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Communiqués de presse Organes conventionnels

LE COMITÉ CONTRE LA TORTURE ENTAME L'EXAMEN DU RAPPORT DE LA CROATIE

06 Mai 2004

6 mai 2004


Le Comité contre la torture a entamé ce matin l'examen du troisième rapport périodique de la Croatie sur les mesures prises par ce pays pour mettre en œuvre les dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.
Présentant le rapport de la Croatie, M. Ivan Damjanovic, Directeur du système pénitentiaire au Ministère croate de la justice et chef de la délégation, a indiqué que son pays s'est lancé dans une réforme de sa législation afin d'en assurer la conformité avec les instruments internationaux pertinents. M. Damjanovic a en outre affirmé la pleine volonté de son gouvernement de coopérer pleinement avec le tribunal pénal pour l'ex-Yougoslavie, comme en témoigne le transfert récent, par le Gouvernement croate, de personnes visées par les procédures engagées par le tribunal.

L'importante délégation croate était également composée de représentants du Ministre des affaires étrangères, du Ministère de l'intérieur, du Ministère de la justice et de la Mission permanente à Genève. Elle a notamment précisé que tous les citoyens ont le droit, en vertu de l'article 6 de la loi sur la police, de porter plainte contre un fonctionnaire de police s'ils considèrent que leurs droits ont été violés. L'indemnisation des victimes de mauvais traitements est garantie à plusieurs niveaux. Par ailleurs, le médiateur ou protecteur des droits de l'homme peut se rendre, sans préavis, dans les prisons pour y vérifier le traitement des détenus. S'il est avéré qu'un détenu a fait l'objet d'un mauvais traitement, l'agent responsable fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Croatie, M. Ole Vedel Rasmussen s'est réjoui de la qualité des informations fournies par la délégation croate. Il s'est dit très surpris de constater que personne n'a obtenu le droit d'asile en Croatie et a demandé des éclaircissements sur l'application de la législation en la matière. M. Rasmussen a souligné que le rapport ne donne pas d'information sur les modalités du contrôle des interrogatoires de police et a demandé à la délégation des informations sur ce point. Il s'est également demandé s'il existait des garanties permettant d'assurer l'impartialité et l'indépendance des enquêtes sur des allégations d'actes de torture commis par des forces de police.



Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport croate, M. Alexander Yacovlev, s'est réjoui de l'interdiction claire de la torture posée sans équivoque par la Constitution croate. Il s'est également félicité de l'existence d'un droit à réparation pour les victimes de mauvais traitements. Le corapporteur a souhaité obtenir davantage d'informations sur le fonctionnement du Bureau de contrôle interne du Ministère de l'intérieur.

La délégation croate répondra demain, à 15 heures, aux questions posées par le Comité.

À sa prochaine séance publique, cet après-midi à 15 heures, le Comité entendra les réponses de la Principauté de Monaco, qui a présenté son rapport hier matin.


Présentation du rapport de la Croatie

Présentant le rapport de son pays, M. IVAN DAMJANOVIC, Directeur du système pénitentiaire au Ministère de la justice, a rappelé que, dans son «avis» sur la Croatie, l'Union européenne a estimé que ce pays est une démocratie fondée sur des institutions stables qui garantissent l'État de droit. Il a exprimé la volonté de la Croatie de devenir un partenaire fiable de la communauté internationale dans son combat contre le terrorisme et les autres formes de crime organisé. Il a précisé que son pays s'est lancé dans une réforme de sa législation afin d'en assurer la conformité avec les instruments internationaux pertinents, tes que la Décision cadre de l'Union européenne sur la lutte contre le terrorisme et la Convention internationale pour la suppression du financement du terrorisme. M. Damjanovic a en outre souligné l'adoption par son gouvernement d'une stratégie nationale de lutte contre le crime organisé. Il a ensuite déclaré que son gouvernement considère la question de ses bonnes relations avec les pays voisins comme une question prioritaire et déploie en ce sens des efforts importants tant au niveau bilatéral que multilatéral. À cet égard, il a affirmé que la crise au Kosovo est une source de préoccupation pour la Croatie. Il a invité la Serbie-et-Monténégro et le Kosovo à dialoguer de manière approfondie, avec l'assistance appropriée de la communauté internationale.

La Croatie est déterminée à régler le plus rapidement possible la question du retour des réfugiés dans leur pays, a poursuivi le chef de la délégation. Une question qui n'est plus de nature politique et dont l'issue reste aujourd'hui liée aux conditions économiques. Conscient des implications de la situation en ce qui concerne les droits de l'homme, la Croatie a fait du retour de tous, sans considération d'origine ethnique, le fondement de son action en la matière. M. Damjanovic a ensuite informé le Comité de l'adoption par son pays d'une loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales. À cet égard, il a notamment souligné la conclusion d'un accord entre son gouvernement et les représentants des minorités serbe et italienne afin, d'une part, d'assurer une meilleure protection de leurs droits et de leur permettre, d'autre part, une plus grande participation aux processus de décisions.

M. Damjanovic a par ailleurs affirmé la pleine volonté de son gouvernement de coopérer pleinement avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. À cet égard, il a souligné que le transfert récent de personnes visées par les procédures engagées par le Tribunal atteste de cette volonté. Par ailleurs, M. Damjanovic a affirmé que son gouvernement continue de mettre en œuvre la réforme de la justice afin d'atteindre les plus hauts standards d'efficacité et de permettre un accès rapide au service public de la justice le plus rapide possible. Des mesures ont été prises pour remédier au problème de l'engorgement des tribunaux et le budget de la justice pour 2004 permettra l'embauche de 100 nouveaux magistrats. En conclusion, M. Damjanovic a déclaré que les droits de l'homme bénéficient d'un important degré de protection en Croatie. Une fois ratifiés, les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme sont partie intégrante de l'ordre juridique interne et peuvent être appliqués directement par les tribunaux, a-t-il enfin fait valoir.
Le troisième rapport périodique de la Croatie (CAT/C/54/Add.3) précise que le Code pénal, entré en vigueur le 1er janvier 1998, incrimine l'acte de «torture» au sens où l'entend la Convention. Ainsi, un agent de l'État ou toute autre personne qui, agissant à l'instigation ou avec le consentement exprès ou tacite d'un agent de l'État, porte gravement atteinte à l'intégrité physique d'une personne ou lui inflige une douleur aiguë dans le but d'obtenir de cette personne ou d'une tierce personne des renseignements ou des aveux est passible d'une peine d'un à huit ans d'emprisonnement. Il ne peut être dérogé aux dispositions de la Constitution interdisant la torture, même dans des circonstances exceptionnelles. La Constitution, au paragraphe 4 de son article 29, dispose que les éléments de preuve obtenus de manière illégale ne peuvent être utilisés au procès.
Par ailleurs, souligne le rapport, la loi sur les forces de police fait de la légalité du comportement des fonctionnaires de police l'un des principaux critères d'évaluation du fonctionnement de l'ensemble des forces de police. De façon générale, la loi sur les forces de police garantit l'inviolabilité de la dignité humaine et des droits fondamentaux, tout en imposant certaines limites au comportement de la police. En outre, souligne le rapport, la procédure à suivre en cas de plainte visant le comportement de la police est clairement précisée. Le rapport souligne que lorsqu'elle a recours à des mesures de contrainte, la police doit veiller à préserver la vie et la dignité des personnes à l'encontre desquelles ces mesures sont prises. Il existe une procédure de contrôle permettant d'évaluer la légalité des mesures prises dans chaque cas.

Le rapport de la Croatie indique que si un étranger conteste son expulsion vers son pays d'origine en alléguant qu'il risque d'y être victime de violations des droits de l'homme, il peut demeurer sur le territoire croate, auquel cas les autorités s'efforcent de trouver une solution en collaboration avec le HCR. Les personnes qui se trouvent dans cette situation sont pour la plupart accueillies dans le centre d'hébergement du HCR à Rakitje, près de Zagreb. Il s'agit essentiellement de nationaux iraniens et afghans, de personnes appartenant à des groupes vulnérables, de familles avec enfants et de personnes malades. Par ailleurs, le rapport souligne que les fonctionnaires de police connaissent bien les obligations découlant de l'article 3 de la Convention ainsi que les autres normes juridiques internationales en vertu desquelles les étrangers ne peuvent pas être expulsés vers des pays où ils risquent d'être soumis à la torture ou à un autre traitement inhumain.

Examen du rapport de la Croatie

Fournissant des renseignements complémentaires aux membres du Comité, la délégation a notamment affirmé que toute personne frappée d'une mesure d'éloignement du territoire dispose d'une double voie de recours en vertu du principe selon lequel toute décision administrative est susceptible d'appel. Il existe donc bien une protection juridictionnelle des personnes frappées d'arrêtés d'expulsion. Un membre de la délégation a précisé que, conformément au décret sur les affaires internes édicté par le Ministère de la justice, un département a été créé, au sein du Ministère, qui est en contact avec les procureurs du Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Plus de 14 100 documents demandés ont été transmis au Bureau de liaison du TPI.

Répondant à une question sur le champ d'application de la loi de 1996 sur l'amnistie générale, un membre de la délégation a indiqué que cette loi accorde une amnistie aux auteurs d'actes perpétrés dans le cadre de conflits armés sur le territoire de la Croatie entre août 95 et septembre 96. Il a précisé que la loi ne porte pas sur les crimes de guerre, les crimes de génocide ou les actes de torture contre des prisonniers de guerre. Il a ainsi estimé que la loi d'amnistie était conforme aux obligations de la Convention.

S'agissant des procédures à suivre en cas de plaintes contre des agissements illicites de la police ou des personnels pénitentiaires, un membre de la délégation a affirmé que tous les citoyens ont le droit, en vertu de l'article 6 de la loi sur la police, de déposer une plainte contre un fonctionnaire de police s'ils considèrent que leurs droits ont été violés. Le Ministre de l'intérieur doit informer le plaignant des mesures prises pour donner suite dans un délai de trente jour à compter de la réception de la plainte. Le contrôle de ces mesures est assuré par les services du Ministère de l'intérieur qui est chargé de déterminer et d'identifier les irrégularités commises par les forces de police. Par ailleurs, a affirmé la délégation, l'indemnisation des victimes de mauvais traitements sont garantis à plusieurs niveaux. Le médiateur ou protecteur des droits de l'homme, peut se rendre, sans préavis, dans les prisons pour y vérifier le traitement infligé aux prévenus. S'il est avéré qu'un détenu a fait l'objet d'un mauvais traitement, l'agent responsable fait l'objet d'une mesure disciplinaire.

Un membre de la délégation a par ailleurs déclaré que la Convention contre la torture a été publiée et ses dispositions expliquées lors de séminaires de formation à l'intention de tous les fonctionnaires de police. La formation et l'éducation en ce qui concerne la Convention font partie de la formation de base de tous les fonctionnaires de police, a-t-il ajouté.

Concernant la loi sur l'application de sanctions pénales aux adultes et aux mineurs, un membre de la délégation a affirmé que les dispositions adoptées ont pour but de faire en sorte que l'exécution de la peine favorise la réinsertion sociale du détenu. Les détenus disciplinés, qui respectent leurs obligations, peuvent bénéficier de certains avantages. De telles mesures ont pour but de renforcer l'estime de soi chez le détenu et de lui donner le sens des responsabilités. La loi garantit le droit à l'alimentation de chaque détenu, dont le respect est placé sous le contrôle du médecin de la prison. Le droit au travail du détenu est également reconnu. Ainsi, toute personne condamnée à une peine inférieure à six mois de prison peut être autorisée à continuer à travailler pour son entreprise. De manière générale, 30% du salaire perçu est déposé sous forme d'épargne, que les détenus récupèrent à leur sortie de prison. Par ailleurs, les détenus ont le droit de porter plainte concernant toute mesure ou tout acte de la part du personnel pénitentiaire.

M. OLE VEDEL RASMUSSEN, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Croatie, s'est réjoui de la qualité des réponses fournies par la délégation croate. Il s'est dit très surpris de constater que les statistiques montrent que personne n'a obtenu le droit d'asile en Croatie. Il a demandé quelles dispositions sont prévues si quelqu'un arrive à l'aéroport international muni de papiers illicites et ne parlant pas la langue. La zone de transit de l'aéroport est-elle consédérée comme une zone internationale, hors du territoire national et de la juridiction croate, a-t-il demandé.

Le rapporteur a ensuite exprimé sa préoccupation s'agissant des dispositions relatives au droit d'asile. Il a notamment demandé à la délégation de donner des indications sur le suivi de l'application des procédures préconisées par le Haut Commissariat des Nations Unies aux réfugiés en ce qui concerne la rétention des demandeurs d'asile et des réfugiés. Par ailleurs, M. Rasmussen s'est demandé si une formation concernant les dispositions de la Convention contre la torture était dispensée aux personnels pénitentiaires, en particulier aux médecins. Les médecins doivent en effet pouvoir constater qu'une personne a fait l'objet de tortures et, partant, être à même de rédiger des certificats médicaux qui serviront ensuite de fondement à des poursuites.

M. Rasmussen a souligné que le rapport ne donne pas d'information sur les modalités du contrôle des interrogatoires de police. Il a demandé à la délégation des informations sur ce point.
Évoquant la mort d'un détenu âgé de 17 ans, des suites de blessures infligées par ses codétenus, le rapporteur a demandé à la délégation quelles mesures sont prises par le Gouvernement croate pour protéger les détenus mineurs contre les mauvais traitements.

Faisant état d'allégations selon lesquelles les violences commises contre les migrants au Centre d'accueil des étrangers placés sous l'autorité du Ministère de l'intérieur seraient passées sous silence, le rapporteur a demandé à la délégation de préciser les conditions de détention dans ce centre. M. Rasmussen a par ailleurs demandé des précisions sur les conditions dans lesquelles le procureur général peut effectuer des visites sans avis préalable dans les centres de détention. Il a en outre souhaité obtenir des éclaircissements sur la création de postes de juges d'application des peines. Le rapporteur s'est demandé s'il existait des garanties permettant d'assurer l'impartialité et l'indépendance des enquêtes sur des allégations d'actes de torture commis par des forces de police, et s'est demandé si les allégations de cette nature faisaient bien l'objet d'enquêtes ?

M. ALEXANDER YACOVLEV, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport croate, a estimé que la Croatie a démontré clairement l'importance qu'elle attache à la promotion de la Convention contre la torture en interdisant de manière non équivoque la pratique de la torture et des traitements cruels, inhumains ou dégradants dans sa constitution. Le corapporteur s'est félicité qu'il existe un droit à réparation pour les victimes de mauvais traitements. M. Yakovlev a toutefois demandé s'il existe des voies de recours pour faire appel d'une décision de justice de ne pas condamner les auteurs de mauvais traitements.

Le corapporteur a demandé davantage d'informations sur le fonctionnement du Bureau de contrôle interne du Ministère de l'intérieur. Il s'est par ailleurs félicité de l'existence d'un code de déontologie, ce qui illustre clairement selon lui les efforts déployés par la Croatie pour donner effet à la Convention. M. Yacovlev a ensuite demandé à la délégation de bien vouloir transmettre au Comité des informations sur l'exercice par les prévenus de leur droit à l'assistance d'un avocat, à une visite médicale ainsi que sur leur droit de contacter leurs proches. Par ailleurs, se félicitant des statistiques fournies dans le rapport, il a noté qu'elles indiquent une augmentation importante des cas d'utilisation de mesures de contrainte. Il a demandé à la délégation de bien vouloir fournir des explications pour cette augmentation.

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