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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION ÉTUDIE DES RAPPORTS SUR L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE, LA TORTURE ET LES EXÉCUTIONS EXTRAJUDICIAIRES

04 Avril 2005

Commission des droits de l'homme
MATIN

4 avril 2005


Elle entend la Ministre brésilienne chargée de l'équité raciale

Elle observe une minute de silence à la mémoire du Pape Jean-Paul II


La Commission des droits de l'homme a poursuivi ce matin l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques en entendant les présentations de rapports sur l'indépendance des juges et des avocats, la torture et les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. La Commission a par ailleurs entendu la Ministre chargée des politiques d'équité raciale du Brésil, Mme Matilde Ribeiro, qui est intervenue sur les efforts déployés par son pays dans la lutte contre la discrimination raciale.

À l'ouverture de la séance, la Commission a observé une minute de silence à la mémoire du Pape Jean-Paul II, décédé le 2 avril. Le Président de la Commission, M. Makarim Wibisono, et la Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Mme Louise Arbour, sont intervenus pour rendre hommage au Pape, ainsi que les représentants du Saint-Siège et de la Pologne.

Dans le cadre du débat général sur la question des droits civils et politiques, M. Rainer Funke, Président du Comité des droits de l'homme et de l'assistance humanitaire du Parlement allemand, a souligné la ferme conviction du Bundestag que l'interdiction de la torture et des traitements inhumains doit être absolue et qu'aucune exception n'est recevable à cet égard.

Le nouveau Rapporteur spécial sur la torture, M. Manfred Nowak, a présenté un rapport axé sur la question du commerce et de la production d'équipements spécifiquement conçus pour infliger des actes de torture. La prévention de la torture passe également par la lutte contre ce commerce, a souligné la Rapporteur spécial. Il a par ailleurs souligné que certains des États qui n'ont jamais répondu aux appels urgents ou qui n'ont répondu que rarement, comptent parmi les membres récents de la Commission. M. Nowak a ensuite exprimé sa préoccupation s'agissant des États qui tentent d'atténuer l'obligation absolue de ne pas recourir à la torture, notamment dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme.

Son pays étant directement concerné par le rapport de M. Nowak, le représentant de la Géorgie a fait une déclaration. A suivi un dialogue interactif avec le Rapporteur spécial au cours duquel ont pris la parole les représentants de l'Argentine, du Sri Lanka, du Canada, du Pérou, Luxembourg, Suisse, Cuba, Bélarus, Norvège, Mexique et de la Nouvelle-Zélande.

Dans le cadre également de l'examen de la question des droits civils et politiques, le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, M. Leandro Despouy, a rappelé que la lutte contre le terrorisme devait se faire dans le respect des règles de l'État de droit. Il a par ailleurs souligné qu'il n'a pas été possible pour les mécanismes spéciaux de la Commission qui en ont fait la demande au Gouvernement des États-Unis de se rendre dans les prisons en Iraq, en Afghanistan et dans d'autres lieux. Le Rapporteur spécial a exprimé le souhait que la Commission décide d'établir un mécanisme spécial qui serait chargé de vérifier la compatibilité de moyens de lutte contre le terrorisme avec le droit international relatif aux droits de l'homme. Il a ensuite exprimé sa profonde préoccupation face aux assassinats perpétrés contre des magistrats, aux pressions exercées sur les avocats et aux interférences du pouvoir exécutif dans le déroulement de la justice. De tels procédés, a-t-il souligné, sont, hélas, de plus en plus fréquents.

Les représentants du Kazakhstan, du Brésil et de l'Équateur ont fait des déclarations, M. Despouy ayant effectué des missions dans ces trois pays. Ont participé au dialogue interactif avec le Rapporteur spécial les représentants des pays suivants: Guatemala, Argentine, Costa Rica, Cuba, Hongrie, Luxembourg et Bélarus.

Le nouveau Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Philip Alston, a pour sa part attiré l'attention sur la proportion catastrophique de questions adressées aux gouvernements qui restent sans réponse. Il a dénoncé des pratiques de plus en plus courantes qui cherchent à justifier des actions injustifiables, ainsi que les arguments selon lesquels l'élimination de terroristes connus est plus efficace et coûte moins de vies qu'un conflit traditionnel.

Son pays étant directement concerné par le rapport de M. Alston, le représentant du Soudan a fait une déclaration. Les représentants de l'Argentine, de Cuba, du Canada, du Bélarus, du Luxembourg, de la Suisse, de la Norvège, du Pérou et de la Nouvelle-Zélande ont ensuite participé au dialogue interactif avec le Rapporteur spécial.


La Commission entendra, cet après-midi, les réponses de M. Alston aux questions et commentaires présentés dans le cadre du dialogue interactif. Les Présidents-Rapporteurs des Groupes de travail chargés respectivement de la détention arbitraire et des disparitions forcées et involontaires présenteront ensuite leurs rapports, suivis de la Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction. La Commission devrait par la suite reprendre son débat général sur les droits civils et politiques pour entendre deux États membres et les premières parmi près de cent organisations non gouvernementales inscrites sur la liste des orateurs au titre de ce point.


Hommages à Jean-Paul II

M. MAKARIM WIBISONO, Président de la Commission, a déclaré que chacun est profondément attristé par le décès du Pape Jean-Paul II qui fut l'un des chefs spirituels les plus marquants de notre époque. Il fut l'artisan infatigable de la défense de la dignité humaine, des libertés fondamentales et de la justice sociale, militant pour la paix dans toutes les parties du monde. Son message et son œuvre ont touché la vie de tous et en particulier des plus vulnérables. La Commission tient à exprimer ses condoléances au Saint-Siège et à la Pologne, pays natal du Pape.

La Commission a ensuite observé une minute de silence

Après que la Commission eut observé une minute de silence suite au décès, samedi soir, du Pape Jean-Paul II, M. SILVANO M. TOMASI (Saint Siège) a exprimé sa profonde peine face à la perte d'un homme extraordinaire qui a lutté pour les valeurs de paix et de liberté. Le Pape Jean-Paul II a été porteur d'un message de coexistence et a ouvert une voie nouvelle au dialogue inter-religieux. Il a également ouvert de nouveaux horizons, tant à l'intérieur de l'Église qu'au sein de la communauté internationale. Le Pape Jean-Paul II a indiqué la voie de l'avenir, a insisté Monseigneur.

M. ZDZISLAW RAPACKI (Pologne) a déclaré que la nouvelle du décès du Pape Jean-Paul II a plongé la Pologne et le monde dans la tristesse. Un grand Polonais a terminé son pèlerinage terrestre, a-t-il affirmé. Il s'agit d'une grande perte pour l'ensemble de la communauté des peuples et des nations, a insisté le représentant. Le Pape Jean-Paul II était une personne exceptionnelle, l'architecte du monde moderne. Il a touché le cœur et l'esprit des hommes, apportant la sagesse, la justice et le bien. Il a été porteur d'un espoir devenu une réalité en Europe et dans le monde lorsque le rideau de fer est tombé, a rappelé le représentant polonais. Les mots qu'a prononcés le Pape ont eu le pouvoir de faire tomber des murs de haine et d'intolérance. Il a en outre été le premier Pape à entrer dans une synagogue et dans une mosquée. Ainsi, a-t-il traversé de nombreuses barrières présentes dans l'esprit de l'être humain. Il s'agit du meilleur champion de la cause des droits de l'homme.

MME LOUISE ARBOUR, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l'homme, a affirmé que la profondeur des sentiments et de l'émotion soulevés par la mort du Pape Jean Paul II était plus qu'une expression de tristesse face à la mort d'un personnage extrêmement important. Exprimant sa grande tristesse, elle a rendu hommage aux efforts inlassables de Jean Paul II pour faire avancer le dialogue entre les cultures. Nous nous souviendrons de lui et serons toujours inspirés par sa recherche de paix, a déclaré Mme Arbour.


Déclaration de la Ministre brésilienne chargée des politiques d'équité raciale

MME MATILDE RIBEIRO, Ministre, Secrétariat spécial de la Présidence du Brésil chargé des politiques d'équité raciale, a rappelé que son pays comptait 27 États et plus de 5000 municipalités, pour une population d'environ 170 millions d'habitants, dont 46,2% de Noirs. Le Brésil a connu le phénomène du racisme, a-t-elle dit, précisant que les populations noire et autochtone avaient été exclues de l'accès aux biens et services. Le Brésil a élaboré une politique nationale de promotion de l'égalité raciale, a-t-elle ajouté, attirant notamment l'attention sur la création d'un Conseil national de promotion d'égalité raciale, où sont représentées les minorités, et d'un Forum intergouvernemental de promotion de l'égalité raciale qui a pour objectif de coordonner les différentes administrations dans ce domaine. Au niveau international, les efforts du Brésil en matière de lutte contre la discrimination raciale se sont concentrés sur l'Afrique, l'Amérique latine et les Caraïbes. Mme Ribeiro a en outre mis l'accent sur la nécessité d'aider les pays à mettre en œuvre les engagements de la Conférence de Durban et à en assurer le suivi. La Ministre a par ailleurs dénoncé les abus et les manipulations opérés au sein de sociétés démocratiques par des organisations politiques qui font la promotion du racisme et de la xénophobie.

La Ministre brésilienne a également indiqué qu'au niveau juridique, la Constitution fédérale du Brésil établissait l'égalité de tous devant la loi, interdisait la discrimination ethnique et raciale et voyait dans le racisme un crime qui ne pouvait faire l'objet d'une prescription en ce qui concerne les peines encourues. Elle a souligné la complexité et l'ampleur des phénomènes sociaux de discrimination, précisant que l'État devait faire face à toutes les formes d'inégalités. Les politiques doivent être articulées à partir de ces objectifs, avec la participation des acteurs de la société civile, a-t-elle affirmé, notant que les défis étaient grands pour traduire de manière concrète de telles actions. L'intégration explicite de la diversité dans les actions du Gouvernement, en particulier de la diversité des sexes et des races, est essentielle au plein exercice des droits civils, a-t-elle conclu.


Déclaration dans le cadre du débat général sur la question des droits civils et politiques

M. RAINER FUNKE (Allemagne) a déclaré, à titre de Président du Comité des droits de l'homme et de l'assistance humanitaire du Bundestag, que le Parlement allemand a la très ferme conviction que l'interdiction de la torture et des traitement inhumains doit être absolue et doit s'appliquer à toutes les circonstances possibles tant au titre de la Convention européenne sur la protection des droits de l'homme et des libertés fondamentales qu'à celui de la Convention des Nations Unies contre la torture. Pourtant, des dizaines de milliers de cas de torture ont lieu chaque année, sons compter les nombreux cas pour lesquels aucune information n'est disponible. Il faut donc veiller à ce que la torture soit interdite en toute circonstance. Cela doit être énoncé et dit de façon claire et répétée. Le Gouvernement et le Bundestag ont déclaré de façon univoque qu'aucune exception n'est recevable à cet égard. Le représentant a en outre fait savoir que le processus de ratification par l'Allemagne du Protocole facultatif à la Convention contre la torture a été lancé. Le Bundestag se félicite de cette évolution et espère que l'Allemagne ratifiera le Protocole facultatif avant la fin de l'année.

Le représentant allemand a également abordé la question de la résurgence récente de l'antisémitisme et a souhaité que les Nations Unies s'inspirent de la conférence sur l'antisémitisme qui s'est tenue à Berlin en avril 2004 au cours de laquelle les pays de l'Organisation pour la sécurité et la défense en Europe se sont mis d'accord sur des mesures importantes pour combatte ce phénomène dans la région. En conclusion, le représentant a soulevé la question des dalits, qui souffrent en Inde de discrimination en raison de leur ascendance. Il s'est félicité de l'amélioration de leur situation dans les villes mais a déploré la discrimination systématique dont ils souffrent dans les villages. Il a demandé que des mesures soient prises contre ce phénomène.


Présentation du rapport sur l'indépendance des juges et des avocats


M. LEANDRO DESPOUY, Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, a centré son intervention sur la question de l'impact de la lutte contre le terrorisme sur les droits de l'homme et l'administration de la justice. Il a notamment rappelé que la lutte contre le terrorisme devait se faire dans le respect des règles de l'État de droit. Soulignant que son rapport aborde la question des personnes détenues à Guantanamo, il a rappelé que la Cour suprême des États-Unis avait affirmé que ces détenus bénéficiaient de l'habeas corpus. Il a par ailleurs souligné qu'il n'a pas été possible pour les mécanismes spéciaux de la Commission qui en ont fait la demande de se rendre dans les prisons en Iraq, en Afghanistan et dans d'autres lieux, bien que les États-Unis aient accepté de dialoguer avec ces mécanismes.

M. Despouy a relevé que les textes adoptés pour lutter contre le terrorisme peuvent porter gravement atteinte à l'intégrité des personnes détenues et à leur droit d'être jugées par un tribunal impartial et indépendant. La législation et les moyens de lutte contre le terrorisme peuvent entraîner une régression du principe de légalité et provoquer une véritable mutation de l'État de droit, a-t-il insisté. Il a rappelé que la lutte contre le terrorisme et la préservation de la sécurité doivent se faire dans le respect des normes internationales relatives aux droits de l'homme. La qualification juridique des faits reprochés à une personne doit émaner d'une autorité indépendante, a précisé le Rapporteur spécial. Ne pas respecter ce principe équivaut à nier l'une des conquêtes les plus importantes du droit international de ces dernières années, a-t-il insisté. Aussi, M. Despouy a-t-il exprimé le souhait que la Commission décide d'établir un mécanisme spécial qui serait chargé de vérifier la compatibilité de moyens de lutte contre le terrorisme avec le droit international relatif aux droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a ensuite exprimé sa profonde préoccupation face aux assassinats perpétrés contre des magistrats, face aux pressions exercées sur les avocats et face aux interférences du pouvoir exécutif dans le déroulement de la justice. De tels procédés, a-t-il souligné, sont, hélas, de plus en plus fréquents. M. Despouy a souligné que le droit international englobe des instruments juridiques permettant de faire face à la violence avec efficacité tout en assurant le respect des droits de l'homme. Le Rapporteur spécial a par ailleurs mis l'accent sur l'importance des interventions d'urgence des mécanismes spéciaux de la Commission, qui permettent dans certaines situations données de favoriser des solutions de sortie de crise inspirées par le respect des droits de l'homme.

Le rapport sur l'indépendance des juges et des avocats paraîtra sous la cote E/CN.4/2005/60. L'additif 1 au rapport contient un résumé des appels urgents et allégations adressées par le Rapporteur spécial aux gouvernements concernés, ainsi que les réponses reçues des gouvernements.

Dans l'additif 2 à son rapport, qui concerne sa mission au Kazakhstan, effectuée du 11 au 17 juin 2004, le Rapporteur spécial indique avoir eu des entretiens approfondis avec de hauts fonctionnaires et avoir pu rencontrer librement de très nombreux interlocuteurs. Il s'efforce de fournir un tableau des faits nouveaux institutionnels et juridiques qui touchent la magistrature depuis 1991. Sont mises en exergue des mesures décisives, tel le moratoire de décembre 2003 sur la peine de mort, qui font espérer que la situation évolue dans la bonne direction. Cependant, la magistrature demeure, tant sur le plan institutionnel qu'en pratique, fortement dépendante de la volonté de l'exécutif et des puissances économiques, affirme le rapport. À l'évidence, le procureur constitue un goulet d'étranglement majeur car il peut intervenir en matière pénale comme en matière civile. Aucun progrès vers l'indépendance ne pourra être réalisé tant que des changements radicaux n'auront pas été introduits pour rééquilibrer la compétence et les pouvoirs du procureur, du juge et de l'avocat de la défense, insiste le rapport. La corruption des juges demeure l'une des principales sources de préoccupation et un réel problème auquel il faut s'attaquer d'urgence et avec détermination, ajoute le rapport.

Dans l'additif 3 à son rapport, qui concerne sa mission au Brésil, le Rapporteur spécial souligne que sa visite est intervenue à un moment où un grand débat sur la réforme de la justice partageait l'opinion. Ladite réforme a été approuvée en grande partie par le Sénat peu de temps après (en novembre 2004) et est entrée en vigueur le 31 décembre 2004. Le rapport met en relief les principales difficultés, à savoir: la difficulté d'accès à la justice, la lenteur et la morosité notoire de la justice, la faible représentation des femmes, des personnes d'ascendance africaine et des autochtones dans les hautes sphères de la magistrature, une certaine tendance au népotisme et le fait que les membres du corps judiciaire ne sont pas recrutés sur concours. Le premier de ces problèmes est assurément le plus grave dans la mesure où une grande partie de la population ne peut pas accéder à la justice ou est victime de discrimination dans l'administration de la justice pour des raisons d'ordre social, économique ou culturel ou parce qu'il s'agit de personnes qui souffrent d'exclusion sociale. Autre grand problème, la morosité de la justice: c'est ainsi que des années s'écoulent avant que les jugements soient prononcés.

Dans l'additif 4 au rapport, le Rapporteur spécial rend compte de sa visite en Équateur. Ce rapport n'est pour l'instant disponible qu'en anglais et en espagnol.


Déclarations de pays concernés

M. ZHOLYMBET N. BAISHEV (Kazakhstan) a tout d'abord exprimé ses regrets suite au décès du Pape Jean-Paul II. Il s'est ensuite félicité du rapport du Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats, qu'il a qualifié d'équilibré. Il a jugé utiles les recommandations contenues dans ce rapport et a assuré que son pays prendrait les mesures nécessaires en vue de leur mise en oeuvre. Au Kazakhstan, a-t-il poursuivi, le pouvoir judiciaire est indépendant et les magistrats ne peuvent faire partie du système politique. Le Président de Kazakh a formulé des idées concrètes pour assurer la protection des citoyens, a-t-il ajouté. Il a indiqué qu'une commission a été mise en place afin d'améliorer le système judiciaire par le biais de réformes dont l'objectif est de simplifier l'administration de la justice et de renforcer les droits des citoyens. Pour ce qui est de la procédure, les citoyens peuvent faire appel, a souligné le représentant. Les magistrats sont en outre plus qualifiés qu'auparavant et le rôle des avocats dans la procédure judiciaire a été renforcé.

L'intégrité des magistrats a été renforcée par une augmentation des salaires, a poursuivi M. Baishev. Ils sont désormais les fonctionnaires les mieux payés de l'administration et perçoivent en moyenne les mêmes émoluments que ceux d'un ministre, ce qui permet d'éviter la corruption. Ils sont nommés à vie tandis que la présidence du tribunal est une fonction qui est assurée par rotation. Depuis le 1er janvier 2004, des peines de privation de liberté remplacent la peine de mort. De plus, les droits des détenus sont respectés: ils reçoivent une éducation gratuite, ont accès aux services de psychologues et peuvent exercer leurs convictions religieuses.

M. SÉRGIO TAMM RENAULT (Brésil), rappelant que son pays comportait la plus forte population de catholiques au monde, s'est associé à l'hommage rendu au Pape Jean-Paul II. Ainsi qu'à pu le constater le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats au cours de sa mission au Brésil, l'indépendance des juges et des avocats constitue l'un des principaux piliers du système politique brésilien, a ensuite fait valoir le représentant. Les retards dans l'administration de la justice et l'inefficacité du système judiciaire sont des problèmes qui sont mis en avant pour justifier une réforme de la justice, a-t-il néanmoins souligné. Les problèmes que rencontre le système judiciaire brésilien sont complexes et requièrent, pour être réglés, des initiatives de diverses natures, a-t-il indiqué. La réforme se fera avec et par les juges eux-mêmes, a-t-il assuré. Il faut remédier à la lenteur de la justice, qui a des conséquences sur la vie des gens, a poursuivi le représentant brésilien. Il faut assurer une plus grande efficacité aux décisions des tribunaux de rang inférieur, simplifier le système d'appel et garantir à chacun le droit à la défense assisté d'un conseil juridique. Le représentant a attiré l'attention sur l'initiative majeure qu'a constitué la création du Conseil national de justice, laquelle rend le secteur judiciaire plus transparent et le soumet à plusieurs degrés de contrôle social.

MME LETICIA BAQUERIZO GUZMÁN (Équateur) s'est félicitée de la venue du Rapporteur spécial dans son pays et a rappelé qu'il a pu compter sur l'appui du Gouvernement. Il a eu des entrevues avec le Président du Congrès, des députés de différents groupes politiques et des représentants de la justice. Il a également rencontré des membres de la justice civile dans un climat de transparence. Il a pu bénéficier d'un niveau élevé de coopération. L'Équateur est déterminé à respecter ses engagements internationaux. À cette fin, des décisions importantes ont été prises afin de remplir la mission historique qui consiste à avoir un système judiciaire libre de toute influence partisane. L'Équateur fait siens les principes des Nations Unies et reconnaît l'importance de l'exercice démocratique et de la participation de la population aux décisions. Le Gouvernement équatorien est convaincu de la nécessité d'une amélioration des institutions de la justice car il est acquis au respect strict des libertés fondamentales et du respect de l'État de droit. C'est pourquoi il s'engage à examiner les recommandations du rapport et à les mettre en œuvre dans les plus brefs délais.

Le Rapporteur spécial ayant souligné la nécessité d'une réforme juridique en vue d'une restructuration des tribunaux et leur dépolitisation, le Président équatorien a proposé au Parlement, le 28 mars dernier, un projet de loi organique de réforme de la justice orienté essentiellement vers l'objectif d'une justice effectivement au service de consolidation de la pleine démocratie participative et l'application effective et le plein respect des droits fondamentaux de la personne. Enfin, la représentante de l'Équateur a fait savoir que son pays souhaite disposer de cours de justice indépendantes et impartiales.


Dialogue interactif

M. JORGE CABRERA HURTATE (Guatemala) a souligné les progrès accomplis par son pays dans la promotion de l'État de droit. Des tribunaux communautaires ont été créés et l'on a établi des glossaires de termes juridiques mayas ont été établis afin d'assurer une meilleure représentativité pluriculturelle au sein de la justice, a-t-il fait valoir. Le représentant a en outre souligné que les juges ont été formés au droit coutumier afin de privilégier le règlement des litiges par la voie de la conciliation et de la médiation. Des tribunaux mobiles ont par ailleurs été mis en place afin de rapprocher la justice des populations les plus pauvres et isolées. Le représentant a également souligné la création de centres régionaux de justice qui ont permis de rationaliser la justice au niveau local. Le Guatemala souhaite poursuivre son dialogue avec le Rapporteur spécial sur l'indépendance des juges et des avocats et l'invite à se rendre dans le pays pour constater l'état de l'avancement des réformes en cours dans le pays.

M. SERGIO CERDA (Argentine) a salué les observations du Rapporteur spécial s'agissant des groupes vulnérables. Il a par ailleurs souligné que la question de l'exercice véritable de la justice ne dois pas échapper à la vigilance de la Commission, précisant que son pays préparait un projet de résolution sur le droit à la vérité.

M. LUIS VARELA QUIRÓS (Costa Rica) s'est associé aux condoléances exprimées à l'occasion de la mort du Pape. Il a ensuite salué le Rapporteur spécial pour son rapport et a indiqué qu'il partageait ses préoccupations, notamment s'agissant des mesures de lutte contre le terrorisme et de ses répercussions sur les garanties fondamentales dans le domaine de la justice. Abordant la question de la justice dans les périodes de transition, il a affirmé que lorsque l'indépendance du judiciaire n'était pas garantie, cela entraînait une vulnérabilité des droits de l'homme. Le représentant a ainsi mis l'accent sur la nécessité, pour assurer la justice dans les périodes de transition, de lutter contre l'impunité, de rétablir la vérité et de châtier les auteurs de crimes.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a également exprimé la douleur ressentie par son pays après la mort du Pape. Il a estimé que les recommandations du Rapporteur spécial fixaient les grandes lignes directrices du travail futur de la Commission dans le domaine de l'indépendance de la justice. Il a enfin déploré que le Gouvernement des États-Unis adopte des manœuvres dilatoires s'agissant de la coopération avec les mécanismes thématiques de la Commission. Il a ainsi demandé au Rapporteur spécial d'insister sur ses demandes de visiter la base de Guantanamo.

MME ORSOLYA TÓTH (Hongrie) a demandé au Rapporteur spécial s'il pensait être en mesure de présenter à l'Assemblée générale, lors de sa session d'autonome, le rapport complet de sa dernière mission en Équateur. Il a par ailleurs estimé que des mesures devraient être prises face au «cloisonnement» qui existe dans le flux de l'information entre les différents mécanismes de la Commission et au sein du Haut Commissariat.

MME DANIELA GREGR (Luxembourg) a présenté les condoléances et marques de compassion de l'Union européenne suite à la disparition du Pape Jean-Paul II. Elle a demandé au Rapporteur spécial quels sont les principales conséquences sur l'indépendance des juges de l'apparition de la doctrine des «combattants ennemis» dans le cadre de la lutte contre le terrorisme. Elle a aussi demandé des exemples de pays sortant de crise dans lesquels s'établit un équilibre entre la sauvegarde de la paix sociale et les enquêtes sur les violations des droits de l'homme. Dans ce cadre, elle a aussi demandé quelles sont les solutions les plus appropriées pour la reconversion des juges qui ont exercé leurs fonctions dans les systèmes précédant le retour de la paix.

M. ANDREI MOLCHAN (Bélarus) a salué l'approche équilibrée mise en œuvre par M. Leandro Despouy dans l'exercice de son mandat. Il s'est ensuite demandé dans quelle mesure la décision prise par la Cour suprême d'étendre le bénéfice de l'habeas corpus aux détenus de Guantanamo permettrait d'améliorer leur situation.

Reprenant la parole à la suite des questions et commentaires des intervenants, le Rapporteur spécial, M. DESPOUY s'est notamment félicité des mesures adoptées par le Kazakhstan en matière de réforme du pouvoir judiciaire. Le Rapporteur spécial s'est aussi dit encouragé par les efforts déployés par l'Équateur, avec notamment la décision du Président de la République d'assurer l'indépendance de la Cour suprême, rappelant que ces mesures présentent un caractère d'urgence. Le Rapporteur spécial a ensuite remercié le Guatemala pour son invitation. M. Despouy a reconnu que la question de l'extrême pauvreté était très importante. Aussi, continue-t-il de se pencher sur la question de l'accès des plus pauvres à ce service public qu'est la justice, un phénomène qui concerne tous les pays. Il a ensuite réitéré que de graves erreurs ont été commises par les États dans la lutte contre le terrorisme. Des garanties élémentaires comme le droit à la présomption d'innocence, le libre choix d'un avocat, la possibilité pour l'accusé de connaître les charges retenues contre lui, sont autant de droits essentiels qui sont bafoués. Le Rapporteur spécial s'efforcera de répondre à toutes les questions qui lui ont été posées dans le cadre de son prochain rapport.


Présentation du rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants

M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants, a souligné que l'essentiel de son rapport concerne l'étude sur la situation du commerce et de la production d'équipements spécifiquement conçus pour infliger des actes de torture. La prévention de la torture passe également par la lutte contre ce commerce, a-t-il souligné.

M. Nowak a par ailleurs indiqué que son rapport (additif 1) contient les informations relatives au suivi des recommandations du précédent Rapporteur spécial dans les pays suivants : Azerbaïdjan, Chili, Mexique, Fédération de Russie, Espagne, Turquie, et Ouzbékistan. Certains gouvernements ont bien voulu fournir toutes les informations nécessaires, s'est réjoui M. Nowak. Toutefois, il a regretté que la moitié des pays visités n'aient pas répondu aux demandes dans les délais impartis. Il a également regretté que certains pays n'aient jamais fourni d'informations de suivi, comme le Pakistan, le Venezuela, le Cameroun et le Kenya. Partant, il a insisté sur l'importance d'inscrire les relations avec les pays sur le long terme. M. Nowak a rappelé qu'il n'est pas possible au rapporteur spécial de mener à bien son mandat en l'absence de coopération des États, s'agissant d'allégations de mauvais traitements visant un de leurs ressortissants. Seuls les gouvernements ont les pouvoirs nécessaires pour mener des enquêtes complètes sur les allégations de torture, a-t-il souligné. M. Nowak a précisé que sur 991 appels urgents envoyés à 105 gouvernements, des réponses ont été reçues pour 403 cas, assurant ainsi un taux de réponse de 41%; 33 gouvernements n'ont jamais répondu. À cet égard, il a souligné que certains des États qui n'ont jamais répondu aux appels urgents ou qui n'ont répondu que rarement, comptent parmi les membres récents de la Commission des droits de l'homme. M. Nowak a ensuite exprimé sa préoccupation s'agissant des États qui tentent d'atténuer l'obligation absolue de ne pas recourir à la torture, notamment dans le cadre de leur lutte contre le terrorisme. Partant, il a rappelé le principe de l'interdiction absolue de la torture. Le Rapporteur spécial a souligné l'importance de mécanismes nationaux efficaces en matière de prévention de la torture et a estimé à cet égard que la ratification du Protocole facultatif à la Convention contre la torture est un pas important en ce sens.

Le rapport sur la torture et autres peines ou traitements cruels inhumains ou dégradants (E/CN.4/2005/62 et Add.1) souligne que l'obligation de prévenir la torture énoncée dans la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants suppose nécessairement l'adoption de mesures visant à mettre fin au commerce d'instruments qui peuvent facilement être utilisés pour infliger des tortures et des mauvais traitements. Pour mettre en œuvre une stratégie efficace, il faut que les États s'engagent et coopèrent aux niveaux national, régional et international. Le rapport recommande d'envisager d'élaborer un mécanisme de réglementation international, en prenant dûment en compte les travaux déjà réalisés dans ce domaine par la Commission européenne. Il recommande également d'adopter une législation pour contrôler et surveiller les activités de prestataires privés de services dans les domaines militaire, policier et sécuritaire afin qu'ils ne facilitent ni ne pratiquent la torture. Le rapport souligne enfin que le Comité contre la torture devrait aborder la question du commerce des instruments utilisés pour torturer dans le cadre de son examen des rapports des États parties.


Pays concerné

M. ALEXANDER CHIKVAIDZE (Géorgie) a adressé à tous les catholiques les condoléances de son pays après le décès du Pape. S'agissant du rapport sur la torture, il a rappelé qu'aucun pays n'est sans reproche, et certainement pas un pays qui a été privé pendant des siècles du luxe de posséder des traditions démocratiques et a subi le joug du totalitarisme. Le représentant a rappelé que le peuple géorgien s'était rallié il y a un an aux principes universels de la démocratie. La primauté du droit a été rétablie, portant un coup fatal à la corruption qui paralysait le pays. L'impunité est désormais dans le collimateur du Gouvernement géorgien. Grâce à l'aide précieuse des États-Unis, une force de police bien équipée a été mise sur pied, a-t-il poursuivi, soulignement l'attachement de son gouvernement à doter le pays d'une force de police en qui l'on peut faire entièrement confiance. Il a également mis l'accent sur la nécessité de pouvoir se rendre dans les lieux de détention. Il a en outre annoncé la ratification éminente du Protocole facultatif à la Convention contre la torture.

Le Rapporteur spécial a fait des recommandations de grande portée qui permettront d'améliorer la situation dans le pays, a estimé le représentant géorgien. Ses recommandations ont été bien reçues à Tbilissi et leur examen a été confié aux différents services gouvernementaux concernés pour leur mise en œuvre. La Géorgie s'efforce d'éliminer les pires séquelles du passé, a-t-il dit, exprimant la reconnaissance de son pays à la communauté internationale pour son aide. La Géorgie est bien déterminée garantir un niveau élevé de protection des droits de l'homme, a-t-il conclu.


Dialogue interactif

M. SERGIO CERDA (Argentine) a présenté ses condoléances au Saint-Siège suite au décès de Jean-Paul II. Il a ensuite demandé quel suivi sera donné à la question du commerce des instruments utilisés pour la torture. Il a aussi soulevé la question de la difficulté, pour les États fédéraux tels que l'Argentine, d'appliquer le Protocole facultatif.

M. SUGEESHWARA GUNARATNA (Sri Lanka) a regretté que les additifs au rapport du Rapporteur spécial paraissent très tardivement, car cela gêne la préparation au dialogue interactif. Il a aussi demandé au Rapporteur spécial quels sont les critères qu'il utilise pour sélectionner les communications qu'il transmet aux gouvernements.

M. PAUL MEYER (Canada) a demandé quelles sont les actions les plus efficaces pour encourager les gouvernements à prendre des mesures contre la torture. Quels sont en outre les indicateurs clé dont doivent être conscients les juges pour savoir si des aveux sont dus à la pratique de la torture?

M. ALEJANDRO NEYRA SÁNCHEZ (Pérou) a souhaité la mise en place d'un mécanisme régulateur international en ce qui concerne les équipements servant à pratiquer la torture. Outre les expériences européennes, existe-t-il d'autres expériences qui pourrait converger vers l'élaboration d'un instrument contre la production d'équipements servant à la torture?

MME DANIELA GREGR (Luxembourg) a demandé comment il est possible d'améliorer le suivi des recommandations faites par le Rapporteur spécial. Elle a aussi demandé si des plans existent pour contribuer au suivi de l'interdiction de la production d'instruments utilisés pour la torture.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a attiré l'attention sur la nécessité de surveiller les transferts de matériel pouvant servir à infliger des tortures et a dénoncé les tentatives faites pour contourner l'interdiction de la torture. Il a demandé au Rapporteur spécial s'il envisageait d'examiner les liens possibles entre ces deux problématiques.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a déclaré que les États-Unis essayaient de reformuler la portée même de la Convention contre la torture. Il s'est en outre inquiété du sort des prisonniers détenus en Iraq, en Afghanistan et à Guantanamo.

M. ANDREI MOLCHAN (Bélarus) a rappelé que son pays était absent de la liste de ceux qui violent la Convention contre la torture. Il a en outre demandé au Rapporteur spécial d'évaluer le degré de coopération des pays lorsque des appels leur sont lancés et des préoccupations exprimées à leur égard. À cet égard, il a notamment attiré l'attention sur le sort des personnes détenues en Iraq, en Afghanistan et à Guantanamo.

MME ANNE MERCHANT (Norvège) a demandé au Rapporteur spécial sur la torture s'il avait l'intention d'examiner de plus près la question de la violence sexuelle exercée contre les femmes. Serait-il possible pour le Rapporteur spécial de mettre en relief les défis les plus importants en matière de torture contre les femmes? Que peuvent faire les rapporteurs spéciaux pour améliorer le volume des réponses apportées par les États aux appels urgents qui leur sont adressés?

M. JOSÉ ANTONIO GUEVARA (Mexique) a souligné que son pays avait ratifié le Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture qui introduit un mécanisme de visites dans les lieux de détention. Le représentant mexicain a en outre demandé au Rapporteur spécial qu'il fournisse davantage d'informations sur la façon dont il envisage d'accomplir son mandat.

MME NICOLA HILL (Nouvelle Zélande) a souhaité que le Rapporteur spécial sur la torture apporte des éclaircissements sur le principe de non-refoulement contenu dans la Convention contre la torture.

M. MANFRED NOWAK, Rapporteur spécial, a remercié le Gouvernement géorgien pour l'avoir invité à se rendre dans ce pays et pour avoir tenu compte de ses recommandations. S'agissant de la manière dont le Protocole facultatif à la Convention contre la torture s'applique dans un État fédéral, le Rapporteur spécial a expliqué qu'aux fins de la mise en œuvre de ce Protocole, il convient de mettre en place des mécanismes fédéraux pour organiser des visites au niveau fédéral. M. Nowak a par ailleurs indiqué qu'il examinait scrupuleusement les plaintes déposées par des individus avant de les soumettre aux gouvernements. Lorsqu'il reçoit une accusation, un gouvernement devrait être en mesure de mener une enquête afin d'en vérifier le bien-fondé. Le Rapporteur spécial a par ailleurs fait savoir qu'il a été demandé aux États-Unis d'autoriser la visite du camp de Guantanamo et d'autres centres de détention et a formulé l'espoir que les négociations à cette fin aboutissent rapidement.


Présentation du rapport sur les exécutions extrajudiciaires

M. PHILIP ALSTON, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, a indiqué qu'il souhaitait proposer des changements dans l'approche adoptée jusque-là dans le cadre de son mandat. Il a ainsi souligné qu'il préférait accorder une importance accrue à une communication qualitative plutôt que quantitative. Il a en outre évoqué le taux catastrophique de non réponse aux questions adressées aux gouvernements. Le Rapporteur spécial a déclaré que le droit international était toujours défié dans ce domaine. Il a dénoncé des pratiques de plus en plus courantes qui cherchent à justifier des actions injustifiées, ainsi que les arguments selon lesquels l'élimination de terroristes connus est plus efficace et coûte moins de vies qu'un conflit traditionnel. La Commission doit souligner que les efforts visant à combattre le terrorisme doivent être toujours effectués dans un cadre respectant les droits de l'homme et le droit humanitaire, a-t-il indiqué. Il est important dans ce contexte, a-t-il précisé, que des rapports très détaillés soient entrepris et rendus publics. Dans un contexte de transparence, il s'est également dit surpris que les informations concernant la peine de mort soient souvent gardées secrètes. Peu d'informations sont également fournies aux familles, a-t-il noté. Le Rapporteur spécial a affirmé qu'il était indispensable que le processus démocratique puisse permettre de savoir ce qui se passe. Il a ainsi lancé un appel à tous les pays qui maintiennent ce châtiment capital d'effectuer un examen périodique de la situation.

Dans son rapport sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires (E/CN.4/2005/7), le nouveau Rapporteur spécial sur la question recommande notamment que tous les États ratifient le statut de la Cour pénale internationale, qui représente un élément essentiel dans le combat mené pour empêcher le génocide et les crimes contre l'humanité. En outre, estime-t-il, les membres permanents du Conseil de sécurité devraient s'engager à ne pas recourir au veto en cas de génocide et de violations massives des droits de l'homme, tandis que la Commission devrait étudier les moyens de faciliter la réalisation de cet objectif. Le rapport souligne en outre que les argumentations cherchant à justifier ou à rationaliser l'exécution arbitraire ou l'assassinat ciblé de personnes prétendument coupables de crimes ou liées au terrorisme sapent les fondements du droit international relatif aux droits de l'homme et devraient être condamnées sans réserve. La Commission devrait rejeter sans équivoque tout meurtre délibéré de civils et de non-combattants, quels qu'en soient les auteurs et quelles que soient les circonstances. Par ailleurs, il est indispensable que soient menées à l'échelon national des enquêtes sur les violations alléguées du droit international par les forces armées ou les forces de sécurité. Cependant, pour être crédibles et acceptables, les résultats doivent être rendus publics, avec notamment des détails concernant les auteurs de l'enquête, les moyens employés, les conclusions et, le cas échéant, les poursuites engagées ensuite.
L'additif 1 au rapport (à paraître en français) contient un tableau récapitulatif des communications adressées par le Rapporteur spécial aux gouvernements et les réponses reçues d'eux.
L'additif 2 au rapport, qui concerne la mission que le Rapporteur spécial a effectuée au Soudan, affirme qu'il ne fait aucun doute que le Gouvernement soudanais est responsable de l'exécution extrajudiciaire et sommaire d'un grand nombre de personnes au cours des derniers mois dans la région du Darfour ainsi que, à un moindre degré, au royaume chilouk dans l'État du Haut-Nil. En outre, la catastrophe humanitaire qui est en train de se dérouler au Darfour, et dont le Gouvernement est en grande partie responsable, menace la vie de millions de civils, et il est fort probable que beaucoup d'entre eux mourront de faim et des suites de maladies dans les mois à venir. Au Soudan, la Rapporteuse spéciale a constaté qu'un certain nombre de personnes avaient été condamnées à mort pour des crimes commis alors qu'elles n'avaient pas 18 ans, ce qui constitue une violation manifeste des normes internationales ainsi que de la législation nationale. En ce qui concerne l'avenir, la Rapporteuse spéciale recommande de veiller en toute priorité à ce qu'une assistance humanitaire effective soit apportée aux populations vulnérables au Darfour ainsi que dans le sud et à ce que leurs droits de l'homme soient dûment protégés, afin de garantir le droit à la vie de la population du Soudan. Toutes les attaques contre les civils doivent cesser. Le Gouvernement doit immédiatement veiller à ce que toutes les milices soient désarmées, que les activités des forces de défense populaires restent placées sous le contrôle rigoureux du Gouvernement et que tous les membres de ces forces soient soigneusement sélectionnés. Le Gouvernement devrait aussi veiller, avec l'aide de la communauté internationale si possible, à ce qu'une formation appropriée soit donnée aux membres des forces armées afin qu'ils agissent conformément au droit international des droits de l'homme et au droit international humanitaire. Le Gouvernement doit faire en sorte que le personnel des organisations humanitaires ainsi que les observateurs internationaux des droits de l'homme aient immédiatement et pleinement accès à la région du Darfour afin que la communauté internationale ait toutes les possibilités, en coopération avec le Gouvernement, de protéger la vie des populations vulnérables de cette région. Les deux mouvements rebelles du Darfour devraient aussi garantir l'accès du personnel humanitaire à la région en toute sécurité. La Rapporteuse spéciale affirme qu'il est de la plus haute importance d'entreprendre des enquêtes pour déterminer ce qui s'est passé exactement au Darfour, y compris sur les exécutions extrajudiciaires, et de traduire en justice les auteurs présumés des exactions commises. Les acteurs internationaux sont les mieux à même de réaliser ces enquêtes. Elle recommande au Gouvernement soudanais de procéder à une révision générale de la législation nationale concernant la peine de mort afin de s'assurer qu'elle est conforme aux normes internationales.

Son pays étant directement concerné par le rapport de M. Alston, M. OMER DAHAB MOHAMED (Soudan) s'est dit ébranlé par les événements au Darfour. C'est au Gouvernement qu'incombe la responsabilité première en matière de paix et de protection des droits de l'homme, a-t-il souligné. Nous reconnaissons que des violations existent au Darfour, a-t-il déclaré, avant de se dire résolu à parvenir à instaurer la paix. Le Gouvernement soudanais a œuvré activement à la levée de toutes les restrictions administratives et de tous les barrages qui étaient susceptibles d'empêcher l'acheminement de l'assistance internationale, a-t-il assuré. Malheureusement, ces mesures n'ont pas été suffisamment relayées par les médias. Nous faisons de notre mieux pour lutter contre l'impunité, a poursuivi le représentant. La peine de mort, a-t-il ajouté, ne s'applique que pour les crimes les plus graves et le Président a le pouvoir de commuer les peines. Notre système de justice est ancien, mais il est flexible et peut s'adapter à la législation internationale, a par ailleurs déclaré le représentant soudanais. Dans la pratique, la peine de mort n'est pas appliquée aux mineurs ni aux femmes enceintes. Au Darfour, a affirmé le représentant, les rebelles se déguisent en uniforme militaire pour attaquer des civils. Une commission a d'ailleurs été créée pour enquêter sur ces faits. Les auteurs seront punis et les victimes indemnisées, a assuré le représentant soudanais. Il a affirmé ne pas comprendre pourquoi la Haut-Commissariat aux droits de l'homme ne tient pas compte de ces progrès et du rapport rendu par cette commission. Nous ne comprenons pas pourquoi le Haut Commissariat n'a pas voulu faire diffuser ce rapport en tant que document officiel des Nations Unies. Le représentant s'est dit prêt à coopérer avec la communauté internationale pour rétablir la paix au Darfour.


Dialogue interactif

M. SERGIO CERDA (Argentine) a pris bonne note des propositions faites par le Rapporteur spécial sur sa méthodologie. Le représentant a appuyé l'idée de la non utilisation du droit de veto pour les questions liées au génocide. Toutefois, comment parvenir à cet objectif ?

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a dit partager la préoccupation du Rapporteur spécial sur le nombre croissant de victimes dans le cadre de conflits armés. Les grandes puissances ont tendance à minimiser le nombre des victimes. Le représentant a souligné l'utilisation de missiles téléguidés pour des assassinats. Ceci est le fait des États-Unis, a estimé le représentant. Une telle pratique relève du mandat du Rapporteur spécial. Le représentant s'est en outre demandé si les activités menées dans le cadre des entreprises privées de sécurité, notamment en Iraq, pouvaient être considérées comme entrant dans le cadre du mandat du Rapporteur spécial.

M. JOHN VON KAUFMANN (Canada) a déclaré qu'afin d'assurer le respect du droit humanitaire, il faut soutenir le principe de reddition de comptes. Le Gouvernement soudanais a dit qu'il allait prochainement juger 164 personnes qui ont perpétré des abus au Darfour. À ce sujet, le représentant canadien a demandé au Rapporteur spécial quelle est la capacité du Soudan à mener des procès justes et équitables. Le représentant a également souhaité que les pays qui appliquent la peine de mort fassent rapport sur tous les cas concernés et fassent preuve de davantage de transparence.

M. ANDREI MOLCHAN (Bélarus) a déclaré que son pays a répondu à toutes les questions qui lui ont été posées. Cependant, en 2003 et en 2004, le Rapporteur spécial a adressé treize demandes au Gouvernement des États-Unis, lequel n'a répondu à aucune. Dans ce contexte, le représentant a demandé comment le Rapporteur spécial comptait procéder face à un tel silence et comment une telle situation influe sur son mandat?

MME DANIELA GREGR (Luxembourg) s'est notamment demandé comment il serait possible de renforcer la complémentarité entre les droits de l'homme et le droit humanitaire international. Elle s'est en outre enquise de la tendance internationale en matière de discrimination fondée sur l'orientation sexuelle.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé quels sont les arguments avancés par les pays qui font preuve de manque de transparence concernant la peine capitale. Comment promouvoir la transparence sur cette question, a-t-il demandé?

MME ANNE MERCHANT (Norvège) a affirmé que l'an dernier, devant la Troisième Commission de l'Assemblée générale, le Rapporteur spécial s'était préoccupé du fait qu'aux Nations Unies, il n'y avait pas de politique cohérente s'agissant des agents non étatiques. Aussi, a-t-elle indiqué qu'elle apprécierait que le Rapporteur spécial approfondisse un peu plus cette question. Que peut faire la Commission pour appuyer l'effort du Rapporteur spécial, a-t-elle également demandé?

M. JUAN PABLO VEGAS TORRES (Pérou) a fait l'éloge de la nouvelle approche choisie par le Rapporteur spécial et de ses nouvelles idées. Que pense le Rapporteur spécial des pays qui n'ont pas véritablement de société civile, a-t-il demandé?

MME NICOLA HILL (Nouvelle-Zélande) a remercié le Rapporteur spécial pour la profondeur et l'utilité de son rapport. Toutes les questions que la Nouvelle-Zélande souhaitait poser l'ont déjà été, a-t-elle indiqué.

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