Skip to main content

Article d’opinion Haut-Commissariat aux droits de l’homme

La réalité choquante du viol homophobe Navi Pillay

14 Juin 2011

L’Afrique du Sud a insufflé au monde des idées fortes – dont le concept de la nation arc-en-ciel, où la diversité est source de force et où chaque individu  a des droits et est respecté. Il est d’autant plus regrettable de voir que ce pays qui a entamé une deuxième vie avec Nelson Mandela est actuellement le cadre d’un phénomène funeste qui ébranle tout ce que la nation arc-en-ciel  représente: le viol ‘correctif’ ou ‘punitif’.

Tout  acte de viol est abject et constitue un crime grave qui ne peut être ni toléré, ni  excusé. Dans le cas du viol ‘correctif’ ou ‘punitif’, les femmes et parfois les hommes, sont singularisés et brutalement violés parce qu’ils sont, ou sont perçus  comme, lesbiennes ou homosexuels. Les attaques de ce genre font partie d’une tendance  plus large en matière de violence sexuelle: elles associent communément un manquement fondamental du respect des femmes, qui peut devenir jusque de la misogynie, et où l’homophobie est profondément ancrée.

Bien que le viol ‘correctif’ ou ‘punitif’ soit devenu associé principalement à l’Afrique du Sud, où se trouvent la plupart des cas documentés, le problème n’est pas limité à ce seul pays. Des cas de viols ‘correctifs’ ont été récemment signalés en Uganda, au Zimbabwe et en Jamaïque. Plus généralement, les crimes de haine contre les lesbiennes, les gays, les bisexuels et les personnes transgenres sont répandus partout dans le monde – y compris quelques incidents tragiques, signalés récemment aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Brésil, et au Honduras.

Un rapport de 2009 de l’organisation caritative Action Aid comprend les témoignages de 15 survivantes de viols ‘correctifs’ ou ‘punitifs’ en Afrique du Sud. Dans tous les cas décrits, les victimes interrogées pensent qu’elles ont été ciblées à cause de leur sexualité. Les agresseurs ont dit à leurs victimes qu’ils leur donnaient tout simplement ‘une leçon’, leur rendaient ‘un service’, et   les « punissaient » ou  les « soignaient »  de leur homosexualité. 

Dans un incident rapporté le l 4 mai, une fille de 13 ans a été violée à Atteridgeville, près de Pretoria. Durant l’assaut, son agresseur se serait vanté de la  guérir de son homosexualité. A la fin du mois d’avril, le corps défiguré de l’activiste lesbienne Noxolo Nogwaza a été découvert dans une allée à KwaThema, près de Johannesburg. Elle a été violée et assassinée, vraisemblablement suite à une dispute avec des hommes qui auraient fait une proposition à sa partenaire.

Le meurtre de Nogwaza a eu lieu dans le township où Eudy Simelane avait été victime de viol collectif et poignardée à mort en 2008. Simelane était lesbienne et une joueuse de renommée de l’équipe nationale de football féminin, Banyana Banyana. Des inculpations pour meurtre et viol ont finalement été portées à l’encontre de quatre hommes, dont deux ont été reconnus coupables. Malheureusement, de telles condamnations sont exceptionnelles : rares sont les autres cas de viols dits ‘correctifs’ qui ont été portés devant la justice.  

Obtenir des données statistiques  fiables sur le viol ‘correctif’ ou ‘punitif’ reste complexe. Dans l’absence d’une approche plus systématique d’observation, d’enregistrement et d‘enquêtes sur de tels crimes, il est difficile de comprendre l’ampleur du problème, et encore moins de de condamner les personnes responsables. Trop d’incidents demeurent non-déclarés, et dans les cas ou ils le sont, ces crimes risquent de ne pas être qualifiés comme des crimes haineux homophobes.

Le gouvernement sud-africain a récemment reconnu la gravité de la situation. Suite à  la dernière attaque à Atteridgeville, un porte-parole pour le Ministère de la justice et du développement constitutionnel s’est engagé à mener une enquête rapide et approfondie. A cette occasion,  il a aussi fait référence, à juste titre, aux droits des lesbiennes, gays, bisexuels, des personnes transgenres et intersexuées comme des droits humains et constitutionnels. Ce même Ministère a aussi récemment établi un groupe de travail sur les crimes de haine contre les lesbiennes, gays, et bisexuels, et les personnes transgenres et intersexuées. Ces démarches s’orientent vers la bonne direction.

Reconnaître que les lesbiennes, gays, bisexuels, les personnes transgenres et intersexuées sont vulnérables à la violence et la discrimination est une étape importante vers la réalisation des droits fondamentaux universels. Je comprends que, dans certains pays, l’homosexualité va à l’encontre  des mœurs sexuelles de la majorité. Cependant, en tant que Haut-commissaire, mon rôle est de réaffirmer l’universalité des droits humains et la dignité humaine, qui doivent supplanter tous les autres. Il faut cependant être clair et éviter toute confusion : défendre les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuels, transgenres ou intersexuées, ne signifie pas prôner la reconnaissance de nouveaux droits ou étendre les droits de l’homme à un nouveau territoire. Il s’agit simplement de souligner que le droit international actuel protège toutes les personnes contre la violence et la discrimination, y compris en raison de leur sexualité ou identité de genre. Les états sont responsables de garantir que tous les individus jouissent des mêmes droits – sans distinction pour ce qu’ils sont, d’où ils viennent, ce à quoi ils ressemblent, ou qui ils aiment.

Les Sud-africains ne devraient pas avoir besoin d’être convaincus. C’était, finalement, l’idée sur laquelle le pays s’est reconstruit et qui est aujourd’hui ancrée dans la constitution. Le défi de l’Afrique du Sud est de rester fidèle à ses idéaux et de rendre réelle la promesse de l’ère post-apartheid : une nation arc-en-ciel où tout le monde est libre et égal, et peut vivre confortablement avec ceux qui sont différents. C’est un défi que le reste du monde se doit de relever.

Navi Pillay est le Haut-commissaire aux droits de l’homme des Nations Unies.

[934 mots]

Mots-clés

VOIR CETTE PAGE EN :