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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ POUR L'ÉLIMINATION DE LA DISCRIMINATION RACIALE TERMINE SA DISCUSSION THÉMATIQUE SUR L'ASCENDANCE

09 août 2002



CERD
61ème session
9 août 2002
Matin


Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a conclu, ce matin, son débat sur le thème de l'ascendance. Après avoir entendu hier des organisations non gouvernementales et représentants de la société civile, presque tous les membres du Comité ont pris la parole sur le concept d'ascendance, auquel la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale fait expressément référence dans son article premier. Le Comité adoptera, avant la fin de la session, une recommandation générale sur le concept d'ascendance.
Au cours du débat, plusieurs experts se sont accordés sur le fait que la discrimination fondée sur l'appartenance à une caste relève bien de l'article premier de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Ils ont toutefois souligné que la notion de discrimination fondée sur l'ascendance ne saurait se limiter au phénomène des castes. La notion d'ascendance va bien au delà de celle de la caste, ont-ils estimé. Partant, les experts ont appelé de leurs vœux l'adoption de la définition la plus large possible de la notion d'ascendance.
Plusieurs experts, notamment, le Président du Comité, M. Ion Diaconu, ont souligné la difficulté d'adopter une définition de la notion d'ascendance. Ils ont estimé qu'en définitive, il importe avant tout de s'intéresser à l'incidence de l'ascendance sur les phénomènes de discrimination.
Certains experts ont appelé de leurs vœux l'adoption par le Comité d'une recommandation générale rappelant que les normes relatives aux droits de l'homme prévalent toujours sur les contextes socioculturels et religieux des États. La recommandation devrait insister non seulement sur l'adoption par les États de normes permettant de combattre les discriminations fondées sur l'ascendance, mais elle devrait aussi inviter les États à assurer une application effective des textes existants. À cet égard, plusieurs experts ont insisté sur les garanties d'accès à la justice pour les personnes victimes de ce type de discrimination.
Au cours de la présente séance, les experts suivants ont pris la parole : M. Mahmoud Aboul-Nasr, M. Raghavan Vasuvedan Pillai, M. Patrick Thornberry, M. Mohamed Aly Thiam, M. Luis Valencia Rodríguez, M. Linos Alexander Sicilianos, M. Morten Kjaerum, M. José Augusto Lindgren Alvès, M. Tang Chengyuan, M. Nourredine Asmir, M. Yuri A. Rechetov, M. Mario Jorge Yutzis, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, M. Régis de Gouttes, M. Marc Bossuyt et M. Ion Diaconu.
Le Comité se réunira cet après-midi, à 15 heures, afin de se pencher sur des questions d'organisation et ses méthodes de travail.

Débat thématique sur le concept d'ascendance
M. MAHMOUD ABOUL-NASR a regretté que les organisations non gouvernementales des pays arabes n'aient apparemment pas été invitées à participer au débat qui s'est tenu hier. Il a demandé des éclaircissements sur ce point. Aussi, n'a -t-on pu entendre hier que les représentants d'une seule école de pensée. Les témoignages entendus hier ne concernaient que la caste. Or, l'ascendance est une notion qui va bien au delà de la caste, a-t-fait remarquer. Ainsi, comment parler de l'ascendance sans évoquer la situation en Israël ? Comment parler de l'ascendance sans parler de la situation des autochtones en Australie ?
M. RAGHAVAN VASUVEDAN PILLAI a regretté que le débat qui s'est tenu hier n'ait pas porté davantage sur les liens entre la notion d'ascendance et la discrimination raciale. Les pays développés multiplient les contrôles à leurs frontières s'agissant de personnes originaires de pays particuliers. Les conclusions finales adoptées par le Comité à la suite de l'examen du dernier rapport de l'Inde montre que le Comité doit porter son attention sur les questions de discriminations qui ont un rôle dans le tissu social. L'expert a estimé que les divergences sur la perception de la notion d'ascendance ne doit pas permettre d'avoir des incidences sur les travaux du Comité. Il faut avoir une approche équilibrée de la notion de discrimination pour raison d'ascendance. Elle doivent être examinée au delà du contexte racial. Ce sont toutes les formes de discrimination qui doivent être envisagées par le Comité. M. Pillai a souligné que le Comité devait être perçu comme un forum d'échange. Plus de 2 millions d'individus en Asie souffrent de discriminations en raison de leur appartenance à une caste. Le Comité doit se pencher sur leur cas. Mais il y a des différences dans les pratiques sociales des différents pays. On ne doit parler de caste que dans des cas spécifiquement reconnus comme tels. Le Comité doit adopter une démarche globale sur la question de la discrimination fondée sur l'ascendance. L'expert s'est demandé si, après le débat d'hier, le Comité bénéficie désormais d'une vue globale sur la question de la discrimination fondée sur l'ascendance. Qu'en est-il de la situation en Europe ? L'expert s'est demandé si le Comité disposait de suffisamment d'informations pour se prononcer en termes généraux sur la question.
M. PATRICK THORNBERRY a estimé que la lecture de la Convention devrait être guidée par le principe de l'interprétation effective. La discrimination fondée sur l'ascendance est une notion très large et la caste n'ene représente qu'un seul aspect. Si le Comité devait rédiger une recommandation, il faudrait encourager les gouvernements à présenter des rapports sur des cas bien réels de discrimination, dans un esprit constructif.
M. MOHAMED ALY THIAM a déclaré que son pays, la Guinée, est composé de 48 ethnies, chacune étant composée de tribus, elle mêmes divisées en castes. Quand on parle de discrimination en fonction de l'ascendance, a-t-il déclaré, il faut bien être conscient qu'il y a des degrés, des différences, des nuances dans les discriminations qui peuvent en découler. La discrimination ne saurait être limitée dans son acception, à la notion de caste. Il s'agit en réalité d'un phénomène beaucoup plus complexe. L'expert a donc appelé de ses vœux l'adoption de la définition la plus large possible de la notion d'ascendance. Il a insisté sur la nécessité de favoriser le développement économique des castes pour mettre fin aux discriminations dont elles sont victimes. Si nous voulons avancer, et quelle que soit la définition adoptée, il ne faut pas privilégier un critère par rapport à un autre. M. Thiam a appelé de ses vœux la promotion d'une culture d'indépendance pour les castes défavorisées et la mobilisation en faveur de la lutte contre la pauvreté. Le Comité devrait faire des recommandations en ce sens aux États.
M. LUIS VALENCIA RODRÍGUEZ a rappelé que le Comité, dans son approche de la question de l'ascendance ne doit pas être lié par les interprétations des États. Il a estimé que, d'après la Convention, les notions de couleur, d'origine ethnique se trouvent sur un plan d'égalité. L'expert a rappelé que la discrimination fondée sur l'ascendance concerne pas moins de 250 millions d'êtres humains dans le monde.
M. LINOS ALEXANDER SICILIANOS s'est félicité qu'en dépit d'interprétations juridiques différentes quant à la portée des dispositions de la Convention, les États qui sont intervenus au cours du débat hier ont fermement condamné les discriminations fondées sur l'ascendance, mais ont estimé que la notion de caste n'est pas traitée dans la Convention. M. Sicilianos a toutefois estimé que, au sien du Comité , il y a unanimité pour considérer que la notion de caste entre bien dans le champ d'application de l'article premier de la Convention. Il a appelé de ses vœux l'adoption d'une recommandation générale de la part du Comité. Cette recommandation devrait rappeler, en son préambule, que les normes relatives aux droits de l'homme prévalent toujours sur les contextes socioculturels et religieux des États. Pour ce qui est du contenu de la recommandation, il devrait tendre à inviter les États à se prononcer publiquement sur ces questions et à casser les tabous. Il faudrait inviter les États à se doter de normes juridiques appropriées, y compris constitutionnelles, pour lutter contre les discriminations. Mais il conviendrait surtout d'insister sur l'application effective des lois. On devrait inciter les États à mettre en œuvre des plans d'action , à créer des institutions spécialisées traitant de ce problème. Une référence à l'accès à la justice est également importante, a estimé l'expert.
M. MORTEN KJAERUM a appuyé l'interprétation de l'ascendance selon laquelle elle concerne des personnes victimes de discriminations parce qu'elles sont nées au sein d'un groupe et n'ont plus la possibilité d'en sortir. L'expert a rappelé que les phénomènes de discrimination ont lieu dans le monde entier et pas seulement dans les pays qui ont été visés dans les témoignages visés hier. M. Kjaerum a estimé que la recommandation générale du Comité sur le concept d'ascendance devrait avoir le même format que celle adoptée sur la situation des Roms. L'expert a invité le Comité à s'inspirer des législations et programmes d'action adoptés dans ce domaine par de nombreux États. Le poids des cultures et traditions doit céder le pas devant les droits de la personne, a conclu le représentant.
M. JOSÉ AUGUSTO LINDGREN ALVES a souligné que la discrimination fondée sur l'ascendance ne se limite pas au système des castes. L'expert a affirmé que la question doit être traitée de façon très générale. Il ne faut pas montrer du doigt certains États, même si certains pays, comme l'Inde, sont particulièrement concernés. L'expert a d'ailleurs fait remarquer que l'Inde s'est dotée de toute une législation pour lutter contre ce phénomène. Il est vrai que les lois ne sont pas toujours appliquées, ce qui s'explique peut être par le fait que nous en sommes à un moment de l'histoire ou les gouvernements sont faibles. Il faut que la recommandation adoptée par le Comité ait un caractère suffisamment général pour qu'elle s'adresse non seulement aux gouvernants mais également aux détenteurs du pouvoir économique.
M. TANG CHENGYUAN a fait remarquer que les témoignages entendus hier n'ont permis de se faire qu'une idée partielle de la discrimination fondée sur l'ascendance. L'expert a estimé que lorsque l'on parle de discrimination fondée sur l'ascendance, il faut garder présent à l'esprit que la situation peut varier d'un pays à l'autre. Il a insisté sur la diversité des situations nationales, et sur la nécessité de concilier les perspectives mondiales et nationales. L'expert a ensuite salué les efforts déployés par l'Inde pour lutter contre le phénomène de la discrimination fondée sur la caste.
M. NOURREDINE AMIR a appuyé les propos tenus par M. Sicilianos s'agissant de la rédaction d'une recommandation générale par le Comité. Il faut veiller à ne pas stigmatiser un État par rapport à un autre, a par ailleurs souligné l'expert. Il a ensuite abordé la question de la Palestine. La situation de la Palestine, n'apparaît pas, de façon générale, comme relevant de l'article premier de la Convention. Pourtant, chaque jour, des femmes, des hommes, des enfants sont tués, leurs maisons détruites, leur avenir compromis. Nous pourrions considérer que le peuple palestinien, en tant que minorité, trouve toute sa place dans le champ d'application de la notion d'ascendance envisagé par la Convention. L'expert a estimé que la recommandation générale que le Comité adoptera pourrait reprendre la lettre et l'esprit de Durban.
M. YURI RECHETOV a souligné que les cas de discrimination fondées sur l'ascendance peuvent être constatées dans toutes les régions du monde. L'expert a souligné que la question de la discrimination fondée sur l'ascendance peut trouver sa source dans des considérations politiques. Il a évoqué la situation des minorités russes présentes dans les États baltes, victimes de discriminations.
M. MARIO JORGE YUTZIS s'est félicité de la tenue d'un débat sur l'ascendance. L'expert a salué la présence, lors du débat tenu hier par le Comité, d'États qui ont pu exprimer leurs vues sur la question. Il a rappelé que, par le passé, les débats sur le terme droit au développement étaient pour le moins houleux alors qu'aujourd'hui, cette terminologie est entrée dans tous les esprits. Il a par ailleurs mis en garde contre la banalisation des mots. Faisons attention à la banalisation du mot «ascendance» a-t-il déclaré. Il ne faut pas réduire la problématique de l'ascendance à la notion de caste. Il a ensuite plaidé en faveur de l'adoption par le Comité d'une recommandation générale sur la question.
MME PATRICIA NOZIPHO JANUARY-BARDILL a souligné que la discrimination peut s'apparenter à la notion large d'oppression. Elle a déclaré que sur chaque continent, il y a des groupes de personnes qui font l'expérience de la discrimination fondée sur l'ascendance, pour des raisons diverses. L'experte a déclaré que la notion d'ascendance doit être la plus large possible. L'important n'est pas ce que l'on va inclure dans ce type de discrimination mais plutôt ce que l'on va exclure. Quand on parle d'ascendance parle-t-on des classes sociales par exemple, s'est-elle demandée ? L'experte a souligné que la discrimination fondée sur l'ascendance étant très souvent fondée sur des croyances ancrées, l'éducation ne suffit pas pour régler les problèmes. Partant, l'experte a souligné la nécessité d'assurer l'accès à la justice.
M. RÉGIS DE GOUTTES a souligné que la notion d'ascendance a une portée bien plus générale que celle de caste. Mais, s'agissant précisément du phénomène de caste, il convient aussi de dire ce qui doit et ce qui ne doit pas entrer dans le champ de notre étude et relever de l'article premier de la Convention. Il ne s'agit pas d'inclure les phénomènes de hiérarchie sociale. La caste n'est pas la classe sociale. Il ne faut pas non plus confondre la caste avec la situation des populations autochtones ou de communautés défavorisées comme les Roms, par exemple. Pour parler de caste, au sens de l'article premier de la Convention, il faut être en présence d'un statut rigide, déterminé par la naissance. Statut immuable, enfermant l'individu et le privant de sa dignité humaine. Pour être en présence d'un «phénomène castique», il faut également une absence de mobilité sociale. Il faut aussi une hiérarchisation. Enfin, il faut que l'appartenance à la caste se traduise par des manifestations d'exclusion politique, économique et sociale. Tous ces éléments sont des indicateurs de l'existence d'une caste a l'origine de discriminations. Pour l'expert, c'est au gouvernement de prendre les mesures nécessaires pour lutter contre de telles discriminations.
M. de Gouttes a insisté sur la nécessité d'appliquer les textes et, partant, a souligné l'extrême importance de l'accès à la justice. Aussi a-t-il appelé de ses vœux l'adoption par le Comité d'une recommandation invitant les États à faciliter l'accès à la justice des personnes victime de discrimination en raison de leur appartenance à une caste, en créant un système d'aide judiciaire. Enfin, l'expert est revenu sur la difficulté voire l'impossibilité de définir la notion d'ascendance. Pour traiter de cette question, mieux vaut partir de ses manifestations et utiliser des indicateurs.
M. MARC BOSSUYT a affirmé qu'il ne fait aucun doute que le système de caste entre dans le cadre de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale. Le problème de l'ascendance ne consiste pas en des pratiques imposées, encouragées par des politiques gouvernementales. Il s'agit de phénomènes de société trouvant leur origine dans des traditions séculaires. L'expert a souligné la nécessité d'une mise en œuvre effective des textes destinés à lutter contre ces pratiques. En effet, a-t-il souligné, un pays comme l'Inde, particulièrement concerné par la question du système de caste, compte pas moins de quatre dispositions constitutionnelles interdisant ce type de discrimination. M. Bossuyt a estimé que la mise en œuvre d'une politique socioéconomique permettant une amélioration du bien être général est sans doute le moyen le plus efficace pour combattre ces pratiques discriminatoires.
M. ION DIACONU, Président du Comité, a déclaré que le Comité doit donner au mot ascendance une signification spécifique. Mais il a souligné que toutes les discriminations peuvent être ramenées à la question d'ascendance. Le problème de l'ascendance concerne de nombreux pays qui n'ont pas tous été cités hier, mais il ne concerne pas l'ensemble du monde. M. Diaconu s'est dit en faveur d'une approche équilibrée de ce concept. La question de la définition de l'ascendance est-elle si importante ? L'important est que nous nous intéressions à ses conséquences. Nous devons toutefois poser les jalons de notre action future.



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