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Communiqués de presse Commission des droits de l'homme

LA COMMISSION SE PENCHE SUR LES DISPARITIONS FORCÉES, LA DÉTENTION ARBITRAIRE ET LA LIBERTÉ DE RELIGION

04 Avril 2005

Commission des droits de l'homme
APRÈS-MIDI

4 avril 2005


La Commission des droits de l'homme a poursuivi, cet après-midi, l'examen des questions relatives aux droits civils et politiques en portant son attention sur des rapports concernant les disparitions forcées et involontaires, la détention arbitraire et la liberté de religion ou de conviction. Elle a également repris le débat général sur les droits civils et politiques en entendant la Chine et une douzaine d'organisations non gouvernementales.

Le Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées, M. Stephan Toope, a indiqué que cette année, le Groupe a mis l'accent sur trois questions qui le préoccupent particulièrement. Il s'agit en premier lieu de celle des centres de détention tenus secrets dont l'existence est attestée par différents rapports. À cet égard, il convient de souligner que les campagnes antiterroristes ne justifient pas que soit tenu secret l'endroit où des personnes seraient détenues. Ensuite, le Groupe de travail est préoccupé par le fait que dans un certain nombre d'États, des procédures juridiques sont invoquées pour suspendre les enquêtes sur des cas de disparitions. Enfin, ces dernières années, le Groupe de travail a observé une augmentation du nombre d'enfants disparus. Au Népal, a poursuivi le Président-Rapporteur, le phénomène des disparitions est généralisé.

Son pays étant directement concerné par ce rapport, le représentant du Népal a fait une déclaration dans laquelle il a notamment indiqué que son gouvernement envisageait de travailler à la mise en œuvre de certaines des recommandations du Groupe de travail mais ne souscrivait pas, en revanche, à d'autres. La présentation de ce rapport a été suivie d'un dialogue interactif avec le Président-Rapporteur du Groupe de travail, auquel ont participé les représentants de l'Argentine, du Canada, du Luxembourg, de Cuba et du Costa Rica.

Mme Leïla Zerrougui, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a indiqué qu'en 2004, le Groupe a adressé à 56 gouvernements 202 appels urgents concernant 770 personnes. Le Groupe de travail a souligné que l'internement psychiatrique ne devrait pas être utilisé comme moyen de porter atteinte à la liberté d'expression d'une personne, ni comme moyen de la punir, de la discréditer en raison de ses opinions ou encore de la dissuader d'avoir certaines convictions ou activités politiques, idéologiques ou religieuses. Elle a ajouté que le Groupe de travail avait été informé de nouvelles pratiques préoccupantes en matière de lutte antiterroriste, en ce qui concerne tant l'adoption de nouvelles lois que l'application des lois existantes. Il est préoccupé par le recours fréquent à différentes formes d'internement administratif et a constaté que les États étaient de plus en plus nombreux à se doter d'une législation d'exception qui restreint les droits fondamentaux des personnes détenues, ou qui recourent à la détention de personnes pour une durée illimitée, sans les inculper ni les déférer devant un juge, et sans leur donner la possibilité de contester la légalité de leur détention. Mme Zerrougui a également exprimé la préoccupation du Groupe face aux pratiques d'internement administratif des étrangers qui portent atteinte aux droits des immigrés.

Leurs pays étant directement concernés par le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire, les représentants de la Lettonie, du Bélarus et de la Chine ont fait des déclarations. La présentation de ce rapport a ensuite été suivie d'un dialogue interactif avec la Présidente-Rapporteuse du Groupe, au cours duquel les représentants du Luxembourg, des États-Unis et de Cuba ont pris la parole.

Présentant son rapport, Mme Asma Jahangir, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a indiqué que, dans l'exercice de son mandat, elle avait l'intention d'aborder les questions de la relation entre l'État et les communautés religieuses, de la non-discrimination et de l'intolérance religieuse. Elle a précisé qu'elle entend également se pencher sur le problème de l'exploitation politique des croyances religieuses et sur celui de la diffusion de stéréotypes religieux négatifs. Mme Jahangir a indiqué qu'elle allait effectuer des visites au Sri Lanka en mai prochain et en France en septembre et attendait des réponses de l'Érythrée, de l'Iran, du Kirghizistan, de l'Azerbaïdjan et de l'Ouzbékistan pour effectuer des visites dans ces pays. Mme Jahangir a souligné que, depuis son entrée en fonctions, elle avait pu constater une tendance à la violation des droits de l'homme de certaines minorités religieuses. Elle a également exprimé sa préoccupation face au phénomène des conversions religieuses forcées, contraire à la liberté de religion et de conviction.

La Rapporteuse spéciale ayant effectué il y a un mois une visite dans son pays, le représentant du Nigéria a fait une déclaration. Dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi, avec la Rapporteuse spéciale, les représentants du Pérou, de l'Argentine, du Pakistan, de l'Australie, de la Suisse, de la Norvège et du Brésil sont intervenus.

Les représentants de la Chine et des organisations non gouvernementales suivantes ont fait des déclarations dans le cadre du débat général sur les droits civils et politiques: Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH); Organisation mondiale contre la torture; Comité de coordination d'organisations juives (au nom également de B'nai B'rith International); Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement (OIDEL); Association pour la prévention de la torture; Centre Europe tiers-monde; Fédération syndicale mondiale; Human Rights Watch; Organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine; United Nations Watch; Commission colombienne de juristes; et Commission internationale de juristes.

Le Soudan a exercé le droit de réponse.

En début de séance, le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Philip Alston, a par ailleurs répondu aux questions qui lui avaient été adressées ce matin.dans le cadre du dialogue interactif qui a suivi la présentation de son rapport.

La Commission poursuivra demain matin, à 10 heures, son débat général sur les droits civils et politiques. Plusieurs dizaines d'organisations non gouvernementales doivent encore prendre la parole dans ce cadre.

Fin du dialogue interactif sur les exécutions sommaires, extrajudiciaires ou arbitraires

En réponse aux questions qui lui avaient été adressées ce matin par plusieurs délégations (voir notre compte rendu de ce matin), le Rapporteur spécial sur les exécutions extra judiciaires, sommaires ou arbitraires, M. PHILIP ALSTON, s'est félicité des assurances de coopération que lui a données le Soudan. Il a néanmoins rappelé que la Commission internationale d'enquête mandatée par le Conseil de sécurité avait souligné qu'il n'y avait aucune volonté de coopération de la part des autorités soudanaises. M. Alston a par ailleurs estimé qu'il faudrait se pencher sur la question du non-recours du droit de veto par des membres permanents du Conseil de sécurité s'agissant des questions portant sur des cas de génocide.

Du point de vue de la méthodologie qu'il entend suivre dans l'exercice de son mandat, M. Alston a précisé que son idée était de poser des questions très précises aux États. Si l'on pose des questions vagues, on obtient des réponses vagues, a-t-il fait observer. Pour ce qui est de la question de la complémentarité entre le droit international des droits de l'homme et le droit humanitaire international, il a souligné que du côté des victimes, peu importe quel ensemble de règles trouve à s'appliquer; en revanche, il est inacceptable que les gouvernements se tournent vers l'un ou l'autre de ces ensembles de règles au gré de leurs intérêts.


Présentation du rapport sur les disparitions forcées

M. STEPHAN TOOPE, Président-Rapporteur du Groupe de travail sur les disparitions forcées, a indiqué que depuis sa création en 1980, le Groupe de travail a transmis plus de 50 000 cas individuels de disparitions aux gouvernements de plus de 90 pays. Le mandat découlait, au départ, de la nécessité de faire face à des milliers de cas de disparitions intervenus dans le cadre de régimes autoritaires d'Amérique latine. Cependant, il est devenu rapidement clair que des disparitions se produisaient partout dans le monde, y compris dans des pays dits démocratiques dans le contexte de conflits internes. Récemment, des conflits internes ont provoqué des centaines de cas de disparitions, notamment en Algérie, en Colombie, au Népal, en Fédération de Russie et au Soudan, a poursuivi le Président-Rapporteur du Groupe de travail. Le crime de disparition est souvent associé à d'autres violations des droits de l'homme telles que la torture, le viol et les exécutions sommaires; il perturbe et porte atteinte aux familles des disparus, a-t-il ajouté. La disparition du principal soutien économique plonge souvent la famille dans une situation socio-économique désespérée, a-t-il insisté. Dans plusieurs cas signalés, les familles des victimes font l'objet de manœuvres d'intimidation, de persécutions et de représailles simplement pour avoir tenté de découvrir ce qu'il était advenu de leurs proches. Les défenseurs des droits de la personne sont eux aussi victimes de disparitions parce qu'ils s'efforcent de découvrir les causes des disparitions et le sort réservé aux victimes. Le Groupe de travail demande à tous les gouvernements de protéger les défenseurs des droits de l'homme, a précisé M. Toope.

Cette année, a poursuivi le Président-Rapporteur, le Groupe de travail a mis l'accent sur trois questions qui le préoccupent particulièrement. Il s'agit tout d'abord des informations qui font état de l'existence de centres de détention tenus secrets. Les campagnes antiterroristes ne justifient pas de tenir secret l'endroit où les personnes seraient détenues. Ensuite, le Groupe de travail est préoccupé par le fait que, dans un certain nombre d'États, des procédures juridiques sont invoquées pour suspendre les enquêtes sur des cas de disparitions. Enfin, ces dernières années, le Groupe de travail a constaté une augmentation du nombre d'enfants disparus. Le Président Rapporteur a fait savoir qu'en 2004, 595 cas nouveaux de disparitions d'enfants ont été signalés aux gouvernements de quelque vingt États.
Parmi les 79 États qui ont des cas de disparitions en suspens, a poursuivi M. Toope, les Gouvernements du Burundi, du Cambodge, de Guinée, d'Israël, du Mozambique, de Namibie, des Seychelles et du Togo n'ont jamais répondu aux demandes d'information transmises par le Groupe de travail. Or, sans la coopération des gouvernements, des milliers de cas resteront non résolus, a-t-il souligné. Le Groupe de travail encourage tous les États à tenir des registres des détenus, à faciliter l'accès aux lieux de détention et à garantir que les personnes arrêtées comparaissent devant une autorité judiciaire peu de temps après leur arrestation.

Au Népal, a poursuivi le Président-Rapporteur, le phénomène des disparitions est généralisé. Tant les insurgés maoïstes que les forces gouvernementales y ont recours. Dans ce contexte, le Gouvernement népalais doit s'assurer de l'existence de listes complètes et mises à jour des personnes détenues. Il doit aussi faire des efforts pour renforcer le rôle de la Commission nationale des droits de l'homme ainsi que pour rendre accessible tous les lieux de détention. Au titre des recommandations, le Groupe de travail suggère au Département des opérations de maintien de la paix d'évaluer l'opportunité de faire participer des forces de sécurité népalaises aux opérations de maintien de la paix en fonction des progrès réalisés en matière de réduction des disparitions.


Pays concerné

M. GYAN CHANDRA ACHARYA (Népal) a affirmé que son pays envisageait de travailler à la mise en œuvre de certaines des recommandations du Groupe de travail sur les disparitions forcées afin de servir la cause des droits de l'homme. En revanche, il a affirmé que le Népal ne souscrivait pas à d'autres recommandations émanant du Groupe. Le représentant népalais a indiqué qu'un comité d'investigation sur les disparitions avait été mis en place dans son pays; ce comité poursuit son activité et a déjà remis cinq rapports, a-t-il précisé. La situation s'est améliorée, a-t-il assuré. Sur 106 appels envoyés par le Groupe de travail en 2004, 98 cas ont fait l'objet d'une réponse et 54 se sont soldés par une libération des personnes visées. Le représentant a mis l'accent sur la nécessité de tenir compte des difficultés rencontrées dans le travail d'enquête et qui sont le fait des insurgés. Des cours de formation tenant compte des droits de l'homme ont été dispensés aux militaires, a poursuivi le représentant. Il a assuré que son Gouvernement ferait tout le nécessaire pour enquêter sur les cas présumés de disparitions. Des fonctionnaires ont même été traduits en justice, a-t-il insisté. La disparition n'était pas généralisée au Népal, a-t-il ajouté. Ce serait une exagération que de prétendre le contraire, a-t-il affirmé. Il a par ailleurs rappelé que plus de 4 000 soldats népalais servaient dans les différentes missions de la paix des Nations Unies. Il a également affirmé qu'un plan d'action sur trois ans a été lancé pour donner effet aux engagements nationaux et internationaux du Népal.


Dialogue interactif

M. FEDERICO VILLAGAS BELTRÁN (Argentine) a demandé au Président-Rapporteur du Groupe de travail de bien vouloir préciser la façon dont il entend se saisir de la question du « droit à la vérité » des familles des personnes disparues.

M. PAUL MEYER (Canada) a demandé au Président-Rapporteur à quel type de mesures il faisait allusion lorsqu'il souligne la nécessité d'intensifier la coopération avec les États.

MME DANIELA GREGR (Luxembourg) a souhaité que le Président-Rapporteur dise quelles sont, selon lui, les raisons de la forte augmentation du nombre des personnes disparues mentionnée dans le rapport du Groupe de travail. Quelles sont également les raisons qui expliquent les suspensions d'enquêtes mentionnées dans le rapport? La représentante luxembourgeoise a souhaité savoir comment sont menées les enquêtes, réputées très difficiles, sur les disparitions forcées. Elle s'est enfin enquise des moyens déployés par les gouvernements pour entraver ou, au contraire, soutenir le travail des ONG qui s'efforcent de mener des enquêtes.

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a pour sa part souhaité savoir comment il est possible d'enquêter sur les cas d'enlèvements de personnes et sur leur transfert dans des centres de détention secrets, lorsque ces faits interviennent dans le cadre de la lutte contre le terrorisme.

M. LUIS VARELA QUIRÓS (Costa Rica) a demandé au Président-Rapporteur si le Groupe de travail avait reçu des plaintes contre des agents non étatiques qui auraient eu recours à des disparitions forcées. Il a aussi demandé si le Groupe de travail a une proposition concrète à faire pour aider les gouvernements à régler les cas de disparitions qui se sont produites il y a de nombreuses années?

Le Président-Rapporteur, M. TOOPE, a rappelé que le Groupe de travail a enregistré 16 000 cas de disparitions forcées au Népal et que c'est pour cette raison qu'il utilise le terme "généralisé" pour parler du phénomène des disparitions dans ce pays. Il s'est félicité de l'engagement pris par le Gouvernement népalais pour renforcer le rôle de la Commission nationale des droits de l'homme. Le droit à la vérité est une notion fondamentale, non pas tant du point de vue normatif que du point de vue humain, qui sous-tend le travail du Groupe, a poursuivi M. Toope. Si des dizaines d'États coopèrent pleinement à la recherche de la vérité dans le cadre d'enquêtes, il n'en reste pas moins que certains États n'ont jamais coopéré, a souligné le Président-Rapporteur. Globalement, a-t-il poursuivi, on n'observe pas d'augmentation réelle du nombre des disparitions mais une augmentation tangible du traitement des cas de disparitions forcées. En ce qui concerne les agents non étatiques qui sont responsables de disparitions forcées, il a estimé que le moment est peut-être venu de ne plus faire de distinction entre les États et les autres acteurs, non étatiques, en termes de poursuites.


Présentation du rapport sur les détentions arbitraires

MME LEÏLA ZERROUGUI, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a affirmé qu'en 2004 le Groupe avait adressé à 56 gouvernements 202 appels urgents concernant 770 personnes. Trente-cinq des gouvernements concernés ont fait savoir au Groupe de travail qu'ils avaient pris des mesures pour remédier à la situation des personnes détenues. Elle a souligné que, de l'avis du Groupe de travail, le fait de placer contre son gré une personne souffrant de troubles mentaux dans des conditions qui l'empêchent de se déplacer librement, en l'internant en hôpital psychiatrique ou dans un établissement similaire au titre d'une décision judiciaire, administrative ou autre, peut, en principe, être assimilable à une privation de liberté. L'internement psychiatrique ne doit pas être utilisé comme un moyen de porter atteinte à la liberté d'expression d'une personne, ni comme moyen de la punir, de la discréditer en raison de ses opinions ou encore de la dissuader d'avoir certaines convictions ou activités politiques, idéologiques ou religieuses. Mme Zerrougui a ajouté que le Groupe de travail avait été informé de nouvelles pratiques préoccupantes en matière de lutte antiterroriste, qui ce rapportent tant à l'adoption de nouvelles lois qu'à l'application des lois existantes. Le Groupe est préoccupé par le recours fréquent à différentes formes d'internement administratif et a constaté que les États étaient de plus en plus nombreux à se doter d'une législation d'exception qui restreint les droits fondamentaux des personnes détenues, ou à recourir à la détention de personnes pour une durée illimitée, sans les inculper ni les déférer devant un juge, et sans leur donner la possibilité de contester la légalité de leur détention.

La Présidente-Rapporteuse a également exprimé la préoccupation du Groupe face aux pratiques d'internement administratif des étrangers qui portent atteinte au droit des immigrés de ne pas être détenus arbitrairement, de demander l'asile, de faire entendre leur cause selon une procédure équitable s'ils encourent l'expulsion, et de ne pas être expulsés vers des pays où ils risquent d'être torturés. Le Groupe de travail demande instamment aux États de s'abstenir de recourir abusivement à la détention administrative en application des lois sur la sécurité publique ou des lois sur l'immigration, vis-à-vis d'individus soupçonnés d'avoir commis une infraction pénale.

S'agissant de sa visite en Lettonie, le Groupe de travail invite le Gouvernement à poursuivre ses efforts pour mettre en conformité sa législation et sa pratique avec les normes du droit international afin de garantir à toute personne privée de liberté l'effectivité de l'accès à un avocat, notamment commis d'office; le respect de la présomption d'innocence et du principe du contradictoire, notamment dans la phase de l'enquête préliminaire; ainsi que le droit d'être jugé dans un délai raisonnable ou d'être libéré. En ce qui concerne le Bélarus, le Groupe de travail recommande au Gouvernement d'adapter le droit interne en tenant compte des normes internationales de sorte qu'il ne soit plus possible d'arrêter des individus manifestant de manière pacifique ou exerçant leur liberté d'expression ou d'opinion. Enfin, s'agissant de la Chine, le Groupe de travail recommande que toutes les personnes placées en détention administratives jouissent d'un recours judiciaire utile et se voient garantir un procès public et contradictoire. Une procédure d'urgence simplifiée permettant à toute personne détenue d'être traduite devant un juge devrait également être instituée.

Le Groupe de travail doit effectuer une visite au Canada en juin 2005 en Afrique du Sud en septembre.

Le rapport du Groupe de travail sur la détention arbitraire (E/CN.4/2005/6) indique que le Groupe de travail a cherché à instaurer un dialogue continu avec les pays dans lesquels il s'était rendu et pour lesquels il avait recommandé certains changements des lois internes régissant la détention. Des informations complémentaires ont notamment été reçues de la part des Gouvernements australien, mexicain, roumain et iranien, notamment. Le rapport contient le texte de la délibération n° 7 du Groupe de travail, relative à l'internement psychiatrique. La privation de liberté doit être régie par des lois offrant des garanties procédurales contre la détention arbitraire, poursuit le rapport. Les procédures en question doivent aussi garantir une aide juridique effective aux intéressés compte tenu de leur vulnérabilité. De plus, il faut qu'un tribunal ou un autre organe indépendant et impartial réexamine régulièrement, dans le cadre d'une procédure contradictoire, la nécessité de continuer à priver l'intéressé de sa liberté.

Le rapport examine en outre les faits nouveaux intervenus concernant la privation de liberté en tant que mesure de lutte contre le terrorisme, ainsi que dans le contexte de la prise d'otage et de la détention arbitraire. Le Groupe de travail rappelle aux États que, lorsqu'ils prennent des mesures légitimes pour lutter contre le terrorisme, ils doivent veiller à maintenir des garde-fous efficaces contre la privation arbitraire de liberté, en particulier s'agissant du contrôle judiciaire des ordonnances de mise en détention. Il recommande en outre aux États de ne pas utiliser la mise au secret prolongée comme outil de lutte contre le terrorisme. Le Groupe de travail exhorte les États dont le système juridique n'offre pas de recours efficaces contre les arrestations ou les mises en détention à modifier leur législation. Enfin, le Groupe de travail en appelle aux États pour qu'ils prennent les mesures qui s'imposent pour faire en sorte que l'égalité entre accusation et défense ne soit pas compromise par des conditions de détention provisoire inadaptées, car c'est là un principe fondamental d'un procès équitable et par-là même un préalable indispensable pour éviter les détentions arbitraires.

Le Groupe de travail a adopté 25 avis concernant 51 personnes, vivant dans 17 pays. Dans 32 cas, il a estimé que la privation de liberté avait été arbitraire. Ces avis figurent à l'additif 1 au rapport.

En 2004, le Groupe de travail s'est rendu en Lettonie, au Bélarus et en Chine à l'invitation
des gouvernements de ces pays. Les rapports concernant ces visites figurent dans les additifs 2, 3
et 4 au rapport.

Dans un additif relatif à sa mission en Chine, le Groupe de travail constate que la législation relative à l'organisation judiciaire et le cadre juridique régissant la privation judiciaire et administrative de liberté n'ont pas subi de modifications fondamentales depuis la dernière visite du Groupe de travail. Le Groupe de travail considère que les règles et la pratique de la privation judiciaire de liberté ne sont pas conformes au droit international et à ses normes. La durée pendant laquelle les personnes soupçonnées d'une infraction peuvent être maintenues en garde à vue sans la sanction d'un juge est trop longue, et le statut des procureurs ne répond pas aux prescriptions internationales. Il est en outre noté que placer les magistrats du siège en position d'infériorité par rapport au ministère public est incompatible avec les normes internationales pertinentes. Il n'existe aucun droit véritable de contester la mise en détention administrative, y compris la détention aux fins de rééducation par le travail et la détention dans un établissement psychiatrique. Les voies de recours contre le placement dans des institutions de rééducation par le travail ne répondent pas aux prescriptions du droit international. Le Groupe de travail recommande aux autorités d'examiner la possibilité d'instituer une procédure d'urgence simplifiée permettant à une personne détenue d'être traduite devant un juge et pas seulement devant un procureur. En ce qui concerne les infractions administratives mineures, il recommande que toute conduite répréhensible soit décrite dans le plus grand détail et que toutes les personnes privées de leur liberté en raison d'infractions administratives se voient garantir un procès public et contradictoire. Toutes les personnes placées contre leur volonté dans un hôpital psychiatrique ou un centre de désintoxication devraient jouir d'un recours judiciaire utile. Enfin, le Groupe de travail recommande de modifier toutes les dispositions légales qui pourraient être invoquées pour réprimer l'exercice pacifique des droits et libertés consacrés dans la Déclaration universelle des droits de l'homme et dans la Constitution de la République populaire de Chine.

Dans l'additif concernant sa mission en Lettonie, le Groupe de travail invite le Gouvernement de ce pays à revoir sa législation et sa pratique pour garantir, à chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, l'effectivité d'une défense de qualité, non seulement aux personnes démunies, mais à toute personne privée de liberté. L'État devrait veiller à ce que, dès la détention, les personnes placées en garde à vue aient effectivement la possibilité de se mettre en contact avec leur famille et de communiquer avec un avocat. Il devrait en outre garantir la présence active de l'avocat dès la garde à vue ou, à tout le moins, dès l'inculpation. L'État devrait assurer, à chaque fois que l'intérêt de la justice l'exige, la couverture financière de l'assistance d'un avocat dès la détention et pour toutes les phases du processus pénal. Le Groupe de travail recommande au Gouvernement letton de mettre en conformité sa législation et sa pratique avec les normes du droit international pour garantir le respect de la présomption d'innocence, du principe du contradictoire et de l'égalité des armes dans la phase de l'enquête préliminaire. L'avocat et l'accusé doivent avoir accès à l'ensemble des pièces de la procédure d'instruction dès l'inculpation et, en tout état de cause, l'avocat doit, après communication du dossier de l'accusation, disposer de temps suffisant avant l'ouverture du procès pour assurer une défense de qualité à son client. Le Groupe de travail invite par ailleurs le Gouvernement à revoir le cadre juridique de la détention provisoire et sa pratique. Il invite la Lettonie à prendre les mesures appropriées pour réduire la durée de la détention avant jugement et garantir à toute personne privée de liberté d'être jugée, dans un délai raisonnable, ou libérée. Il l' invite à éviter dans la mesure du possible que des prévenus soient maintenus en détention provisoire dans les postes de police ou qu'ils y retournent après leur placement dans les établissements pénitentiaires. Par ailleurs, la garde à vue des mineurs et leur maintien en détention dans les postes de police devraient être, dans la mesure du possible, évités. Le recours à la détention provisoire pour les mineurs devrait être dans la pratique une mesure exceptionnelle à laquelle il ne devrait être recouru qu'en dernière extrémité.

S'agissant du Bélarus, le Groupe de travail sur la détention arbitraire insiste sur le bon niveau de coopération offert par le Gouvernement. Le Groupe note les efforts déployés par les autorités pour améliorer le système judiciaire et le cadre juridique hérités de l'époque soviétique. En 2003, plus de 20 000 détenus ont été libérés dans le cadre d'amnisties présidentielles. Le Groupe de travail note également que la situation des immigrants, des réfugiés et des demandeurs d'asile en situation illégale semble meilleure que dans d'autres régions du monde. Il note toutefois avec préoccupation que les procureurs et les enquêteurs disposent de pouvoirs excessifs durant la période de détention provisoire. Il est préoccupé par la procédure de nomination et de révocation des juges, qui ne garantit pas leur indépendance par rapport au pouvoir exécutif, ainsi que par le manque d'indépendance des avocats et de l'Association nationale du barreau, et par les restrictions imposées à l'exercice de leur profession. Un autre sujet de préoccupation est le déséquilibre entre les pouvoirs de l'accusation et les droits de la défense. Le Groupe de travail recommande au Gouvernement de garantir l'indépendance des participants à la procédure judiciaire, d'assurer un équilibre entre les parties au procès et de protéger efficacement les droits des personnes incarcérées. Il recommande d'adapter le droit interne en tenant compte des normes internationales et constitutionnelles de sorte qu'il ne soit plus possible d'arrêter des individus manifestant de manière pacifique, diffusant de l'information ou exerçant leur liberté d'expression ou d'opinion. Il invite le Gouvernement à revoir le cadre juridique régissant la détention administrative afin que ce type de détention ne soit pas utilisé abusivement. Par ailleurs, la compétence des juridictions militaires devrait être strictement limitée aux infractions militaires commises par les membres des forces armées. Enfin, le Groupe de travail recommande que la décision judiciaire d'interner de force un individu en hôpital psychiatrique soit prise en présence de l'intéressé, de sa famille et d'un avocat.


Pays concernés

MME INGA REINE (Lettonie) a déclaré que si le rapport de mission concernant son pays contient un certain nombre de critiques, il ouvre la voie au dialogue constructif et soutenu. Le Gouvernement letton apprécie le professionnalisme avec lequel le Groupe de travail a accompli sa mission. Les recommandations du Groupe de travail seront dûment prises en compte, a assuré la représentante. Elle a évoqué l'entrée en vigueur de plusieurs textes de loi ainsi que la promulgation prochaine d'un nouveau code de procédure pénale. La Lettonie entend assurer l'application des règles relatives au contrôle des détentions. Des solutions visant à éviter les peines d'emprisonnement seront également étudiées.

M. SERGEI ALEINIK (Bélarus) a déclaré que son Gouvernement a pris connaissance du rapport concernant le pays et n'est pas satisfait de toutes les recommandations et conclusions qu'il contient. Cependant, certaines mesures ont d'ores et déjà été prises. Des propositions en vue de la modification de certaines lois ont été formulées; il en va de même pour la modification du code de procédure pénale et des dispositions relatives à la détention. Le Gouvernement bélarussien a également pris des dispositions pour la création d'un organe gouvernemental chargé de l'élaboration d'une politique en faveur des jeunes. Un nouveau projet de loi sur les droits des citoyens étrangers sera en outre examiné en deuxième lecture au mois de mai 2005. Enfin, le représentant a réitéré la volonté de son gouvernement de coopérer de manière ouverte et active et de poursuivre un dialogue fructueux avec le Groupe de travail.

M. SHEN YONGXIANG (Chine) a déclaré que son pays accorde une grande importance au rôle des mécanismes spéciaux de la Commission des droits de l'homme. Il a insisté sur le fait que le Groupe de travail a pu librement exercer sa mission. La Chine est un État de droit, a affirmé le représentant. Le Gouvernement a adopté 25 lois qui traduisent concrètement la primauté du droit. Le Gouvernement chinois a la volonté et la capacité de surmonter les difficultés et de réaliser des progrès dans le domaine des droits de l'homme. La Chine a pris note de l'analyse du rapport sur certains aspects du droit chinois. La Chine remercie le Groupe de travail et particulièrement sa Présidente. Les autorités compétentes étudieront avec soin ses recommandations.


Débat interactif

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg) a demandé à la Présidente-Rapporteuse, étant donné que le Groupe de travail a constaté une baisse des réponses des gouvernements à ses appels urgents, comment elle évaluait le dialogue avec les pays concernés. Il a en outre demandé quelles étaient, selon elle, les mesures d'encadrement de la détention administrative qui paraissaient les plus efficaces et les plus praticables pour les États?

MME AMY MCKEE (États-Unis), évoquant le recours par le Bélarus à des centres de détention pour réduire au silence l'opposition , a soulevé le cas d'une personne détenue pour des raisons politiques en dépit d'un mauvais état de santé. Quelles mesures devraient, selon la Présidente, être prises pour s'assurer que les droits des personnes détenues dans des centres du KGB soient protégés, a-t-elle demandé?

M. RODOLFO REYES RODRÍGUEZ (Cuba) a demandé à la Présidente-Rapporteuse ce qu'a pu faire le Groupe de travail concernant la situation des personnes détenues de façon arbitraire sur la base de Guantanamo. Qu'est-il prévu pour indemniser ces personnes, a-t-il également interrogé?

MME ZERROUGUI, Présidente-Rapporteuse du Groupe de travail sur la détention arbitraire, a remercié la Lettonie pour avoir voté des lois ayant tenu compte des recommandations du Groupe de travail ainsi que le Bélarus et la Chine pour avoir manifesté leur volonté de le faire. En ce qui concerne la coopération des gouvernements, le Groupe de travail a constaté une baisse de la coopération pour ce qui est des appels urgents mais davantage d'invitations de la part de pays. Cependant, le Turkménistan et États-Unis n'ont pas répondu aux demandes d'invitation. La détention administrative est préoccupante lorsqu'elle concerne des personnes qui sont soupçonnées d'avoir commis une infraction. Il faut faire une distinction entre la détention administrative et la détention dans le cadre d'une procédure pénale. Il faut en outre respecter le droit à la contestation de la détention. Le Groupe de travail a pu visiter tous les centres de détention du Bélarus qu'il souhaitait visiter, a par ailleurs indiqué Mme Zerrougui. La seule résistance a concerné les centres de détention tenus par le KGB. En ce qui concerne Guantanamo, des communications individuelles ont été reçues et des discussions sont en cours avec les États-Unis dans le cadre de la demande du Groupe de travail de pouvoir se rendre dans ce centre de détention.


Présentation du rapport sur la liberté de religion ou de conviction

MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a déclaré que depuis le mois de juillet dernier, date à laquelle elle a pris ses fonctions, elle avait pris la mesure de l'ampleur du champ d'action couvert par son mandat. La question de la liberté de religion est en évolution constante est peut être reliée à de nombreuses questions relatives aux droits de l'homme. Mme Jahangir a précisé que, dans le cadre de son mandat, elle aborderait les questions de la relation entre l'État et les communautés religieuses, la non-discrimination et de l'intolérance religieuse. Mme Jahangir se penchera également sur le problème de l'exploitation politique des croyances religieuses et sur celui de la diffusion de stéréotypes religieux négatifs. La Rapporteuse spéciale a déclaré qu'elle attacherait une grande importance aux visites dans les pays. Elle a souligné qu'elle effectuerait des visites à Sri Lanka en mai prochain et en France en septembre, et attendait des réponses de l'Érythrée, de l'Iran, du Kirghizistan, de l'Azerbaïdjan et de l'Ouzbékistan.

Mme Jahangir a souligné que, depuis son entrée en fonction, elle avait pu constater une tendance à la violation des droits de l'homme de certaines minorités religieuses. Elle a également exprimé sa préoccupation face au phénomène des conversions religieuses forcées qui sont contraires à la liberté de religion ou de conviction. Un grand nombre de violations de la liberté de religion ou de conviction est le fait d'acteurs non-étatiques, y compris des groupes religieux eux-mêmes. Elle a souligné que les mesures prises par nombres d'États pour lutter contre le terrorisme font un lien inexact entre le terrorisme et certaines religions. La Rapporteuse spéciale a souligné sa volonté de mener une enquête exhaustive sur la question du port des signes religieux. Elle a, à cet égard, rappelé que les restrictions apportées à l'exercice de la liberté de religion et de conviction devaient être proportionnées.

Le rapport sur la liberté de religion ou de conviction (E/CN.4/2005/61) souligne que 69 communications concernant des violations alléguées du droit à la liberté de religion ou de conviction ont été transmises à des États. Un certain nombre d'entre elles avaient été envoyées par le précédent Rapporteur spécial et certaines, concernant des situations faisant apparaître de multiples violations alléguées des droits de l'homme, ont été transmises conjointement avec d'autres procédures spéciales. Si 28 gouvernements ont répondu à ces communications, la Rapporteuse spéciale juge préoccupant que seuls quelques États aient fourni une réponse complète et détaillée. Les visites in situ sont, de l'avis de la Rapporteuse spéciale, le seul moyen d'appréhender pleinement la situation relative à la liberté de religion dans un pays. Elle engage donc instamment les États à en prendre l'initiative en lui adressant une invitation en ce sens. Les Gouvernements du Nigéria, de Sri Lanka et du Bangladesh ont d'ores et déjà donné leur accord pour une telle visite.

Dans un nombre important de situations ou de cas de violations alléguées de la liberté de religion ou de conviction dont la Rapporteuse spéciale s'est occupée pendant la période visée, il apparaissait qu'il y avait également eu violation d'autres droits de l'homme. Nombre de situations débouchant sur des violations du droit à la liberté de religion ou de conviction sont le fait d'acteurs non étatiques, ce qui n'exonère en aucune façon l'État de l'obligation positive qui est la sienne d'assurer la liberté de religion ou de conviction de toutes les personnes relevant de sa juridiction. De nombreuses affaires posent la question des conversions et, en particulier, des conversions forcées. De telles pratiques, de l'avis de la Rapporteuse spéciale, sont inacceptables et constituent l'une des plus graves formes de violations du droit à la liberté de religion ou de conviction. La Rapporteuse spéciale est également préoccupée par le nombre d'attaques et de mesures restrictives dont font l'objet des lieux de culte et d'autres sites ou sanctuaires religieux ainsi que par les restrictions imposées aux publications religieuses. Les gouvernements, dit-elle, doivent se soucier davantage de protéger les sites, bâtiments et sanctuaires religieux, face à la multiplication des actes de profanation et autres formes de destruction dont les auteurs allégués sont pour l'essentiel, mais non pas exclusivement, des acteurs non étatiques.

Dans son rapport, la Rapporteuse spéciale traite également des questions plus générales concernant la liberté de religion: elle aborde ainsi celle de l'enregistrement et celle de la législation antiterroriste, en rappelant que la liberté de religion ne souffre aucune dérogation. Elle examine aussi la pratique consistant à établir une distinction légale entre différentes catégories de religion ou autres formes de conviction. La Rapporteuse spéciale estime, comme son prédécesseur, qu'il ressort clairement des informations présentées, que les événements du 11 septembre 2001 continuent d'avoir de graves répercussions sur la situation des droits de l'homme, y compris la liberté de religion ou de conviction. Elle demeure particulièrement préoccupée par le fait que des États continuent d'adopter des lois et des mesures qui, en établissant un lien fallacieux et source de méprise entre certaines religions et le terrorisme ont des répercussions sur la liberté de religion des personnes dont la religion et la conviction sont visées. Elle déplore également l'absence dans de nombreux pays de mesures positives visant à rétablir ou créer un climat de tolérance religieuse dont l'instauration, indispensable à la pleine application des dispositions de la Déclaration, demeure la préoccupation centrale de son mandat.

Un additif au rapport de Mme Jahangir contient un résumé de cas transmis à des gouvernements et les réponses reçues.

Pays concerné

M. JOSEPH U. AYALOGU (Nigéria) s'est félicité des conclusions et des recommandations préliminaires du Rapporteur spécial s'agissant de la visite qu'elle vient d'effectuer dans son pays. L'engagement du Gouvernement et du peuple du Nigeria à l'égard des libertés de croyance, de religion, de foi et de coexistence pacifique n'a jamais connu de défaillance, a-t-il ajouté. Le fait qu'un climat de tolérance religieuse se retrouve dans tous les aspects de la vie d'un pays aussi divers sur le plan ethnique et religieux témoigne clairement de la situation qui existe dans ce pays. Dans un pays comme le Nigéria, le Gouvernement doit faire preuve de jugement face aux religions, en tenant compte de leur ancrage historique mais aussi de la Constitution fédérale, a-t-il souligné. L'existence de différences d'opinions se manifeste parfois par des troubles sporadiques, mais ceci ne peut disparaître dans quelque société que ce soit. Les principales causes des troubles du passé sont plutôt à attribuer à la pauvreté, à l'analphabétisme et à l'exploitation politique des masses. Le Gouvernement est en train de prendre des mesures sur les plans économique et social afin de relever le niveau de vie de la population, a poursuivi M. Ayalogu. Il a ainsi demandé à la communauté internationale de reconnaître ses efforts et d'aider le Nigeria, évoquant en particulier l'annulation de la dette. S'agissant de l'impunité, personne au Nigéria ne peut se placer au-dessus de la loi, a-t-il affirmé. Soulignant que la coexistence pacifique faisait l'objet d'une quête de tous les instants au Nigéria, il a indiqué qu'aucune politique de discrimination religieuse n'a jamais été appliquée. Si des différences existent au Nigéria, elles ne devraient pas être considérées comme des indicateurs d'intolérance et de discrimination, a assuré le représentant.


Dialogue interactif

M. JUAN PABLO VEGAS TORRES (Pérou) s'est dit préoccupé par le sort des minorités religieuses qui ne bénéficient pas de soutien pour dénoncer les discriminations dont elles souffrent et en particulier du sort des Baha'is

M. SERGIO CERDA (Argentine) s'est inquiété du problème de la conversion forcée et a demandé au Groupe de travail de se pencher plus avant sur la question.

M. MASOOD KHAN (Pakistan) a regretté que les États établissent un lien erroné entre les religions et le terrorisme. Il a aussi demandé quels sont les critères qui distinguent la liberté de religion de la liberté d'opinion.

MME AMANDA GORELY (Australie) s'est inquiétée de la situation des Baha'is en Iran.

M. JEAN-DANIEL VIGNY (Suisse) a demandé quelles mesures sont envisageables pour interdire la peine de mort pour cause de conversion religieuse.

MME ASTRID HELLE AJAMAY (Norvège) s'est félicitée du rapport envisagé sur la question des symboles religieux. Elle a souhaité souligner les défis particuliers qui se posent dans le contexte du droit des femmes et de la liberté de religion. Elle a aussi demandé à la Rapporteuse spéciale si elle a l'intention de se pencher sur le problème des conversions forcées des femmes, notamment lorsqu'elles épousent un homme d'une autre religion.

MME LUCIANA MANCINI (Brésil) s'est dite préoccupée par la question des violations multiples des droits de l'homme liées à la conviction des victimes ainsi que par les questions de l'antisémitisme, de l'islamophobie et de la discrimination dont souffrent les Baha'is.

M. JONNY SINAGA (Indonésie) a voulu savoir ce que pense la Rapporteuse spéciale du fait que dans de nombreux cas les situations de conflits qui semblent basées sur la religion sont en fait dues à des disparités économiques et à des problèmes sociaux.

M. ALPHONSE BERNS (Luxembourg) s'est enquis de la démarche qu'il faudrait adopter pour améliorer la situation générale des groupes religieux minoritaires persécutés.

MME DEBORAH CHATSIS (Canada) a dénoncé les violations dont sont victimes les membres de certaines minorités religieuses et a demandé comment mettre en œuvre la recommandation du rapport dans ce domaine.

Répondant aux interventions concernant son rapport, MME ASMA JAHANGIR, Rapporteuse spéciale sur la liberté de religion ou de conviction, a exprimé ses préoccupations s'agissant de la situation des Bahai's et d'autres communautés religieuses, notamment en République islamique d'Iran. En effet, la communauté bahai n'est pas la seule à retenir son attention, a-t-elle ajouté. Elle a réitéré que le phénomène des conversions forcées est dramatique. On oblige les femmes à changer de religion pour se marier; elles sont alors perçues comme ayant délaissé leur religion initiale et sont en quelque sorte piégées. La Rapporteuse spéciale a souligné l'existence de lois dans le Nord du Nigéria qui interdisent à une femme qui appartient à l'Islam d'épouser un homme d'une religion différente. S'agissant de la définition de la diffamation, Mme Jahangir, a souligné qu'il fallait parvenir à un équilibre entre la liberté d'expression et la liberté de religion. L'«ultrasensibilité» doit être découragée, faute de quoi elle devient tout simplement de l'intolérance religieuse. En ce qui concerne le port de signes religieux, elle a rappelé que chaque individu a le droit de s'identifier par des symboles religieux. Elle a toutefois précisé qu'elle souhaitait étudier plus avant cette question, s'agissant en particulier des enfants.

M. MOHAMMAD MAHDI AKHOUNDZADEH (Iran) a mis l'accent sur l'importance de la tâche de la Rapporteuse spéciale et s'est associé à elle lorsqu'elle évoque la contribution du Pape à la promotion de la tolérance entre les religions. L'Iran a lancé une invitation permanente aux rapporteurs thématiques, a-t-il souligné, notant que son pays avait une histoire qui attestait de la tolérance religieuse. Toutes les religions ont une totale liberté religieuse en Iran, a-t-ilassuré.


Suite du débat général sur les droits civils et politiques

M. SHEN YONGXIANG (Chine) a déclaré que les droits civils et politiques représentent une composante importante des droits de l'homme universels. Les droits de l'homme ne sauraient être dissociés de l'environnement social et de la culture du pays dans lequel on les considère. Les pays suivent des voies de développement différentes et c'est là le reflet de la diversité du monde. La Commission doit tenir compte de ces différences et ne doit pas être réduite à un champ de bataille tel que c'est le cas maintenant. La Chine a pris des mesures administratives en faveur des droits de l'homme au cours de l'année passée et a en particulier procédé à la réforme du système des procès administratifs. La Chine travaille en outre pour améliorer la loi d'indemnisation et fournir une compensation aux parties victimes de procédures administratives ou judiciaires qui ont enfreint la loi. La Chine multiplie ses efforts pour fournir une aide juridique aux groupes vulnérables. Enfin, la Chine se félicite du rôle positif du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et se prépare à le ratifier.

MME ALEXANDRA POMEON (Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH) a appelé les États africains à ratifier le Protocole additionnel à la Charte africaine des droits de l'homme portant création de la nouvelle Cour africaine des droits de l'homme et des peuples et de faire la déclaration prévue à l'article 34 (6) du Protocole, qui permet aux individus et aux organisations non gouvernementales de saisir directement ladite cour. La représentante a appelé la Commission à se préoccuper de la situation au Soudan. La Commission devrait soutenir la saisine de la Cour pénale internationale décidée par le Conseil de sécurité, a-t-elle estimé.

M. BORIS WIJKSTROM (Organisation mondiale contre la torture) a souligné que le monde était témoin d'une érosion des droits de l'homme, notamment pour ce qui est du principe d'interdiction de la torture. Lorsque les États commencent à ébranler des principes internationaux au caractère si universel, ils renoncent à les défendre, a-t-il dit. Dans l'année écoulée, le monde a été choqué par les pires scandales de droits de l'homme, a-t-il ajouté, faisant allusion aux mauvais traitements infligés à des personnes détenus par les États-Unis en Iraq, en Afghanistan et à Guantanamo. Les États-Unis transgressent gravement le droit international, a-t-il insisté, ajoutant que plusieurs milliers de détenus se trouvaient toujours dans un «trou noir» juridique, en violation du droit à un procès juste et équitable.

M. KLAUS NETTER (Comité de coordination d'organisations juives, au nom également de B'nai B'rith International), a estimé que la Commission ne doit pas considérer ensemble et de la même manière les questions de l'islamophobie, de l'antisémitisme et de la christianophobie. Il faut traiter chaque question de façon spécifique, a-t-elle affirmé.

MME CHRISTINE BALDACCHINO (Organisation internationale pour le développement de la liberté d'enseignement - OIDEL) a rappelé que la participation et l'équité sont des caractéristiques essentielles de la bonne gouvernance, tout comme la transparence et la responsabilité. Il incombe à l'État d'assurer la mise en place et le maintien de cadres juridiques et réglementaires équitables, efficaces et stables régissant les activités publiques et privées, a-t-il insisté. Les institutions étatiques peuvent aussi renforcer les moyens d'intervention des gens qu'elles sont chargées de servir. Des idées semblables se retrouvent dans le «Livre blanc sur la gouvernance européenne» de l'Union européenne.

MME MARK THOMSON (Association pour la prévention de la torture) a exprimé l'espoir que la Commission réaffirmera l'interdiction absolue de la torture et de toute autre forme de traitement cruel, inhumain ou dégradant. Une telle interdiction doit être absolue et complète, a-t-il ajouté. Les tentatives de certains États d'appliquer leur propre interprétation de cette interdiction mettent en relief la nécessité de lier normes internationales et mesures nationales et internationales. A cet égard, a-t-il précisé, le Protocole facultatif à la Convention contre la torture donnera la possibilité à un groupe d'experts nationaux et internationaux d'organiser des visites dans des endroits où des individus sont privés de liberté. De telles visites constituent des moyens efficaces de prévenir la torture et les autres mauvais traitements. Le représentant a engagé tous les États qui ne l'auraient pas encore fait à ratifier le Protocole facultatif avant la prochaine session de la Commission.

MME IRMA YANNI (Centre Europe Tiers-Monde - CETIM) s'est dite préoccupée par la situation des millions de familles de paysans victimes de déplacements forcés en raison, en particulier, de l'existence de conflits armés ou de la constructions de barrages et autres infrastructures, notamment touristiques. Le droit à la vie ainsi que les droits à la liberté d'association, de manifestation, d'opinion et d'expression de ces paysans sont bafoués lorsqu'ils protestent et se mobilisent. L'absurdité de cette situation est évidente si l'on considère que finalement, ce sont ceux qui produisent les biens alimentaires qui sont affamés et souffrent de malnutrition, étant ainsi privés de leurs droits les plus élémentaires. C'est pourquoi le CETIM appuie la demande de Via Campesina, mouvement international de paysans artisanaux et familiaux, en faveur de l'adoption d'une convention internationale sur les droits des paysans qui garantisse, entre autres, le droit à la vie et à un niveau de vie suffisant; le droit aux ressources agraires; le droit aux semences et à l'agriculture; le droit au capital et aux moyens de production agricoles; le droit d'accès à l'information et à la technologie agricole et la droit à la liberté d'association.

M. LUIS NARVÁEZ (Fédération syndicale mondiale) a attiré l'attention de la Commission sur la nécessité d'assurer à toutes les populations l'accès à l'information, de manière à promouvoir leur développement économique, social, culturel et politique. Le représentant a dénoncé la concentration actuelle des moyens de communication et leur utilisation à des fins idéologiques au bénéfice de politiques de domination économique. Il a rappelé que la liberté de l'information, la circulation libre et équilibrée de l'information, ainsi que le libre accès aux moyens de communication - autant de principes consacrés par la Déclaration universelle des droits de l'homme - doivent être respectés mais sont malheureusement aujourd'hui bafoués de manière flagrante.

MME WENDY PATTEN (Human Rights Watch) a fait observer que, dans le contexte mondial de lutte contre le terrorisme, de nombreux gouvernements cherchent à renvoyer des suspects dans des pays où ils savent pourtant qu'ils vont être maltraités. Aussi, a-t-elle engagé la Commission à faire pression sur les États afin qu'ils cessent d'envoyer des détenus dans des pays où ils risquent d'être torturés. Les États-Unis continuent de refuser d'accorder à des personnes appréhendées dans le cadre de leur campagne contre le terrorisme la protection à laquelle elles devraient pourtant avoir droit en vertu des droits fondamentaux énoncés dans les lois des États-Unis ou dans les lois internationales. Les États-Unis ont en outre refusé de garantir aux procédures spéciales de la Commission l'accès aux prisonniers de Guantanamo et d'ailleurs. La Commission devrait dénoncer sur les détentions au secret, la torture et d'autres mauvais traitements auxquels procèdent les États-Unis dans le cadre de leur campagne mondiale contre le terrorisme.

MME LURDES CERVANTES (Organisation de solidarité des peuples d'Afrique, d'Asie et d'Amérique latine) a dénoncé que les États-Unis détiennent à Guantanamo depuis trois ans 550 personnes de différentes nationalités, parmi lesquelles des adolescents et des personnes âgées, et ce, de façon arbitraire et sans chef d'accusation. Ces personnes sont soumises à des traitements indicibles; elles sont totalement isolées et privées de toute possibilité de communiquer avec leurs familles ou de disposer d'une défense adéquate. La révélation des formes de torture pratiquées dans ce camp de concentration a ému la communauté internationale, a poursuivi la représentante. La guerre d'agression injustifiée contre l'Iraq a provoqué près de 100 000 victimes civiles, a-t-elle ajouté. Quant au scandale de la prison d'Abou Graïb, il constitue une atteinte à la dignité humaine, a-t-elle déclaré. Les Palestiniens doivent quant à eux lutter contre le génocide et l'élimination, a poursuivi la représentante. Toutes ces situations constituent des violations flagrantes des droits de l'homme et elles ont pour point commun l'intervention du Gouvernement des États-Unis, une intervention qui continue de jouir d'une impunité totale. Les États-Unis détiennent par ailleurs sur leur territoire cinq jeunes cubains injustement condamnés. Si cette session ne prend pas au sérieux ces situations, elle montrera son incapacité à fonctionner sur la base de l'impartialité, a conclu la représentante.

M. HILLEL C. NEUER (United Nations Watch) a déclaré que la Fédération de Russie se trouve placée face à un choix: faire partie de la communauté des démocraties ou bien alors poursuivre une politique d'emprisonnement des dissidents, dont témoigne la situation de Yevgeniya (Jenya) Taranenko. Le représentant a estimé que les libertés civiles et politiques ont été tellement restreintes en Fédération de Russie que l'on peut dire que ce pays n'est plus libre. Le représentant s'est par ailleurs dit alarmé par la consolidation du contrôle de l'État sur les médias. Jenya Taranenko, une étudiante en sociologie de l'Université de Moscou a été arrêtée et placée en détention en décembre dernier pour le simple fait d'avoir exercé son droit à la liberté d'expression, en manifestant contre le Président Poutine. On ne sait toujours pas quand elle sera libérée, a souligné le représentant.

M. ANDRÉS SÁNCHEZ THORÍN (Commission colombienne de juristes) s'est déclaré frappé par le fait que, sur la base du décret 128 de 2003, le Gouvernement colombien ait accordé des avantages à 5 000 paramilitaires dans le cadre d'un processus de démobilisation. Cette mesure contribue à l'impunité face aux crimes de guerre et contre l'humanité que ces personnes ont commis et face à l'absence de clarté quant au liens entre les démobilisés et les trafiquants de drogue. Cette mesure entrave en outre le droit des victimes à obtenir réparation. Les droits des victimes en termes de vérité, justice et réparation sont les seuls qui ouvrent voie à la paix, a souligné le représentant.

MME CORDULA DROEGE (Commission internationale de juristes) a engagé la Commission à se prononcer sur l'adoption de directives concernant le droit au recours et à réparation pour les victimes de violations des droits de l'homme. Les principes et directives concernant ce droit ont déjà fait l'objet de quatre révisions depuis 2000, a rappelé la représentante, précisant que le document est désormais mur pour l'adoption. Ces principes et directives rendront systématiques les pratiques existantes au sein, notamment, de la Cour européenne des droits de l'homme ou de la Cour internationale de justice.


Droit de réponse

M. OMAR DAHAB MOHAMED (Soudan) a assuré que son pays n'épargnerait aucun effort pour collaborer avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires. Affirmer que mon pays n'a pas l'intention de collaborer est un présupposé qui augure mal de la visite, a-t-il ajouté. Le représentant a souligné que la Commission d'enquête soudanaise est parvenue à des conclusions identiques à celles de la Commission internationale d'enquête sur le Darfour. Il a demandé au Rapporteur spécial de ne pas émettre de jugement préconçu sur quelque pays que ce soit.


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