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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de la Croatie

14 Novembre 2014

14 novembre 2014

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport de la Croatie sur les mesures qu'il a prises en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le Vice-Ministre croate de l'intérieur, M. Nebojša Kirigin, a souligné les progrès accomplis par son pays dans le respect des normes internationales grâce à son adhésion à l'Union européenne et à l'harmonisation de sa législation avec les textes européens. Les avancées sont notables en matière pénale, contre la traite des personnes, le traitement des migrants, ou encore dans lutte contre les violences et l'exploitation sexuels des enfants. En outre, les victimes se sont vu reconnaître de nouveaux droits tels que celui à une assistance psychologique, au versement d'indemnités ou à l'aide juridictionnelle gratuite. En outre, des dispositions ont été adoptées sur la justice juvénile, sur la déontologie policière et sur le traitement des étrangers. Par ailleurs, la loi sur la protection des personnes ayant des problèmes psychologiques, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain, s'inspire des normes internationales en la matière. La lutte contre la violence domestique est l'un des objectifs stratégiques du Ministère de l'intérieur, a aussi indiqué son Vice-Ministre. S'agissant des crimes commis pendant la guerre d'indépendance, une liste prioritaire de cas a été établie, tandis que les recherches se poursuivent pour faire la lumière sur le sort de 1538 disparus et de l'identification des lieux de sépulture.

La délégation croate était également composée de la Représentante permanente de la Croatie aux Nations Unies à Genève, Mme Vesna Vuković, et de représentants des Ministères de l'intérieur, de la justice et des affaires européennes et étrangères. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, du programme de rénovation des prisons et des conditions de la population carcérale; des programmes contre la violence domestique; du traitement des demandeurs d'asile et des réfugiés, de la protection des journalistes; ou encore des mesures prises dans le cadre de la lutte antiterroriste. La délégation a notamment fait valoir les nombreuses mesures prises pour la formation des membres de la fonction publique - les magistrats en particulier - afin de les mettre au niveau des normes internationales et européennes les plus élevées. S'agissant des crimes de guerre commis pendant le conflit de l'ex-Yougoslavie, la délégation a assuré le Comité que les Croates de souche qui pourraient être des suspects ne bénéficient d'aucune impunité.

Les rapporteurs du Comité pour l'examen du rapport étaient Mme Sapana Pradhan-Malla et Mme Essadia Belmir. Elles se sont félicitées que le code pénal adopté en 2013 comporte une définition de la torture, tant physique que psychologique. Elles ont aussi salué la création d'un Mécanisme national de prévention supervisé par le médiateur national, tout en s'inquiétant de ce que son budget ait été fortement réduit. Elles se sont inquiétées des discriminations affectant les communautés serbes et rom et de la hausse des cas de traite des personnes, ainsi que de la forte prévalence de la violence domestique, plus de 14 000 cas ayant été enregistrés l'an dernier, ce qui constitue un échec en matière de prévention. Les expertes se sont aussi inquiétées de la violation du principe de non-refoulement qui montre la nécessité de former les fonctionnaires et les tribunaux s'agissant des exigences de la Convention. Elles ont salué les efforts remarquables accomplis contre la violence domestique. Elles se sont enfin inquiétées de l'impunité des auteurs de crimes de guerre lors de l'opération «Tempête» de reconquête des territoires contrôlés par les Serbes pendant la guerre d'indépendance.

Le Comité adoptera en séance privée des observations finales sur la Croatie, qui seront rendues publiques à la fin de la session, le 28 novembre prochain.

Le Comité contre la torture entamera lundi matin l'examen du rapport du Kazakhstan (CAT/C/KAZ/3), dernier pays au programme de la session et dont la délégation présentera ses réponses mardi après-midi.

Présentation du rapport de la Croatie

Le rapport de la Croatie (CAT/C/HRV/4-5), est soumis conformément à la procédure facultative d’établissement de rapports et répond à ce titre à une liste de points à traiter (CAT/C/HRV/Q/4-5) préparée par le Comité.

M. NEBOJŠA KIRIGIN, Vice-Ministre de l'intérieur, a souligné qu'en tant que membre de l'Union européenne, son pays avait dû harmoniser sa législation avec les textes européens, notamment en matière pénale, ce qui a contribué à faire de nouveaux progrès dans les domaines intéressant le Comité. C'est particulièrement le cas en ce concerne la traite des êtres humains, la lutte contre les violences et l'exploitation sexuels des enfants et la pornographie infantile. En outre, toute une gamme de droits est reconnue à la victime, tels que le droit à une assistance psychologique.

Le Vice-Ministre a précisé que des lois étaient entrées en vigueur concernant le versement d'indemnités pour les victimes afin de réaliser le droit à un dédommagement matériel et l'instauration d'une aide juridictionnelle gratuite simplifiée sans justification de situation financière. Il a aussi indiqué que des textes ont été adoptés sur la justice juvénile, sur la déontologie policière et sur le traitement des étrangers avec l'instauration d'une aide juridictionnelle gratuite pour ceux faisant l'objet d'une mesure d'expulsion. En particulier, le traitement des mineurs étrangers non accompagnés fait désormais l'objet d'une réglementation spécifique du Ministère de l'intérieur. En outre, tout enfant abandonné ou victime du crime organisé, ou privé de protection parentale, bénéficie d'un droit de séjour temporaire. Par ailleurs, la loi sur la protection des personnes ayant des problèmes psychologiques, qui doit entrer en vigueur le 1er janvier prochain, s'inspire des normes internationales en la matière.

Des progrès significatifs ont été accomplis dans la lutte contre la traite d'êtres humains grâce à la création d'un système intégré basé sur la coopération entre autorités gouvernementales compétentes et organisations de la société civile, allant de l'identification des victimes à leur réintégration dans la société. Un plan national de lutte contre la traite pour la période 2012-2015 comprend des mesures visant à améliorer les méthodes d'identification des victimes. Le Ministère de l'intérieur a identifié une trentaine de victimes par an, a précisé le chef de délégation.

La lutte contre la violence domestique est l'un des objectifs stratégiques du Ministère de l'intérieur dans le cadre d'un plan stratégique pour la période 2014-2016, a souligné le Vice-Ministre, énumérant toute une gamme d'initiatives qui ont été prises dans ce domaine. Il a notamment mentionné les efforts de formation de la police.

S'agissant des poursuites contre des responsables de crimes de guerre, une liste prioritaire de 70 cas au niveau régional et d'un cas au niveau national a été établie l'an dernier. Par ailleurs, les recherches se poursuivent pour faire la lumière sur le sort de 1538 disparus et de l'identification de leurs lieux éventuels de sépulture. Pour la période 2011-2014, 40 demandes ont été reçues concernant des cas présentés à la Cour européenne des droits de l'homme concernant des allégations de violations de certains droits pendant la guerre d'indépendance.

La définition du crime de haine a été modifiée avec l'introduction du nouveau code pénal. La liste des groupes vulnérables à protéger a été élargie pour inclure notamment les personnes handicapées. La protection des droits des étrangers s'améliore constamment, tant en termes de réglementation que de procédure. Ces dix dernières années, la protection des sans-papiers a été améliorée, ainsi que la gamme d'assistance juridique à la disposition des étrangers en instance d'expulsion. Leur accueil a aussi été amélioré, avec la modernisation du centre d'hébergement qui permettra notamment de séparer les mineurs non accompagnés des adultes. Les demandeurs d'asile sont désormais hébergés séparément.

La capacité d'accueil des institutions pénitentiaires a été accrue à près de 4000 places, tandis que diminuait le nombre de détenus. Au 31 octobre dernier, leur nombre atteignait 3883 personnes contre plus de 5000 en 2010. À la même date, l'institution correctionnelle de Turopolje, qui a une capacité de 110 lits, comptait 58 mineurs en détention.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

MME SAPANA PRADHAN-MALLA, rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de la Croatie en ce qui concerne les articles 1 à 9 de la Convention, s'est félicitée de l'adoption d'un nouveau code pénal en 2013 qui comporte une définition de la torture, tant physique que psychologique. Elle a aussi salué la création d'un Mécanisme national de prévention supervisé par le médiateur national. Quelles dispositions sont-elles prises pour assurer son efficacité, a-t-elle demandé. Il semble que le Médiateur dispose de faibles moyens, qui sont en diminution puisque le budget est passé de 61 000 à 14 600 euros. Comment la délégation justifie-t-elle une telle diminution? Par ailleurs, alors que le rapport du Médiateur signale des irrégularités en matière pénitentiaire, le Parlement en a simplement pris note et n'a pris aucune mesure pour remédier à cette situation. Il n'existe d'ailleurs aucun mécanisme pour mettre en œuvre les recommandations du Médiateur. La délégation peut-elle expliquer de quelles manières celles-ci sont mises en œuvre? Bien que le Médiateur puisse inspecter les centres de détention sans préavis, des ONG affirment que cela se produit uniquement lorsqu'il est saisi d'une plainte.

S'agissant des détenus étrangers, il semblerait que, dans certains cas, ceux-ci ne bénéficient pas d'emblée de l'assistance d'un avocat, bien que cela soit garanti par la loi. La rapporteuse s'est félicitée de l'adoption de la nouvelle loi sur l'aide juridictionnelle gratuite et souhaité savoir de quel budget elle disposait. Par ailleurs, les personnes détenues n'ont pas la possibilité de faire appel au médecin de leur choix. Il apparaîtrait en outre que la minorité serbe soit l'objet de discrimination en matière de soins de santé. Par ailleurs, des policiers sont couramment présents lors d'examens médicaux en hôpitaux psychiatriques, y compris lorsque les internés sont contraints de changer de vêtements. Quant aux étrangers et aux travailleurs migrants, ils bénéficient seulement de soins d'urgence. L'État-partie envisage-t-il de remédier à ces lacunes? La rapporteuse s'est félicitée du projet de loi sur la protection des handicapés mentaux, souhaitant connaître les perspectives de son adoption.

Tout en se félicitant aussi de la diminution des délais de détention préventive, elle a indiqué que des organisations non gouvernementales affirmaient que certains détenus en préventive étaient transférés pour des durées atteignant plusieurs mois dans la clinique de la prison où ils sont incarcérés. Elle a souhaité savoir par ailleurs s'il existait des cas de refus d'obéir à des ordres illicites.

S'agissant de la traite des personnes, la rapporteuse a constaté une aggravation de ce fléau: la délégation dispose-t-elle de données à cet égard? Comment les victimes sont-elles traitées? Les prostituées et leurs clients sont-ils poursuivis? La Croatie est-elle partie à la Convention d'Istanbul du Conseil de l'Europe? Mme Pradhan-Malla s'est dite alarmée par ailleurs par la forte prévalence de la violence domestique, plus de 14 000 cas ayant été enregistrés l'an dernier, ce qui constitue un échec en matière de prévention. Le plus choquant, a-t-elle observé, résulte du fait que bien souvent, à la fois l'agresseur et l'agressée sont poursuivis en justice, voire condamnés ensemble.

La rapporteuse s'est aussi inquiétée de la violation du principe de non-refoulement, indiquant une nécessité de former les fonctionnaires et les tribunaux sur les exigences de la Convention à cet égard. Existe-t-il des cas de rétention d'étrangers pendant plus d'un an, la durée maximale légale en Croatie? Mme Pradhan-Malla a demandé à avoir des statistiques sur le nombre de demandes d'asile et sur les procédures d'extradition en direction de pays susceptibles de pratiquer la torture.

S'agissant des crimes de guerre, les chiffres montrent qu'il y a peu d'acquittements et de nombreuses condamnations d'une communauté ethnique en particulier. A-t-on entrepris de rectifier cette apparente dérive, a demandé l'experte, constatant un climat d'intolérance envers certains groupes.

Dans le cadre d'une nouvelle série de questions, Mme Pradhan-Malla s'est félicitée des programmes de formation mis en place pour les magistrats et fonctionnaires de police. Elle a souhaité avoir des indications sur le traitement des éventuelles plaintes pour mauvais traitements de prévenus: y a-t-il un système d'enregistrement automatique, par exemple? En matière de population carcérale, les prisons affichant quasiment complet, une augmentation de leur capacité est-elle prévue?

MME ESSADIA BELMIR, rapporteuse pour l'examen du rapport de la Croatie en ce qui concerne les articles 10 à 16 la Convention, a abordé la question de la formation des policiers et des magistrats, constatant qu'il s'agissait de sessions, de stages ponctuels, sans suivi réel. Il apparaît qu'un effort s'impose en matière de régularité et de suivi des formations prodiguées. Elle a rappelé qu'il s'agissait d'un instrument efficace dans la lutte contre la torture et les mauvais traitements. Si un effort est certes fait, il est insuffisant, selon elle. Mme Belmir a souligné l'importance de faire évoluer les comportements, constatant une persistance des comportements discriminatoires envers les minorités, serbe et rom notamment. Le Médiateur reçoit des plaintes mais les enquêtes menées par les autorités semblent de pure forme. Elle a rappelé que la discrimination était un élément constitutif de la torture.

Un problème se pose en matière de conditions carcérales, à commencer par la surpopulation des prisons. La rapporteuse a aussi évoqué les conditions d'admission dans les institutions psychiatriques, constatant que des personnes y étaient internées à tort et contre leur gré. De manière générale, des problèmes de mauvais traitements ont été identifiés en matière d'administration de psychotropes par exemple. L'experte a toutefois salué des efforts menés par l'État-partie pour résoudre les problèmes. Elle a aussi salué les efforts accomplis contre la violence domestique, considérant qu'il s'agissait d'une action éminemment louable pour ne pas dire qu'elle fait figure de modèle.

S'agissant des violations commises pendant la guerre, l'experte s'est étonnée que n'ait pas été mentionnée la Cour pénale internationale. Elle a demandé si la Croatie avait des contacts avec la CPI, tout en reconnaissant l'importance du rôle des juridictions nationales. Elle a évoqué l'encombrement des tribunaux, ayant le sentiment que tous les justiciables n'étaient pas traités sur un pied d'égalité. Elle a aussi demandé ce qu'il en était de la protection des témoins. Elle a souhaité savoir quelles indemnités étaient prévues en matière d'indemnisation pour les victimes de crimes de guerre, constatant que des demandes étaient couramment rejetées, alors même que les plaignants devaient néanmoins payer les frais de justice.

La corapporteuse a rappelé qu'en 2011, le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie avait condamné deux généraux croates, ce qui a entraîné des critiques virulentes à son endroit en Croatie. Elle s'est interrogée sur les exactions commises lors de l'opération «Tempête» de reconquête des territoires contrôlés par les Serbes et sur le fait qu'elles semblaient bénéficier d'une impunité de la part de la justice locale.

Dans le cadre de questions de suivi, Mme Belmir a demandé qui était chargé d'enquêter voire d'entamer des poursuites en cas d'exactions présumées de la police. Elle a déploré le manque d'exemples fournis s'agissant de la coopération avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie et des suites données aux poursuites intentées dans le cadre de l'opération «Tempête».

Parmi les autres membres du Comité, un expert, qui a constaté une diminution de la population carcérale depuis 2012 alors que les effectifs n'avaient cessé d'augmenter jusque-là, a demandé comment la délégation expliquait ce phénomène. Il a demandé quelles étaient les conditions de placement au secret, souhaitant savoir si cette mesure était utilisée comme un châtiment. Un autre membre du Comité a déploré que les examens médicaux des détenus se fassent en présence de policiers ou de gardiens, ce qui constitue une violation. Il a demandé à quelle autorité répondaient les médecins concernés. Un expert a demandé s'il existait des exemples d'aveux invalidés du fait qu'ils aient été obtenus sous la contrainte. Un autre expert a demandé si l'on disposait de statistiques sur les fonctionnaires éventuellement sanctionnés. Par ailleurs, a-t-on évalué l'efficacité des programmes contre la violence domestique? Existe-t-il un système d'identification précoce des demandeurs d'asile et des réfugiés? Il semble que le système d'examen des demandes soit tout à fait inadéquat, voire dégradant pour les requérants. Un autre expert a demandé ce qu'il en était du programme de rénovation des prisons. A-t-on pris des mesures pour éviter les automutilations, a-t-il également voulu savoir.

Une experte a évoqué la loi d'amnistie dont ont bénéficié quelque 22 000 personnes, rappelant que la torture ne saurait être concernée par une telle mesure. Par ailleurs, des organisations non gouvernementales affirment que les défenseurs des droits de l'homme et les journalistes sont mal protégés: des mesures sont-t-elles prises pour y remédier? Une experte a demandé si d'éventuels responsables de crime de torture aient pu être amnistiés.

Le Président du Comité, M. Claudio Grossman, a demandé à avoir une vue d'ensemble depuis la création du Mécanisme national de prévention en 2012. Il a demandé des statistiques sur le nombre de personnes en garde à vue et sur celles en attente de jugement. La Cour européenne des droits de l'homme a estimé que les handicapés mentaux étaient mal protégés, demandant à la délégation quelles mesures avaient été prises. Il a demandé combien de demandes d'indemnisation avaient été faites par les victimes de la guerre, combien avaient été accordées et s'il existait des données en fonction de l'origine ethnique. Des informations circulent sur l'intimidation de journalistes enquêtant sur la corruption, a-t-il souligné. Il a aussi évoqué les préjugés envers la population rom, qui s'illustre particulièrement dans les établissements scolaires. M. Grossman a demandé si les informations faisant état de mauvais traitements envers les lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres étaient avérées et ce que l'État-partie faisait pour y remédier. Est-il exact que cela soit considéré comme des délits mineurs? Il a aussi déploré le traitement inapproprié de la délinquance juvénile. Enfin, concernant la lutte contre le terrorisme, le Président du Comité a demandé quelles mesures avait été prises par la Croatie pour que les erreurs commises par le passé ne se reproduisent pas, sans mettre pour autant en danger la sécurité du pays. M. Grossman a demandé quel éventail de sanctions était prévu pour le crime de torture. Il a souhaité avoir des exemples de cas et a voulu savoir comment les normes s'appliquaient dans la pratique. Par ailleurs, s'agissant de la communauté rom, le Président a souligné que la situation dans plusieurs pays d'Europe centrale montrait que la discrimination était encore plus sévère envers les mineurs, en comparaison avec ce que subissent déjà leurs parents. Il a par ailleurs souligné que la lutte antiterroriste, aussi légitime soit-elle, exige que soit respectée la primauté absolue du droit, notamment en ce qui concerne le renvoi vers des pays où la torture est susceptible d'être pratiquée.

Réponses de la délégation

S'agissant de la diffusion de la Convention au sein de la fonction publique, la délégation a notamment expliqué que l'École de la magistrature a organisé plusieurs ateliers dont un des objectifs généraux était de sensibiliser au respect des articles de la Convention. La délégation a précisé que la définition de la torture couvrait les souffrances mentales en vertu du nouveau code pénal. Le précédent définissait déjà la torture mais les peines ont été aggravées dans la nouvelle version et portées de huit à dix ans de réclusion.

L'octroi d'une aide juridictionnelle gratuite aux étrangers qui sont en situation irrégulière sur le territoire a été instauré par la nouvelle loi relative aux étrangers, entrée en vigueur le 1er janvier 2012. Les migrants en situation irrégulière sont hébergés au centre d'accueil des étrangers qui est doté de deux cabines téléphoniques qui leur permettent de communiquer librement avec leurs proches. Ils peuvent recevoir des lettres et des colis et pratiquer leur religion. Le centre comprend un dispensaire où une équipe médicale. Les examens sont pratiqués en dehors de la présence de policiers, ce qui a pour but de protéger la confidentialité des données médicales. Le médecin pratique l'examen et donne son avis au fonctionnaire qui a demandé le traitement sans lui remettre le dossier médical. La rétention au centre est ordonnée pour six mois et peut être prolongée pour un maximum de 12 mois. Les voies de recours contre la rétention au centre d'accueil des étrangers sont fixées par la loi relative aux étrangers et c'est le tribunal administratif qui rend une décision après l'audience et dans les 15 jours qui suivent le dépôt de la requête. Le recours n'est pas suspensif. La délégation a précisé que la Croatie est principalement un pays de transit plutôt que de destination. Quant aux mineurs étrangers, ils sont hébergés dans le centre à condition qu'ils soient accompagnés de leurs parents ou de leur représentant légal. Le séjour des mineurs étrangers au centre ne peut pas être prolongé au-delà de 180 jours.

En matière d'extradition, il est possible de restreindre la liberté de circulation d'un ressortissant étranger en le plaçant dans le centre d'accueil des étrangers pendant trois mois au maximum afin de garantir sa présence pendant la procédure d'extradition, mais seulement s'il constitue un danger pour la sécurité nationale ou s'il a été condamné pour une infraction poursuivie d'office. S'agissant de cas spécifiques, les tribunaux établissent les raisons pouvant justifier une extradition. Ils vérifient que l'infraction pénale est bien celle pour laquelle la personne concernée est poursuivie et si elle n'est pas déjà poursuivie en Croatie même. Au terme du processus, c'est le Ministre de la justice qui prend la décision de répondre favorablement ou pas à une demande d'extradition. La décision finale n'appartient en aucun cas à un juge. Le Ministère de la justice n'a reçu aucune demande d'un État réclamant l'extradition d'une personne soupçonnée d'avoir commis des actes de torture.

La détention provisoire est de deux mois renouvelable jusqu'à six mois. Si apparaît infondé au moins un du ou des motifs justifiant la détention, le suspect doit être aussitôt libéré. Un médecin doit examiner toute personne nouvellement incarcérée. Les médecins relèvent de l'administration pénitentiaire, tout en demeurant sous la supervision du ministère de la santé. Les examens se font en dehors de la présence de gardiens ou de policiers, sauf si le médecin l'exige pour des raisons de sécurité. En cas de procès et de condamnation, la période de détention provisoire est déduite de la durée de la peine infligée. Le nombre de personnes en détention provisoire est en diminution après un pic de quelque 12.000 prévenus. Le droit des personnes en détention de formuler des requêtes et des plaintes est garanti par la Constitution et par la loi relative à la police, qui dispose que les détenus, comme tous les autres citoyens, peuvent présenter des requêtes et des plaintes auxquelles il doit être répondu. Le non-respect de cette disposition est une infraction prévue au code pénal.

Du fait de la surpopulation carcérale qui a prévalu jusqu'en 2012, les tribunaux locaux et la Cour européenne des droits de l'homme ont été saisis de nombreuses demandes d'indemnisation de la part de prisonniers. La Cour constitutionnelle croate avait enjoint au gouvernement de faire en sorte que, dans un délai raisonnable les capacités de la prison de Zagreb répondent aux exigences. Le nombre de places correspond aujourd'hui au nombre de détenus à quelques unités près. En outre, les programmes de réinsertion dans la société ont été mis en place afin d'augmenter les cas de libération provisoire. Par ailleurs, les conditions de détention ont été améliorées, avec l'installation par exemple de systèmes d'air conditionné dans certains centres de détention, ou des espaces de promenade plus adaptés.

L'institution du Médiateur, de la Médiatrice en l'occurrence puisqu'il s'agit d'une femme à l'heure actuelle, est totalement indépendante. Elle a droit de regard sur les projets de loi devant le Parlement pour donner son avis sur les textes en discussion. Elle peut réaliser des visites inopinées dans les lieux de détention. Il y a deux semaines par exemple, elle a visité une institution psychiatrique, rencontrant le personnel et les patients. Elle produira un rapport de visite dès que possible.

La loi relative à la protection des malades mentaux dispose que le malade qui est placé dans un établissement psychiatrique doit y consentir oralement, et que son consentement doit être consigné par écrit dans son dossier médical. Dans le cas des incapables, le consentement est donné par le tuteur. Un nouveau texte réglementant le traitement des personnes handicapées et des malades mentaux traduits en justice, entrera en vigueur le 1er janvier 2015 qui permettra de ne pas recourir systématiquement à l'internement en institution. Pour ce qui est de la détention forcée en institution psychiatrique à la suite d'un délit, elle a été ramenée de 72 à 48 heures. Les expertises psychiatriques auront désormais lieux dans les institutions elles-mêmes, le juge en charge d'une affaire mettant en cause une personne ayant des troubles mentaux et devant se déplacer sur place, innovation obéissant à une recommandation de la Cour européenne des droits de l'homme.

Dans le cadre du Plan national 2012-2015 de prévention de la traite des personnes, une loi institue un séjour temporaire à titre humanitaire. Il fixe les modalités de l'identification des victimes, les conditions de leur participation au programme d'assistance et de protection, les droits de celles qui sont admises au séjour temporaire, le processus de rapatriement des victimes dans des conditions de sécurité et les motifs du non-renouvellement du permis de séjour temporaire. Depuis le début de cette année, une vingtaine de personnes ont été identifiées comme victimes, tandis que cinq trafiquants ont été condamnés.

S'agissant des crimes de guerre commis entre 1991 et 1995, un membre de la délégation a souligné que 21 000 suspects avaient été identifiés pour leur possible participation à des violations de la Constitution. Une grande partie d'entre eux ont été amnistiés, dans le cadre notamment de la normalisation des relations avec les nations issues de l'ex-Yougoslavie, amnistie qui ne saurait toutefois couvrir les responsables de crimes de guerre. La délégation a rappelé qu'il n'existait en effet pas de prescription dans ce domaine. Quelque 9000 dossiers ont été ouverts à ce sujet afin de faire la lumière sur ces crimes et d'en identifier les auteurs, quelle que soit leur appartenance ethnique ou religieuse.

S'agissant de l'opération «Tempête», elle était nécessaire et légitime, selon la délégation croate. Son objectif était de rétablir l'intégrité territoriale de la Croatie dans ses frontières internationalement reconnues. Elle a entraîné un exode massif d'une partie de sa population, alors que les autorités croates avaient appelé les civils à demeurer dans leurs foyers, leur garantissant leur respect de tous leurs droits de citoyens. La délégation a déploré que les autorités serbes autoproclamées dans cette région aient enjoint la population à fuir. La Croatie mène des enquêtes sur de possibles crimes de guerre, quelle que soit l'origine des auteurs présumés, a encore assuré la délégation. Ainsi, en 2012, un tribunal de Zagreb a suspendu la pratique judiciaire qui consistait à considérer la participation à la défense de la patrie comme une circonstance atténuante en faveur des auteurs de crimes de guerre. Les Ministères de la justice et de l'intérieur coopèrent avec le Tribunal pénal international pour l'ex-Yougoslavie. Par ailleurs, l'École de la magistrature organise des ateliers consacrés au traitement des crimes de guerre à l'intention des juges et des procureurs spécialisés. Elle a assuré qu'un accord de coopération judiciaire très efficient entre les pays de la région permettait d'élargir les enquêtes, les suspects étant dispersés dans toutes les anciennes républiques fédérées de la Yougoslavie.

Dans la perspective de l'entrée de la Croatie dans l'espace Schengen, il a été procédé à une formation intensive des fonctionnaires responsables du contrôle frontalier. La délégation a rappelé que la Croatie était entourée de plusieurs pays n'appartenant pas à cet espace de libre circulation de l'Union européenne. Par ailleurs, de manière plus générale, des modules de formation concernant les droits de l'homme et les conventions internationales, destinés aux juges et aux magistrats sont organisés régulièrement.

La Croatie réprime les agressions et intimidations de journalistes, a assuré la délégation, qui a ajouté que le nouveau code pénal considère que viser un professionnel de la presse constitue une circonstance aggravante. Plusieurs cas particulièrement graves de violences à l'égard de journalistes qui enquêtaient et diffusaient des informations sur la criminalité organisée ont été résolus ces dernières années. Par ailleurs, l'État ne peut poursuivre un journaliste au pénal pour ses activités professionnelles.

En matière de terrorisme, la Croatie a incorporé à sa législation pénale des dispositions qui sanctionnent le terrorisme conformément aux conventions internationales et aux principes admis du droit pénal international.

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