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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ SUR LES DROITS DES TRAVAILLEURS MIGRANTS EXAMINE LE RAPPORT INITIAL DE LA SYRIE

16 Avril 2008


Comité pour la protection des droits
des travailleurs migrants

16 avril 2008


Le Comité pour la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial présenté par la Syrie sur l'application dans ce pays des dispositions de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Le Comité adoptera au cours de la session des observations finales sur le rapport de la Syrie qu'elle rendra publiques à la fin de la session, le vendredi 25 avril prochain.

Présentant le rapport de son pays, M. Essa Maldaon, Vice-Ministre des affaires sociales et du travail de la Syrie, a expliqué que la main-d'œuvre étant abondante et bon marché en Syrie, le pays n'est pas un pays d'accueil de travailleurs migrants. Il a toutefois précisé que la Syrie est devenue depuis quelques années la destination de personnes venues d'Asie qui travaillent comme personnel domestique et qui bénéficient de mesures destinées à assurer le respect de leurs droits. La Syrie est en outre le pays d'origine d'émigrants qualifiés.

La délégation syrienne était également composée de représentants du Ministère de l'intérieur, de la Commission syrienne des affaires familiales et de la Mission permanente de la Syrie auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni des réponses aux questions soulevées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la situation des travailleurs domestiques; de la situation des réfugiés iraquiens; de la scolarisation des enfants de travailleurs migrants; ou encore de la situation des réfugiés palestiniens. Elle a précisé à cet égard qu'ils ont droit à un emploi et à l'éducation; seuls la nationalité syrienne et le droit de vote ne leur sont pas accordés, compte tenu du fait que les résolutions internationales reconnaissent le droit au retour des réfugiés palestiniens.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport syrien, M. Ahmed Hassan El-Borai, a d'emblée souligné que, faute de statistiques, il est difficile d'évaluer la mise en œuvre de la Convention en Syrie. Aussi, a-t-il exprimé l'espoir que des statistiques seront prochainement mises à la disposition du Comité. Le corapporteur, M. Azad Taghizade, s'est pour sa part demandé si les travailleurs migrants en Syrie étaient suffisamment informés des droits que leur confère la Convention.

Au cours de la discussion, le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a souligné que le Comité n'est pas aussi catégorique que la délégation syrienne pour affirmer que les réfugiés ne relèvent pas de la présente Convention.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la Bolivie (CMW/C/BOL/1).


Présentation du rapport

M. ESSA MALDAON, Vice-Ministre des affaires sociales et du travail de la Syrie, a affirmé que l'examen du rapport de son pays constituait une chance pour la Syrie, qui pourra ainsi tirer parti de ce dialogue pour s'attacher à améliorer encore la protection des droits de tous les travailleurs migrants. Depuis son indépendance, la Syrie est attachée à la protection de tous les droits de l'homme, a ajouté le Vice-Ministre.

La main-d'œuvre en Syrie étant abondante, bon marché et dotée de compétences, le pays n'est pas un pays d'accueil de travailleurs migrants, a expliqué M. Maldaon. Il a toutefois précisé que, depuis le début de la décennie, la Syrie est devenue la destination de personnes venues d'Asie qui travaillent comme personnel domestique. Un décret a édicté les mesures devant être prises par le monde du travail afin de respecter les droits de ce type de personnel. La Syrie est en outre le pays d'origine d'émigrants qualifiés, notamment des médecins, a souligné M. Maldaon.

La législation syrienne est en évolution constante, a souligné le Vice-Ministre, faisant notamment état de la mise au point d'une législation contre le trafic de personnes.

Le rapport initial de la Syrie (CMW/C/SYR/1) précise que la République arabe syrienne ne fait pas partie des pays qui attirent généralement les travailleurs étrangers et que les travailleurs migrants ne s'y installent pas en grand nombre ni pour des périodes prolongées. Ceci s'explique en grande partie par le fait que la population active (intérieure) syrienne est suffisante pour satisfaire globalement la demande sur le marché du travail à tous les niveaux. De fait, la plupart des travailleurs migrants en Syrie sont des ressortissants d'États arabes pauvres qui ne parviennent pas à trouver du travail dans les États du Golfe. En outre, la majorité d'entre eux sont faiblement qualifiés. Il est plus facile pour eux de venir en Syrie car aucun visa d'entrée n'est exigé des ressortissants des États arabes.

Les travailleurs non arabes, quant à eux, n'entrent pas dans la catégorie des migrants parce que leur présence dans le pays est le plus souvent régie par des accords (normalement bilatéraux) ayant trait à l'exécution de projets donnés (secteur public) de grande ampleur; ils quittent généralement le pays lorsque celle-ci est achevée. Ils sont employés par l'entité étrangère qui réalise le projet et fait venir ses propres experts. Ces entités peuvent également employer des travailleurs locaux (syriens). Lorsque des entreprises privées syriennes emploient des techniciens étrangers (le plus souvent à titre temporaire), leur relation est régie par le contrat de travail, le Code du travail syrien et l'ensemble des dispositions législatives pertinentes, qui garantissent aux étrangers le même statut qu'aux nationaux.

Il n'existe pas de base de données permettant de fournir des renseignements quantitatifs précis sur les caractéristiques et la nature des flux migratoires, ajoute le rapport. On peut affirmer sans réserve que le Code syrien du travail offre un niveau élevé de protection à tous les travailleurs, quelle que soit leur nationalité, affirme-t-il. Les experts migrants peuvent transférer à l'étranger jusqu'à 60% de leurs salaires et indemnités en devises, indique-t-il plus loin. Tout étranger qui souhaite changer de lieu de résidence doit communiquer sa nouvelle adresse au Département de l'immigration et des passeports, ou à l'une de ses antennes dans le gouvernorat où se trouve sa nouvelle résidence.

Examen du rapport

Observations et questions des membres du Comité

M. AHMED HASSAN EL-BORAI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport syrien, a rappelé que la Syrie est l'un des premiers pays à avoir signé puis ratifié la Convention et à avoir présenté un rapport en vertu de cet instrument.

M. El-Borai a souligné que, faute de statistiques fournies par la Syrie, il est difficile pour le Comité d'évaluer la mise en œuvre de la Convention dans le pays. Aussi, a-t-il exprimé l'espoir que des statistiques seront prochainement mises à disposition du Comité.

Les réponses écrites de la Syrie à la liste de questions adressée au pays par le Comité (CMW/C/SYR/Q/1/Add.1) n'ont pas toutes apporté des réponses claires, a ajouté M. El-Borai. Il est un fait que la Syrie est un pays exportateur de main-d'œuvre. Néanmoins, les réponses fournies à cet égard ne montrent pas notamment dans quelle mesure les travailleurs syriens à l'étranger obtiennent une assistance consulaire. Les réponses ne sont pas claires non plus en ce qui concerne le retour au pays des expatriés syriens, a ajouté M. El-Borai.

Le rapporteur s'est par ailleurs enquis de l'impact de l'état d'urgence sur la mise en œuvre des dispositions de la Convention.

En ce qui concerne l'inscription scolaire des enfants de travailleurs migrants, il semble que la réponse fournie par écrit par la Syrie soit en contradiction avec les dispositions pertinentes de la Convention.

M. AZAD TAGHIZADE, co-rapporteur du Comité pour l'examen du rapport syrien, a relevé que selon certaines informations, il semblerait que le nombre de migrants syriens vivant à l'extérieur du pays soit quasiment égal à la population totale de la Syrie. Aussi, serait-il utile pour le Comité de disposer de statistiques fiables sur les flux migratoires associés à la Syrie. Les travailleurs migrants sont-ils suffisamment informés des droits que leur confère la Convention, a demandé le co-rapporteur?

Un autre membre du Comité a souhaité en savoir davantage au sujet de l'accord que la Syrie est en train de négocier avec l'Indonésie s'agissant des travailleuses migrantes domestiques en provenance de ce pays. Selon les autorités syriennes, il est clair qu'il n'y a pas d'esclavage en Syrie, a-t-il relevé; mais il ne faut pas perdre de vue que la traite de personnes est une forme d'esclavage, a rappelé l'expert, évoquant la pratique qui consiste à confisquer le passeport d'une personne, généralement une femme, pour l'obliger à exercer certains travaux, notamment domestiques. Existe-t-il une traite de personnes en Syrie et que fait, le cas échéant, la Syrie pour prévenir la traite de personnes, a demandé l'expert?

Un autre expert a relevé que selon les informations fournies par la Syrie, une personne qui travaille sans permis de travail n'a pas accès aux tribunaux du travail ordinaires, équivalents aux tribunaux de prud'hommes; or, la Convention précise que toute personne qui travaille, même sans permis de travail, doit pouvoir accéder à ces tribunaux.

Un membre du Comité a fait observer que la Syrie n'a pas adhéré aux conventions n°97, 105 et 143 du Bureau international du travail, qui sont particulièrement pertinentes au regard de la Convention internationale sur la protection des droits de tous les travailleurs migrants et des membres de leur famille.

Réponses de la délégation

La délégation syrienne a admis l'existence d'une faiblesse voire d'une lacune en ce qui concerne les statistiques disponibles. Il manque effectivement une base de données permettant de disposer d'informations fiables en ce qui concerne les travailleurs, s'agissant à la fois des étrangers dans le pays et des Syriens travaillant à l'étranger.

La délégation a fait valoir que tout travailleur étranger en Syrie peut désormais adhérer à un syndicat. Il existe en Syrie une confédération de syndicats divisée en groupes professionnels.

La délégation a fait état de la présence en Syrie de 40 000 travailleurs domestiques en provenance d'Asie et de certains pays d'Afrique. La loi sur les travailleurs domestiques oblige les employeurs à contracter une assurance médicale en leur faveur, a précisé la délégation.

La délégation a par ailleurs rappelé que la Syrie a accueilli un certain nombre de réfugiés iraquiens ayant fui leur pays depuis l'occupation de l'Iraq par les troupes américaines. Selon le Haut Commissariat pour les réfugiés (HCR), la Syrie compterait 1,3 million de réfugiés iraquiens, et encore ce chiffre est-il sous-estimé, a ajouté la délégation. Ces personnes, lorsqu'elles travaillent, ont les mêmes droits que les autres travailleurs. Mais nombre de ces personnes sont des clandestins sans permis de travail, et sont donc dans l'illégalité. Sur les travailleurs iraquiens présents en Syrie, 500 détiennent un permis de travail régulier; mais il y en a des milliers d'autres qui sont des clandestins, a insisté la délégation.

La délégation a confirmé que 95% des travailleurs migrants en Syrie viennent d'Asie du Sud-Est et sont des travailleurs domestiques.

L'esclavage est un phénomène qui est totalement étranger à la réalité syrienne, a souligné la délégation. Il n'y a aucun cas où les documents d'identité d'un migrant auraient été confisqués, a-t-elle assuré.

En Syrie, a ajouté la délégation, il n'y a pas de crime de trafic d'êtres humains; mais étant donné que la Syrie peut servir de pays de transit pour un tel trafic, les autorités ont ressenti le besoin d'élaborer un texte de loi en la matière.

En ce qui concerne l'état d'urgence, personne en Syrie n'en ressent les effets; cela est lié aux impératifs de sécurité nationale, ce qui n'a rien à voir avec les questions relatives au travail, a expliqué la délégation. Elle a tenu à rappeler que la Syrie a des frontières avec des pays qui cherchent à y envoyer des espions.

La délégation syrienne a indiqué avoir eu le sentiment que le Comité doute de la franchise et de l'honnêteté de la Syrie. Personne ne nous aurait obligés à adhérer à la Convention si nous ne souhaitions pas la mettre en application, a fait observer la délégation. Mais le fait est que la mise en œuvre d'un tel instrument est un travail de longue haleine, a-t-elle expliqué.

Le Président du Comité, M. Abdelhamid El Jamri, a souligné que la Syrie a incontestablement collaboré pour assurer une meilleure application de la Convention dans le pays. Aussi, l'intention du Comité n'est-elle pas de juger le pays mais bien de parvenir ensemble, avec la Syrie, à trouver des solutions aux points faibles qui peuvent persister au regard de l'application de la Convention. Il faut accepter le débat contradictoire, a souligné le Président. L'objectif est d'engager une dynamique constructive visant à dégager les meilleures pratiques, a-t-il expliqué.

La question des réfugiés iraquiens en Syrie ne relève pas de la compétence du Comité, a ensuite affirmé la délégation syrienne.

La délégation a par ailleurs fait savoir que les autorités syriennes retiennent les passeports des artistes étrangères qui viennent exercer en Syrie.

La délégation a d'autre part rappelé que sur le plan économique, la Syrie avait opté pour une économie planifiée avant de décider de s'orienter vers l'économie de marché depuis quelques années. Elle a expliqué que c'est la raison pour laquelle le Conseil monétaire national avait pris la décision de préserver les réserves en devises en plafonnant les transferts de fonds vers l'étranger, y compris pour les citoyens syriens eux-mêmes.

La délégation a par ailleurs fait part de sa surprise face aux informations reprises par un membre du Comité selon lesquelles des femmes seraient victimes de traite à destination de pays du Golfe. Jamais nous n'avons eu connaissance de telles allégations, a-t-elle insisté. Le Comité devrait se concentrer sur les droits humains des travailleurs migrants et des membres de leur famille; aborder la question de la traite de personnes revient à s'éloigner du strict mandat de ce Comité, a estimé la délégation. Quoi qu'il en soit, la Syrie ne ménage et ne ménagera aucun effort pour lutter contre tout acte de traite de personnes.

Il existe en Syrie environ 1200 organisations non gouvernementales ou fondations considérées comme des ONG, a fait savoir la délégation. Aucune de ces ONG n'est spécifiquement spécialisée dans les questions relatives aux travailleurs migrants, a-t-elle indiqué. Rien n'interdit toutefois aux migrants de créer des ONG, a-t-elle ajouté. Certaines ONG sont particulièrement actives auprès des communautés présentes en Syrie depuis longtemps; c'est notamment le cas d'une ONG qui s'intéresse particulièrement à la communauté grecque de Syrie.

La délégation a souligné que jusqu'à présent, la loi en vigueur ne faisait pas clairement référence à la possibilité pour les étrangers de créer des ONG, précisant que la loi ne spécifiait pas cette possibilité mais ne stipulait pas non plus que cela leur était interdit.

La délégation a précisé que les ONG n'ont pas participé à l'élaboration du présent rapport initial de la Syrie. Elle a toutefois promis que des représentants des ONG et de la société civile ainsi que des représentants de la confédération syrienne des syndicats participeraient à la préparation du prochain rapport.

La délégation a indiqué que le texte de l'accord que sont en train de négocier la Syrie et l'Indonésie s'agissant des travailleuses migrantes domestiques en provenance de ce pays a été présenté aux autorités compétentes des deux pays mais n'a pas encore été signé.

La loi n'interdit pas aux enfants de travailleurs migrants de fréquenter des écoles syriennes, qu'elles soient publiques ou privées, a en outre indiqué la délégation. Mais l'éducation en Syrie est dispensée en arabe. Il va donc de soi qu'il est important pour tout enfant de maîtriser l'arabe pour pouvoir suivre un enseignement en Syrie. Ce n'est pas une condition, mais une nécessité de fait puisque l'enseignement est dispensé en arabe, a expliqué la délégation. En général, les écoles qui dispensent un enseignement en langue étrangère, par exemple en français, sont des écoles privées. Il y a en Syrie 30 000 enfants iraquiens qui fréquentent des écoles publiques où, convient-il de rappeler, l'enseignement est gratuit.

La délégation a rappelé que la Syrie a créé en 2000 un Ministère des expatriés. Ce Ministère défend les travailleurs migrants expatriés, a-t-elle souligné. Les Syriens qui travaillent à l'étranger ne paient pas d'impôt sur le revenu à la Syrie, a-t-elle précisé.

S'agissant des réfugiés palestiniens, la délégation a indiqué qu'ils ont droit à un emploi et à l'éducation. La Syrie compte même des diplomates qui sont d'origine palestinienne, a-t-elle fait valoir. Seuls la nationalité syrienne et le droit de vote ne sont pas accordés aux réfugiés palestiniens, a précisé la délégation. Elle a expliqué que si la Syrie ne leur accorde pas la nationalité syrienne, c'est pour des raisons politiques, compte tenu du fait que les résolutions internationales reconnaissent le droit au retour de ces réfugiés palestiniens.

Conclusions du Président

Le Président du Comité, M. ABDELHAMID EL JAMRI, a déclaré que le Comité n'est pas aussi catégorique que la délégation syrienne pour affirmer que les réfugiés ne relèvent pas de la présente Convention. On peut en effet, par exemple, être travailleur migrant après avoir eu le statut de réfugié, a-t-il souligné. Aussi, à partir du moment où des réfugiés exercent un travail dans un pays qui n'est pas le leur, le Comité considère que ces personnes relèvent de la Convention, a expliqué M. El Jamri.

Le Président du Comité a jugé formidable le travail réalisé durant ces deux séances d'examen du rapport syrien. Grâce au débat, la discussion a pris une tournure concrète, orientée vers la réalité. Nous avons réussi à obtenir des informations supplémentaires de la délégation, s'est félicité M. El Jamri. Ainsi, le Comité a-t-il pu apprendre des choses très importantes qui auraient pu figurer dans le rapport initial, a-t-il ajouté. Le Comité a bien entendu les préoccupations exprimées par la Syrie au sujet de sa sécurité, a par ailleurs assuré le Président.

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