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Le Conseil des droits de l’homme porte son attention sur la prévention du génocide et sur la violence contre les femmes

28 juin 2021

28 juin 2021

Le Conseil des droits de l’homme a dialogué ce matin avec la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide, Mme Alice Wairimu Nderitu, avant d’engager son dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, Mme Dubravka Šimonović, dont le rapport porte cette année sur le viol en tant que violation grave, systématique et généralisée des droits de l’homme et propose un modèle de loi type sur le viol.

Mme Šimonović a notamment préconisé que le droit pénal protège toutes les personnes contre le viol, y compris les hommes et les personnes de diverses identités de genre ; que le viol entre conjoints ou partenaires intimes soit criminalisé ; et que les rapports sexuels sans consentement soient considérés comme un viol dans toutes les définitions. Plusieurs délégations** ont engagé avec la Rapporteuse spéciale un dialogue qui se poursuivra demain matin.

Lors du dialogue avec la Conseillère spéciale pour la prévention du génocide – auquel de nombreuses délégations* ont pris part – il a notamment été souligné que la prévention des atrocités nécessite aussi de s’engager pleinement pour l’élimination de toutes les formes de violence sexuelle et basée sur le genre : ce type de violence demeure en effet trop souvent un élément stratégique dans la planification et la perpétration d’atrocités.

Mme Nderitu a exprimé son inquiétude face à la persistance de cas de négation des génocides et des crimes de guerre et de glorification des criminels de guerre. Elle s’est aussi dite préoccupée par les violences ciblées contre des communautés, par les déplacements forcés de populations et par les destructions de biens dans plusieurs pays et régions. La Conseillère spéciale a encouragé le Conseil à poursuivre ses efforts en matière d'alerte précoce et d'action rapide, afin d'empêcher de nouvelles atrocités de se produire.

Entre autres recommandations, Mme Nderitu a suggéré que le Conseil et les États membres utilisent l'Examen périodique universel (EPU) comme un outil pour détecter les facteurs de risque d'atrocités.

À 15 heures, cet après-midi, le Conseil se penchera sur les rapports qui lui sont soumis concernant, d’une part, l’indépendance des juges et des avocats et, d’autre part, les entreprises et les droits de l’homme.

Dialogue avec la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide

Le Conseil tient ce matin un dialogue avec la Conseillère spéciale du Secrétaire général pour la prévention du génocide au sujet des progrès accomplis dans l’exercice de ses fonctions.

Le résumé de la réunion intersessions d’une journée [10 février 2021] au cours de laquelle s’est tenu un dialogue sur la coopération aux fins du renforcement des capacités de prévention du génocide, qui aurait dû être présenté à la présente session, sera présenté lorsque la situation financière le permettra (voir note du secrétariat A/HRC/47/60).

Déclaration de la Conseillère spéciale pour la prévention du génocide

MME ALICE WAIRIMU NDERITU, Conseillère spéciale pour la prévention du génocide, a précisé qu’une partie de son mandat consistait à donner l'alerte et à recueillir les informations existantes sur les violations massives et graves des droits de l'homme et du droit humanitaire international, notamment à l'encontre des minorités ethniques, religieuses et nationales, qui, si elles ne sont pas empêchées ou stoppées, pourraient conduire à un génocide. Les crimes d'atrocité – crimes de guerre, crimes contre l'humanité, génocide – affectent des sociétés entières sur plusieurs générations, a-t-elle rappelé.

L'inaction, autrement dit le fait de ne pas réagir rapidement aux signes avant-coureurs, ouvre la voie au génocide et aux atrocités, a poursuivi la Conseillère spéciale. Il faut donc un engagement plus fort et une action rapide aux niveaux communautaire, national, régional et international, et adopter des approches sincères en matière de prévention et d'action rapide, a plaidé Mme Nderitu.

La Conseillère spéciale a ensuite fait part de ses préoccupations face à la situation dans plusieurs pays ou régions, s’agissant notamment des violences ciblées contre des communautés, avec des déplacements forcés de populations et des destructions de biens, citant en particulier la Syrie, le Myanmar, le Yémen, l’Afghanistan, l’Éthiopie, la République centrafricaine, la République démocratique du Congo, le Soudan du Sud, Israël et le territoire palestinien occupé. Pour ce qui est de la Bosnie-Herzégovine, Mme Nderitu a exprimé son inquiétude face à la persistance de cas de négation des génocides et des crimes de guerre et de glorification des criminels de guerre. Dans la région des Amériques, la Conseillère spéciale s’est dite particulièrement préoccupée par la situation des peuples autochtones.

Mme Nderitu a estimé que le Conseil apportait une contribution importante à la dissuasion des crimes d'atrocité grâce à la capacité de ses titulaires de mandat au titre des procédures spéciales de donner l’alerte en cas de signes avant-coureurs. Elle a encouragé le Conseil à poursuivre ces efforts en matière d'alerte précoce et d'action rapide afin d'empêcher de nouvelles atrocités, en mettant l'accent sur les situations nationales. Elle a également recommandé que le Conseil et les États membres utilisent l'Examen périodique universel (EPU) comme un outil pour détecter et traiter les facteurs de risque sous-jacents d'atrocités dans les pays examinés.

Mme Nderitu a appelé tous les États à ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Aperçu du débat

Face au génocide, le silence perpétue les blessures et il n’est pas exagéré de dire qu’une justice différée à cet égard est une justice refusée, a souligné ce matin une délégation. Par conséquent, le Conseil devrait contribuer à l'application de la justice que les victimes et leurs descendants méritent, notamment par la réparation, les garanties de non-répétition et la préservation de la mémoire historique. Pour une autre délégation, l'enseignement de l'Holocauste devrait non seulement viser à enseigner aux nouvelles générations la réalité des juifs et d'autres groupes persécutés pendant l'ère nazie, mais surtout faire la lumière sur la discrimination et les persécutions qui ont conduit et peuvent toujours conduire à de telles atrocités.

À cet égard, la Haute-Commissaire a été encouragée à porter activement à l’attention du Conseil des informations sur les régions où il existe un risque accru de crise des droits de l'homme, notamment de génocide. Il a été souligné que le Conseil et ses mécanismes jouent eux aussi un rôle important de surveillance et d'alerte rapide face au risque de génocide.

Les États doivent pour leur part poursuivre et accentuer leurs efforts en faveur de la prévention des violations des droits de l’homme et des crimes de génocide et lutter contre les idéologies génocidaires, a plaidé une délégation. La prévention des atrocités nécessite aussi de s’engager pleinement pour l’élimination de toutes les formes de violence sexuelle et basée sur le genre : celle-ci demeure en effet trop souvent un élément stratégique dans la planification et la perpétration d’atrocités, ont relevé plusieurs orateurs.

L'incapacité de lutter contre la discrimination raciale, contre la violence ethnique et religieuse, contre la stigmatisation et contre les discours de haine crée une culture d'impunité et un manque de responsabilité, et donc un environnement qui expose les populations civiles à un risque élevé d'atrocités et de crimes, a-t-il été relevé. La lutte contre l’impunité doit contribuer à briser des cycles de violences et à répondre aux attentes de justice des populations, a insisté un intervenant.

Des délégations se sont dites très attachées au mandat et à l’indépendance du Bureau conjoint de la Conseillère spéciale pour la prévention du génocide et de la Conseillère spéciale pour la responsabilité de protéger.

Certaines délégations ont rejeté ce qu’elles ont qualifié de « manipulation de la lutte contre le génocide » pour faire avancer des programmes et des concepts non reconnus sur le plan international – en particulier la « responsabilité de protéger ».

Tous les États ont été invités à ratifier la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide.

Des intervenants ont dénoncé ce qu’ils ont qualifié de crimes de génocide, d’épurations ethniques ou d’atrocités commis jadis dans les pays autrefois colonisés et, de nos jours, en Amérique du Nord et du Sud, dans les Caraïbes, au Proche-Orient et au Moyen-Orient, en Asie centrale et de l’Est, dans le sous-continent indien et en Europe orientale.

*Liste des intervenants : Union européenne, Danemark (au nom d’un groupe de pays), Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays), Cuba, France, Suisse, Indonésie, Israël, Luxembourg, Iraq, Arménie, Chine, Maroc, Pays-Bas, États-Unis, Roumanie, Azerbaïdjan, Irlande, Pakistan, Royaume-Uni, Fédération de Russie, Monténégro, Tunisie, Bangladesh, Malawi, Cambodge, Iran, Center for Global Nonkilling, Justiça Global, Stichting Global Human Rights Defence, Conselho Indigenista Missionário (CIMI), British Humanist Association, Minority Rights Group, Universal Rights Group, Christian Solidarity Worldwide, International Bar Association et Lawyers’ Rights Watch Canada.

La Chine a soulevé deux motions d’ordre pendant la séance.

Réponses et remarques de conclusion de la Conseillère spéciale

MME NDERITU a précisé que son mandat avait notamment pour priorités l’alignement du programme « femmes, paix et sécurité » avec la prévention du génocide ; la discrimination à l’encontre des peuples autochtones ; et la lutte contre les discours de haine pendant la pandémie de COVID-19.

Ce mandat ayant pour mission l’alerte précoce, a expliqué la Conseillère spéciale, il tient des séances d’information sur la prévention du génocide dans certaines situations de pays auprès du Conseil de sécurité et du Secrétaire général, entre autres. Mme Nderitu a défendu l’Examen périodique universel (EPU) en tant que mécanisme de prévention.

Mme Nderitu a par ailleurs insisté sur l’importance de l’éducation aux droits de l’homme face à la montée du déni des crimes de guerre, voire de la glorification des auteurs de ces crimes.

Dialogue avec la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences

Le Conseil est saisi des rapports de la Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, intitulés « Le viol en tant que violation grave, systématique et généralisée des droits de l’homme, en tant que crime et en tant que manifestation de la violence fondée sur le genre à l’égard des femmes et des filles, et sa prévention » (A/HRC/47/26) et « Un cadre pour la législation sur le viol (loi modèle sur le viol) » (A/HRC/47/26/Add.1, à paraître en français).

Présentation des rapports

MME DUBRAVKA SIMONOVIC, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes, ses causes et ses conséquences, a expliqué que son rapport mettait l’accent sur la responsabilité des États pour ce qui est de prévenir le viol et de mettre fin à la culture du viol, à l’impunité pour les auteurs, à la stigmatisation et au manque d’accès à la justice pour les victimes. Ce rapport appuie et encourage également un processus d’examen et d’harmonisation des lois et pratiques pénales nationales avec les normes internationales en matière de viol.

Ce rapport est accompagné d’un cadre type pour la législation sur le viol, que Mme Simonovic a expliqué avoir lancé aujourd’hui et qui est destiné à servir d’outil d’harmonisation afin de comparer et d’aligner les législations nationales sur les normes internationales.

La Rapporteuse spéciale a poursuivi en indiquant que son rapport thématique se concentre sur le viol en tant que forme spécifique de violence sexuelle. Elle a expliqué avoir relevé dans un premier temps que les normes internationales sur le viol n’ont pas été incorporées pleinement ou correctement au niveau national ; elle a fait observer que les États utilisent des définitions différentes du viol dans leur législation nationale et que l’application de cette législation est influencée par le contexte général des différentes formes de discrimination et de violence sexiste à l’égard des femmes et des mythes et stéréotypes sexistes sur le viol (transmis notamment par les médias) ainsi que par le système de justice pénale, ce qui aboutit à la normalisation actuelle du viol et de l’impunité des auteurs.

Dans ses conclusions, Mme Simonovic a notamment recommandé que [s’agissant du viol] les dispositions du droit pénal protègent toutes les personnes, sans discrimination, y compris les hommes, les garçons et les personnes de diverses identités de genre, et couvrent tous les types de pénétration, même légère, de nature sexuelle avec toute partie corporelle ou tout objet. Elle a aussi recommandé que la criminalisation du viol inclue le viol entre conjoints ou partenaires intimes, et que les États qui continuent à exclure la criminalisation du viol conjugal, contrairement aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, abrogent d’urgence ces dispositions. La Rapporteuse spéciale a par ailleurs indiqué que les rapports sexuels sans consentement devraient être considérés comme un viol dans toutes les définitions.

Les États devraient également revoir et abolir toutes les circonstances atténuantes qui ne sont pas conformes aux normes relatives aux droits de l’homme – en particulier les dispositions suggérant d’épouser son violeur – et cesser de les appliquer, a plaidé la Rapporteuse spéciale. Elle a en outre recommandé qu’il n’y ait pas de délai de prescription pour engager des poursuites judiciaires en cas de viol, qu’il ait été commis pendant un conflit ou en temps de paix. Elle a ajouté que son rapport recommande également aux États de prévoir une compétence extraterritoriale, afin que leurs tribunaux puissent poursuivre les affaires de viol commises par leurs ressortissants en dehors de leur territoire – ce qui est particulièrement pertinent pour prévenir l’impunité des affaires impliquant du personnel international lié à l’ONU, a-t-elle souligné.

Enfin, Mme Simonovic a fait le bilan des six années de son mandat, qui prendra fin le mois prochain.

Aperçu du débat

Le viol et les violences sexuelles constituent l’une des pires atteintes à l’intégrité d’une personne, attaquant à la fois son intégrité physique et son intégrité mentale, ont rappelé plusieurs délégations, avant de regretter que les condamnations (pour ce type de violences) et même les signalements (de ces violences) ne correspondent pas au nombre réel de cas.

Plusieurs délégations se sont montrées préoccupées par la persistance des actes de viols et l’impunité dont bénéficient leurs auteurs malgré l’adoption, dans de nombreux pays, de lois répressives qui viennent s’ajouter aux dispositions prévues à cet effet dans l’ordonnancement juridique international. Dans ce contexte, l’harmonisation des lois pénales nationales avec les normes et la jurisprudence internationales, en temps de paix comme en temps de conflit, doit permettre de mieux prévenir le viol, a-t-il été souligné. Il faut développer une approche centrée sur la victime, a-t-il été ajouté.

Le viol demeure un crime diversement puni, en raison non seulement du silence, de la stigmatisation et du sentiment de honte qui l'entourent, mais également du fait de l'étroitesse de la définition du viol dans certains pays, qui exclut certains aspects comme le viol conjugal, a constaté une délégation. Ce vide législatif peut être en lien avec des aspects culturels ou traditionnels ou avec des stéréotypes patriarcaux persistants, qui viennent entraver la volonté de légiférer dans ce domaine, a expliqué une délégation. De nombreux intervenants ont invité tous les États à inscrire dans la définition du viol l’absence de consentement comme élément constitutif de cette infraction.

Une délégation a salué la proposition de loi type sur le viol avancée par la Rapporteuse spéciale, dont la vocation est d’être un outil d’harmonisation essentiel.

A aussi été rappelée l’importance de la Convention d’Istanbul sur la prévention et la lutte contre la violence à l’égard des femmes et la violence domestique qui contient la première définition juridiquement contraignante de la violence sexuelle, incluant le viol, et dont la ratification par le plus grand nombre d’États a été recommandée.

Plusieurs pays ont dénoncé l’utilisation du viol comme arme de guerre, notamment dans le cadre du conflit au Tigré, en Éthiopie.

De nombreuses délégations ont présenté les mesures et législations nationales adoptées par leur pays pour combattre le viol.

**Liste des intervenants : Union européenne, Pays-Bas (au nom d’un groupe de pays), Suède (au nom d’un groupe de pays), Pakistan (au nom de l’Organisation de coopération islamique), Chili (au nom d’un groupe de pays), Égypte (au nom du Groupe des États arabes), Liechtenstein, Paraguay, Costa Rica, Canada, France, Équateur, Israël, Indonésie, Libye, Australie, Ordre souverain de Malte, Brésil, Luxembourg, Suisse, Cuba République de Corée, Espagne, Angola, Sénégal, Fidji, Iraq, Émirats arabes unis, Arménie, Chine, Syrie, Burkina Faso, Malte, Inde, Maldives, Maroc, Algérie, Venezuela, États-Unis, Égypte, Grèce, Népal, Arabie saoudite, Namibie, Malaisie, Afrique du Sud.

Réponses de la Rapporteuse spéciale

MME SIMONOVIC a rappelé qu’elle avait publié un rapport sur la pandémie de COVID-19 et la pandémie de violences à l’encontre des femmes qui en résulte. Elle a fait observer que la pandémie de COVID-19 avait permis de mettre en exergue l’urgence de lutter contre ce phénomène des violences contre les femmes.

Le projet de loi type sur le viol permet de mettre en pratique les recommandations du mandat, a ensuite expliqué la Rapporteuse spéciale. Tous les États doivent inclure l’absence de consentement dans la définition du viol, comme le prévoit la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes, a-t-elle insisté.

Les États disposent de multiples outils pour mettre en œuvre le droit international dans le contexte de la lutte contre les violences faites aux femmes, a ajouté la Rapporteuse spéciale, citant notamment la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes.

Le dialogue avec la Rapporteuse spéciale se poursuivra demain matin, à 10 heures.


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