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Communiqués de presse Multiple Mechanisms FR

LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME ENTEND LE MINISTRE DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES DE L'AFGHANISTAN

27 Mars 2001



Commission des droits de l'homme
57ème session
27 mars 2001
Après-midi





Elle achève son débat sur le racisme
et entame celui sur le droit au développement
en entendant le Président du Groupe de travail sur la question


La Commission des droits de l'homme a entendu, cet après-midi, le Ministre des affaires étrangères de l'Afghanistan, qui a déclaré que le peuple afghan est aujourd'hui victime de la forme la plus barbare et inhumaine du fanatisme sous le régime totalitaire des Taliban. Il a déploré l'imposition d' un appui du Pakistan à ce régime et dénoncé l'apartheid sexuel dont les femmes afghanes sont victimes. S'agissant de la destruction des statues du Bouddha de Bamyan, M. Abdullah a estimé que cet acte barbare sonne le glas du dialogue entre les cultures et les civilisations, mais que le peuple afghan ne peut être tenu pour responsable de ces actes.

La Commission a par ailleurs entamé l'examen des questions relatives au droit au développement. Dans ce cadre, elle a entendu le Président du Groupe de travail sur le droit au développement, qui a présenté son rapport. Mme Dembri a notamment déclaré que l'application de ce droit se fonde sur l'idée de contrat de développement entre pays riches et pays pauvres, qui est de nature volontaire. Ce contrat prévoit entre autre l'application des trois droits fondamentaux, à savoir le droit à la nourriture, au logement et à la santé.

M. Arjun Sengupta, Expert indépendant sur le droit au développement, a pour sa part lancé un appel aux membres de la Commission pour qu'elle ne fasse pas marche arrière et continué à de progresser sur la voie de la promotion et du respect du droit au développement. Il a par ailleurs réitéré que le droit au développement est un droit de l'homme universel, inaliénable, individuel et collectif à part entière et que les États doivent coopérer afin de le rendre tangible.

Les pays suivants ont fait des déclarations : Suède (au nom de l'Union européenne et des pays associés), Kenya (au nom du Groupe africain), République arabe syrienne, Sénégal, Mexique (au nom du Groupe des pays d'Amérique latine et des Caraïbes) et Cuba.

Terminant, en début de séance, son débat sur le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et toutes les formes de discrimination, la Commission a entendu les organisations non gouvernementales suivantes: Fédération mondiale pour la santé mentale (au nom également de Women's Sport Foundation); Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes; Mouvement indien Tupaj Amaru; International Educational Development; Jeunesse étudiante catholique internationale; Indian Council of Education; Indigenous World Association; Minority Rights Group; Conseil international de traités indiens; International Human Rights Association of American Minorities.

Les États-Unis, la Chine, Cuba et les Philippines ont exercé le droit de réponse.

La Commission poursuit, dans la soirée à partir de 18 heures, son débat sur le droit au développement.



Déclaration du Ministre des affaires étrangères de l'Afghanistan

M. A. ABDULLAH, Ministre des affaires étrangères de l'Afghanistan, a estimé que le problème n'est pas de savoir si les droits de l'homme sont l'apanage d'une civilisation mais plutôt de savoir si leur respect garantit le bien-être des peuples, leur développement moral et matériel et répond à leurs aspirations. La réponse est oui, a-t-il ajouté, estimant que la civilisation musulmane est absolument en accord avec les principes des droits de l'homme. Toutefois, il a reconnu que l'Islam n'est pas à l'abri de mouvements fanatiques et extrémistes qui le dénaturent et souligné la nécessité pour les peuples et gouvernements musulmans de les dénoncer. À cet égard, il a indiqué que le peuple afghan est aujourd'hui victime de la forme la plus barbare et inhumaine du fanatisme sous le régime totalitaire des Taliban et déploré le soutien du Pakistan à ce régime. Il a également souligné que les sanctions imposées par les Nations Unies au régime des Taliban n'a pas de conséquences fâcheuses sur la population. Ce sont les Taliban qui ignorent les droits de l'homme de la population et, en particulier, imposent un apartheid sexuel dont les femmes afghanes sont victimes. Ce ne sont pas les sanctions dont souffre le plus la population afghane mais plutôt la façon dont les Taliban prennent la population en otage dans leur chantage vis-à-vis des organisations humanitaires. Il a estimé que des pressions continues doivent être exercées à l'encontre du Pakistan afin de mettre un terme à ce conflit et le représentant a lancé un appel à la solidarité internationale pour aider les centaines de milliers de personnes en danger.

S'agissant de la destruction des Bouddhas de Bamyan, M. Abdullah a estimé que cet acte barbare a sonné le glas du dialogue entre les cultures et les civilisations mais que le peuple afghan ne peut être tenu pour responsable de ces actes. M. Abdullah a en outre évoqué les difficultés auxquelles son gouvernement doit faire face du fait de la guerre ainsi que les efforts qu'il mène pour assurer le respect des droits de l'homme dans la partie du pays encore sous son contrôle. Il a d'ailleurs invité les organisations qui s'intéressent aux droits des femmes à venir visiter son pays et à exprimer leur solidarité avec les femmes afghanes. Il a en outre rappelé que la fin des souffrances dues à cette longue guerre ne peut être que politique par l'instauration d'une paix basée sur l'État de droit, la démocratie et le respect des droits de l'homme.




Fin du débat sur le racisme et toutes les formes de discrimination

MME WILDA SPALDING (Fédération mondiale pour la santé mentale au nom également de Women's Sports Foundation) a déclaré que l'un des composants clefs de la santé mentale et du développement sain d'un individu et d'une communauté était de savoir que leurs idées seront écoutées avec respect et comprises et qu'elles pourront contribuer à l'amélioration de leur vie et de celle de ceux qui les entourent. Ainsi, trop souvent, les jeunes sont isolés soit géographiquement soit par rapport aux organes décisionnels en matière de droits de l'homme. Il faudrait, a poursuivi Mme Spalding, mettre en place davantage de programmes durables et progressifs qui assurent la participation des jeunes dans les organes des Nations Unies. Elle a aussi demandé que la communauté internationale collabore plus activement aux programmes de développement durable environnementaux, sociaux et économiques, dans les pays développés comme dans ceux en voie de développement.

M. RIYAZ PUNJABI (Fondation de recherches et d'études culturelles himalayennes) a souligné qu'en dépit des appels lancés à travers le monde en faveur de la promotion du droit à une gestion démocratique des affaires publiques, des régimes dictatoriaux sont apparus en maintes régions du globe qui défendent un programme de lutte contre la «diversité» et cherchent à promouvoir leur système de valeurs culturelles comme étant le seul système devant faire autorité. Le spectre des Taliban, qui hante l'Asie du Sud-Ouest et du Sud, constitue à cet égard un exemple éloquent. Il est donc indispensable que les gouvernements s'engagent en faveur de la pluralité et de la diversité et que la pression internationale se fasse sentir afin que soient adoptées des législations sans ambiguïté garantissant le respect du principe de non-discrimination à tous les niveaux de gouvernement.

M. LÁZARO PARY (Mouvement indien Tupaj Amaru) a estimé que les origines du racisme remontent à la conquête des Amériques et à la colonisation européenne qui a produit l'holocauste le plus considérable de l'humanité contre les peuples autochtones des Amériques. Le colonialisme n'a pas seulement engendré la haine raciale mais aussi les contradictions de l'économie de marché qui a mené l'humanité sur le chemin de la guerre et de l'extrême pauvreté. Évoquant l'extermination massive des indiens et leur exploitation, il a souligné que les colonisateurs ont commis des crimes irréparables contre l'humanité et ont l'obligation de répondre de ces actes de barbarie. Il a enjoint la Commission des droits de l'homme à adopter des recommandations concrètes afin de créer un fonds spécial pour assurer la participation des peuples autochtones à la Conférence mondiale.

MME KAREN PARKER (International Educational Development) a fait part de sa préoccupation face à la sérieuse recrudescence des activités racistes et du racisme en général dont le monde entier est témoin. Si le droit international condamne le racisme, a-t-elle souligné, il prévoit également, en dernier ressort, un puissant moyen de recours pour les groupes soumis à un racisme grave et prolongé de la part d'un gouvernement, à savoir le droit à l'autodétermination face à des régimes racistes. Ce droit fait partie intégrante du droit international, a précisé la représentante. Cela signifie que même sans jouir du droit à l'autodétermination en vertu de la définition prétendument classique de ce droit, les groupes qui ont été indéniablement victimes de politiques racistes sur une longue période sans entrevoir la moindre opportunité de changement ont le droit de résister à ce racisme avec les mêmes moyens - y compris l'usage de la force, que les groupes qui correspondent à la définition traditionnelle de «groupe résistant à la colonisation». Or tel est le cas à Sri Lanka, a poursuivi la représentante, avant de préciser que le peuple tamoul a enduré un racisme violent de la part de la majorité cinghalaise de l'île depuis la fin de la période coloniale britannique. Le Gouvernement sri-lankais a en outre clairement montré qu'il cherchait une solution militaire à ce conflit plutôt qu'une solution négociée.

M. HABIB BOU NAFEH (Jeunesse étudiante catholique internationale) a dit que les étudiants, membres actifs de la société civile, sont aussi confrontés au problème du racisme. Il a tenu à faire remarquer l'existence, dans plusieurs endroits et dans plusieurs disciplines d'enseignement scolaire ou universitaire, d'une incitation indirecte à la promotion de la différence, qui devient source de conflit et un exemple vivant de l'intolérance et du racisme. Il a par ailleurs lancé un appel à la promotion des réseaux de solidarité entre les jeunes, groupes et associations pour contribuer à l'intégration sociale de tous, en valorisant les différences et en pratiquant une tolérance active.

MME R. K. NAIK (Indian Council of Education) a indiqué qu'en Inde la discrimination à l'encontre des Dalits ne revêt pas un caractère racial mais doit son origine dans l'inefficacité de la mise en oeuvre de la pléthore de mesures légales, constitutionnelles et administratives qui existent pour lutter contre la discrimination, du fait d'attitudes enracinées dans la hiérarchie sociale de l'Inde. Le système des castes, même s'il n'est pas basé sur la race, est discriminatoire et représente d'abord une négation de l'égalité sociale et d'opportunités. Le véritable changement ne pourra se faire que lorsque le système d'éducation créera un changement des consciences et des attitudes au niveau individuel et social. La Conférence mondiale ne rendrait pas service aux Dalits en considérant leur problème comme un problème racial, a conclu la représentante.

M. RONALD BARNES (Indigenous World Association) a rappelé que le colonialisme est une forme de discrimination raciale et a dénoncé la perpétuation de cette pratique - qui équivaut pour les populations concernées et leur relation à la terre à une sentence capitale - en Alaska, à Hawaï et dans l'enclave de Cabinda. Il a demandé à la Commission d'examiner la question du colonialisme, de l'apartheid racial et du génocide en Alaska de la même manière qu'elle le fit en d'autres temps pour l'Afrique du Sud. Il a également souhaité que cette question soit traitée lors de la prochaine Conférence mondiale contre le racisme, notamment dans la déclaration et le plan d'action qui devraient être adoptés à cette occasion. Le représentant a par ailleurs appelé les gouvernements à reconnaître les gouvernements indépendants souverains d'Alaska.

M. C. CHAPMAN (Minority Rights Group) a attiré l'attention de la Commission sur la situation des Batwas qui constituent l'un des groupes minoritaires les plus pauvres et les plus vulnérables de la région africaine des Grands Lacs. On en trouve au Burundi, en République démocratique du Congo, au Rwanda et en Ouganda, pays qui sont tous parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques; au Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels; à la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale ainsi qu'à la Charte africaine des droits de l'homme et qui, en tant que tels, sont tenus de protéger les droits des minorités et de combattre et d'éliminer le racisme et la discrimination raciale. Un récent rapport de Minority Rights Group souligne que les Batwas, peuple premier de la forêt équatoriale de la région africaine des Grands Lacs, souffrent de discriminations systématiques. Les gouvernements du Burundi, de la République démocratique du Congo, du Rwanda et de l'Ouganda devraient donc reconnaître les Batwas en tant que peuple premier de leurs pays respectifs et s'engager à respecter leurs droits. Ils devraient en outre ratifier la Convention n 169 de l'OIT concernant les droits des populations autochtones. Les agences de développement ainsi que les donateurs gouvernementaux devraient reconnaître le droit des Batwas à participer pleinement aux processus de prise de décision concernant le développement de projets qui les concernent.

M. ANTONIO GONZALES (Conseil international de traités indiens) a déclaré que les questions des peuples autochtones n'ont pas encore été traitées ni par la Commission ni par le Comité préparatoire de la Conférence mondiale contre le racisme. Aux États-Unis par exemple, les minorités raciales soufrent de la discrimination raciale sous la forme du racisme écologique, avec le déchargement de déchets toxiques dans les réserves des autochtones. Ceci a provoqué la mort de nombreuses personnes à cause du cancer. Un autre aspect du racisme écologique se traduit par le déversement des résidus toxiques des pays du Nord dans les pays du Sud. M. Gonzales a pari ailleurs déclaré que les peuples autochtones condamnent le plan de la Colombie qui a comme conséquence de menacer la vie et le bien-être des autochtones. Les autochtones des États-Unis sont aussi victimes de discrimination dans le système de justice des États-Unis, qui applique encore la peine de mort. Il a aussi prié la Commission de prendre en compte la question de la liberté de religion des peuples autochtones dans la Déclaration du Programme d'action.

M. TAHIR MASOOD (International Human Rights Association of American Minorities) a estimé que la Conférence mondiale contre le racisme doit lancer un appel pour que des excuses soient présentées pour l'esclavage et le colonialisme et en faveur de la restitution des propriétés et biens culturels spoliés pendant la colonisation. Il a en outre lancé un appel pour qu'une attention prioritaire soit accordée à la situation des Palestiniens lors de la prochaine Conférence mondiale contre le racisme, pour qu'elle demande l'abrogation des lois raciales y compris la loi du retour et qu'elle prie le Gouvernement israélien d'autoriser le retour des réfugiés et mette fin au bouclage des territoires. Il a dénoncé les pratiques qui dénient aux afro-américains l'égalité des chances de même que le système de castes en Inde qui rejette dans la pauvreté extrême les Dalits. Il a également dénoncé le néo-colonialisme, la mondialisation et la domination économique et politique exercée par les pays développés qui créent un environnement qui empêche la réalisation du droit au développement. Il a préconisé que la Conférence mondiale rejette le néo-colonialisme et lance un appel à la démocratisation de l'ordre économique et politique mondial ainsi que du Conseil de sécurité des Nations Unies.


Présentation de rapports au titre du point relatif au droit au développement

M. MOHAMED-SALAH DEMBRI, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur le droit au développement, a présenté le rapport du Groupe de travail (E/CN.4/2001/26, à paraître en français) en précisant que le Groupe de travail avait tenu cette année deux sessions, respectivement du 18 au 22 septembre 2000 et du 29 janvier au 02 février 2001. Rappelé que, l'année précédente, le Groupe de travail n'avait pu se réunir faute de président, M. Dembri a souligné que, sur sollicitation de l'ensemble des groupes régionaux, il avait accepté cette charge tout en étant conscient de la complexité de la tâche qui se rapporte à la problématique de la mise en oeuvre du droit au développement.

Conformément à son mandat, le Groupe de travail a inscrit ses délibérations dans une démarche favorisant le consensus et orientée vers des actions concrètes afin de donner suite aux préoccupations de la communauté internationale telles qu'exprimées dans les différentes résolutions de la l'Assemblée générale, de la Commission et dans les plates-formes d'action des récents sommets mondiaux où les dirigeants du monde ont pris solennellement l'engagement de faire du droit au développement une réalité pour chacun.

M. Dembri a souligné que les conclusions de son rapport s'articulent autour de la teneur du débat relatif au rapport de l'Expert indépendant sur le droit au développement, des les actions nationales et internationales pour la réalisation du droit au développement, ainsi que sur les futurs travaux du Groupe de travail.

M. Dembri a attiré l'attention sur l'approche pragmatique que préconise l'Expert indépendant, M. Arjun Sengupta, pour la réalisation du droit au développement, proposant l'idée du «contrat de développement», qui a retenu l'attention du Groupe de travail. Ce contrat, de nature volontaire, devrait se traduire par la mise en oeuvre de programmes de coopération élaborés conjointement entre le pays concerné et la communauté des donateurs qui participent, selon le principe du partage des coûts, à son financement. À cet égard, l'Expert indépendant est invité à affiner ce projet et à préparer dans ce cadre un modèle opérationnel dudit contrat à titre d'expérience pilote. On a également souligné l'importance de cibler en priorité, dans ce «contrat de développement», la réalisation de trois droits de base : droit à la nourriture, droit à la santé et droit à l'éducation. S'agissant des actions devant être prises au niveau national, l'accent a été mis sur la responsabilité première qui incombe aux États dans la création d'un environnement national propice à la réalisation du droit au développement. Dans ce contexte, le renforcement de la démocratie participative, de la transparence, de la bonne gestion des affaires publiques et de la lutte contre la corruption est considéré comme une condition préalable au succès des politiques nationales visant la réalisation du droit au développement. En outre, le rôle de la femme, de la société civile, du secteur privé, des médias et du mouvement associatif (ONG) a également été souligné pour ce qui est de la promotion de tout processus de développement équitable à même d'éradiquer la pauvreté.

Au plan international, a poursuivi M. Dembri, les conditions pour la promotion d'un environnement international favorable au développement, notamment des pays du Sud, ont été examinées. Il a été largement recommandé que la communauté internationale s'efforce en priorité de résoudre les problèmes liés à l'endettement extérieur et aux obstacles à l'accès des pays en développement aux marchés. La mise en place d'un système financier, monétaire et commercial transparent et équitable a également été recommandée. M. Dembri a déclaré qu'au vu du grand nombre de propositions (147) présentées par les délégations s'agissant des thèmes à examiner lors des futures sessions du Groupe de travail, il lui paraissait opportun de poursuivre à l'avenir les travaux du Groupe par l'organisation d'une autre session qui devrait se tenir après la présente session de la Commission et avant sa prochaine session. La promotion du droit au développement ne doit pas se situer dans le champ de la polémique et de la confrontation mais dans celui de la convergence et de la solidarité, a conclu M. Dembri.

M. ARJUN SENGUPTA, Expert indépendant sur le droit au développement, s'est félicité du travail accompli par le Groupe de travail sur le droit au développement. Il a lancé un appel aux membres de la Commission pour ne pas faire marche arrière et leur a demandé de faire un effort pour faire des progrès. Un large consensus a pu se dégager sur la teneur de ce droit, qui est un processus intégrant différents éléments permettant l'exercice de tous les droits qui s'y rattachent. Les États doivent trouver les moyens pour coopérer et le rendre tangible. Il n'est pas possible de l'imposer, a-t-il poursuivi, en mettant l'accent sur les différentes alternatives en vue de son application. Pour ce qui concerne la méthode, il peut y en avoir plusieurs; le choix entraîne soit une amélioration de la coopération, soit l'acceptation des différents modèles. Les ONG ainsi que la société civile ont un rôle important à jouer pour faire en sorte que le droit au développement soit universellement promu et ensuite respecté.

La Commission est également saisie, au titre de ce point, du rapport du Secrétaire général sur le droit au développement (E/CN.4/2001/24), qui contient des réponses de gouvernements et d'organisations internationales concernant l'application des résolutions de la Commission des droits de l'homme relatives au droit au développement. Des informations ont été fournies par les Gouvernements du Burkina Faso, de Cuba, de la République tchèque, de l'Inde, de l'Irak et du Koweït, ainsi que par l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture.

Elle est également saisie du rapport annuel de la Haut-Commissaire aux droits de l'homme sur le droit au développement (E/CN.4/2001/25). Mme Mary Robinson a axé son rapport sur le cadre du développement social convenu par la communauté internationale lors du Sommet mondial pour le développement social qui s'est tenu à Copenhague en 1995, et examiné à la vingt-quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale convoquée expressément à cette fin, qui s'est tenue en juin 2000 à Genève. Ce cadre se compose de 10 engagements visant à donner forme au développement social et a pour objectifs le plein emploi, l'élimination de la pauvreté et l'intégration sociale.

Le rapport s'articule autour d'un certain nombre de thèmes que recouvrent les nouvelles initiatives convenues en juin 2000 lors de la vingt-quatrième session extraordinaire de l'Assemblée générale : mécanismes financiers internationaux, responsabilité des entreprises, intégration d'une démarche soucieuse d'égalité entre les sexes, éducation, santé, alimentation, discrimination raciale, populations autochtones, bonne gestion des affaires publiques et migrants et personnes victimes de la traite. Les sections du rapport consacrées à ces questions donnent un aperçu des activités pertinentes des mécanismes internationaux concernant les droits de l'homme en la matière.

Pour ce qui concerne les nouvelles initiatives, le Haut-Commissariat a lancé deux projets visant à mettre en oeuvre les objectifs fixés à la session extraordinaire de l'Assemblée Générale afin de conserver le nouvel élan donné au développement social en juin 2000. Premièrement, le Haut-Commissariat envisage d'incorporer à son site Web des liens renvoyant à la Déclaration de Copenhague et au Programme d'action et à leur suivi. Deuxièmement, le Haut-Commissariat a adressé une lettre à divers expert appartenant aux mécanismes des droits de l'homme en leur signalant les nouvelles initiatives contenues dans le document faisant état des résultats se rapportant à leurs activités.


Débat sur le droit au développement

M. JOHAN MOLANDER (Suède, s'exprimant au nom de l'Union européenne et des pays associés) s'est félicité des efforts visant à intégrer la dimension des droits de l'homme dans la recherche du développement durable. Rappelant que la démocratie, le développement et le respect des droits de l'homme sont interdépendants et se renforcent mutuellement, il a souligné le lien qui existe avec le concept de bonne gouvernance. L'Union européenne a en outre réaffirmé son engagement à allouer 0,7 % de son PNB à l'aide au développement tout en soulignant la nécessité d'une utilisation efficace des fonds pour le développement et d'établir des priorités dans les dépenses des gouvernements en faveur du développement. L'Union européenne, consciente du poids de la dette extérieure pour certains pays, a accueilli favorablement le renforcement de l'initiative pour les pays pauvres fortement endettés et préconisé un approfondissement du processus de consultation afin d'établir les priorités en matière de réduction de la pauvreté.


M. Molander a également mis l'accent sur la nécessité de prendre des mesures, aux niveaux à la fois national et international pour combattre l'épidémie de VIH/sida qui représente une menace réelle pour les efforts en faveur d'un développement humain durable. À cet égard, il a appelé le système des Nations Unies à renforcer ses efforts et sa collaboration dans ce domaine tout en rappelant qu'il faut prévenir la marginalisation et les violations des droits de l'homme des personnes affectées.

MME AMINA C. MOHAMED (Kenya, au nom du Groupe africain) a souscrit à l'analyse présentée par le Professeur Arjun Sengupta, Expert indépendant sur le droit au développement, selon laquelle dans les efforts visant la mise en oeuvre du droit au développement, l'action nationale - qui est de la première importance - doit être complétée par une action internationale. La représentante kényenne a par ailleurs reconnu le rôle important que joue le Groupe de travail sur le droit au développement en permettant aux principaux acteurs concernés d'avoir un échange de vues franc. Le Groupe africain aurait cependant souhaité voir les travaux de ce Groupe de travail progresser davantage. La représentante kényenne a exhorté la Commission à renouveler pour un an le mandat du Groupe de travail sur le droit au développement ainsi que celui de l'Expert indépendant. Il serait en outre très utile que le Groupe de travail tienne une session de dix jours afin de progresser dans ses travaux. Le Groupe africain exhorte tous les États à honorer leurs engagements en matière de droit au développement et à oeuvrer en faveur d'une approche commune visant la jouissance pleine et entière de ce droit, au même titre que les autres droits.

Mme Mohamed a par ailleurs mis l'accent sur l'importance capitale du droit au développement pour la réduction de la pauvreté, laquelle est de plus en plus reconnue comme étant à la fois une cause et une conséquence du déni des droits de l'homme. La communauté internationale devrait se pencher davantage sur cet aspect du droit au développement. Lors de ses prochaines sessions, le Groupe de travail sur le droit au développement devrait prendre en considération l'impact considérable qu'ont sur le développement de l'Afrique certaines maladies comme le VIH/sida et la malaria qui peuvent être prévenues. Le Groupe africain souhaite en outre que les effets négatifs de la mondialisation soient abordés dans la cadre du processus de mise en oeuvre du droit au développement.

M. IBRAHIM IBRAHIM (République arabe syrienne) a rappelé que le droit au développement est au centre des intérêts des communautés nationales et internationales. Il a déploré le fossé entre la réalité et la pratique du fait que les pays développés n'ont peut-être pas la volonté de réaliser ce droit au développement. La communauté internationale accorde une importance de plus en plus grande à ce droit mais, malheureusement, la pauvreté tend à devenir une réalité intrinsèque des pays en développement. Lorsque les pays développés oeuvrent en faveur du développement c'est dans leur propre intérêt car ils préviennent ainsi l'émigration clandestine, a-t-il rappelé. On pourrait éviter de nombreux effets négatifs s'il y avait une bonne gestion des ressources. Les dépenses d'armement de certains pays permettraient d'éradiquer la pauvreté, a-t-il notamment souligné. Le représentant a par ailleurs dénoncé les pratiques du Gouvernement israélien et leurs conséquences sur le droit au développement des Palestiniens et des populations sous occupation. Il a souhaité qu'une plus grande solidarité se mette en place pour aider ces populations.

MME ABSA CLAUDE DIALLO (Sénégal) a regretté qu'en dépit des efforts déployés, de nombreux obstacles retardent la mise en oeuvre de la Déclaration sur le droit au développement. À ce titre, elle a évoqué principalement la pauvreté et la misère dans laquelle s'enlisent chaque jour la majorité de l'humanité. Entre autres facteurs explicatifs de cette tendance, Mme Diallo a notamment évoqué la baisse de l'Aide publique au développement, le fardeau de plus en plus lourd de la dette et les multiples barrières qui entravent l'accès des produits d'exportation africains sur le marché mondial. Elle a estimé qu'il faut d'urgence remédier à une situation où un milliard deux cent millions de personnes vivent avec moins d'un dollar par jour. Elle a rappelé que le droit au développement doit être une oeuvre commune qui doit être accomplie au nom de la solidarité internationale. Elle a appelé à l'établissement d'un partenariat responsable et mutuellement avantageux et insisté sur la nécessité d'une coopération internationale rénovée et renforcée qui intègre les priorités et les choix des pays en développement.

La représentante sénégalaise a évoqué les efforts de son pays en faveur du droit au développement dans ses aspects intégrés au triple niveau national, régional et international et, en particulier, les profondes réformes entreprises afin de mieux garantir la défense et l'illustration des droits de l'homme.

MME PERLA CARVALHO (Mexique, au nom du Groupe des États d'Amérique latine et des Caraïbes, GRULAC) a rappelé l'importance que les pays du Grulac accordent au droit au développement dans la mesure où ce droit correspond à leur vision d'un monde plus juste, plus sûr et plus équitable pour tous. Elle a fait observer que l'on a désormais dépassé l'étape d'élaboration conceptuelle concernant le droit au développement et qu'il convient donc désormais de se pencher sur la matérialisation des propositions qui ont été faites afin de parvenir à réaliser ce droit. La représentante mexicaine a déclaré que les conclusions auxquelles est parvenue la présidence du Groupe de travail sur le droit au développement constituent une bonne base pour la suite des travaux de cet organe. Elle a plaidé en faveur de la prolongation du mandat du Groupe de travail, qui devrait être autorisé à tenir une session de dix jours avant la prochaine session de la Commission des droits de l'homme. Il convient également de proroger le mandat de l'Expert indépendant sur le droit au développement, a estimé la représentante. À cet égard, elle a précisé que l'Expert indépendant devrait notamment s'efforcer d'étudier l'impact qu'ont sur la jouissance des droits de l'homme les thèmes économiques suivants: la prise de décision macroéconomique au niveau international; l'éradication de la pauvreté; le fardeau de la dette; le commerce international; l'accès aux marchés internationaux; le fonctionnement des institutions financières internationales; le transfert de technologies; les droits de propriété intellectuelle; les migrations et le respect des engagements internationaux en faveur du développement.

Mme Cavalho a déclaré qu'étant donné qu'il n'existe pas de différence de hiérarchie entre les diverses catégories de droits de l'homme, le droit au développement devrait bénéficier, à l'instar de ce qui se fait pour les droits civils et politiques, d'un mécanisme de suivi. Il conviendra pour le Groupe de travail sur le droit au développement de se pencher sur cette question dans le cadre de ses travaux à venir. Quelle que soit la forme que prendra finalement ce mécanisme de suivi, il devra s'inspirer du principe de coopération et de solidarité entre les États, couvrir les aspects nationaux et internationaux et être efficace et orienté vers l'action.

M. JORGE IVÁN MORA GODOY (Cuba) a affirmé que le groupe de travail sur le droit au développement devrait continuer de se réunir dans le cadre d'une session de deux semaines, et que l'Expert indépendant devrait concentrer son attention sur les responsabilités des organismes multilatéraux et ne pas aborder la question de l'application du droit au développement seulement du point de vue des rapports bilatéraux. Il a par ailleurs dénoncé la violation permanente du droit au développement et le manque de volonté politique de la part des pays industrialisés. Rappelant que l'aide au développement des pays de l'OCDE, au lieu de s'établir à 0,7% du produit national brut, comme ils s'y étaient engagés, ne représente en moyenne que 0,2% du PNB, il a réaffirmé la nécessité de permettre aux pays en développement d'accéder aux marchés internationaux et de trouver des solutions durables au problème de la dette extérieure. Un autre exemple du manque de volonté politique, a-t-il poursuivi, est le différend, porté devant l'Organisation mondiale du commerce, entre les États-Unis et le Brésil, ce dernier ayant décidé l'application d'une loi lui permettant de ne pas payer aux entreprises multinationales les droits sur les brevets des médicaments utilisés dans le traitement du sida.


Droit de réponse

La représentante des États-Unis, en réponse à la déclaration faite ce matin par le Ministre des relations extérieures de Cuba, a rejeté son affirmation selon laquelle il n'y a pas d'abus des droits de l'homme à Cuba. À cet égard, elle a attiré l'attention sur le fait que Cuba a emprisonné des citoyens tchèques pour avoir rencontré des dissidents. Elle a aussi insisté sur la détention de prisonniers politiques et l'absence de liberté d'opinion, d'expression ou de manifestation à Cuba. Le Comité contre la torture parle de violations graves et la Commission a condamné Cuba pour de graves violations des droits de l'homme en 1999 et 2000, a-t-elle rappelé.

Le représentant de la Chine a rejeté les accusations lancées ce matin par le Ministre allemand des affaires étrangères, indiquant que des progrès substantiels ont été accomplis en Chine qui ont été reconnus par la communauté internationale. S'agissant du Falun Gong, il a précisé qu'il ne s'agit pas d'une église et que ce mouvement dangereux a été interdit par la loi. Il ne s'agit pas d'une violation des droits de l'homme, a-t-il souligné.

Le représentant de Cuba a observé que «le voleur pense toujours que tout le monde fait comme lui». Le modèle de démocratie des États-Unis est en pleine crise, une crise qui, loin d'être passagère, est structurelle. On ne peut parler de démocratie lorsque le tiers des électeurs ne vote pas et lorsque le Président n'est élu qu'avec 24% des voix des électeurs en âge de voter. On ne peut parler de démocratie aux États-Unis alors qu'aucun sénateur de ce pays n'est noir. La délégation des États-Unis se garde bien de parler du racisme institutionnel qui existe dans ce pays.

Le représentant des Philippines a réagi à la déclaration de l'Expert indépendant sur le droit au développement en rappelant que si la visite de cet Expert avait eu lieu à une date ultérieure, elle aurait pu être mieux organisée qu'elle ne l'a finalement été. Il serait bon qu'à l'avenir, cet Expert se penche sur le rapport existant entre création de richesses et droit au développement. En effet le processus de création de richesses est probablement le meilleur moyen de promouvoir le droit au développement. La création d'emplois est également largement favorable au développement. Il est donc important d'évaluer l'impact qu'ont les décisions économiques, y compris les décisions macroéconomiques concernant la dette, sur la réalisation du droit au développement.



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