Communiqués de presse Commission des droits de l'homme
LA COMMISSION DES DROITS DE L'HOMME EXAMINE LES QUESTIONS RELATIVES AUX DROITS CIVILS ET POLITIQUES
31 mars 2004
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31.03.2004
Présentation de rapports sur la torture,
les exécutions extrajudiciaires et la détention arbitraire
La Commission des droits de l'homme a entamé, cet après-midi, l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques. Elle a notamment entendu, dans ce cadre, les présentations de rapports sur la torture, sur la détention arbitraire et sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires.
La Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, Mme Asma Jahangir, a constaté une tendance troublante à l'utilisation arbitraire de la force sur tous les continents. Elle s'est en particulier inquiétée d'informations selon lesquelles, dans cinq pays, des bombardements aériens ont été utilisés pour tuer des civils ou des personnes suspectées d'être des terroristes. D'autres informations font état d'ordres donnés aux forces de sécurité de «tirer à vue» pour disperser des manifestations. Des mesures doivent être prises en matière de lutte contre l'impunité associée aux violations graves des droits de l'homme et il faut se préoccuper à cet égard des mesures d'amnistie prises par certains États qui reviennent à dédouaner les coupables de leurs crimes, a ajouté Mme Jahangir. Les délégations de la Jamaïque et du Brésil sont intervenues en tant que parties concernées, la Rapporteuse ayant rendu compte de ses visites dans ces deux pays. Un dialogue interactif a suivi la présentation de ce rapport.
Le Rapporteur spécial sur la torture, M. Theo van Boven, a souligné que son rapport insiste sur les garanties des personnes privées de liberté afin de les mettre à l'abri des pratiques de torture. Il s'est par ailleurs dit convaincu de la nécessité de prendre en compte, dans ses activités futures, la situation des malades du sida. Il a informé la Commission que les autorités chinoises ont donné leur accord pour une visite du Rapporteur dans le pays. Il a aussi indiqué que la requête qu'il a adressée aux États-Unis afin d'effectuer une visite sur la base militaire de Guantanamo n'a toujours pas de réponse. Sont également en souffrance les requêtes adressées à l'Algérie, à l'Égypte, à la Guinée équatoriale, à l'Inde, à l'Indonésie, à Israël, à la Fédération de Russie s'agissant de la République de Tchétchénie, à la Tunisie et au Turkménistan, afin d'effectuer des visites dans ces pays. Les délégations de l'Espagne et du Brésil ont fait des déclarations en tant que parties directement concernées par le rapport de M. van Boven. Un dialogue interactif s'est ensuite engagé avec le Rapporteur spécial.
Mme Leïla Zerrougui, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a présenté le rapport du Groupe de travail en indiquant qu'en 2003, le Groupe de travail a adopté 26 avis concernant 151 personnes vivant dans 12 pays; dans 131 cas, il a estimé que la privation de liberté avait été arbitraire. Elle a par ailleurs indiqué que le Groupe de travail prévoit prochainement de se rendre en Chine et au Canada. L'Argentine est intervenue en tant que pays concerné, le Groupe de travail ayant rendu compte de sa visite dans ce pays. Un dialogue interactif s'est ensuite engagé avec la Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail.
Le Président du Conseil d'administration du Fonds des Nations Unies pour les victimes de la torture, M. Ivan Tosevski, a pour sa part rappelé que, pour l'année 2004, plus de 200 projets ont été soumis qui nécessitent 13,3 millions de dollars, alors que le Fonds ne dispose actuellement d'à peine plus d'un million de dollars.
Au titre du débat sur les droits civils et politiques, les représentants de l'Égypte, de Cuba, des États-Unis, de Sri Lanka, de l'Argentine (au nom des pays du Mercosur) et du Soudan ont fait des déclarations. Cuba a exercé le droit de réponse et les États-Unis ont présenté une motion d'ordre.
La Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques. La séance de cet après-midi sera consacrée à la procédure confidentielle d'examen de commissions.
Présentation du rapport sur les exécutions arbitraires, sommaires ou arbitraires
MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur les exécutions arbitraires, sommaires ou arbitraires, a déclaré avoir constaté une tendance troublante à l'utilisation arbitraire de la force sur tous les continents. Elle s'est inquiétée de l'absence d'amélioration dans la situation des exécutions arbitraires ou sommaires : les gouvernements se sont montrés soit indifférents, soit lents à réagir aux violations des droits de l'homme couvertes par son mandat. Mme Jahangir s'est en particulier inquiétée d'informations selon lesquelles, dans cinq pays, des bombardements aériens ont été utilisés pour tuer des civils ou des personnes suspectées d'être des terroristes. D'autres rapports font état d'ordres donnés aux forces de sécurité de «tirer à vue» pour disperser des manifestations. Mme Jahangir a relevé que le Secrétaire général avait demandé qu'une action urgente soit menée pour répondre de manière efficace aux signes avant-coureurs des génocides; la prévention des génocides dépend de la communauté internationale, a rappelé la Rapporteuse spéciale, ainsi que de la volonté politique et d'une capacité de mobilisation rapide. Des mesures sont en outre nécessaires en matière de lutte contre l'impunité touchant les violations graves des droits de l'homme, et il faut se préoccuper à cet égard des mesures d'amnistie prises par certains États qui reviennent à dédouaner les coupables de leurs crimes. D'autres informations encore se font l'écho d'utilisation excessive de la force lors de manifestations pacifiques, comme en Bolivie, où au moins 50 Amérindiens ont été tués, ou encore en Iraq, en Indonésie et en Azerbaïdjan. Quant à la situation au Myanmar, elle reste troublante, avec des témoignages relatant des exécutions sommaires commises par des soldats des forces gouvernementales contre des civils, ainsi que des viols collectifs de femmes avant leur exécution - tout ceci se déroulant dans une totale impunité.
D'autres informations font état de décès en détention des suites de tortures, de négligence criminelle ou de mauvais traitements. Sur les vingt pays qui ont été contactés pour des éclaircissements à ce sujet, quatorze ont répondu. Mais les résultats des enquêtes diligentées après ces demandes sont manifestement insuffisants, a déploré Mme Jahangir, qui se déclare à cet égard très préoccupée par la situation en Chine. De même, sont également alarmants la répétition des crimes dits d'honneur et le manque de transparence au sujet de l'application par certains États de la peine de mort. Dans ce dernier domaine, on peut néanmoins se féliciter de ce que les gouvernements aient montré un respect croissant de l'interdiction de l'application de la peine de mort aux enfants. Enfin, la Rapporteuse spéciale a évoqué ses visites dans deux États, et notamment au Brésil où elle a été très choquée par l'assassinat d'un témoin venu lui apporter des informations dans le cadre de son mandat.
Dans son rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (E/CN.4/2004/7), la Rapporteuse spéciale recommande notamment aux États de s'abstenir de recourir aux bombardements aériens, aux tireurs isolés ou aux frappes préventives. La communauté internationale devrait se préoccuper de cette tendance croissante à l'usage d'une force excessive; elle estime également que les décès en détention devraient faire l'objet d'une enquête exhaustive comprenant une autopsie. Les membres de la famille du défunt doivent être immédiatement informés et devraient pouvoir inspecter le corps avant l'enterrement. D'autre part, les membres des forces de l'ordre devraient recevoir une formation approfondie sur les droits de l'homme. Cette formation devrait comprendre des études de cas et les groupes locaux de défense des droits de l'homme devraient être associés à la préparation des manuels et du matériel pédagogique. Les États devraient respecter le droit de la population à la liberté d'association et d'expression, et ne pas recourir à la force pour réduire au silence ceux qui s'élèvent contre l'usage arbitraire du pouvoir par les gouvernements.
Mme Jahangir note par ailleurs que si la pratique des «crimes d'honneur» se perpétue, c'est essentiellement parce que les gouvernements n'ont pas la volonté politique de traduire en justice les auteurs de ces crimes. Les gouvernements sont instamment invités à apporter à la législation les modifications nécessaires afin que les criminels ne fassent pas l'objet d'un traitement plus favorable en vertu de la loi et à sensibiliser les pouvoirs judiciaires à la situation des femmes. Ceux qui menacent la vie d'une femme doivent être traduits en justice. La Rapporteuse spéciale constate ensuite que les garanties pour la protection des droits des personnes passibles de la peine de mort ne sont pas respectées dans un grand nombre des cas qui ont été portés à sa connaissance. Elle invite par conséquent tous les gouvernements des pays dans lesquels la peine capitale existe encore à instituer un moratoire sur les exécutions et, avant que celles-ci ne reprennent, à mettre en place des commissions nationales pour rendre compte de la situation au regard des normes et des résolutions internationales. La pratique de l'exécution de personnes condamnées à mort pour des crimes commis quand elles avaient moins de 18 ans devrait enfin être totalement abandonnée, conclut-elle.
L'additif 1 (E/CN.4/2004/7/Add.1) au rapport contient la liste des demandes d'information transmises aux Gouvernements et les réponses reçues.
L'additif 2 (E/CN.4/2004/7/Add.2, en anglais) est consacré à la mission en Jamaïque de la Rapporteuse spéciale; elle y recommande notamment que le Gouvernement jamaïquain prenne des mesures pour rationaliser le système de justice pénale de manière à pouvoir rendre pleinement la justice; les pouvoirs publics devraient condamner avec plus de vigueur toutes les formes d'abus de la part des forces de sécurité et ne jamais tenter de protéger les personnes accusées d'exécutions extrajudiciaires. La Rapporteuse spéciale estime encore que l'organisme indépendant chargé d'examiner les plaintes contre la police devrait bénéficier de ressources accrues et examiner tous les cas de meurtres commis par des policiers. Enfin, la peine de mort ne devrait plus être infligée aux mineurs ni aux malades mentaux.
L'additif 3 (E/CN.4/2004/7/Add.3, en anglais) est consacré à la mission au Brésil de Mme Jahangir, qui recommande, notamment, que la procédure pénale soit rationalisée sans transiger sur le respect de la légalité, afin de mettre un terme à l'impunité. Les tribunaux doivent être entièrement réformés afin de rattraper leur retard et être moins engorgés. Le parquet devrait être renforcé, les institutions médico-légales rendues indépendantes et dirigées par des personnes n'appartenant pas à la police, les forces de l'ordre devraient mieux sélectionner les policiers. Mme Jahangir recommande enfin vivement que le Rapporteur spécial chargé d'étudier la question de l'indépendance des juges et des avocats effectue une mission au Brésil.
Déclarations concernant le rapport sur les exécutions arbitraires, sommaires ou arbitraires
M. RANSFORD A. SMITH (Jamaïque), intervenant à titre de délégation concernée, a souligné que la réponse du Gouvernement jamaïquain aux demandes de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extra-judiciaires, sommaires ou arbitraires reflète l'engagement du pays à promouvoir et respecter les droits de l'homme. Toutefois, il est important que la crédibilité des mécanismes spéciaux des droits de l'homme repose sur la capacité des rapporteurs spéciaux à s'acquitter de leurs mandats avec équilibre et impartialité. Il nous semble, a précisé le représentant jamaïquain, que le rapport contient des généralisations excessives et se perd en conjectures dans le cadre de l'exercice de son mandat en Jamaïque. Nous ne saurions accepter l'allégation selon laquelle le Gouvernement couvrirait un certain nombre d'exécutions extrajudiciaires. Nous ne saurions davantage accepter l'allégation selon laquelle des pressions auraient été exercées sur une chaîne de télévision afin qu'elle ne diffuse pas des images impliquant la police dans des actes de violence. Toutefois, le Gouvernement de la Jamaïque prend note avec sérieux des plaintes relatives à un usage excessif de la force par des agents de police. Il continuera à déployer des efforts pour permettre aux victimes de bénéficier de recours utiles. La Jamaïque reconnaît que davantage doit être fait en matière d'éducation aux droits de l'homme des forces de police. À cette fin, le Gouvernement entend coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme. Il s'engage en outre à agir en vue de réparer les dommages subis par toutes les personnes qui auraient été victimes d'atteintes injustifiées à leurs droits de l'homme.
M. NILMARIO MIRANDA, Ministre des droits de l'homme du Brésil, s'exprimant également en tant que délégation concernée, s'est félicité de la visite de la Rapporteuse spéciale sur les exécutions extrajudiciaires au Brésil. Bien que sévère, son rapport représente un outil utile pour la réorientation et l'adoption de politiques publiques qui permettront de lutter contre les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires ainsi que contre les activités illégales des groupes d'extermination. Ce rapport représente pour le Brésil un début et non une fin, a souligné le Ministre qui a souhaité approfondir le dialogue avec la Rapporteuse spéciale. Il a affirmé que le Gouvernement reconnaît que les exécutions extrajudiciaires sont un mal qui perdure au Brésil et que le système politique présente des déficiences qui appellent un changement. La violence politique ne saurait être la solution au problème de la sécurité publique, a-t-il reconnu mettant l'accent sur les actions de mise en œuvre de mesures intégrées par le Secrétariat aux droits de l'homme. À cet égard, il a notamment cité la constitution de commission d'enquêtes et les efforts pour assurer la protection des victimes et des témoins. Les mécanismes de dénonciation des abus de l'autorité policière doivent être renforcés et amélioré afin qu'ils soient réellement indépendants, a-t-il indiqué citant dans ce sens la mise en œuvre du Programme d'appui institutionnel avec l'aide de l'Union européenne qui vise la responsabilisation démocratique des forces de l'ordre l'amélioration des procédures de contrôle. Le projet de réforme du pouvoir judiciaire représente en outre un énorme progrès dans la lutte contre l'impunité, a-t-il fait valoir évoquant plus largement la réforme judiciaire. Il a également évoqué la récente approbation du statut du désarmement visant à faire baisser les indices de criminalité et de violence urbaine. Réaffirmant la détermination du Gouvernement à lutter contre les exécutions extrajudiciaires, le Ministre a exprimé son indignation face à l'assassinat de deux témoins entendus par la Rapporteuse spéciale et indiqué que des mesures énergiques ont été adoptées pour enquêter sur ces cas.
Dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi, M. HENRI-PAUL NORMANDIN (Canada) a demandé à la Rapporteuse spéciale ce que pouvaient faire les États pour mieux protéger les droits des civils pris dans les conflits et les situations d'urgence.
M. RANSFORD A. SMITH (Jamaïque) a fait savoir qu'il soumettrait des commentaires détaillés et écrits au Haut Commissaire aux droits de l'homme.
M. IMTIAZ HUSSAIN (Pakistan) a dit que le mandat du rapporteur spécial était clair et ne permettait aucune ambiguïté: seuls les actes commis par un membre de forces de sécurité officielles, dans un abus de son autorité, constituent un crime extrajudiciaire. Les assassinats pour l'honneur n'entrent pas dans ce contexte, puisqu'ils se déroulent hors la présence d'un représentant de la loi, a fait valoir le représentant du Pakistan.
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) s'est prononcé en faveur du renouvellement du mandat de la Rapporteuse spéciale dans sa globalité. Nous soutenons ses recommandations concernant les crimes d'honneur et celles concernant la peine capitale quand elle peut être assimilée une exécution extra-judiciaire. Le représentant a lancé un appel aux 4 pays qui n'ont pas voulu répondre aux demandes formulées par la rapporteuse spéciale
M. JOHN BIGGAR (Irlande) a demandé des éclaircissements sur la proposition visant à renforcer les mécanismes internationaux d'alerte rapide sur le génocide. Le représentant a par ailleurs demandé quelle mesures pourraient être prises pour mettre fin à la pratique odieuse des crimes d'honneur
La Rapporteuse spéciale, Mme JAHANGIR, a insisté sur le fait qu'on accepte que les crimes d'honneur ne soient pas frappés d'impunité. Or, a précisé la rapporteuse spéciale, l'impunité fait partie de mon mandat. Elle a regretté que, dans son pays, le Pakistan, il existe encore une disposition législative qui permet l'impunité en cas de crime d'honneur. Pour lutter contre ces pratiques, il est nécessaire d'agir au niveau juridique et pratique. Il faut notamment diffuser l'idée que de telles pratiques sont intolérables. La rapporteuse spéciale a par ailleurs insistée sur la nécessité de mettre en œuvre des mécanismes permettant de détecter des conditions prégénocidaires. Il est important qu'il y ait des communications dans le cadre de procédures spéciales qui permettrait d'alerter le Conseil de sécurité. La rapporteuse spéciale a souligné qu'il est important que l'on respecte les textes internationaux relatifs à l'usage proportionné de la force.
Présentation du rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire
MME LEÏLA ZERROUGUI, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a affirmé qu'en 2003, le Groupe de travail a adopté 26 avis concernant 151 personnes vivant dans 12 pays. Dans 131 cas, il a estimé que la privation de liberté avait été arbitraire. Dans certains cas, les détenus ont été libérés, dans d'autres,le Groupe de travail a reçu des garanties que les personnes concernées bénéficieraient d'un procès équitable. En outre, le Groupe de travail a été invité à se rendre en Chine, la visite étant prévue pour septembre 2004. Le Groupe de travail se rendra également au Canada en juin 2005. Mme Zerrougui a par ailleurs souligné que ke Groupe de travail a reçu de nombreuses communications faisant état du caractère arbitraire de détentions appliquées dans plusieurs pays dans le cadre d'enquêtes menées sur des actes terroristes. Le Groupe de travail rappelle à cet égard qu'en toute circonstance il existe des droits auxquels il n'est pas permis de déroger. La Présidente a par ailleurs souligné que le Groupe de travail accorde une importance particulière au contrôle interne de la légalité des détentions. Il souligne également que l'une des causes les plus graves de détention arbitraire est l'existence de juridictions d'exception qui, dans leur quasi totalité, ne respectent pas les garanties du droit à un procès équitable. Mme Zerrougui a par ailleurs affirmé que la fermeture des lieux de confinement solitaires en Iran devrait être planifiée.
Le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (E/CN.4/2004/3) réaffirme qu'il n'est nullement contesté que le terrorisme peut exiger l'adoption de mesures spécifiques limitant certaines garanties, y compris en ce qui concerne la détention et le droit à un procès équitable. Il précise néanmoins qu'en toutes circonstance toute mesure de privation de liberté doit rester en conformité avec les normes du droit international. Dans son rapport, le Groupe de travail considère le droit à un recours pour contester la légalité de la détention ou de présenter une requête en «habéas corpus» ou un «recurso de amparo» comme un droit attaché à la personne dont la garantie doit relever, en toutes circonstances, de la compétence des tribunaux ordinaires. Par ailleurs, le Groupe de travail estime que, même pour les immigrants illégaux et les demandeurs d'asile, toute décision de mise en détention doit être réexaminée par un tribunal ou une instance compétente et impartiale pour s'assurer de sa nécessité et de sa conformité aux normes du droit international et que, dans le cas où des personnes ont été détenues, expulsées ou refoulées sans bénéficier des garanties légales, leur rétention et ultérieurement leur expulsion sont considérées comme arbitraires. Enfin, s'agissant des personnes privées de liberté pour des raisons de santé, le Groupe de travail considère qu'en tout état de cause toute personne concernée par ce genre de mesure doit disposer d'un recours judiciaire pour contester sa privation de liberté.
L'additif 1 au rapport contient les avis adoptés par le Groupe de travail sur la détention arbitraire à ses sessions de novembre/décembre 2002, mai 2003 et septembre 2003, concernant les pays suivants : Chine, Émirats arabes unis, Syrie, Pérou, Tunisie, États-Unis, Viet Nam, Égypte, Iran, Cuba et Maldives.
L'additif 2 concerne la visite en Iran du Groupe de travail et recommande notamment à ce pays de préserver l'immunité de plaidoirie des avocats, de prévoir une présence active de l'avocat dès la garde à vue et d'assurer un accès à l'aide judiciaire plus effectif. Il recommande par ailleurs la fermeture des lieux de confinement solitaires et la recherche de solutions pour faciliter la remise en liberté à court terme des prisonniers d'opinion.
L'additif 3 concerne une visite en Argentine. Le Groupe de travail recommande à ce pays de modifier sa législation en matière de détention préventive. Ce type de détention devrait être l'exception et non la règle. Par ailleurs, des mesures urgentes devraient être prises pour remédier à la surpopulation carcérale. En outre, le droit des détenus de communiquer librement avec leurs proches devrait être reconnu. Le Groupe de travail invite les autorités fédérales et les autorités fédérées à contrôler de près le comportement des officiers de police, notamment du point de vue de l'exercice de leur pouvoir en matière de placement en détention provisoire.
Déclarations concernant le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire
M. FEDERICO VILLEGAS BELTRÁN (Argentine) est intervenu au titre de pays concerné pour préciser que la loi 25871 sur les migrations mentionnée dans le rapport avait très avantageusement remplacé, en janvier 2004, un ancien texte voté sous la dictature militaire. Concernant les détentions effectuées lors des protestations sociales, le rapport sur les conflits sociaux porte sur l'année 2002, la plus critique que l'Argentine ait connue, qui a vu plus de onze mille manifestations publiques de conflits sociaux. Le rapport précise que le nombre de personnes impliquées s'élève à plus de 612 000. Seul 0,6% du total des manifestations a perturbé l'ordre public et entraîné des actes violents. Enfin, la visite de la Rapporteuse spéciale est intervenue quatre mois, et non quatre ans, après l'arrivée au pouvoir du Président Kirchner, a tenu à préciser le représentant.
Dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi, M. HENRI-PAUL NORMANDIN (Canada) a salué la décision de l'Iran de faciliter la visite du Groupe de travail sur la détention arbitraire. De telles visites doivent être une première étape d'un processus permanent, a-t-il souligné. Il appartient maintenant au Gouvernement iranien de mettre en œuvre les recommandations du Groupe de travail, a insisté le représentant canadien. Qu'est-il prévu pour assurer que le rapport du Groupe de travail sera traduit en farsi et diffusé à grande échelle auprès de la population iranienne, a demandé le représentant canadien?
M. RODOLFO REYES RODRÅGUEZ (Cuba) a attiré l'attention sur la concentration géographique des opinions exprimées par le Groupe de travail qui, à l'exception des États-Unis, ne concernent que des pays en développement. Des détentions arbitraires n'existent-elles pas en Europe, notamment du fait des lois antiterroristes, s'est interrogé le représentant cubain? Il a indiqué que son pays préfèrerait voir le Groupe de travail prononcer des opinions générales sur les procédures plutôt que de traiter de cas particuliers.
M. LA YIFAN (Chine) a rappelé que son pays avait invité à deux reprises le Groupe de travail sur la détention arbitraire à se rendre en Chine et examine actuellement la possibilité d'une troisième visite. Il a également attiré l'attention sur la situation de vide juridique qui prévaut en ce qui concerne les près de 170 détenus qui se trouvent actuellement à Guantanamo.
Au nom de l'Union européenne, M. JOHN BIGGAR (Irlande) a remercié Mme Zerrougui et lui a demandé si elle connaissait des exemples de bonnes pratiques contre le crime organisé qui pourraient éviter les détentions arbitraires? Le représentant a également voulu savoir quelle était l'action du Groupe de travail en matière de lutte contre la traite des êtres humains et de coopération avec les États dans ce domaine.
En réponse aux commentaires et questions des délégations, la Présidente du Groupe de travail, MME ZERROUGUI, a déclaré que le fait qu'un État invite un expert ne signifie que le processus est arrivé à son terme. Au contraire, il signale que le processus commence et qu'il doit être suivi. Quant à la diffusion des rapports, elle doit se faire dans les langues les plus usitées dans les pays, a aussi dit Mme Zerrougui; en effet, il convient de rendre plus visible l'existence du Groupe de travail, car les personnes qui pourraient en avoir besoin ne connaissent pas toujours son existence.
La coopération avec l'Argentine a été bonne, et Mme Zerrougui s'est dite satisfaite de constater les efforts déjà accomplis par la jeune équipe gouvernementale qui a suivi certaines de ses recommandations. La détention arbitraire se produit dans tous les pays du monde, avec des intensités variables, a aussi rappelé Mme Zerrougui, selon laquelle par ailleurs le Groupe de travail n'est sans doute pas saisi de tous les cas existants. Le Groupe travaille dans le cadre de visites de pays et, s'il ne dispose pas de tous les moyens qui lui seraient nécessaires, il s'efforce d'agir néanmoins avec objectivité. Quant à la situation à Guantanamo, le Groupe a recensé dans son rapport les réactions des États-Unis à ses questions.
Présentation du rapport sur la torture
M. THEO VAN BOVEN, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants, a souligné que son rapport insiste sur les garanties des personnes privées de liberté afin de les mettre à l'abri des pratiques de torture. Il s'est dit conscient que son travail aura un effet limité si on n'améliore pas les procédures de travail; ainsi, il faudrait davantage imposer des délais en ce qui concerne les communications. Il a par ailleurs informé la Commission qu'il est en contact avec les autorités chinoises et que ces dernières ont donné leur accord pour une visite dans le pays. Le rapporteur spécial a par ailleurs déclaré qu'il est dans l'attente d'une réponse des États-Unis s'agissant d'une visite sur la base militaire de Guantanamo.
Sont également en souffrance les requêtes adressées à l'Algérie, à l'Égypte, à la Guinée équatoriale, à l'Inde, à l'Indonésie, à Israël, à la Fédération de Russie s'agissant de la République de Tchétchénie, à la Tunisie et au Turkménistan, afin d'effectuer des visites dans ces pays, a précisé M. van Boven. D'autres visites telles que celles prévues en Bolivie, en Géorgie, au Népal et au Paraguay ne se sont pas encore matérialisées pour des raisons ne dépendant pas des gouvernements concernés, a ajouté le Rapporteur spécial.
S'agissant de l'Espagne, le Rapporteur spécial a affirmé que, compte tenu des informations reçues, les allégations faisant état d'actes de torture et de mauvais traitements ne relèvent certainement pas de la pure invention et que de telles pratiques, si elles ne sont pas systématiques, sont loin d'être exceptionnelles.
Le Rapporteur spécial a rappelé l'importance des instruments internationaux pertinents en ce qui concerne les garanties individuelles contre la torture et les traitements cruels, inhumains ou dégradants. Enfin, il a souligné que les personnes atteintes du VIH/sida peuvent, dans certains pays, devenir la cible d'auteurs d'actes de torture. Il s'est dit pleinement convaincu de la nécessité de prendre en compte la situation des malades du sida dans ses activités futures.
Dans son rapport sur la torture et autres peines et traitements cruels, inhumains ou dégradants (E/CN.4/2004/56), le Rapporteur spécial appelle notamment l'attention sur un certain nombre de garanties sont doivent bénéficier les personnes privées de liberté pour être protégées contre tout risque de subir des actes de torture ou d'autres formes de mauvais traitements. Le rapport contient en outre un chapitre consacré à la question du VIH/sida et de la torture. Il contient également des renseignements concernant le commerce et la production de matériel spécialement conçu pour infliger des tortures ou d'autres peines ou traitement cruels, inhumains ou dégradants. À cet égard, il exprime le souhait de pouvoir approfondir ses travaux sur cette question en vue de trouver la meilleure façon d'interdire ce type de matériel.
L'additif 1 au rapport contient le résumé des communications envoyées par le Rapporteur spécial et les réponses des gouvernements qu'il a reçues ainsi qu'un certain nombre d'observations concernant tel ou tel pays.
Le Rapporteur spécial rend compte de sa mission en Espagne dans l'additif 2 à son rapport. Il contient une étude des points de droit et de fait concernant des allégations de torture ou de mauvais traitements, en particulier à l'égard de personnes détenues dans le cadre de mesures antiterroristes. Le Rapporteur spécial estime que la pratique de la torture et d'autres mauvais traitements n'est pas systématique en Espagne, mais que le système, tel qu'il fonctionne, permet d'y recourir, en particulier dans le cas de personnes détenues au secret en liaison avec des activités terroristes. C'est pourquoi il recommande au Gouvernement espagnol l'aoption de mesures visant à lui permettre d'honorer son engagement à prévenir les actes de torture et autres mauvais traitements et de mettre fin à leur pratique.
L'additif 3 contient le résumé des informations fournies par les gouvernements et les organisations non gouvernementales sur la mise en œuvre des recommandations formulées par le Rapporteur spécial à la suite des visites qu'il a effectuées en Azerbaïdjan, au Brésil, au Chili, au Mexique, en Roumanie, en Turquie et en Ouzbékistan.
Déclarations concernant le rapport sur la torture
M. JOAQUÍN PÉREZ-VILLANUEVA Y TOVAR (Espagne), intervenant en tant que délégation concernée, a rappelé que cela fait longtemps que son pays souffre du fléau du terrorisme. L'Espagne est faussement accusée, par des assassins, de recourir à la torture et aux mauvais traitements dans la lutte contre le terrorisme et c'est pourquoi elle a souhaité que le Rapporteur spécial sur la torture effectue une visite dans le pays, a-t-il rappelé. Le représentant s'est dit déçu et aigri par l'occasion perdue de lancer un dialogue constructif et loyal et par l'injustice flagrante que constitue le présent rapport du Rapporteur spécial. L'Espagne n'aura néanmoins de cesse de continuer d'appuyer le droit du Rapporteur d'exercer ses fonctions, a assuré le représentant espagnol.
La lutte contre le terrorisme se fait en Espagne dans le cadre du strict respect des dispositions constitutionnelles, a poursuivi le représentant. Le système juridique espagnol est comparable à celui de ses voisins européens, a-t-il fait observer. L'Espagne ne tolère aucunement les violations des droits de l'homme, quelles qu'elles soient, a-t-il insisté. Accuser l'Espagne, comme le fait le Rapporteur spécial, de «manquer d'espace public pour le débat démocratique» frôle le ridicule, a affirmé le représentant espagnol.
M. NILMARIO MIRANDA, Ministre des droits de l'homme du Brésil, a reconnu que la torture est un phénomène néfaste qui perdure dans son pays. L'État brésilien rejette entièrement la pratique de la torture et, même s'il reste encore beaucoup à faire, il est déterminé à y mettre fin, comme en témoigne les poursuites engagées contre les auteurs de tels actes. Le Ministre a rappelé que 214 personnes ont été condamnées depuis 6 ans. Il a ajouté que l'expérience permet d'identifier les conditions dans lesquelles se commet la torture. Le Brésil pourra accélérer l'examen des plaintes pour violations des droits de l'homme grâce à la loi qui doit être promulguée en juin prochain. Au nombre des mesures prises pour lutter contre la torture, le Ministre a évoqué la mise sur pied d'un service qui permet des visites inopinées dans les prisons ainsi que le renforcement des mécanismes d'examen des plaintes et les poursuites pénales engagées.
M. HENRI-PAUL NORMANDIN (Canada) a demandé au Rapporteur spécial de préciser en quoi et dans quels secteurs on assiste à cette tendance à l'érosion du consensus universel sur l'interdiction absolue de la torture, telle que décrite dans le rapport.
M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a espéré que le Rapporteur spécial pourra continuer son travail courageux et objectif. Vous avez su examiner toutes les situations dans le monde de manière objective et équilibrée. Le représentant a rendu hommage au Rapporteur spécial pour la qualité de son travail.
M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a, lui aussi, salué l'excellence du travail accompli par le Rapporteur spécial, souhaitant que son mandat soit renouvelé dans son intégralité. Le représentant suisse a par ailleurs fait remarquer que le Rapporteur ne fait pas mention, explicitement, de la question de la torture dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Envisageriez-vous l'an prochain de traiter de cet aspect, a-t-il demandé?
M. VAN BOVEN, Rapporteur spécial sur la torture, a affirmé qu'il ne pensait pas que la discussion avec l'Espagne doive monopoliser l'attention car des centaines de pays sont concernés par le rapport qu'il présente devant la Commission. Il a assuré la Commission de son respect au peuple espagnol et s'en est remis à lui pour juger de l'évaluation qu'il fait de la situation espagnole dans son rapport. Le Rapporteur spécial a par ailleurs affirmé déceler une tendance à saper l'interdiction absolue de la torture, pratique pourtant interdite partout et en toutes circonstances selon les normes internationales. M. van Boven a également décelé un recul du respect du principe de non-refoulement des personnes vers un pays où elles courent le risque d'être soumises à la torture.
Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture
M. IVAN TOSEVSKI, Président du Conseil d'administration du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture, a rappelé les résolutions de l'Assemblée générale et de la Commission qui prient les bailleurs de fonds de faire leurs contributions bien à l'avance, sur une base annuelle et de préférence avant le 1er mars. Pour l'année 2004, plus de 200 projets ont été soumis et nécessitent 13,3 millions de dollars. Or le Fonds ne dispose actuellement que d'à peine plus de 1 million de dollars. À ce jour les annonces de contribution s'élèvent à 125 679 dollars. Il a appelé les bailleurs de fond à verser leurs contributions avant la fin de la session de la Commission. D'autre part, M. Tosevski a indiqué que le Conseil d'administration du Fonds a adopté une nouvelle stratégie de levée de fonds basée sur une approche régionale. En contribuant au Fonds, les gouvernements contribuent non seulement à la réhabilitation des victimes de la torture mais aussi à la prévention de la torture à travers le monde, a-t-il affirmé.
Dans son rapport sur le statut du Fonds de contributions volontaires des Nations Unies pour les victimes de la torture (E/CN.4/2004/53), le Secrétaire général décrit la situation financière du Fonds ainsi que la mise en œuvre des recommandations de son Conseil d'administration. Il contient des informations sur les tendances récentes en particulier en ce qui concerne l'assistance fournie aux victimes de la torture, aux membres de leurs familles ainsi que sur l'impact de cette assistance. Il contient des informations sur les contributions reçues et annoncées, sur les besoins de financement pour 2004 et sur les activités du Conseil d'administration en matière de recherche de financement. L'additif 1 au rapport contient une mise à jour des progrès faits dans l'évaluation du fonctionnement du Fonds.
Autres rapports au titre des droits civils et politiques
La Commission est également saisie, au titre des droits civils et politiques, de l'Étude réalisée par M. Doudou Diène, Rapporteur spécial sur les formes contemporaines de racisme, de discrimination raciale, de xénophobie et de l'intolérance qui y est associée, sur les programmes politiques qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent (E/CN.4/2004/61), dans laquelle le Rapporteur spécial précise qu'aux fins de cette étude, l'expression «programmes politiques qui incitent à la discrimination raciale ou l'encouragent» y est définie comme l'ensemble des idéologies, discours, programmes ou stratégies politiques qui prônent la discrimination ou la haine raciales et la xénophobie dans le but de faciliter l'accès au pouvoir politique de certains groupes et d'en marginaliser d'autres dans un pays donné. L'étude passe en revue les partis politiques ou autres organisations qui encouragent le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée de par le monde. Elle met en lumière la montée du racisme, de la xénophobie et de l'intolérance qui y est associée en Europe en réaction à l'augmentation du nombre d'immigrants, ainsi que la situation aux États-Unis, où des facteurs historiques ainsi que des événements contemporains comme l'attaque terroriste du 11 septembre 2001 ont alimenté la haine contre les musulmans et les Arabes. Elle analyse aussi les effets persistants des facteurs historiques qui ont donné naissance aux antagonismes ethniques et raciaux existants en Amérique du Sud. Elle aborde l'animosité à l'égard des migrants et les tensions interreligieuses entre chrétiens, musulmans, hindous et bouddhistes que l'on constate en Asie et le conflit du Moyen-Orient, source de haine ethnique et raciale. Elle montre enfin que l'Afrique n'est pas à l'abri des tensions raciales et ethniques attisées par les politiques.
Au niveau national, les responsables politiques, les dirigeants communautaires et les organisations de la société civile doivent prendre davantage conscience de l'intérêt qu'il y a pour la société à s'attaquer à ces problèmes et du grave risque qu'il y a à ne pas le faire. Au niveau international, les gouvernements devraient comprendre que les temps sont révolus où des populations entières pouvaient être victimes de la haine, de la discrimination et de la violence exercée par un État ou une communauté dans l'indifférence quasi générale et que, dans le monde actuel, la technologie, les armes de destruction massive et les transports ont conféré à des groupuscules animés par la haine le pouvoir d'infliger des dommages catastrophiques. Il est par conséquent non seulement moralement juste mais de l'intérêt bien compris des États de combattre les idées, idéologies et forces qui diffusent la haine et l'encouragent, s'ils veulent assurer leur survie et celle du monde entier.
L'étude esquisse en conséquence un certain nombre de mesures permettant de trouver les réponses appropriées. Ces mesures consistent notamment à: élaborer des principes et normes de conduite universelles; reconceptualiser le phénomène à l'échelle universelle et adopter des conventions internationales; mettre au point des mécanismes et mesures de mise en œuvre de ces conventions et de suivi de leur application; reconnaître que le racisme, l'ethnocentrisme, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, sous leurs formes actuelles, menacent gravement la paix, la sécurité et le développement de l'humanité; mettre en place des institutions et procédures de suivi, d'établissement de rapports, de documentation et de traitement de l'information; élaborer une stratégie intellectuelle et éthique de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui est associée; promouvoir une vigilance démocratique accrue pour éviter la banalisation des idées racistes et xénophobes de l'extrême droite.
Dans son rapport sur l'interdépendance de la démocratie et des droits de l'homme (E/CN.4/2004/54) le Haut-Commissaire aux droits de l'homme présente un résumé des réponses reçues à la lettre qu'il avait envoyée aux organisations du système des Nations Unies, à d'autres organisations intergouvernementales régionales et internationales et à des organisations non gouvernementales pour solliciter leurs vues et leurs observations sur le rôle qu'elles peuvent jouer dans la promotion et la consolidation de la démocratie. D'une manière générale, ces réponses portent sur les processus mis en œuvre pour assurer le respect des valeurs fondamentales de la démocratie, notamment la participation publique à la prise de décisions, la transparence et une gouvernance responsable, ainsi que sur les mesures prises pour appuyer ce processus, notamment des programmes de coopération technique et des activités de collecte et d'analyse de données statistiques. Les réponses émanent du Département des affaires politiques, du Département de l'information, du Département des affaires économiques et sociales et de la Commission économique et sociale pour l'Asie et le Pacifique de l'Organisation des Nations Unies, de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, de l'Union européenne, de l'Organisation des États américains, de l'Organisation de coopération et de développement économiques et de l'Union interparlementaire.
Dans son rapport sur les droits de l'homme et terrorisme (E/CN.4/2005/50), le Secrétaire général des Nations Unies présente les dernières réponses des gouvernements aux notes verbales envoyées par le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme aux États Membres en application de la résolution 2003/37 et de la résolution 56/160 de l'Assemblée générale. Les observations les plus récentes d'autres gouvernements sur la question des droits de l'homme et du terrorisme figurent dans le rapport du Secrétaire général sur la question à l'Assemblée générale (A/58/533).
Ainsi, selon le Gouvernement cubain, l'ONU a un rôle clef à jouer pour ce qui est de diriger et de coordonner une campagne internationale contre le terrorisme. Indépendamment du rôle que d'autres organes, tels que le Conseil de sécurité, peuvent jouer dans la lutte contre le terrorisme, Cuba tient à rappeler que l'Assemblée générale a le mandat et les compétences nécessaires pour mener à bien cette tâche et pour favoriser la coopération internationale, avec la participation de tous les États, qu'exige une tâche de cette envergure. Cuba s'associe à ceux qui exigent qu'une convention internationale sur la question fasse impérativement une distinction entre le terrorisme et le droit des peuples de lutter contre l'occupation et la mainmise étrangères et pour la réalisation complète de leur droit à l'autodétermination.
Dans ses réponses figurant dans le rapport sus-mentionné. le Gouvernement de Maurice souligne que le droit à la liberté et à la sécurité de la personne et le droit de ne pas faire l'objet d'une arrestation ou d'une détention arbitraires sont menacés par des délits tels que les enlèvements, les agressions et les prises d'otages par des groupes terroristes. Le droit de ne pas subir de tortures ou de peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants est également compromis. Les vols et le chantage par des groupes terroristes portent atteinte au droit de vivre à l'abri du besoin. À la suite des événements de septembre 2001, Maurice a fait preuve de diligence en adoptant la loi de 2002 sur la prévention du terrorisme, la loi de 2002 sur la prévention du terrorisme concernant le refus de libération sous caution, le règlement de 2003 (mesures spéciales) sur la prévention du terrorisme et la loi de 2002 sur le renseignement financier et la lutte contre le blanchiment d'argent. Les efforts entrepris dans ce domaine vont se poursuivre.
La Commission était également saisie d'un rapport du Secrétaire général sur les droits de l'homme dans l'administration de la justice, en particulier dans les États sortant d'un conflit et en ce qui concerne la justice pour mineurs (E/CN.4/2004/51) dans lequel il rend compte des mesures concrètes prises pour l'application, dans l'administration de la justice, des normes internationales dans le domaine des droits de l'homme. Il porte en particulier sur la reconstruction et le renforcement des structures et capacités d'administration de la justice dans les pays sortant de conflits et sur la justice pour mineurs. Il met aussi en évidence le rôle de l'assistance technique fournie à cet égard par le système des Nations Unies. Il note que les activités relevant des mécanismes mis en place par l'Organisation des Nations Unies dans le domaine des droits de l'homme ont permis des progrès sensibles et que le nombre d'activités liées à l'administration de la justice a augmenté. Certains organes conventionnels ont établi des procédures de suivi de leurs recommandations. Celles-ci sont destinées à aider les autorités nationales dans leurs efforts visant à renforcer les moyens de protéger les droits de l'homme, notamment en ce qui concerne l'administration de la justice. En ce qui concerne les procédures spéciales, le Rapporteur spécial chargé d'examiner la question de l'indépendance des juges et des avocats a approuvé l'adoption des Principes de Bangalore sur la déontologie judiciaire, principes qui permettront de lutter contre la corruption judiciaire.
Les organismes des Nations Unies ont activement participé à l'établissement de programmes et de partenariats avec les ONG s'occupant de mettre au point des stratégies concernant la mise en place de mécanismes d'administration de la justice dans les pays sortant d'un conflit. Par le biais de son programme de coopération technique, le Haut Commissariat aux droits de l'homme continue de fournir des conseils et une assistance techniques, notamment une formation à l'application des normes internationales pertinentes relatives aux droits de l'homme à divers partenaires nationaux ayant des activités dans le domaine de l'administration de la justice; il s'agit notamment de l'appareil judiciaire, des autorités de police, de l'administration pénitentiaire, des agents du ministère public, des programmes d'aide juridique et des ONG compétentes. Le Haut Commissariat a en outre créé des outils méthodologiques pour traiter les différents aspects de l'administration de la justice, notamment des manuels de formation aux droits de l'homme à l'intention des juges, des avocats, des agents de police et des gardiens de prison. Le Haut Commissariat et le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) continuent d'œuvrer dans le domaine de la justice pour mineurs, notamment à la création d'indicateurs mondiaux destinés à permettre un meilleur accès aux données concernant les droits de l'enfant.
Débat général sur les droits civils et politiques
MME MAHY ABDEL-LATIFF (Égypte) a fait valoir que son pays était attaché à la protection des droits de l'homme, et qu'il avait entre autres ratifié à ce titre le Pacte sur les droits civils et politiques. L'Égypte, qui croit fermement en l'interdépendance entre développement et protection des droits de l'homme, a créé les mécanismes indépendants et nécessaires au respect de ses obligations internationales, notamment le Conseil national pour la femme, le Conseil national des droits de l'homme, le Plan national de renforcement des droits de l'homme. L'Égypte croit également en l'importance de la coopération internationale en matière de droits de l'homme, de même qu'elle estime importants les efforts de formation et de sensibilisation en ce domaine. L'Égypte a donc lancé, avec l'aide du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), des programmes de formation et de sensibilisation de son personnel judiciaire et policier. Au plan régional, elle a mis sur pied un programme d'information et de collaboration avec les mécanismes des droits de l'homme. Avec la montée du terrorisme international, le Gouvernement de l'Égypte a dû décréter la loi martiale, qui n'entre toutefois pas en contradiction avec les dispositions de la Constitution et dont les modalités ont été approuvées par le Parlement de manière à ce que qu'elle ne soit pas incompatible avec les obligations internationales de l'Égypte en matière de droits de l'homme. D'un autre côté, des efforts de modernisation des prisons et de lutte contre la torture ont été entrepris. Enfin, entre autres mesures ponctuelles, le Gouvernement a décrété l'abolition de la peine de travaux forcés; abrogé certains articles de la loi martiale attentatoires aux libertés et libéralisé la législation sur la presse.
M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a affirmé que l'histoire du siècle dernier a été celle de l'apparition, de la consolidation et de l'expansion de l'impérialisme américain. La «superpuissance» s'efforce désormais de transposer ses méthodes électorales mafieuses au sein de cette Commission pour s'y maintenir comme membre, a ajouté le représentant cubain. Il a rappelé que les États-Unis avaient été exclus de cette Commission en 2002. Est-il possible de rassembler une communauté des démocraties sous l'égide du pays qui constitue la principale menace à la démocratie, à la liberté, à la paix et au développement durable du monde, a demandé le représentant cubain? Le peuple cubain a mis en place une démocratie fondée sur la participation, l'équité, la justice sociale et la solidarité, a-t-il poursuivi. Il a souligné que le peuple cubain s'est vu contraint de se doter d'instruments juridiques pour sanctionner les activités d'éléments mercenaires financés par une puissance étrangère et travaillant à son service afin d'imposer sa domination au peuple cubain. Les États-Unis, qui se disent engagés contre le terrorisme, assurent l'impunité aux terroristes qui agissent contre le peuple cubain à partir de Miami, a affirmé le représentant de Cuba.
M. RICHARD S. WILLIAMSON (États-Unis) a souligné la nécessité de mécanismes pour garantir la protection effective des droits de l'homme. Les sociétés doivent élaborer des protections pour l'autonomie et la dignité individuelles et contre toute forme de coercition, qu'elle vienne de la société, de l'État ou des églises. Elles doivent développer des institutions qui inscrivent les droits civils et politiques dans les tendances et traditions de la société. Les sociétés qui respectent les droits civils et politiques, pratiquent la démocratie et respectent le droit réussissent mieux à assurer la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels. Le progrès de la démocratie et l'ouverture économique sont les meilleures bases de la stabilité intérieure et de l'ordre international. Les nations démocratiques doivent vigoureusement promouvoir les réformes politiques, civiles et économiques dans les pays en voie de démocratisation. Les États-Unis sont déterminés à promouvoir les droits de l'homme et les libertés fondamentales, principalement en élargissant la communauté des démocraties et en aidant les nouvelles démocraties. Les États-Unis sont co-auteurs d'une résolution sur la promotion de la démocratie notamment par le biais du renforcement du rôle de système des droits de l'homme des Nations Unies dans ce domaine, a indiqué le représentant qui a demandé à toutes les démocraties de se porter co-auteurs de ce texte
M. SUMEDHA EKANAYAKE (Sri Lanka) a fait valoir que son pays avait, au fil des ans, renforcé son système national de défense des droits de l'homme, de même qu'il avait régulièrement invité les Rapporteurs spéciaux, Groupes de travail et organes conventionnels. Son adhésion au Pacte sur les droits civils et politiques en 1997 permet aujourd'hui aux citoyens sri-lankais de demander à un comité des droits de l'homme d'enquêter les allégations de violations de leurs droits de l'homme. Sri Lanka a également signé la Convention contre la torture en 1994. Le représentant a par ailleurs fait valoir que, deux ans après la signature du cessez-le-feu entre le Gouvernement et les Tigres de libération de l'Eelam tamoul, on constate une diminution spectaculaire des allégations de violations des droits de l'homme, ce qui peut être attribué à l'amélioration des conditions qu'a permis le processus de paix. Le représentant sri-lankais s'est par ailleurs félicité de ce que le rapport du Groupe de travail sur les disparitions forcées ne signale qu'un seul cas de ce type depuis deux ans dans son pays. Les allégations de torture ont également fortement diminué. Au plan institutionnel, la loi sur la diffamation a été abrogée, une commission d'examen des plaintes relatives à la presse a été établie, de même qu'un groupe de travail présidentiel destiné à formuler une politique nationale sur les médias. Des mesures ont été prises pour la création à terme d'un institut de formation des journalistes. Enfin, l'établissement du Conseil multiethnique et de commissions indépendantes sur les droits de l'homme, la police ou les élections, par exemple, sont autant de signes que Sri Lanka est décidée à renforcer la bonne gouvernance, la responsabilité et la transparence de ses institutions, a conclu le représentant.
M. SERGIO CERDA (Argentine, au nom des pays du MERCOSUR) a réaffirmé sa conviction que la pleine jouissance des droits de l'homme est liée de façon inextricable à la démocratie représentative et à l'État de droit. Le représentant a affirmé que la résolution «Démocratie et droits de l'homme» qui sera soumise à la Commission à la présente session sera centrée sur les apports de diverses organisations régionales et sous-régionales à la protection de la démocratie et de l'État de droit, comme prérequis fondamental du respect des droits de l'homme. Les pays du MERCOSUR considèrent la démocratie comme une garantie de paix et de développement économique et ont adopté en 2001 une «Charte de la démocratie interaméricaine». Le représentant a par ailleurs souligné que la suspension de ses institutions démocratiques par un des pays membres du MERCOSUR est un motif d'exclusion. Enfin, le représentant s'est dit conscient que les efforts internationaux, régionaux et sous-régionaux de défense et de consolidation de la démocratie doivent inclure des stratégies viables de développement et de réduction de la pauvreté.
M. ELSADIG ALMAGLY (Soudan) a réaffirmé l'engagement de son pays en faveur des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il a évoqué l'adoption d'un plan d'action dans ce sens ainsi que la coopération avec le Haut Commissariat aux droits de l'homme qui s'est traduite notamment par l'organisation de plusieurs séminaires de formation. Le Soudant est soucieux de garantir la primauté du droit et les progrès de la démocratie et des mesures ont notamment été prises pour garantir la liberté de la presse et d'expression. S'agissant du terrorisme, le Soudan continue à coopérer sur le plan international et un bureau spécial a été créé pour coordonner la lutte contre le terrorisme. Pour ce qui est de la peine de mort, il a rappelé que la Constitution interdit son application aux mineurs, qu'elle n'est prévue que pour les crimes les plus graves et qu'elle peut être commuée moyennant le paiement du prix du sang à la famille des victimes. Il a par ailleurs insisté sur le fait que la priorité du Gouvernement est la restauration de la paix dans le pays. Il a dénoncé la propagande diffusée par les extrémistes selon lesquels le Gouvernement aurait provoqué le conflit.
Droit de réponse
M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) s'est dit étonné d'avoir entendu le représentant des États-Unis parler de mensonges. En effet, aucun représentant de Cuba n'a menti devant le Conseil de sécurité au sujet d'armes de destruction massive. Le représentant cubain a ajouté qu'un membre de la délégation des États-Unis est un terroriste et que Cuba continuerait de le dire tant qu'il sera dans la salle, et que Cuba continuerait de dire la vérité sur l'histoire de l'agression des États-Unis contre Cuba. Le fait est que la délégation des États-Unis est allergique à l'histoire. Dans la résolution sur les droits de l'homme en Iraq, les États-Unis se sont efforcés de faire abstraction des crimes commis par la force d'occupation contre les droits de l'homme du peuple iraquien. Le Gouvernement des États-Unis n'avait-il pas envisagé d'assassiner Fidel Castro avant même le triomphe de la révolution? Les États-Unis ne sont-ils pas à l'origine du microbe qui a diffusé l'épidémie de dengue hémorragique et a causé de nombreuses morts à Cuba?
M. JEFFREY DE LAURENTIS (États-Unis) a déclaré que sa délégation n'acceptera pas que l'un de ses membres fasse l'objet de diffamation.
M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) s'est alors demandé si, pour les États-Unis, la vérité équivalait à une diffamation.
* *** *
Rectificatif :
Dans le compte rendu HR/CN/04/28 du 30 mars (après-midi), la déclaration du représentant de l'organisation non gouvernementale «Dominicains pour justice et paix» doit se lire comme suit :
M. PHILIPPE LEBLANC (Dominicains pour justice et paix, au nom également de Pax Christi International et Dominican leadership Conference) a dénoncé les violations des droits économiques, sociaux et culturels des peuples dont les territoires ont été utilisés par des gouvernements étrangers à des fins d'entraînement de leurs forces militaires. Dans certains cas, les résidus toxiques de décennies d'activités militaires ont empoisonné l'air, l'eau, le sol, les animaux et la flore. De telles pratiques ont violé les droits des populations concernées à vivre dans un environnement durable, leur droit au développement et à la santé physique et mentale. Tel est le cas à Vieques, Porto Rico, ainsi qu'à Zambales, Pampanga, Bataan et Tarlac aux Philippines. La Commission devrait inscrire à son ordre du jour la question de l'héritage toxique laissé par les activités militaires des États-Unis et étudier l'impact de ces activités sur le droit à la santé et à l'environnement. Les États-Unis devraient être priés de réparer entièrement les dommages subis par les victimes et de garantir la participation citoyenne aux décisions concernant l'enlèvement des déchets toxiques à Vieques et aux Philippines.
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