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Examen de l’Afrique du Sud devant le CERD : des préoccupations sont exprimées face à la xénophobie et à la persistance d’inégalités de fond dans le pays

28 novembre 2023

Le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale (CERD) a examiné hier après-midi et ce matin le rapport soumis par l’Afrique du Sud au titre de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale.

Tout en se disant conscient des défis rencontrés par le pays, en particulier du fait de l’héritage de l’apartheid, un expert membre du Comité a relevé, à l’issue de cet examen, que les inégalités de fond demeurent dans bien des domaines en Afrique du Sud. Le Comité est préoccupé par la xénophobie dans le pays, laquelle demande une réponse des autorités et de toute la société, a-t-il en outre souligné.

Le Comité est inquiet des attaques contre les ressortissants étrangers en Afrique du Sud, a indiqué l’expert, observant que les autorités semblent minimiser ce problème. Il semble qu’il y ait des stéréotypes négatifs très ancrés s’agissant des non-ressortissants dans le contexte de la crise socioéconomique que traverse le pays, a-t-il insisté. Il s’est également inquiété de l’augmentation des signalements de discours de haine contre les étrangers dans le cadre des campagnes électorales. Des inquiétudes ont également été exprimées face aux violences policières à l’encontre des non-ressortissants.

Le même expert a relevé que les citoyens noirs sont frappés de manière disproportionnée par le chômage et qu’il existe donc une inégalité raciale dans le domaine de l’emploi. Il s’est en outre inquiété de la législation interdisant à certains non-ressortissants d’avoir accès à l’emploi. Il a par ailleurs relevé que les Noirs et les minorités sont surreprésentés dans l’économie informelle. L’expert a aussi relevé de graves inégalités – dont les principales victimes sont les enfants noirs – dans le domaine de l’accès à un enseignement de qualité. Différents rapports indiquent que les Noirs n’ont pas accès aux logements dans les centres-villes, ce qui les éloigne des services publics, a-t-il en outre observé.

Un autre membre du Comité s’est inquiété de nombreux cas de racisme et de xénophobie dans le sport. Cet expert s’est en outre inquiété de plusieurs paragraphes du "Document blanc sur la citoyenneté, l'immigration et la protection des réfugiés » qui doit être prochainement adopté, s’agissant notamment des points qui visent à restreindre les droits socioéconomiques des non-ressortissants – notamment leurs droits à l'emploi et à l'éducation –, y compris pour ce qui est des demandeurs d'asile, des réfugiés et des personnes menacées d'apatridie, ou encore à restreindre la liberté de circulation des demandeurs d'asile.

Selon les informations dont dispose le Comité, la mise en œuvre du Plan d'action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée est lente et ne correspond pas au niveau de discrimination raciale dans l'État partie, s’est par ailleurs inquiété l’expert.

Des inquiétudes ont en outre été exprimées face à la lenteur des avancées s’agissant de la redistribution des terres et face aux rapports faisant état de l’existence de cas d’usage excessif de la force voire de torture de la part des forces de l’ordre et d’un nombre important de décès durant la garde à vue.

Présentant le rapport de son pays, M. Ronald Lamola, Ministre de la justice et des services correctionnels de l’Afrique du Sud, a fait état d’importants progrès réalisés en vue de l’application du Plan d'action national contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, adopté en 2019. Il a ensuite fait savoir que le Gouvernement sud-africain a commandé une étude de référence pour déterminer les niveaux de racisme, de sentiment anti-étranger, d'homophobie, d'incidents raciaux, de relations interraciales et de perceptions de l'identité nationale.

Lorsqu’il sera définitivement adopté, le projet de loi sur la prévention et la répression des crimes et des discours de haine offrira aux victimes de ces crimes une protection juridique et des réparations supplémentaires, a par ailleurs indiqué le Ministre.

M. Lamola a ensuite rappelé que la loi sur l'émancipation économique des Noirs avait été promulguée, entre autres, pour établir un cadre législatif pour la promotion de l'émancipation économique des Noirs, compte tenu de l'histoire du pays en matière d'oppression raciale. Trente ans après la mise en œuvre de politiques de discrimination positive, il reste encore un long chemin à parcourir pour inverser l'héritage de l'apartheid, a-t-il reconnu.

S’agissant du cadre législatif relatif aux droits des peuples autochtones, M. Lamola a mentionné la loi sur la gouvernance traditionnelle et khoïsan et la loi portant modification du cadre de gouvernance et de leadership traditionnel, qui comprennent des mesures visant à garantir le droit à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé sur les procédures administratives et législatives qui concernent ces peuples.

S’agissant des migrants, des demandeurs d'asile, des réfugiés et des apatrides, l’Afrique du Sud a promulgué diverses lois pour protéger leurs droits, a d’autre part indiqué M. Lamola. Selon le Rapport sur la migration dans le monde 2022 de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), l'Afrique du Sud reste le pays de destination le plus important d'Afrique, avec environ 2,9 millions de migrants internationaux résidant dans le pays, a par ailleurs fait observer le Ministre, avant d’ajouter que la migration irrégulière est l'un des principaux défis auxquels le pays est confronté. Pour mettre fin à l'apatridie,l’Afrique du Sud a mis en place des mesures afin de garantir que tous les enfants nés dans le pays aient accès à l'enregistrement des naissances à leur naissance, a-t-il en outre souligné.

Pour conclure, M. Lamola a indiqué que beaucoup a été fait en Afrique du Sud afin de mettre en œuvre la Convention ; mais il faudra un travail continu et la détermination collective du Gouvernement et de tous les partenaires sociaux pour éradiquer plus de trois siècles de colonialisme et d'apartheid et pour réaliser les idéaux et la vision de la Constitution du pays, a-t-il déclaré.

Outre M. Lamola, la délégation sud-africaine était également composée, entre autres, de M. Mxolisi Nkosi, Représentant permanent de l’Afrique du Sud auprès des Nations Unies à Genève, ainsi que de représentants du Département de la justice et du développement constitutionnel, du Département de l’éducation de base, du Département des affaires intérieures, du Département du développement social, et du Département des établissements humains.

Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de l’Afrique du Sud et les rendra publiques à l’issue de sa session, le 8 décembre prochain.

Cet après-midi, à 15 heures, le Comité entamera l’examen du rapport de la Bulgarie.

Examen du rapport de l’Afrique du Sud

Le Comité est saisi du rapport périodique de l’Afrique du Sud (CERD/C/ZAF/9-11).

Présentation du rapport

M. Ronald Lamola, Ministre de la justice et des services correctionnels de l’Afrique du Sud, a rappelé qu’en 2024, l'Afrique du Sud célèbrera les 30 ans de démocratie depuis les élections historiques de 1994 qui, pour la première fois, ont permis à chacun de voter. L'année 1994 a marqué le début d'une ère nouvelle, fondée sur la suprématie de la Constitution et sur les valeurs de la dignité humaine, de la réalisation de l'égalité et de la promotion des droits et libertés de l'homme, a-t-il souligné.

La politique étrangère de l'Afrique du Sud est fondée sur les droits de l'homme et, entre autres, sur la lutte contre la discrimination, l'égalité raciale à l'échelle mondiale et la fin des pratiques d'apartheid partout où elles existent encore, a poursuivi le Ministre. Ainsi, le soutien inébranlable de l’Afrique du Sud à la création d'un État palestinien est-il resté constant depuis l'arrivée au pouvoir du Gouvernement démocratique en 1994, a-t-il déclaré.

S’agissant de la mise en œuvre de la Convention dans le droit national et du cadre institutionnel et politique pour sa mise en œuvre, M. Lamola a fait état d’importants progrès réalisés en vue de l’application du Plan d'action national contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée, adopté en 2019 (pour la période 2019-2024) conformément aux engagements découlant de la Déclaration et du Programme d'action de Durban adoptés lors de la troisième Conférence mondiale contre le racisme en 2001. Il a notamment fait état de 32 campagnes de prévention contre la xénophobie menées depuis 2019 et de la mise en place en novembre 2021 de l’équipe du mécanisme d’intervention rapide chargé de répondre aux incidents liés à des délits racistes et xénophobes. M. Lamola a par ailleurs indiqué que le Gouvernement sud-africain a commandé une étude de référence pour déterminer les niveaux de racisme, de sentiment anti-étranger, d'homophobie, d'incidents raciaux, de relations interraciales et de perceptions de l'identité nationale.

Le Ministre a poursuivi en indiquant que lorsqu’il sera définitivement adopté, le projet de loi sur la prévention et la répression des crimes et des discours de haine offrira aux victimes de crimes et de discours de haine une protection juridique et des réparations supplémentaires.

Au cours de la période allant de 2014 à 2019, un total de 3227 affaires ont été enregistrées devant le Tribunal de l'égalité, a par ailleurs indiqué le Ministre.

En lien avec la question du profilage racial et des violences policières, M. Lamola a souligné que la formation aux droits de l'homme fait partie de la formation de base des policiers à travers des modules tels que « Droits de l'homme et maintien de l'ordre » et « Diversité et maintien de l'ordre », qui couvrent la Déclaration des droits, le traitement des délinquants et les techniques d'interrogatoire afin d’assurer le respect des droits de l'homme et le respect des protocoles internationaux.

M. Lamola a également indiqué que les travaux sur les recommandations formulées par la Commission Vérité et Réconciliation se poursuivent, afin d'accorder aux victimes des réparations conformément aux recommandations approuvées par le Parlement.

En ce qui concerne la poursuite des auteurs de crimes d'apartheid, un dialogue constant a lieu entre les procureurs, les enquêteurs et les familles des défunts lors des séances de reddition de comptes et à l'heure actuelle, 137 affaires font l'objet d'une enquête, dont 18 sont finalisées et 13 sont actuellement devant les tribunaux, a précisé le Ministre, avant d’ajouter qu’une affaire s’est conclue par la condamnation de l’accusé, reconnu coupable de meurtre, à une peine de dix ans d’emprisonnement direct.

Le Ministre a rappelé que la loi sur l'émancipation économique des Noirs avait été promulguée, entre autres, pour établir un cadre législatif pour la promotion de l'émancipation économique des Noirs, compte tenu de l'histoire du pays en matière d'oppression raciale. Trente ans après la mise en œuvre de politiques de discrimination positive, il reste encore un long chemin à parcourir pour inverser l'héritage de l'apartheid, a reconnu M. Lamola.

Le Ministre a par ailleurs souligné que les autorités ont mené plusieurs campagnes de sensibilisation dans les communautés traditionnelles pour combattre et mettre fin aux pratiques culturelles ou traditionnelles préjudiciables telles que l'ukuthwala.

M. Lamola a ensuite présenté une série de mesures prises pour lutter contre les formes croisées de discrimination auxquelles sont confrontées les femmes et les filles noires et issues de minorités ethniques marginalisées, afin de garantir leurs droits socioéconomiques. Il a indiqué qu’il ressort « clairement » de toutes les données disponibles que les femmes ont fait des progrès significatifs dans tous les domaines de la fonction publique. Les progrès ont été néanmoins beaucoup plus lents dans le secteur privé, a-t-il ajouté.

M. Lamola a d’autre part souligné que l’appareil judiciaire avait été transformé, s’agissant notamment de la nomination des juges afin de davantage refléter la composition de la société sud-africaine, en particulier en ce qui concerne la race et le sexe. Ainsi, contrairement aux 186 juges de 1994, parmi lesquels les hommes blancs prédominaient, la magistrature compte aujourd'hui 256 juges (138 hommes et 118 femmes) dont 124 sont des Africains, 30 des métis, 23 des Indiens et 79 des Blancs.

L'Afrique du Sud a aussi élaboré un plan d'action national sur l'albinismequi traite des interventions à mener en faveur des personnes atteintes d'albinisme, notamment dans les domaines de la santé, de l'éducation, de la protection sociale, de l'accès à la justice, des opportunités économiques et de l'emploi, entre autres, a ajouté le Ministre.

S’agissant du cadre législatif relatif aux droits des peuples autochtones, M. Lamola a mentionné la loi sur la gouvernance traditionnelle et khoïsan et la loi portant modification du cadre de gouvernance et de leadership traditionnel, qui comprennent des mesures visant à garantir le droit à la consultation et au consentement libre, préalable et éclairé sur les procédures administratives et législatives qui concernent ces peuples.

S’agissant des migrants, des demandeurs d'asile, des réfugiés et des apatrides, l’Afrique du Sud a promulgué diverses lois pour protéger leurs droits, dont la loi de 2002 sur l'immigration, a également indiqué M. Lamola.

Selon le Rapport sur la migration dans le monde 2022 de l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), l'Afrique du Sud reste le pays de destination le plus important d'Afrique, avec environ 2,9 millions de migrants internationaux résidant dans le pays, a par ailleurs fait observer le Ministre, avant d’ajouter que la migration irrégulière est l'un des principaux défis auxquels le pays est confronté.

Pour mettre fin à l'apatridie,l’Afrique du Sud a mis en place des mesures afin de garantir que tous les enfants nés dans le pays aient accès à l'enregistrement des naissances à leur naissance, a en outre souligné le Ministre. Dans ce contexte, l'Afrique du Sud délivre sur une demande une attestation de naissance pour chaque enfant migrant né en Afrique du Sud.

Pour conclure, M. Lamola a indiqué que beaucoup a été fait en Afrique du Sud afin de mettre en œuvre la Convention ; mais il faudra un travail continu et la détermination collective du Gouvernement et de tous les partenaires sociaux pour éradiquer plus de trois siècles de colonialisme et d'apartheid et pour réaliser les idéaux et la vision de la Constitution du pays, a-t-il déclaré.

Questions et observations des membres du Comité

M. MEHRDAD PAYANDEH, rapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Afrique du Sud, a relevé un manque de données dans le rapport s’agissant notamment des questions liées aux migrants et aux réfugiés, et plus spécifiquement des enfants de ces groupes. Il a en outre regretté que ne figurent pas, dans le dernier recensement, d’informations sur les personnes étrangères en Afrique du Sud. Il a également relevé que dans le cadre du recensement, ne figurent que les catégories « Noirs » et « Blancs » - et rien concernant les autres groupes de la population. Il est dans ce contexte difficile d’appréhender les questions d’intégration des peuples autochtones, s’est inquiété l’expert.

Le rapporteur a par ailleurs jugé les résultats décevants en ce qui concerne la connaissance des questions liées aux discriminations et aux droits de l’homme au sein de la société sudafricaine. Il a demandé pourquoi il n’existait pas un programme d’enseignement scolaire obligatoire sur les droits de l’homme.

M. Payandeh a ensuite indiqué que le Comité était inquiet des attaques contre les ressortissants étrangers en Afrique du Sud. Les autorités semblent minimiser le problème, a-t-il observé. Il semble qu’il y ait des stéréotypes négatifs très ancrés s’agissant des non-ressortissants dans le contexte de la crise socioéconomique que traverse le pays, a poursuivi l’expert. Dans ce contexte, il a souhaité en savoir davantage sur la mise en œuvre du Plan d’action national contre [le racisme, la discrimination raciale,] la xénophobie [et l'intolérance qui y est associée]. M. Payandeh s’est en outre inquiété de l’augmentation des signalements de discours de haine contre les étrangers dans le cadre des campagnes électorales. Aussi, s’est-il enquis des mesures prises pour lutter contre ce phénomène en vue des élections de 2024.

Le rapporteur s’est par ailleurs inquiété des violences policières à l’encontre des personnes non-ressortissantes.

M. Payandeh a par la suite observé que certaines formes de criminalité en Afrique du Sud étaient bien ciblées contre des groupes spécifiques de la société, notamment les fermiers blancs.

L’expert a d’autre part demandé des informations détaillées quant à l’incidence des mesures spéciales prises pour mettre fin à l’apartheid et assurer l’égalité entre tous les citoyens.

S’agissant de l’emploi, le rapporteur a relevé que les citoyens noirs sont frappés de manière disproportionnée par le chômage. Il existe donc une inégalité raciale dans le domaine de l’emploi, a-t-il insisté, avant de s’enquérir des effets de l’amendement apporté à la législation sur l’emploi. Il s’est en outre inquiété de la législation interdisant à certains non-ressortissants d’avoir accès à l’emploi. Il a par ailleurs relevé que les Noirs et les minorités sont surreprésentés dans l’économie informelle et s’est enquis des initiatives prises par les autorités pour lutter contre ce phénomène. Il s’est aussi enquis des mécanismes de plainte dans le domaine du travail accessibles aux non-ressortissants sans qu’ils encourent le risque de se faire renvoyer. L’expert s’est également enquis des mesures prises pour lutter contre les discriminations sur le lieu de travail.

M. Payandeh a aussi relevé de graves inégalités – dont les principales victimes sont les enfants noirs – dans le domaine de l’accès à un enseignement de qualité et a demandé ce qui était fait pour lutter contre ces inégalités.

Comment l’Afrique du Sud veille-t-elle à ce que des ressources suffisantes soient apportées afin que les personnes les plus vulnérables aient accès à un logement, a d’autre part demandé l’expert ? Différents rapports indiquent que les Noirs n’ont pas accès aux logements dans les centres-villes, ce qui les éloigne des services publics, a-t-il en outre relevé.

L’expert a par ailleurs relevé la lenteur des avancées s’agissant de la redistribution des terres.

Évoquant la discrimination croisée, il a attiré l’attention sur la marginalisation des personnes âgées en Afrique du Sud qui, a-t-il souligné, vivent pour beaucoup d’entre elles dans la pauvreté.

M. Payandeh s’est par ailleurs enquis des mesures prises - au-delà de la seule sensibilisation – pour combattre les pratiques culturelles préjudiciables, notamment l’ukuthwala. Il a demandé quelles mesures ciblées étaient prises, notamment en milieu rural, pour lutter contre ce phénomène.

M. Payandeh a aussi demandé des informations sur les mesures prises pour règlementer la santé au travail et assurer la sécurité des travailleurs domestiques, notamment vis-à-vis de la violence sexiste.

Le rapporteur a d’autre part déploré un manque de mesures efficaces pour lutter contre les violences et les discours de haine à l’encontre des personnes atteintes d’albinisme.

M. Payandeh a par ailleurs demandé davantage d’informations sur la mise en œuvre du droit à l’autodétermination des peuples autochtones et s’est enquis de la manière dont étaient mises en œuvre les consultations autour de tous les projets qui les concernent.

MME RÉGINE ESSENEME, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport de l’Afrique du Sud, s’est réjouie du processus d’adoption du projet de loi sur la prévention et la répression des crimes et des discours de haine. Elle a demandé si des organisations de base - notamment de femmes ou de personnes handicapées – avaient été consultées dans le cadre du processus d’adoption de ce texte. L’experte s’est en outre inquiétée que le projet de loi ne contienne pas tous les motifs de discrimination tels qu’inscrits dans la Convention. Mme Esseneme a par ailleurs demandé à la délégation quelles mesures étaient prises pour lutter contre les discours de haine dans les médias et au sein des partis politiques.

L’experte a d’autre part demandé des informations sur les mesures prises pour améliorer la collecte de données dans le domaine de la discrimination raciale.

Mme Esseneme a ensuite relevé un manque d’informations, dans le rapport, concernant les violences policières en Afrique du Sud, alors que – a-t-elle souligné – des rapports semblent indiquer l’existence de cas d’usage excessif de la force voire de torture de la part des forces de l’ordre. Un autre rapport note un nombre important de décès durant la garde à vue, a ajouté l’experte. Elle a dès lors souhaité connaître les mesures prises pour lutter contre l’usage excessif de la force et le recours au profilage racial par les forces de l’ordre. Elle a également souhaité connaître le nombre d’affaires dans ce domaine portées devant les tribunaux.

S’agissant des travaux de la Commission Vérité et Réconciliation, Mme Esseneme a voulu savoir pourquoi durant la période examinée il n’y avait eu dans ce contexte aucune amélioration constatée dans le domaine des poursuites judiciaires. L’experte s’est par ailleurs enquise des mesures prises en faveur de la réintégration sociale des victimes de l’apartheid.

M. BAKARI SIDIKI DIABY, corapporteur du Comité pour l’examen du rapport de l’Afrique du Sud, a demandé des informations sur la mise en œuvre des recommandations de l’institution nationale des droits de l’homme sudafricaine relatives à la mise en œuvre des dispositions de la Convention. Il a également demandé des informations sur le financement de cette institution, relevant que l’Alliance mondiale des institutions nationales des droits de l’homme (GANHRI) avait recommandé de lui donner davantage de ressources pour qu’elle mène à bien ses mandats.

M. Diaby s’est par ailleurs inquiété de nombreux cas de racisme et de xénophobie dans le sport. Il s’est en outre inquiété de l’existence d’une ville en Afrique du Sud, « symbole de l’apartheid », dans laquelle ne peuvent vivre que des Blancs.

M. Diaby s’est par ailleurs inquiété de plusieurs paragraphes du "Document blanc sur la citoyenneté, l'immigration et la protection des réfugiés : Vers une refonte complète du système de migration en Afrique du Sud" qui doit être prochainement adopté, s’agissant notamment des points qui visent à restreindre les droits socioéconomiques des non-ressortissants – notamment leurs droits à l'emploi et à l'éducation –, y compris pour ce qui est des demandeurs d'asile, des réfugiés et des personnes menacées d'apatridie, ou encore à restreindre la liberté de circulation des demandeurs d'asile.

Selon les informations dont dispose le Comité, a ajouté l’expert, le cadre législatif relatif aux réfugiés qui est entré en vigueur en janvier 2020 est en contradiction avec les normes internationales relatives à la protection des réfugiés – et ce, au détriment des demandeurs d'asile en Afrique du Sud.

Les informations dont dispose le Comité indiquent que les demandeurs d'asile sont confrontés à de longs délais d'attente et à des obstacles et retards administratifs pour le renouvellement de leurs documents, a par ailleurs souligné M. Diaby.

L’expert a en outre relevé que le cadre juridique national prévoit une protection pour les enfants migrants vulnérables, y compris les enfants non accompagnés, mais que les rapports présentés au Comité indiquent qu'il existe des obstacles administratifs et des barrières qui entravent la demande d'asile des enfants non accompagnés.

M. Diaby a d’autre part souhaité en savoir davantage sur les mesures visant à prévenir et à combattre l'exploitation et la maltraitance des travailleurs migrants.

Selon les informations dont dispose le Comité, la mise en œuvre du Plan d'action national de lutte contre le racisme, la discrimination raciale, la xénophobie et l'intolérance qui y est associée est lente et ne correspond pas au niveau de discrimination raciale dans l'État partie, s’est par ailleurs inquiété l’expert.

S’agissant du programme de permis d'exemption du Zimbabwe (ZEP), qui permet à 170 000 Zimbabwéens [qui se trouvaient en situation irrégulière en Afrique du Sud] de détenir un permis temporaire, M. Diaby a souhaité savoir pourquoi l’Afrique du Sud envisage de l'annuler et s’est enquis des garanties prévues pour éviter l'apatridie des personnes concernées.

Un autre expert s’est enquis des mesures prises pour lutter contre les violences et les pressions à l’encontre des défenseurs des droits de l’homme qui traitent des questions liées à la xénophobie.

Réponses de la délégation

La délégation a indiqué que le projet de loi sur la prévention et la répression des crimes et des discours de haine a été publié il y a quelques années mais qu’un recours devant la Cour constitutionnelle avait retardé son approbation. Il vient d’être adopté par la deuxième chambre avec certains amendements et l’Assemblée nationale va maintenant pouvoir voter sur ce texte qui, s’il est adopté, deviendra donc une loi.

S’agissant des partis politiques qui sont responsables de discours de haine, la délégation a souligné que chacun a droit à la liberté d’expression en Afrique du Sud mais qu’en cas de manquement ou d’acte criminel commis dans le cadre d’un discours politique, le responsable peut être poursuivi devant les tribunaux.

L’Afrique du Sud est confrontée à un défi lié à la criminalité violente qui touche tous les Sud-Africains dans le contexte des inégalités socioéconomiques, a d’autre part indiqué la délégation. Le Gouvernement tente de tout mettre en œuvre pour lutter contre ce phénomène, a-t-elle assuré. Aucun groupe n’est visé spécifiquement par cette criminalité ; tous les Sud-Africains y sont confrontés et elle ne vise pas particulièrement les fermiers blancs, a-t-elle ajouté. La majorité des personnes tuées ou victimes de cette criminalité sont noires, a-t-elle souligné.

L’Afrique du Sud a toujours accueilli des personnes issues de nombreux pays et c’est l’un des rares pays du continent qui a profité d’une « infusion culturelle » des migrants étrangers, a poursuivi la délégation. Beaucoup de ces migrants ont travaillé dans divers secteurs de l’économie et contribué au développement du pays, a-t-elle ajouté. Les étrangers ont toujours été très bien intégrés dans l’ensemble du pays, a assuré la délégation. L’Afrique du Sud n’exerce aucune discrimination sur la base du statut de résidence, a-t-elle souligné.

La délégation a notamment fait observer que dans le domaine du sport, par exemple, un grand nombre de sportifs professionnels viennent s’installer dans le pays.

Certaines assertions concernant la situation des étrangers qui ont été faites par des experts du Comité sont fausses, a poursuivi la délégation, avant de reconnaître toutefois qu’il arrive de temps à autre qu’il y ait des violences sporadiques à l’encontre des étrangers en raison de la crise économique et de la concurrence sur le marché du travail. Les problèmes de xénophobie sont la conséquence du partage des maigres ressources du pays, a affirmé la délégation. Lorsque l’économie sud-africaine était florissante, le pays ne rencontrait pas ce type de phénomènes, a-t-elle insisté.

Selon les chiffres officiels, il y a 2,5 millions de non-ressortissants en Afrique du Sud, mais leur nombre réel est probablement beaucoup plus élevé en raison du nombre important de migrants en situation irrégulière qui ne rentrent pas dans les données officielles, a souligné la délégation.

La délégation a assuré que toutes les naissances sont enregistrées sur le territoire sud-africain, même pour les enfants nés de parents en situation irrégulière.

Par ailleurs, a ajouté la délégation, les enfants qui arrivent de manière illégale en Afrique du Sud avec leurs parents ont accès à l’éducation. Quant aux mineurs non accompagnés, ils sont considérés en Afrique du Sud comme des personnes ayant besoin d’un soutien spécifique et sont par ailleurs traités sur un pied d’égalité avec les autres enfants sudafricains.

Évoquant par la suite la situation des demandeurs d’asile et des réfugiés, la délégation a indiqué que l’Afrique du Sud avait assisté à un déclin du nombre de demandeurs d’asile. Les chiffres sont aujourd’hui réduits en raison de la pacification des pays voisins de l’Afrique du Sud, a-t-elle expliqué, précisant qu’un million de personnes bénéficient aujourd’hui d’un permis de séjour en Afrique du Sud.

La délégation a présenté la politique de l’Afrique du Sud en matière d’octroi de visas de travail, notamment pour les métiers en tension.

Si les personnes arrivent avec un permis de séjour ou un visa de travail, elles ont les mêmes droits que les ressortissants sud-africains, a précisé la délégation.

S’agissant du « Document blanc sur la citoyenneté, l'immigration et la protection des réfugiés », la délégation a indiqué qu’il s’agissait d’un texte qui fait actuellement l’objet de consultations publiques pour une durée de deux mois, après quoi le cabinet se penchera à nouveau sur le texte. Un avis juridique sera alors sollicité afin d’assurer que toutes les dispositions du texte soient conformes aux engagements internationaux de l’Afrique du Sud. Ce document vise à mieux gérer les flux migratoires, a précisé la délégation. L’objectif n’est pas de restreindre les droits des réfugiés et des migrants mais de lutter contre ceux qui abusent du système, a-t-elle affirmé.

En ce qui concerne le programme de permis d'exemption du Zimbabwe (ZEP), la délégation a expliqué qu’il ne s’agissait pas d’un permis de résidence mais d’une mesure visant à lutter contre l’apatridie car de nombreux Zimbabwéens qui se réfugiaient en Afrique du Sud n’avaient pas de papiers. La question aujourd’hui est de mettre fin à ces régimes spéciaux mis en place pour les ressortissants zimbabwéens au moment de la crise dans leur pays ; ces permis d’exemption étaient une mesure provisoire, a souligné la délégation.

S’agissant de la sensibilisation aux droits de l’homme, la délégation a indiqué que le Gouvernement mène un programme robuste d’information concernant la Constitution sud-africaine. Ce qui n’a pas été fait, a-t-elle reconnu, c’est l’évaluation du niveau de connaissance de la population concernant les droits de l’homme. Néanmoins, l’Afrique du Sud est une démocratie active et les Sud-Africains souhaitent faire valoir leurs droits constitutionnels, a insisté la délégation. Quoi qu’il en soit, la Commission nationale des droits de l’homme travaille sur cette question, a-t-elle indiqué, avant d’ajouter que même dans la situation budgétaire contrainte qui est celle du pays, les autorités veillent à ce que cette institution puisse continuer à assurer son mandat.

S’agissant de la collecte de données dans le contexte de la lutte contre la discrimination raciale, la délégation a indiqué qu’un recueil de données avait été mis en place dans le domaine de la justice pénale.

La délégation a indiqué que la répartition statistique (globale) entre « Noirs » et « Blancs » visait à disposer d’indicateurs (globaux) concernant les questions liées à la lutte contre les inégalités et les discriminations, afin de créer une société plus égalitaire à la suite du système de l’apartheid.

S’agissant des tribunaux de l’égalité, beaucoup reste encore à faire pour que la population connaisse leur existence et leur fonctionnement, a reconnu la délégation. Les autorités utilisent différentes plates-formes pour que les gens connaissent leurs droits et puissent les faire valoir devant ces tribunaux, a-t-elle indiqué.

La délégation a souligné que le sport était un facteur d’intégration, comme le montre l’équipe de rugby, championne du monde, qui reflète l’ensemble de la société.

S’agissant de la ville où il n’y aurait que des Blancs, dont un membre du Comité a fait état, la délégation a indiqué qu’il s’agissait d’un terrain privé dans lequel les gens voulaient vivre dans leur monde ; aucun membre d’une autre communauté n’a exprimé l’envie d’aller vivre là-bas, a souligné la délégation.

La délégation a affirmé que la législation dans le domaine de la discrimination était conforme aux dispositions de la Convention, notamment pour ce qui est de reprendre l’ensemble des motifs de discrimination inscrits dans cet instrument.

La délégation a par ailleurs reconnu que le système foncier en Afrique du Sud était toujours favorable à la communauté blanche ; mais les autorités prennent des mesures dans ce domaine et aujourd’hui, plus de 5 millions d’hectares de terre ont été redistribués ou restitués, a-t-elle fait valoir. La loi relative au code foncier qui va bien entrer en vigueur a pour but de régler les différends dans ce domaine, a d’autre part indiqué la délégation.

S’agissant de l’éducation, la délégation a indiqué que l’Afrique du Sud était parvenue à une éducation quasi universelle pour les enfants âgés de 7 à 15 ans. Elle a attiré l’attention sur la croissance exponentielle du taux de scolarisation des enfants – notamment des enfants noirs – au cours des dernières décennies. La délégation a précisé que les autorités avaient mis en place une politique interdisant l’exclusion des jeunes filles de l’école pour raison de grossesse. Le Gouvernement a aussi instauré un système de bourses afin de permettre l’inscription d’un plus grand nombre d’étudiants à l’université.

La délégation a ensuite présenté les mesures d’atténuation de la pauvreté prises par les autorités sud-africaines. L’approche en la matière se calque sur le cycle de vie, ce qui signifie que l’État fournit une aide financière dès la petite enfance. La délégation a par ailleurs précisé qu’une part importante de l’aide financière globale pour lutter contre la pauvreté était accordée sous forme d’aide aux personnes âgées.

La délégation a en outre mentionné la création de centres communautaires qui fournissent des services aux personnes vulnérables, notamment aux enfants migrants, en matière d’éducation, d’aide psychosociale ou de renforcement économique.

La délégation a en outre indiqué que la loi interdit les pratiques culturelles et autres préjudiciables, notamment l’ukuthwala. La loi interdit aussi le mariage des mineurs, a-t-elle précisé. La priorité de la législation en la matière est de défendre l’intérêt supérieur de l’enfant, a-t-elle souligné. La délégation a assuré que les mesures prises dans ce contexte étaient efficaces, comme le montre par exemple la baisse drastique du nombre de mariages d’enfants. Les victimes de l’ukuthwala sont prises en charge, notamment dans le domaine psychosocial, afin qu’elles puissent être réintégrées au sein de leur communauté, a précisé la délégation.

L’Afrique du Sud a mis en place une équipe spéciale chargée des personnes atteintes d’albinisme, a par ailleurs souligné la délégation. Cette équipe est chargée de mettre en place des mesures de protection totale de ces personnes et d’assurer la protection et la promotion de leurs droits, notamment en favorisant leur inclusion dans la société.

La situation des travailleurs domestiques constitue un problème en Afrique du Sud comme dans de nombreux autres pays, a par ailleurs reconnu la délégation. Il est très difficile de faire entendre leurs voix, a-t-elle souligné. Néanmoins, a-t-elle ajouté, depuis 1994, de nombreux efforts ont été entrepris par l’État pour améliorer les droits et la situation des travailleurs domestiques, lesquels sont désormais notamment couverts par la loi sur le salaire minimum.

Remarques de conclusion

M. PAYANDEH s’est dit conscient des défis rencontrés par l’Afrique du Sud, en particulier du fait de l’héritage de l’apartheid. Les inégalités de fond demeurent dans bien des domaines, a-t-il relevé. Le Comité est préoccupé par la xénophobie dans le pays, laquelle demande une réponse des autorités et de toute la société, a souligné l’expert.

M. Lamola a remercié l’ensemble des membres du Comité pour ce dialogue et pour les pistes esquissées afin d’améliorer la mise en œuvre de la Convention en Afrique du Sud. Il a souligné que la délégation sud-africaine répondrait par écrit aux questions laissées en suspens. Le Ministre a rappelé que l’Afrique du Sud émergeait d’une histoire sombre liée à l’apartheid : il reste des défis à relever, mais il y a dans ce pays un État et une démocratie qui visent à transformer les choses afin d’assurer l’égalité réelle de tous les citoyens.

MME VERENE SHEPHERD, Présidente du Comité, a remercié la délégation pour ses réponses et a indiqué que les membres du Comité allaient maintenant travailler à l’élaboration des observations finales qui seront adressées au pays à l’issue de cette session.


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