déclaré M. Addo. Il existe de solides indications que ces crimes, notamment des déplacements forcés et des viols commis dans le cadre d'attaques systématiques contre la population civile, ont été commis au Darfour par les Djandjawids et par les forces gouvernementales, a insisté l'Expert indépendant. Parfois, les rebelles ont également été accusés de perpétrer des violations de droits de l'homme, a-t-il poursuivi. Il a rappelé que, le 31 mars 2005, le Conseil de sécurité a décidé de déférer la situation du Darfour à la Cour pénale internationale.

Le représentant du Soudan s'est félicité des observations positives figurant dans le rapport de l'Expert indépendant, qui a notamment reconnu le fait que le conflit au Darfour trouve son origine dans un différend entre les groupes nomades et sédentaires au sujet des ressources et le fait que la récente détérioration de la situation soit imputable à l'attaque des rebelles à El-Fasher, la capitale du Darfour septentrional. Le représentant a déclaré avoir étudié avec attention les conclusions et recommandations contenues dans le rapport de l'Expert indépendant et a assuré qu'il n'épargnerait aucun effort pour travailler en étroite collaboration avec la Commission et ses autres partenaires pour mettre en œuvre un accord de paix global, dans le cadre du Gouvernement d'unité nationale, afin de consolider la promotion et la protection des droits de l'homme dans la région.

Au cours du dialogue interactif avec l'Expert indépendant qui a suivi, sont intervenus les représentants des États-Unis, du Luxembourg (au nom de l'Union européenne), de Cuba, de la Syrie, du Soudan et de la Suisse. Il faudrait déployer au Soudan 8000 hommes d'ici le mois d'août prochain, a estimé M. Addo au cours de ce dialogue.

Des déclarations ont été faites, dans le cadre du débat général consacré à la situation des droits de l'homme au Soudan, par les représentants des pays suivants: Canada (au nom également de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et de la Suisse), Luxembourg (au nom de l'Union européenne), Etats-Unis et Norvège.

Nombre de délégations ont condamné les violations graves des droits de l'homme et du droit humanitaire commises au Darfour, soulignant que les forces gouvernementales, mais aussi des milices armées et des groupes rebelles, étaient responsables de ces actes. Les milices armées et les groupes rebelles doivent cesser toute action entravant l'acheminement de l'aide humanitaire aux personnes auxquelles elle est destinée, a-t-il été souligné. Depuis l'an dernier, lorsque la Commission a confié à l'Expert indépendant la tâche de surveiller la situation au Darfour, la situation n'a cessé de se dégrader, a-t-il été relevé. En outre, le rapport de la Commission internationale d'enquête, publié le 31 janvier dernier, est alarmant. Aussi, la Commission devrait-elle exprimer sa préoccupation et réagir de la manière la plus claire qui soit, a-t-il été estimé.

Les représentants des organisations non gouvernementales suivantes sont également intervenus: Union mondiale pour le judaïsme libéral (au nom également de Association pour l'éducation d'un point de vue mondial); Human Rights Watch (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales1); Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples; et la Société africaine de droit international et comparé.

La Commission a ensuite repris son débat sur les droits de l'enfant en entendant les déclarations des organisations non gouvernementales suivantes: Service social international (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2); Human Rights Advocates; Bureau international catholique de l'enfance (au nom également de ECPAT International; Conseil international des femmes; Fondation sommet mondial des femmes et le Mouvement mondial des mères); National Federation of International Immigrant Women Associations; Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples (au nom également de la Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme); Organisation mondiale contre la torture; Fédération internationale Terre des hommes; Comité consultatif mondial de la Société des amis (QUAKERS); Alliance internationale d'aide à l'enfance; Agir ensemble pour les droits de l'homme; Jubilee Campaign; Peace Boat; Consejo Indio para la Educación; Open Society Institute; Becket Fund for Religious Liberty; et la Fédération internationale des femmes diplômées des universités (au nom de plusieurs organisations non gouvernementales3).


Le Japon, le Soudan et la République de Corée ont exercé le droit de réponse.


La Commission doit achever lundi matin, à partir de 10 heures, son débat sur les droits de l'enfant avant d'entamer l'examen des questions relatives aux groupes et individus particuliers (travailleurs migrants, minorités, exodes massifs et personnes déplacées, autres groupes et personnes vulnérables).


Débat sur le Soudan au titre de l'organisation des travaux

Présentation du rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan

M. EMMANUEL AKWEI ADDO, Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Soudan, a précisé qu'il s'est rendu au Soudan du 19 au 29 août 2004 et à Nairobi du 30 au 31 août de la même année pour y rencontrer les représentants de l'Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan. Il a précisé avoir rencontré à Khartoum plusieurs représentants officiels du Gouvernement, ainsi que des représentants d'organisations non gouvernementales, de partis politiques et des personnes déplacées à l'intérieur des frontières du pays. La crise des droits de l'homme a dégénéré en février 2003 lorsque l'Armée de libération du Soudan, un groupe rebelle, a attaqué des forces de sécurité gouvernementales à l'aéroport d'El-Fasher, la capitale du Darfour septentrional. La réaction du Gouvernement à cette insurrection a été impitoyable et disproportionnée, a déclaré M. Addo. Le Gouvernement a déployé la puissance militaire des Forces de défense populaires et des milices arabes nomades connues sous le nom de Djandjawids contre des civils appartenant aux mêmes groupes tribaux que les rebelles. Le nombre de personnes qui ont été déplacées s'est élevé à un million et près de 300 000 personnes ont cherché refuge au Tchad voisin; on estime à 300 000 le nombre de personnes qui sont mortes.

Les attaques aveugles des milices contre les populations civiles se sont soldées par des meurtres à grande échelle et par des viols. Au lieu de combattre les rebelles, les forces du Gouvernement, associées aux milices Djandjawids, ont mené une campagne systématique contre la population civile sans arme, en employant contre elle des armements de haute technologie. Suite à l'attention internationale croissante portée à cette situation et aux résolutions successives du Conseil de sécurité, le Gouvernement, auquel incombe la responsabilité première en matière de protection de ses citoyens, s'est vu demander à plusieurs reprises de désarmer ses milices. Au moment de la présentation de ce rapport, il n'a pas encore été répondu à cette demande, a souligné l'Expert indépendant. Il a en outre mis l'accent sur la nécessité d'accorder à la force de l'Union africaine déployée au Darfour un mandat de protection de la population civile, y compris les personnes déplacées. Pour l'heure, a relevé M. Addo, les forces de l'Union africaine ne peuvent pas intervenir dans le moindre combat; elles ne peuvent qu'enquêter et rendre compte.

Aujourd'hui, le processus de paix au Darfour est menacé alors que les rebelles ont quitté la table de négociation à Abuja en protestation contre deux semaines d'attaques menées par le Gouvernement. La situation au Darfour semble brusquement se détériorer. Les rebelles sont devenus plus intransigeants et la sécurité sur le terrain empire. «La situation actuelle au Darfour est une bombe à retardement susceptible d'exploser à tout moment», a affirmé M. Addo. Il a souligné qu'au cours d'une récente conférence de presse, un commandant des forces de l'Union africaine avait averti q'une quantité «astronomique» d'armements avait été introduite au Darfour. Le 19 novembre 2004, le Gouvernement et l'Armée/Mouvement populaire de libération du Soudan ont signé devant les 15 membres du Conseil de sécurité réuni au Kenya un engagement de mettre un terme à la guerre dans le sud avant le 31 décembre 2004. Le 9 janvier dernier, le Gouvernement et le Mouvement populaire de libération du Soudan ont ensuite signé un accord mettant un terme au plus long conflit d'Afrique. L'accord de paix global n'a pas affecté de la moindre manière le conflit du Darfour, a relevé M. Addo. Les bombardements aériens se poursuivent, a-t-il déclaré.

En dépit de l'atmosphère propice générée par les pourparlers de paix, les droits civils et politiques n'ont pas connu d'amélioration dans le nord du pays, a poursuivi l'Expert indépendant. Les forces de sécurité maintiennent leur emprise et leur poigne sur la vie politique et la législation qu'elles appliquent bloque toute possibilité de véritable démocratie multipartite. Des actes de torture et des arrestations arbitraires continuent d'être rapportés, ciblant en particulier les opposants politiques. Les forces de sécurité sont invariablement tenues pour responsables de ces actes, a précisé M. Addo. Pourtant, l'impunité continue largement de prévaloir. La primauté du droit fait toujours défaut au Soudan, a insisté l'Expert indépendant.

M. Addo a indiqué s'est rendu dans la région de Khartoum et y avoir constaté que des camps de réfugiés étaient détruits et de nouvelles routes construites sans que rien ne soit prévu pour reloger les personnes déplacées. L'Expert indépendant a par ailleurs relevé des informations alarmantes, depuis 22 mois, en provenance du Darfour et faisant état de centaines de femmes victimes de viols systématiques perpétrés par les milices armées soutenues par le Gouvernement, les Djandjawids. Ces informations témoignent de la nécessité pour la communauté internationale d'accroître sa pression sur le Gouvernement. Dans le Statut de Rome de la Cour pénale internationale, le viol est considéré comme un crime de guerre et un crime contre l'humanité, a rappelé M. Addo, soulignant que le Soudan avait signé le statut de la Cour . L'Expert indépendant a estimé qu'il existait de fortes indications laissant entendre que des crimes de guerre ont été commis au Darfour. «Je considère également que des crimes contre l'humanité ont aussi été commis au Darfour», a déclaré M. Addo. Il existe de solides indications que ces crimes, notamment des déplacements forcés et des viols commis dans le cadre d'attaques systématiques contre la population civile, ont été commis au Darfour par les Djandjawids et par les forces gouvernementales, a insisté l'Expert indépendant. Parfois, les rebelles ont également été accusés de perpétrer des violations de droits de l'homme, a-t-il poursuivi, faisant notamment état d'actes de torture et de prise d'otages pouvant leur être imputés.

Étant donné que le Soudan a signé mais n'a pas encore ratifié le traité instituant la Cour pénale internationale, le seul moyen pour que le Darfour fasse l'objet d'une enquête de la part de cette Cour est de voir le Conseil de sécurité lui renvoyer la question. C'est précisément ce qui a été fait le 31 mars 2005, le Conseil ayant décidé de déférer la situation du Darfour à la Cour pénale internationale par 11 voix pour et aucune contre. Le Soudan a pour la première fois procédé à l'arrestation de militaires et d'agents de sécurité accusés de viol, de meurtre et d'incendie de villages. Il s'agit là d'un pas dans la bonne direction, a conclu l'Expert indépendant.

Une large partie du rapport sur la situation des droits de l'homme au Soudan (E/CN.4/2005/11) est consacrée au conflit au Darfour. La situation demeure instable car l'insécurité gagne de nouveau du terrain, souligne le rapport. La question de l'élargissement du mandat de l'Union africaine au Darfour pour assurer la protection des civils doit être examinée de toute urgence, affirme le rapport. L'action de l'Union africaine devrait être soutenue plus énergiquement, notamment dans le domaine des droits de l'homme. La coordination entre l'Union africaine et le Haut Commissariat aux droits de l'homme devrait être renforcée afin de lutter contre les violations des droits de l'homme et rompre le cycle de l'impunité. L'Expert indépendant recommande que le Gouvernement soudanais fasse en sorte que toutes les informations selon lesquelles des personnes sont détenues au secret donnent lieu à une enquête indépendante et approfondie et que les auteurs présumés de tels actes rendent des comptes. En outre, les autorités compétentes devraient prévoir l'indemnisation des victimes d'actes de torture, ainsi que leur traitement médical et leur réinsertion. Le Gouvernement soudanais devrait par ailleurs ratifier la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants, sans formuler de réserves.


Déclaration du Soudan en tant que pays concerné

M. OMER DAHAB MOHAMED (Soudan) s'est réjoui qu'un certain nombre d'observations positives figurent dans le rapport de l'Expert indépendant, à savoir le fait que le conflit au Darfour trouve son origine dans un différend entre les groupes nomades et sédentaires au sujet des ressources et le fait que la récente détérioration de la situation soit imputable à l'attaque des rebelles à El-Fasher, la capitale du Darfour septentrional. Le représentant s'est également réjoui que l'Expert indépendant relève les accords de cessez-le-feu récemment conclus entre le Gouvernement soudanais et les rebelles ainsi que la signature d'un protocole visant à améliorer la situation au plan humanitaire et la pleine coopération du gouvernement soudanais avec les Nations Unies et les organisations humanitaires. Le représentant soudanais s'est également félicité que l'Expert indépendant salue la mise en place d'une commission nationale chargée d'enquêter sur les allégations de viols.

Toutefois, le Soudan estime que la mention d'après laquelle les droits de l'homme ne seraient pas abordés en profondeur par le processus de paix n'est pas exacte. En outre, plusieurs progrès sont intervenus depuis la rédaction du rapport. Les enquêtes sur les violations des droits de l'homme ont abouti à l'arrestation de 14 personnes, a notamment fait valoir le représentant soudanais. En outre, 22 410 personnes ont pu rentrer chez elles et 125 000 réfugiés ont également pu réintégrer le territoire. En conclusion, le représentant a déclaré avoir étudié avec attention les conclusions et recommandations contenues dans le rapport de l'Expert indépendant et a assuré qu'il n'épargnerait aucun effort pour travailler en étroite collaboration avec la Commission des droits de l'homme et ses autres partenaires pour mettre en œuvre un accord de paix global, dans le cadre du Gouvernement d'unité nationale, afin de consolider la promotion et la protection des droits de l'homme dans la région.


Dialogue interactif

M. ROBERT E. GRIBBIN (États-Unis), soulignant que le conflit au Darfour constituait une grave menace pour les droits des femmes, a demandé à l'Expert indépendant comment le Gouvernement soudanais, l'Union africaine et les Nations Unies pouvaient s'attaquer à ce problème. Le représentant a en outre demandé comment la Commission entendait assurer la protection des personnes déplacées à l'intérieur du pays.

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a estimé qu'il serait utile pour la Commission de se pencher sur la dramatique situation des droits de l'homme dans l'ensemble du Soudan et non pas seulement au Darfour. Le représentant a demandé à l'Expert indépendant quelles mesures il préconisait pour améliorer la situation des droits de l'homme dans les zones sous contrôle de l'Armée populaire de libération du Soudan.

M. JUAN ANTONIO FERNÁNDEZ PALACIOS (Cuba) a demandé à l'Expert indépendant comment pouvait être mené au mieux le dialogue entre les autorités soudanaises et l'Union africaine. Il a en outre lancé un appel à M. Addo afin qu'il ne se laisse pas manœuvrer par ceux qui ont toujours pillé les ressources du Soudan.

M. BASHAR JAAFARI (Syrie) a déclaré que la communauté internationale ne saurait tolérer ceux qui sont responsables de troubles civils dans le Darfour soudanais. Une arme ne tombe pas entre les mains de rebelles sans l'aide de l'extérieur.

M. OMER DAHAB MOHAMED (Soudan) a demandé à l'Expert indépendant s'il avait pris connaissance d'une décision du Gouvernement soudanais de retirer tous les appareils militaires du Darfour. Le Gouvernement soudanais n'a, en réalité, absolument pas rejeté les résolutions du Conseil de sécurité, pas même la dernière en date. Il est inacceptable de parler de «régime de Khartoum», a ajouté le représentant soudanais.

MME SABINA VIGANI (Suisse) a exprimé la préoccupation de son gouvernement face à la situation au Darfour. Elle a appelé toutes les parties à mettre un terme immédiatement à toutes les exactions qui y sont perpétrées. La Commission des droits de l'homme doit envoyer un signal clair venant soutenir les actions déjà entreprises.

En réponse à ces interventions, l'Expert indépendant, M. EMMANUEL AKWEI ADDO, a rappelé que le Soudan a signé divers instruments concernant les droits des femmes et est lié par ces textes, qu'il doit donc mettre en application. Pour contrecarrer les violations des droits de l'homme perpétrées à l'encontre des personnes déplacées, il faut déployer davantage de forces de sécurité, a-t-il estimé. L'Union européenne a fourni un contingent de 200 hommes, a rappelé M. Addo. C'est au Soudan de décider d'accepter la présence d'une force importante sur le terrain, a poursuivi l'Expert indépendant. Il faudrait déployer 8 000 hommes d'ici le mois d'août prochain, a estimé M. Addo. Il a par ailleurs mis l'accent sur la nécessité pour le Gouvernement soudanais de reconnaître la liberté de parole. Si les gens pouvaient parler, on ne se trouverait peut-être pas dans la situation actuelle, a-t-il ajouté. Il a en outre insisté sur le fait qu'à l'heure actuelle, on peut trouver des armes partout au Soudan. Les rebelles comme les civils en possèdent, a-t-il souligné. Le Gouvernement soudanais devrait donc prendre des mesures pour saisir ces armes, a affirmé M. Addo.


Débat général

M. PAUL MEYER (Canada, au nom également de la Nouvelle-Zélande, de l'Australie et de la Suisse) a condamné les violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire au Darfour, qui ont de graves conséquences sur la population dans cette partie du pays. Non seulement le Gouvernement soudanais a été incapable de faire cesser les brutalités commises à l'encontre des civils par les milices Djandjawids, mais il s'est même montré complice en permettant à ces attaques de se poursuivre. Le Gouvernement soudanais n'a pris aucune mesure pour améliorer la situation des millions de personnes qui sont aujourd'hui déplacées à l'intérieur du pays. Tandis que le Gouvernement est responsable du manque de protection accordée aux civils et de violations graves des droits de l'homme et du droit international humanitaire, les groupes rebelles et les milices armées ont également une responsabilité dans les crimes perpétrés. Le représentant canadien a lancé un appel pour que le Gouvernement reconnaisse ces violations et pour que toutes les parties au conflit au Darfour prennent les mesures nécessaires pour mettre un terme aux atrocités. En outre, les milices armées et les groupes rebelles devraient cesser toute action qui empêche la distribution de l'aide humanitaire. Le représentant a exhorté le Gouvernement soudanais à assurer la protection des civils, en particulier des personnes vivant des camps après avoir été déplacées à l'intérieur du pays. Il a, par ailleurs, appelé le Gouvernement et toutes les parties au conflit ainsi que la communauté internationale à coopérer pleinement avec la mission de l'Union africaine, mais aussi avec les Nations Unies et toutes les autres institutions, ainsi qu'avec les organisations humanitaires et avec la Cour pénale internationale.

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg, au nom de l'Union européenne) a déclaré que les 25 membres de l'Union européenne sont profondément préoccupés par la situation des droits de l'homme au Darfour. Il est fondamental, pour la crédibilité de la Commission, que nous soyons à la hauteur de la situation, a-t-il affirmé. Par leur engagement, les États membres de l'Union européenne ont joué un rôle majeur dans les récentes décisions du Conseil de sécurité, a-t-il souligné. L'engagement de l'Union européenne au sein de la Commission des droits de l'homme n'est pas moindre, a assuré le représentant luxembourgeois. L'année dernière, a-t-il rappelé, la Commission décidait de placer la situation du Darfour sous la surveillance d'un Expert indépendant. Aux dires mêmes de cet expert, mais également de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, la situation n'a cessé, depuis lors, de se dégrader. Le rapport de la Commission internationale d'enquête, publié le 31 janvier dernier, est alarmant, a rappelé le représentant. La Commission doit donc exprimer sa préoccupation et réagir de la manière la plus claire qui soit.

M. RUDY BOSCHWITZ (États-Unis) a déclaré que la situation au Soudan est une catastrophe du point de vue des droits de l'homme. La crise du Darfour doit entraîner une action claire et énergique de la Commission des droits de l'homme car c'est l'essence même de son mandat, à savoir les droits de l'homme, qui est directement en cause dans cette crise. Le Conseil de sécurité a fixé un cadre pour la paix et l'Union africaine est particulièrement impliquée dans la promotion d'un cessez-le-feu. Il faut soutenir ces efforts. Le représentant des États-Unis a estimé qu'avant toute chose, le Gouvernement soudanais doit assumer sa responsabilité, cesser les attaques contre les civils et désarmer les Djandjawids. Il faut en outre mettre un terme à l'impunité. La sécurité dans les camps de personnes déplacées doit également être renforcée. Des efforts supplémentaires doivent être déployés pour mettre fin aux viols de femmes et de fillettes ainsi qu'à la violence d'une manière générale. Enfin, les organisations de la société civile doivent bénéficier d'un environnement favorable à leur épanouissement.

M. WEGER STRØMMEN (Norvège) a rappelé que la situation des droits de l'homme au Soudan était à l'ordre du jour de la Commission depuis plus d'une décennie. Il a indiqué que, du point de vue de son pays, la signature de l'Accord de paix complet entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement populaire de libération du Soudan constituait une étape historique en vue d'empêcher d'autres violations des droits de l'homme et du droit international humanitaire. La Norvège reste néanmoins profondément préoccupée par la situation critique au Darfour et tout particulièrement par le manque de sécurité et de protection dont pâtit la population civile. La Norvège soutient l'implication du Conseil de sécurité ainsi que les efforts déployés par l'Union africaine.

M. DAVID LITTMAN (Union mondiale pour le judaïsme libéral, au nom également de Association pour l'éducation d'un point de vue mondial) a rappelé qu'en 1995, un Rapporteur spécial parlait d'esclavage et de racisme au Soudan. Le représentant a par ailleurs affirmé que le Gouvernement du Soudan semble appliquer une politique d'arabisation du pays. L'esclavage a été le lot commun des Africains noirs au cours des siècles, a-t-il rappelé. Aujourd'hui, l'esclavage est clairement défini comme un crime contre l'humanité. Pourtant, plus de 200 000 femmes et enfants ont été réduits à l'esclavage ces deux dernières décennies au Soudan, a poursuivi le représentant. L'esclavage est un «cancer» qui ronge les perspectives de paix au Soudan. La Commission doit exhorter le Gouvernement soudanais à mettre fin à l'esclavage dans le sud du pays.

M. HASHIM AHMED (Human Rights Watch) a déclaré que le Darfour est une région qui souffre de l'une des plus grandes catastrophes en matière de droits humains. Plus de deux millions de personnes ont été touchées. Des crimes contre l'humanité ont été commis et la saisine de la Cour pénale internationale a été recommandée. Il s'agit d'ailleurs là d'une mesure historique, a fait observer le représentant. Il a estimé que la plus grande vigilance s'impose dans la région. Il a en outre lancé un appel à la Commission afin qu'elle demande un accroissement du nombre d'observateurs de la situation des droits de l'homme dans la région. En outre, l'Expert indépendant sur la situation des droits de l'homme au Darfour devrait pouvoir continuer à travailler parallèlement à la mise en place d'un cadre de paix global.

M. ROMUALD PIAL MEZALA (Ligue internationale pour les droits et la libération des peuples) a affirmé que la décision historique prise par le Conseil de sécurité, dans sa résolution 1593, par laquelle elle décide de déférer au Procureur de la Cour pénale internationale la situation des droits de l'homme au Darfour, constituait un pas important dans la lutte contre l'impunité et un signal fort lancé aux responsables des crimes odieux commis au Darfour. Il a appelé la Commission à agir maintenant afin que cesse cet enfer pour les populations du Darfour. Le représentant a en outre appelé la Commission à adopter une résolution sur le Soudan condamnant les violations massives et persistantes des droits de l'homme et du droit international humanitaire au Darfour et à rétablir le mandat du Rapporteur spécial sur les droits de l'homme au Soudan.

M. ABDELBAGI JIBRIL (Société africaine de droit international et comparé) s'est dit préoccupé par le drame vécu par les victimes de la tragédie du Darfour. Des milliers de personnes sont la cible des forces de sécurité pour le seul fait d'avoir des liens de parenté avec des rebelles. Des personnes sont exécutées lorsqu'elles sont seulement soupçonnées de soutenir des insurgés. La réticence de la communauté internationale à agir a encouragé ces crimes, s'est inquiété le représentant. La violence des milices Djandjawids contre les travailleurs humanitaires et le personnel des Nations Unies a contraint ces derniers à se retirer des principales régions et villes du Darfour, laissant ainsi des populations entières sans protection.


Suite du débat relatif aux droits de l'enfant

M. ABDELFATTAH EL KADIRI (Maroc) a déclaré qu'il est impératif de renforcer l'action collective en faveur de l'enfant en prenant les mesures nécessaires au niveau national et international pour créer, notamment, des institutions chargées des droits de l'enfant; de mettre en place et d'améliorer les programmes en faveur de l'enfance; de créer et d'appuyer les mécanismes nécessaires pour évaluer la mise en œuvre des engagements pris et les défis qui demeurent. La situation de l'enfance n'a jamais cessé d'occuper une place primordiale parmi les préoccupations des autorités marocaines, de la société civile et des autres acteurs de la société, a poursuivi le représentant. Le pays a procédé à la mise à niveau de ses textes législatifs avec les dispositions de la Convention relative aux droits de l'enfant. Le représentant a notamment indiqué que le Code du travail a été amendé afin de porter à 15 ans l'âge minimum légal du travail. Le Maroc s'est en outre engagé à mettre fin à l'analphabétisme à l'horizon 2015. M. El Kadiri a par ailleurs fait valoir la mise en place d'un parlement des enfants et a souligné le rôle primordial que joue l'Observatoire des droits de l'enfant pour la promotion et la protection des droits de l'enfant.

MME LADA PHUMAS (Thaïlande) a affirmé que son gouvernement était déterminé à accorder aux enfants la meilleure protection possible. La stratégie nationale et le Plan d'action pour la période 2005-2015 ont été rédigés dans le but de fournir un cadre cohérent à toutes les parties travaillant dans le domaine des droits des enfants. En outre, a-t-elle ajouté, la loi de 2004 sur la protection de l'enfant apporte une protection juridique aux enfants face à toutes les formes d'abus, d'exploitation et de violence. En vertu de cette loi, tous les jeunes âgés de moins de 18 ans sont protégés par l'État. D'autres mesures juridiques et des initiatives politiques ont également été prises pour assurer la protection de groupes spécifiques, tels que les enfants des rues, les enfants victimes du travail illégal, les enfants confrontés au VIH/sida, à la prostitution ou à la traite. La représentante a par ailleurs insisté sur la grande importance qu'attachait son pays à l'établissement de partenariats avec tous les acteurs concernés, tels les institutions des Nations Unies et la société civile.

MME ALENA KUPCHYNA (Bélarus) a rappelé que son pays est partie à Convention relative aux droits de l'enfant depuis 1990. La protection des droits de l'enfant est une priorité publique garantie par la Constitution. Le Bélarus a mis en place un programme de coopération avec l'UNICEF et d'autres organes du système des Nations Unies. L'attention est en particulier centrée sur les enfants ayant souffert de la catastrophe de Tchernobyl. Une nouvelle impulsion a été donnée au plan d'action 2004-2010 pour améliorer la situation des enfants et leur assurer des conditions favorables à leur épanouissement. Le Bélarus entend également améliorer les conditions de vie des enfants, préserver leur santé et les protéger contre la violence. Les nouvelles générations doivent être conscientes de leurs droits. En conclusion, la représentante a appelé les États qui ne l'ont pas encore fait à devenir parties à la Convention relative aux droits de l'enfant et à ses Protocoles facultatifs.

MME CLEMENCIA FORERO UCROS (Colombie) a souligné que son pays, qui considère la situation de l'enfance comme une de ses principales priorités, a créé entre 2003 et 2004 un total de 734 413 nouvelles places scolaires. En outre, 199 bibliothèques ont été ouvertes en 2003 et 150 en 2004. Le pays déploie par ailleurs des efforts importants afin de réduire la mortalité des enfants âgés de 0 à 5 ans. La représentante a fait état des efforts déployés par son gouvernement pour lutter contre l'implication des enfants dans les conflits armés. Le Gouvernement colombien réaffirme sa volonté de créer de meilleures opportunités pour les enfants.

Le représentant de la République de Moldova a affirmé que son pays s'était engagé à agir activement pour respecter les dispositions de la Convention relative aux droits des enfants. Une étape importante vers l'accomplissement de cet objectif a été franchi lorsque la République de Moldova est devenue membre du bureau exécutif de l'UNICEF en 2004, prouvant ainsi que les autorités du pays étaient considérées comme un partenaire sérieux par cette institution des Nations Unies, a-t-il souligné. En acceptant les droits des enfants comme composante des droits de l'homme, la République de Moldova s'est engagée à promouvoir une politique nationale juste afin d'assurer à chaque enfant moldove l'expression de ses droits. Le représentant a lancé un appel à la Commission pour qu'elle se penche sur la grave violation des droits de l'homme que constitue le fait que des enfants soient privés de leur droit à l'éducation dans la partie orientale du pays placée sous l'autorité d'un régime séparatiste. La Commission doit condamner les actions brutales et illégales de ce régime, a-t-il conclu.

M. SYLVAIN VITÉ (Service social international, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2) a déclaré que des millions d'enfants dans le monde sont placés sous un régime de soins hors du foyer familial car leurs parents ont disparu ou ne sont pas en mesure de s'occuper d'eux. Ils vivent avec d'autres membres de leur famille, dans des foyers d'accueil ou dans la rue. Cette situation soulève un certain nombre de problèmes qui doivent être pris en compte par la communauté internationale. Le placement d'enfants hors du foyer familial pourrait souvent être évité en apportant un soutien efficace aux parents et en prévenant ainsi des situations de rupture familiale. L'UNICEF et le Service social international ont lancé un programme de recherche et de sensibilisation pour l'élaboration de normes internationales en matière de protection de ces enfants. La Convention relative aux droits de l'enfant et d'autres instruments internationaux fournissent un cadre général pour soulever ces problèmes mais ne définissent pas règles détaillées et globales en la matière. La représentante a lancé un appel à la Commission pour qu'elle soutienne le projet de directives pour la protection des enfants sans soutien familial.

MME ANGELA FITZSIMMONS (Human Rights Advocates) a souligné que de nombreux États appliquent la peine de mort aux mineurs, notamment l'Iran, la Chine, et, jusqu'à tout récemment, les États-Unis. La représentante a ajouté que la détention à perpétuité pour les mineurs devrait également être abolie, rappelant que les États-Unis sont le seul pays à condamner à grande échelle les mineurs à des peines de détention à perpétuité sans possibilité de libération conditionnelle. Elle a ajouté qu'Israël et l'Afrique du Sud auraient prononcé la perpétuité contre des mineurs et que cette peine reste inscrite dans la loi à la Dominique, aux Îles Salomon, en Tanzanie, à Antigua-et-Barbuda, au Burkina Faso et aux Pays-Bas. Elle a lancé un appel à la Commission afin qu'elle déclare que les peines d'emprisonnement à perpétuité prononcées à l'encontre de mineurs sont en contradiction avec le droit international et qu'elle exhorte les États à clarifier leur législation sur cette question. En outre, des mécanismes de surveillance devraient être mis en place pour contrôler les conditions de détention des mineurs.

MME MONIQUE DE CLELLAN (Bureau international catholique de l'enfance, au nom également de ECPAT International; Conseil international des femmes; Fondation sommet mondial des femmes et le Mouvement mondial des mères) a exhorté tous les États à interdire la pratique des mariages précoces et à garantir la protection contre l'exploitation sexuelle à toutes les personnes âgées de moins de 18 ans, quel que soit l'âge légal de la majorité ou le statut marital de la victime. La perception de l'enfance varie en fonction des sociétés. Toutefois, la Convention relative aux droits de l'enfant dispose que tous les enfants âgés de moins de 18 ans doivent être protégés contre toutes les formes d'exploitation sexuelle.

MME MOUNA ZADEH (National Federation of International Immigrant Women Associations) a évoqué la situation des jeunes filles en Iran. La prostitution des enfants a augmenté de 650% au cours des dernières années. Des dizaines de jeunes Iraniennes sont emmenées à Karachi, au Pakistan, afin d'être vendues comme esclaves sexuelles. Des informations publiées dans des journaux de Téhéran font état d'une participation de hautes personnalités dans la traite. La représentante a souligné qu'en vertu de la loi, un père a le droit de marier sa fille dès l'âge de 9 ans; un homme peut avoir quatre épouses et 40 mariages temporaires. Le temps est venu pour la communauté internationale de prendre ses responsabilités et de se tenir aux côtés du peuple iranien, a-t-elle conclu.

M. ROBERT MANDIANGU BUENZEYI (Comité international pour le respect et l'application de la charte africaine des droits de l'homme et des peuples, au nom également de la Commission africaine des promoteurs de la santé et des droits de l'homme) a demandé au Gouvernement belge réparation pour les crimes imprescriptibles commis à l'encontre des milliers d'enfant persécutés, déportés, torturés de 1921 à 1959 dans le cadre de la violence et de la répression anti-kimbaguiste qui avait pour but de mettre un terme définitif à l'action et au plaidoyer panafricain de Papa Simon Kimbangu. Nombre de ces enfants kimbagusites descendants de parents déportés portent encore aujourd'hui les traces de divers traumatismes et séquelles psychologiques graves. Le représentant a demandé à la Commission de tout mettre en œuvre pour demander au Gouvernement belge de se pencher sur cette grave question et de procéder a la réhabilitation de la dignité humaine de ces enfants.

MME CECILE TROCHU (Organisation mondiale contre la torture) a déclaré que jamais les risques de torture ou de mauvais traitements n'ont été aussi élevés pour les enfants qui contreviennent à la loi. Leurs droits et leur dignité sont constamment bafoués. Les arrestations arbitraires et la torture sont également un phénomène récurrent dans les pays marqués par les conflits armés durables ou dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Les châtiments corporels sont une autre source de préoccupation; ils violent les droits mais aussi la dignité humaine des enfants. La représentante a appelé de ses vœux la mise en place de mécanismes de contrôle afin d'éliminer les châtiments corporels partout dans le monde.

MME EYLAH KADJAR HAMOUDA (Fédération internationale Terre des hommes) a déclaré que les enfants victimes de la traite sont exposés à diverses formes de violences. Elle a souligné que le but des trafiquants est de les éloigner de l'environnement auquel ils sont familiers afin qu'ils puissent obtenir d'eux ce qu'ils veulent. Elle a déclaré qu'il fallait accorder la priorité à la protection des enfants en attendant qu'une solution durable soit trouvée. La représentante a plaidé en faveur d'une approche en trois points pour une solution durable au problème de la traite des enfants: intégration locale dans le pays où l'enfant a été victime de la traite, retour de l'enfant dans son pays d'origine et réintégration ou déplacement vers un troisième pays pour sa réintégration.

MME LAUREL TOWNHEAD (Comité consultatif mondial de la Société des amis - QUAKERS) a déclaré que les enfants de parents emprisonnés n'ont commis aucun crime mais que la peine qu'ils doivent purger est lourde. Plus de deux millions d'enfants ont un parent derrière les barreaux aux États-Unis. Les populations autochtones sont en outre sur-représentée en milieu carcéral. La représentante a demandé à la Commission de s'intéresser davantage au problème des enfants dont les parents sont en prison. Elle a indiqué que son organisation venait de publier un document de sensibilisation sur la question des enfants en prison, qui propose des éléments en vue de l'élaboration de législations et de politiques dans ce domaine.

MME JULIA EKSTEDT (Alliance internationale d'aide à l'enfance) a déclaré que la protection des enfants dans les situations d'urgence devrait être considérée comme une priorité. Afin de minimiser les risques encourus par les enfants en Asie à la suite du raz-de-marée, la représentante a exhorté la Commission à s'assurer qu'une part suffisante des fonds alloués à l'assistance humanitaire soit consacrée aux enfants. La Commission devrait exhorter les bailleurs de fonds à considérer la protection des enfants comme faisant partie intégrante de toute réponse humanitaire à une crise, en prenant en compte le droit à l'éducation, ainsi que l'assistance psychologique aux parents pour qu'ils puissent prendre soin de leurs enfants. La représentante a en outre insisté sur la nécessité de protéger les enfants séparés de leurs familles.

M. FERNANDO JIOVANI ARIAS (Agir ensemble pour les droits de l'homme) a affirmé qu'en Colombie les enfants étaient systématiquement victimes de violations des droits de l'homme. L'État ne peut pas considérer qu'il assume sa responsabilité simplement parce qu'il lance des campagnes, a-t-il dit. La Convention relative aux droits de l'enfant et ses Protocoles facultatifs font obligation de ne pas recruter d'enfants dans l'armée. Mais des milliers d'enfants continuent d'être engagés par des groupes paramilitaires. La politique de démobilisation des enfants est un outil de guerre et non une stratégie pour protéger les droits des enfants. Aussi, le représentant a-t-il demandé à la Commission d'exhorter le Gouvernement colombien de s'abstenir d'engager des enfants comme éléments susceptibles de leur fournir des informations et de faire en sorte que les enfants démobilisés ne soient pas soumis à des interrogatoires ou des tortures.

MME LAYLA G. AL-ROOMI (Jubilee Campaign) a déclaré que les minorités religieuses et leurs enfants sont particulièrement victimes de violences en Iraq. La transition vers la démocratie a donné lieu à de nombreuses violations de droits de l'homme, a-t-elle ajouté. En dépit des garanties constitutionnelles en matière de liberté religieuse, le droit n'est pas respecté. Les informations sur les assassinats et les enlèvements de dirigeants religieux exigent qu'une enquête internationale soit menée. Les femmes et les jeunes filles sont victimes de persécution et de viols de la part de terroristes qui les considèrent comme objets de plaisir. Des jeunes filles sont enlevées de leurs foyers et violées pendant plusieurs jours puis menacées de mort si elles mentionnent ce qu'elles ont subi. De nombreuses personnes sont soumises à une conversion forcée et des milliers de familles ont choisi de fuir le pays pour chercher refuge ailleurs.

MME DOI KANAE (Peace Boat) a souligné qu'au Japon, on dénombre environ 250 000 personnes d'origine étrangère considérées par les autorités comme étant en situation irrégulière, parmi lesquelles des enfants. De nombreux enfants, dont les mères sont pourtant japonaises, sont expulsés chaque jour. Poursuivant, la représentante a souligné que les enfants appartenant à des minorités sont confrontés à la discrimination au Japon. Il n'existe pas de législation anti-discrimination, a affirmé la représentante. En outre, les messages de haine raciale ne sont pas incriminés. De plus, il n'y a pas de mécanismes de surveillance appropriés.

M. A. S. NARANG (Consejo Indio para la Educación) a affirmé que si les droits de l'hommes étaient inaliénables, les droits de l'enfant devaient l'être aussi. Il a déclaré que le droit à la protection des enfants signifiait que ceux-ci devaient être protégés de toutes les formes d'exploitation ou d'abus, de traitements inhumains ou dégradants. Il faut en outre garantir le droit à une protection spéciale des enfants dans les situations d'urgence et les conflits armés. Les abus sexuels sur les enfants ne sont pas seulement une atteinte à leur dignité et une exploitation physique grave, mais aussi une menace sérieuse à leur droit fondamental à la vie, a-t-il affirmé.

MME CLAIRE BISIAUX (Open Society Institute) a déclaré que les enfants touchés par les VIH/sida font partie des jeunes les plus vulnérables. Leur capacité à exercer leurs droits fondamentaux est particulièrement remise en question. La représentante a par ailleurs souligné que le nombre d'enfants qui vivent du travail des rues a augmenté de façon considérable ces dernières années. Ces enfants sont plus exposés au risque de contamination par le VIH/sida ainsi qu'à la toxicomanie. Ils souffrent aussi de politiques répressives. Les autorités incarcèrent en effet des dizaines de milliers de petits délinquants pour des délits liés à la drogue. De plus, les enfants des rues sont exposés à l'échec scolaire et au chômage, notamment.

MME EMILIE KAO (Becket Fund for Religious Liberty) a déclaré que la loi française concernant le port de signes religieux à l'école fait courir un risque de marginalisation à ceux qui ont des croyances différentes. Les enfants qui ne retirent pas leurs signes d'appartenance à une religion sont exclus des établissements scolaires et doivent étudier chez eux ou dans des écoles religieuses. Ces enfants se voient non seulement privés de leur droit à l'éducation, mais en plus, on leur envoie le message selon lequel ils ne peuvent pas appartenir à la société s'ils sont fidèles à leur religion. Si le Gouvernement français continue à mettre en œuvre cette législation, il doit s'attendre à des générations de jeunes croyants qui seront de manière croissante exclus de la société et de ses valeurs.

MME CONCHITA PONCINI (Fédération internationale des femmes diplômées des universités, au nom de plusieurs organisations non gouvernementales2) a affirmé que selon des estimations, plus d'un million de nourrissons de sexe féminin étaient tués dans le monde chaque année, les situations les plus tragiques ayant lieu en Inde et en Chine. Les pratiques traditionnelles de mutilation génitale féminines se répandent, a-t-elle ajouté. Parce que les filles bénéficient de statuts économiques et sociaux inférieurs, elles sont davantage exposées à des relations sexuelles non désirées ou aux mariages précoces.

M. POURIA ASKARY (Organization for Defending Victims of Violence) s'est dit scandalisé par le nombre très élevé d'enfants qui travaillent. Les enfants des rues vivent quant à eux dans des conditions terribles et sont exposés à de graves dangers, en particulier pour leur santé. La problématique de la protection des droits des enfants doit être reconsidérée en laissant de côté les points de vue fondés sur des intérêts nationaux. Tous les pays doivent adhérer aux documents relatifs à la protection des droits de l'enfant. Pendant toute la vie, les enfants sont menacés de violence et d'exploitation. Le représentant a donc lancé un appel pour que les pays accordent davantage d'attention aux conditions dans lesquelles vivent les enfants tout au long de leur vie.

M. JONATHAN GALLAGHER (Conférence générale des adventistes du septième jour) a déclaré que chaque année, nombre d'enfants meurent de mort violente. La grande majorité des individus impliqués dans des conflits armés sont des femmes et des enfants, a-t-il ajouté. Il a lancé un appel aux États afin qu'ils renouvellent leurs engagements et fassent en sorte que la Convention relative aux droits de l'enfant soit plus qu'un catalogue de bonnes intentions et devienne un instrument permettant d'améliorer la situation des enfants dans le monde. Le représentant a souligné que les droits à l'éducation, à une alimentation adéquate, aux soins de santé, à la non-discrimination, le droit au respect et à l'estime de soi doivent se traduire dans la réalité.

M. KALSANG PHUNTSOK (Union internationale de la jeunesse socialiste) a affirmé que les Tibétains du monde entier étaient attristés par le fait que les appels répétés lancés aux Nations Unies n'avaient toujours pas permis d'améliorer la situation tragique des droits de l'homme au Tibet. Les Tibétains continuent d'être arrêtés et maltraités. En outre, malgré des appels répétés, la Chine refuse toujours de fournir des informations sur le jeune Panchen Lama, Gedhun Choekyi Nyima ou de permettre à des observateurs de le voir.

MME DOO-AH LEE (A Woman's Voice International) a déclaré que l'aide alimentaire envoyée par les institutions de secours en République populaire démocratique de Corée ne parvient pas aux enfants les plus vulnérables. La communauté internationale doit aider ces enfants. Quant au Gouvernement de ce pays, il doit mettre fin au principe du culte de la personnalité et de l'idéologie unitaire; il doit également cesser de réduire les enfants à l'esclavage. En cas d'incendies, on a vu des enfants sauver les portraits de Kim II-sung et de Kim Jong-il plutôt que leurs camarades. Ce gouvernement doit aussi cesser d'obliger les enfants à assister à des exécutions publiques, qui les exposent à des chocs traumatiques.

MME MARÍA ESPERANZA RUESTA DE FURTER (Alliance internationale des femmes) a déclaré que la Convention relative aux droits de l'enfant est un excellent exemple de l'indivisibilité des droits de l'homme. La représentante a dit apprécier le souci du Président du Comité des droits de l'enfant d'adapter les méthodes du Comité pour mieux examiner le respect par les États parties des deux Protocoles facultatifs à la Convention. La représentante s'est félicitée du rapport sur la vente d'enfant, la prostitution des enfants et la pornographie impliquant des enfants qui recommande notamment de veiller à ce que la législation sur la pornographie protège toutes les personnes âgées de moins de 18 ans.

La représentante de l'Assemblée permanente pour les droits de l'homme a affirmé que la crise économique et sociale en Argentine plaçait un grand nombre d'enfants dans une situation de pauvreté. Les enfants représentent 25% de la population argentine, a-t-elle précisé, notant que 50% d'entre eux sont pauvres. La situation de l'enfance et de l'adolescence est caractérisée par un recul important dans la jouissance des droits économiques, sociaux et culturels. Cette situation exige un plan intégré pour la protection des enfants et des adolescents et pour la mise en œuvre de tous leurs droits internationalement reconnus.

MME NAJAT M'JID (Union de l'action féminine) a déclaré que le Maroc a réalisé des progrès notables en ce qui concerne la législation relative aux droits de l'enfant, avec de nouveaux textes élaborés ces dernières années. Cependant, si des efforts louables ont été accomplis, ils restent sectoriels de par l'absence de véritables mécanismes de coordination entre les divers acteurs intervenant dans le domaine de l'enfance. De même, le Maroc ne dispose pas de mécanismes de suivi des politiques permettant de mesurer l'impact des actions menées. Concernant le trafic d'enfants, il serait judicieux de considérer le Maroc non comme un simple pays d'origine mais surtout comme un pays de transit entre l'Afrique et l'Europe. Il faut aborder le problème de façon globale et intégrée. Les diverses instances internationales devraient conjointement élaborer des indicateurs mesurables sur les plans qualitatif et quantitatif pour assurer le suivi de la situation réelle des enfants.

MME JENNIFER PHILPOTT-NISSEN (Vision mondiale internationale) a attiré l'attention de la Commission des droits de l'homme sur la situation des enfants en Angola, où le conflit qui sévit depuis près de 19 ans a conduit à de graves violations des droits des enfants et, notamment, à leur enrôlement dans des groupes armés. La représentante a déclaré que l'enrôlement dans les forces armées d'enfants âgés de moins de 15 ans pour combattre dans le cadre de conflits internes ou internationaux devraient être poursuivis par la Cour pénale internationale à titre de crimes de guerre. Elle a par ailleurs appelé la communauté internationale à soutenir le fragile processus de paix en Ouganda et à maintenir la pression sur les deux parties afin qu'elles poursuivent le dialogue engagé.

MME SOFIA NORDENMARK (Commission andine de juristes) a affirmé que les châtiments corporels dans les pays de la région andine n'étaient pas dénoncés car ils ne sont pas considérés comme des délits. Il est nécessaire que les châtiments corporels soient interdits dans toutes les législations nationales, a-t-il souligné. Le représentant a en outre demandé à la Commission d'adopter une première résolution sur cette question, pour interdire et condamner les châtiments corporels des enfants.


Droit de réponse

M. HIDENOBU SOBASHIMA (Japon), répondant à la déclaration du représentant de la République du Corée concernant les manuels scolaires japonais, a précisé que ces manuels sont publiés sous le contrôle du Gouvernement qui doit s'assurer que ces livres sont appropriés en tant que manuels scolaires et que les erreurs évidentes sont supprimées. Le Gouvernement japonais reconnaît son histoire, a poursuivi le représentant, qui a rappelé qu'en 1995, le Gouvernement a reconnu que le Japon, au cours de certaines périodes de son histoire, avait occasionné de grandes souffrances.

M. OMER DAHAB MOHAMED (Soudan), rappelant que le représentant du Canada avait affirmé qu'il y avait des preuves de violations des droits de l'homme commises par le Gouvernement soudanais, a souligné qu'au cœur du problème se situait justement la difficulté d'obtenir des preuves fiables. Le Canada s'est-il informé sur le contenu du rapport de la Commission internationale d'enquête sur les violations au Darfour et du rapport fourni par le Gouvernement soudanais, a demandé le représentant. Les exigences minimales de justice obligeraient à lire ce rapport avant de porter des accusations, a estimé le représentant soudanais.

M. PARK IN-KOOK (République de Corée) a déclaré que le Gouvernement japonais pourrait adopter des mesures plus responsables en matière de directives applicables aux manuels scolaires. Des efforts ont été déployés, a reconnu le représentant, mais le contenu de certains manuels sont encore en deçà de la vérité concernant l'histoire de ce pays. L'enseignement d'une histoire déformée porte atteinte au droit fondamental à l'éducation des enfants, a fait remarquer le représentant.


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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel



1Déclaration conjointe : Human Rights Watch; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); et Service international pour les droits de l'homme.

2Déclaration conjointe: Service social international; Conseil international des femmes; Fédération internationale des assistants sociaux et des assistantes sociales; SOS - Kinderdorf International; et Fédération européenne des femmes actives au foyer

3Déclaration conjointe: Fédération internationale des femmes diplômées des universités; Communauté internationale baha'ie; Association des femmes du pacifique et de l'Asie du Sud-Est; Conseil international des femmes; Organisation internationale des femmes sionistes; Union Mondiale des organisations féminines catholiques; Femmes Africa solidarité; Conseil international des femmes juives; Alliance internationale des femmes; Fédération internationale des assistants sociaux et des assistantes sociales; et la Fondation sommet mondial des femmes.

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