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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LE RAPPORT DE LA SYRIE

18 Juillet 2005

Comité des droits de l'homme

18 juillet 2005


Le Comité des droits de l'homme a examiné aujourd'hui le troisième rapport périodique de la Syrie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Le rapport a été présenté par M. Bashar Ja'Afari, Représentant permanent de la Syrie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, qui a notamment déclaré que son pays s'est engagé dans un combat déterminé contre l'extrémisme religieux et le terrorisme. Il a indiqué que son pays entend engager ou poursuivre des réformes, conformément à ses obligations internationales dans les domaines notamment du renforcement de l'indépendance du système judiciaire, de la participation des citoyens à la vie publique, et de la lutte contre la corruption. Le représentant a justifié le maintien de l'état d'urgence en Syrie, soulignant la menace d'occupation étrangère à laquelle son pays reste confronté. Il a toutefois souligné que des instructions présidentielles imposent une application limitée et prudente de l'état d'urgence.

Fournissant des renseignements complémentaires aux membres du Comité, la délégation syrienne a notamment précisé que l'augmentation des exécutions capitales s'explique par la répression des crimes liés à la préparation d'actes terroristes commis à l'étranger.

À l'issue de l'examen du rapport, la Présidente du Comité, Mme Christine Chanet, a remercié la délégation pour le dialogue fructueux engagé avec le Comité, qui saura tenir compte des progrès réalisés par la Syrie dans la mise en œuvre de ses obligations. Mme Chanet a fait remarquer que l'état d'urgence était, de par sa nature même, une mesure provisoire. Elle a en outre affirmé que l'on ne peut qu'encourager la Syrie à poursuivre ses efforts pour mettre en place une commission des droits de l'homme indépendante et abroger la Cour suprême de sûreté de l'État.

Les observations finales du Comité sur le rapport syrien seront adoptées en séances privées et rendues publiques à la fin de la présente session du Comité, le vendredi 29 juillet prochain.


À sa prochaine séance publique, le Comité entamera l'examen du rapport initial de la Thaïlande (CCPR(C/THA/2004/1).


Présentation du rapport de la Syrie

Présentant le rapport de son pays, M. Bashar Ja'Afari, Représentant permanent de la Syrie auprès de l'Office des Nations Unies à Genève, a déclaré que son pays entend respecter scrupuleusement ses obligations internationales, comme en témoigne à cet égard l'adoption de plus de 300 décrets présidentiels et textes de loi. La Syrie, un pays de culture et de tolérance, s'est engagée dans un combat contre l'extrémisme religieux. Le représentant a en particulier attiré l'attention du Comité sur l'adoption d'une loi relative au financement du terrorisme et le blanchiment de l'argent. Il a par ailleurs indiqué que son pays collaborait étroitement avec le Comité antiterroriste du Conseil de sécurité. En outre, a ajouté le représentant, la Syrie a signé le Statut de Rome de la Cour pénale internationale en 2000.

Le représentant syrien a souligné que son pays est désormais partie aux sept instruments des Nations Unies relatifs aux droits de l'homme. Il a passé en revue les principaux domaines dans lesquels la Syrie entend engager ou poursuivre des réformes, conformément à ses obligations internationales, notamment s'agissant du renforcement de l'indépendance du système judiciaire, de la participation des citoyens à la vie publique, de la lutte contre la corruption. En outre, la Syrie entend amender ses dispositions relatives à l'État d'exception pour en limiter le champ d'application aux crimes contre la sécurité. Le représentant a souligné que son pays s'inscrit dans un contexte géopolitique particulier, marqué par l'occupation étrangère d'une partie de son territoire et l'occupation d'États voisins comme l'Iraq ou la Palestine. Il pèse donc une véritable menace de guerre sur le pays, a déclaré M. Bashar Ja'Afari. Cette situation justifie la prorogation de l'état d'urgence, a-t-il expliqué. À cet égard, le représentant syrien a souligné que l'application de la loi martiale ne soustrait pas son pays au respect de ses obligations internationales relatives aux droits de l'homme. En témoignent les instructions données par le Président de la République sur une application limitée et prudente de l'état d'urgence. Le représentant a par ailleurs souligné la présence de nombreux réfugiés sur le territoire syrien, qui représentent près de 6% de la population syrienne, dans ce contexte, il a précisé que les citoyens kurdes en Syrie bénéficient de droit identiques à ceux de tous les citoyens syriens.

Le troisième rapport périodique de la Syrie (CCPR/C/SYR/2004/3) examen article par article les droits consacrés par le Pacte au regard de la législation en vigueur dans le pays. Il n'y a pas de place en République arabe syrienne pour quelque forme que ce soit de discrimination, d'exclusion, de restriction ou de préférence fondée sur la race, la couleur, la naissance, l'origine nationale ou ethnique ou le sexe ayant pour but ou effet d'entraver la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, sur un pied d'égalité, des droits de l'homme et des libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social et culturel ou dans tout autre domaine de la vie publique. Tous les citoyens sont égaux devant la loi en droits et en devoirs et exercent leurs droits et leurs libertés conformément à la loi et à la Constitution. La liberté de croyance est inviolable. L'État respecte toutes les religions et garantit l'entière liberté de la pratique religieuse, à condition qu'elle ne porte pas atteinte à l'ordre public. Le droit de chaque communauté religieuse de professer et de pratiquer sa religion et d'exercer ses droits religieux est fermement établi dans la Constitution et les lois en vigueur.

En Syrie, souligne le rapport, la religion d'un citoyen ou l'exercice de son droit à la liberté religieuse ne constitue pas un critère dans la détermination de son identité syrienne ou de son droit à la nationalité syrienne, même si l'islam est un des piliers de l'ordre public - dans lequel la pratique religieuse est considérée comme un droit fondamental de l'homme. Tous les citoyens d'origine kurde bénéficient de la nationalité syrienne et il n'existe aucun texte législatif ou réglementaire spécifique aux Kurdes, qui sont assujettis aux lois et règlements en vigueur au même titre que les autres citoyens syriens. Un grand nombre de Kurdes font du reste partie du corps enseignant des universités syriennes ou servent dans l'armée ou les forces de sécurité intérieure. Des Kurdes figurent parmi les membres de l'Assemblée du peuple et du Conseil des ministres et certains ont même occupé le poste de président de la République ou de premier ministre. Les Kurdes sont donc considérés comme pleinement assimilés à la société syrienne, au sein de laquelle ils agissent et réagissent de même manière que les autres citoyens syriens.


Examen du rapport de la Syrie

Cadre constitutionnel et législatif dans lequel le Pacte est appliqué

La délégation a expliqué que, lors de l'élaboration de la Constitution de 1973, il a été tenu compte des dispositions du Pacte et d'autres conventions et traités ratifiés par la Syrie et il n'existe donc aucune contradiction entre les articles du Pacte et ceux de la Constitution. Si une loi syrienne contredit les dispositions d'un traité international auquel la Syrie est partie, c'est le traité international qui prime. Dans un de ses arrêts, la Cour de cassation a pu décider qu'aucune loi interne ne peut établir de règles contraires aux dispositions d'un traité international et ne peut modifier de manière indirecte sa force exécutoire.


Mesures antiterroristes et respect des droits garantis par le Pacte

La délégation a précisé que plusieurs décisions de l'administrateur de la loi martiale avaient été annulées par les tribunaux administratifs, sur requête de citoyens. Par ailleurs, la délégation a précisé que le Comité national des droits de l'homme avait été institué par décret le 2 juin 2004. Cette instance est composée de représentants de plusieurs ministères et d'un représentant de la société civile. Le Comité élabore et coordonne les actions mises en œuvre par la Syrie en matière de droits de l'homme. Le Comité favorise l'éveil des consciences sur les questions relatives aux droits de l'homme et à l'action humanitaire. Des séminaires ont par exemple été organisés à l'intention de fonctionnaires de police. Le Comité national ne dispose pas de pouvoirs propres pour mener des enquêtes sur des allégations de violations de droits énoncés par le Pacte, a précisé la délégation. De telles enquêtes relèvent de la compétence judiciaire.

La Syrie coopère pleinement avec les instances internationales de lutte contre le terrorisme et s'efforce de mettre en œuvre les résolutions pertinentes du Conseil de sécurité. Ainsi, la Syrie a-t-elle adopté une loi sur le financement du terrorisme et le blanchiment d'argent. Elle a également pris nombre de mesures pour l'extradition de criminels dans le cadre de la coopération internationale.

L'état d'urgence a été déclaré en 1963 pour faire face à une menace exceptionnelle. C'est ce danger qui autorise les autorités à prendre les mesure nécessaires pour protéger le territoire de l'État. Conformément à la Constitution, le Président de la République décrète l'état d'urgence et peut y mettre fin. La Syrie continue de faire face à une menace d'occupation étrangère du fait des agissements d'Israël, qui viole ses obligations internationales.


État d'urgence

La délégation a précisé que malgré son maintien, la loi sur l'état d'urgence est en quasi-désuétude et ne s'applique qu'à des cas très limités concernant exclusivement des atteintes à la sûreté de l'État. L'application de la loi sur l'état d'urgence ne signifie nullement que les dispositions de la Constitution et les lois cessent d'être appliquées, ni qu'il soit dérogé aux obligations internationales contractées par la Syrie. L'état d'urgence, s'il existe toujours, est appliqué de manière très différente de l'époque où il a été déclenché il y a plus de trente ans. La Syrie connaît toutefois un État de guerre et est obligée de mobiliser l'ensemble de la population contre la menace d'une occupation israélienne. C'est la raison pour laquelle il n'existe pas de possibilité de service civil ou de possibilité d'objection de conscience dans le pays. Toutefois, il est possible d'être exonéré du service militaire moyennant le paiement d'une somme d'argent lorsque la personne réside en dehors du territoire syrien, ce qui est le plus souvent le cas d'étudiants.


Principe de non-discrimination et égalité entre les sexes

La délégation a affirmé que tous les citoyens syriens ont le droit de participer à la gestion des affaires de l'État. La loi électorale accorde aux femmes le droit de voter aux élections publiques et celui de se présenter comme candidates aux élections du peuple. Les femmes représentent à l'heure actuelle 12% des membres du parlement. Par ailleurs, la proportion de femmes parmi les magistrats est de 13,1%. Deux femmes sont membres du Conseil des ministres et les femmes occupent divers postes importants dans divers départements d'État.


Droit à la vie, intégrité physique

La délégation a indiqué qu'en 2002, la peine de mort a été appliquée à des personnes ayant commis de graves crimes. En 2003, la peine de mort a été appliquée à des personnes qui s'étaient rendues coupables de crimes d'honneur et de vols crapuleux avec violence et assassinat. Pour ce qui est de 2004, la peine de mort a été appliquée à des cas de crimes commis avec préméditation. La délégation a précisé qu'un comité spécial composé de cinq magistrats doit se réunir préalablement à toute application de la peine capitale. Ce Comité rend un avis consultatif au Président de la République qui décide en dernier ressort de l'application de la peine de mort. L'augmentation des exécutions capitales s'explique par la répression des crimes liés à la préparation d'actes terroristes commis à l'étranger, a déclaré la délégation.

Les exécutions extrajudiciaires n'existent pas en Syrie, a déclaré la délégation. Elle a par ailleurs précisé que les auteurs d'actes de torture sont systématiquement traduits en justice. Un certain nombre de plaintes relatives à des mauvais traitements ont été portées contre des policiers qui ont été punis et condamnés à verser des indemnités à titre de réparation. Si un inculpé affirme que ses aveux ont été obtenus par la force, le juge enquête sur ces allégations et ne retient pas les aveux comme éléments de preuve. Une pratique qui confirme le principe selon lequel des aveux doivent être librement consentis et rejetés s'ils ont été obtenus par la force. Le Bureau des plaintes, rattaché à la Présidence de la République, examine les plaintes des citoyens qui affirment avoir été victimes de torture ou de traitements cruels ou inhumains et prend les mesures qui s'imposent. En outre, la loi prévoit la création de mécanismes visant à garantir que nul n'est soumis à la torture.


Liberté de mouvement

La délégation a déclaré qu'en vertu d'amendements récents, les citoyens syriens sont libres de quitter le territoire national sans être obligés d'obtenir des visas, à l'exception de ceux qui ne sont pas encore majeurs et doivent obtenir l'autorisation de leurs parents ou de leurs tuteurs. Par ailleurs des mesures ont été adoptées afin de faciliter les visites familiales en Syrie par des citoyens expatriés.

La délégation a précisé que tout étranger faisant l'objet d'une mesure d'expulsion dispose de voies de recours judiciaires et administratives pour contester un arrêté d'expulsion.





Droit à un procès équitable

La délégation a affirmé que l'indépendance du pouvoir judiciaire est garantie par le Président de la République et par le Conseil supérieur de la magistrature. Les magistrats ne sont soumis dans l'exercice de leurs fonctions à aucune autorité autre que celle de la loi. La délégation a déclaré que la pratique judiciaire témoigne de l'indépendance de la magistrature puisque toutes les violations de dispositions légales donnant effet au Pacte international relatif aux droits civils et politiques se sont traduites par des poursuites et que l'administration ne peut pas refuser d'appliquer un jugement. Répondant à une question relative à la compatibilité des règles de fonctionnement de la Cour suprême de sûreté de l'État avec le Pacte, la délégation a déclaré qu'un comité avait été institué pour modifier les modalités de fonctionnement de cette instance. La délégation a ainsi précisé que des réformes seraient introduites afin d'octroyer des voies de recours contre les décisions de la Cour et de renforcer les droits de la défense.

Répondant à une question sur les mesures prises pour protéger les droits de la minorité kurde, la délégation a déclaré que tous les citoyens syriens sont égaux en droit et en devoir. Nul ne saurait être traité de manière distincte en raison de son appartenance à une minorité ethnique.


Diffusion d'informations concernant le Pacte et son Protocole facultatif

L'information relative à l'examen du troisième rapport périodique de la Syrie fera l'objet, dans le pays, d'une diffusion par tous les médias, a déclaré la délégation. Elle a par ailleurs souligné l'organisation de séminaires relatifs aux droits de l'homme.

Répondant à des questions complémentaires posées par des membres du Comité, la délégation syrienne a estimé que par certaines de leurs questions, les membres s'étaient écartés de leur mandat et avaient fait preuve d'idées préconçues. La seule question que le Comité doit se poser est de savoir si la Syrie se conforme ou non à ses obligations en vertu du Pacte, a-t-elle estimé. La délégation a appelé de ses vœux un dialogue interactif afin de parvenir à l'objectif commun de protection des droits de l'homme.


Observations et questions de membres du Comité

Un membre du Comité a fait remarquer à la délégation que sur les 412 paragraphes du troisième rapport périodique de la Syrie, 366 figuraient déjà tels quels dans le deuxième rapport périodique, ce qui limitait la nouveauté des informations apportées par la Syrie concernant la mise en œuvre de ses obligations.

Un autre expert a fait remarquer que si la proclamation de l'état d'urgence n'est pas, en elle même, incompatible avec les obligations découlant du Pacte, il revient à l'État partie d'informer les autres États parties au Pacte et le Comité des raisons qui ont conduit à cette décision. En outre, l'État partie doit informer le Comité des articles du Pacte auxquels il entend déroger et des motifs pour lesquels il entend le faire. De surcroît, a-t-il souligné, les pouvoirs conférés à l'État en vertu de l'état d'urgence ne doivent pas être détournés de leur objet, c'est-à-dire une réponse appropriée à ce que la Syrie considère comme une agression de la part d'Israël.

Un membre du Comité a rappelé à la Syrie que les pouvoirs conférés à l'État syrien dans le cadre de l'état d'urgence devaient être mis en œuvre dans le cadre de la loi. Un membre du Comité a par ailleurs demandé à la délégation des éclaircissements sur plusieurs cas de détentions illégales et de disparitions forcées ou involontaires.

Un expert a par ailleurs souligné qu'en dépit des informations fournies par la délégation au sujet de la liberté de mouvement, il semblerait que des dizaines de personnes, militants des droits de l'homme, se verraient interdire de sortie du territoire syrien par les autorités. Quels sont les critères permettant d'interdire à un citoyen de sortir du territoire ? Par ailleurs, quelles sont les voies de recours dont disposent les personnes incarcérées en cas de mauvais traitement. Un membre du Comité a par ailleurs demandé à la délégation de bien vouloir préciser les règles relatives à l'enregistrement des organisations non gouvernementales.


Observations préliminaires de la Présidente du Comité

Mme Christine Chanet, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour ce dialogue qui, pour avoir été un peu vif ne s'en est pas moins révélé fructueux. Le Comité tiendra compte des progrès réalisés par l'État partie dans la mise en œuvre du Pacte. Mme Chanet a déclaré que l'on ne pouvait qu'inviter la Syrie à poursuivre ses efforts pour mettre en place une commission des droits de l'homme indépendante et abroger la Cour suprême de sûreté de l'État.

Mme Chanet a rappelé que le Comité est composé d'experts indépendants qui viennent du monde entier et de cultures très différentes et qui n'ont d'autres valeurs que celles qui sont énoncés par le Pacte. C'est dans cette optique que les membres du Comité ont soulevé un certain nombre de questions a précisé la Présidente, comme celles relatives à l'état d'urgence, dont la nature est d'être provisoire. Les questions relatives à la peine de mort ou aux minorités ont pour seule fin de permettre aux membres du Comité d'exercer leur contrôle, a-t-elle également souligné.

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