Communiqués de presse Procédures spéciales
Les États et les entreprises doivent cesser immédiatement de fournir des armes à Israël sous peine d’être tenus responsables de violations des droits humains, alertent des experts de l’ONU
20 juin 2024
GENÈVE (le 20 juin 2024) – Le transfert d’armes et de munitions à destination d’Israël peut constituer de graves violations des droits humains et des lois humanitaires internationales, et risque de rendre les États concernés complices de crimes internationaux, dont éventuellement de génocide, ont déclaré aujourd’hui des experts de l’ONU, réitérant leur appel à l’arrêt immédiat de tels transferts.
Conformément aux récents appels lancés par le Conseil des droits de l’homme et les experts indépendants des Nations Unies aux États pour qu’ils cessent la vente, le transfert et le détournement d’armes, de munitions et d’autres équipements militaires vers Israël, les fabricants d’armes qui fournissent Israël, notamment BAE Systems, Boeing, Caterpillar, General Dynamics, Lockheed Martin, Northrop Grumman, Oshkosh, Rheinmetall AG, Rolls-Royce Power Systems, RTX et ThyssenKrupp, doivent également mettre fin aux transferts, même s’ils sont exécutés dans le cadre de licences d’exportation existantes.
« En envoyant des armes, des pièces, des composants et des munitions aux forces israéliennes, ces entreprises risquent d’être complices de graves violations des droits humains et du droit international humanitaire », ont déclaré les experts. Ce risque est accru par la récente décision de la Cour internationale de Justice ordonnant à Israël d’arrêter immédiatement son offensive militaire à Rafah, ayant reconnu le génocide comme un risque plausible, ainsi que par la requête déposée par le Procureur de la Cour pénale internationale demandant des mandats d’arrêt contre des dirigeants israéliens sur la base d’allégations de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité. « Dans ce contexte, la poursuite des transferts d’armes vers Israël peut être considérée comme une aide apportée sciemment à des opérations contraires aux droits humains et au droit international humanitaire, et peut permettre de tirer profit d’une telle aide.
L’arrêt des transferts doit inclure les transferts indirects par le biais de pays intermédiaires qui pourraient en définitive être utilisés par les forces israéliennes, notamment dans le cadre des attaques en cours contre Gaza. Les experts de l’ONU ont déclaré que les entreprises du secteur de l’armement doivent systématiquement et régulièrement faire preuve d’une plus grande diligence en matière de droits humains afin de s’assurer que leurs produits ne sont pas utilisés en violation des droits humains et des lois internationales humanitaires.
Les institutions financières qui investissent dans ces entreprises d’armement sont également tenues de rendre des comptes. Les investisseurs tels qu’Alfried Krupp von Bohlen und Halbach-Stiftung, Amundi Asset Management, Bank of America, BlackRock, Capital Group, Causeway Capital Management, Citigroup, Fidelity Management & Research, INVESCO Ltd, JP Morgan Chase, Harris Associates, Morgan Stanley, Norges Bank Investment Management, Newport Group, Raven'swing Asset Management, State Farm Mutual Automobile Insurance, State Street Corporation, Union Investment Privatfonds, The Vanguard Group, Wellington et Wells Fargo & Company, sont invités à prendre les mesures qui s’imposent. S’ils ne parviennent pas à prévenir ou à diminuer leurs relations commerciales avec ces fabricants d’armes qui font parvenir des armes à d’Israël, ils risquent non seulement d’être directement liés aux violations des droits humains, mais également d’y contribuer, ce qui aurait des répercussions quant à leur complicité dans des atrocités criminelles potentielles, ont indiqué les experts.
« Les armes déclenchent, entretiennent, exacerbent et prolongent les conflits armés, de même que d’autres formes d’oppression. La disponibilité des armes est donc une condition préalable essentielle à la commission de crimes de guerre et de violations des droits humains, y compris par des entreprises d’armement privées », ont déclaré les experts.
Selon ces derniers, l’assaut militaire israélien en cours se caractérise par des attaques aveugles et disproportionnées contre la population et les infrastructures civiles, notamment par l’utilisation massive d’armes explosives et incendiaires dans des zones densément peuplées, ainsi que par la destruction et l’endommagement d’infrastructures civiles essentielles et indispensables à la vie, notamment des logements et des abris, des infrastructures de santé, d’enseignement, d’approvisionnement en eau et d’assainissement. Ces attaques ont fait plus de 37 000 morts à Gaza et 84 000 blessés. On estime que 70 % de ces morts et blessés sont des femmes et des enfants. Aujourd’hui, les enfants de Gaza constituent le plus grand groupe d’enfants amputés au monde en raison des graves blessures subies pendant la guerre. Ces opérations ont également entraîné de graves dommages pour l’environnement et le climat.
« Il est plus urgent que jamais de décréter un embargo sur les armes à destination d’Israël et d’inciter les investisseurs à prendre des mesures décisives, en particulier à la lumière des obligations des États et des responsabilités des entreprises au titre des conventions de Genève, de la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, des traités internationaux relatifs aux droits humains et des Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme », ont affirmé les experts de l’ONU.
Ces derniers ont rendu hommage au travail soutenu des journalistes qui ont recensé et signalé les effets dévastateurs de ces systèmes d’armes sur les civils à Gaza, ainsi qu’aux défenseurs des droits humains et aux avocats, entre autres parties prenantes, qui s’efforcent de tenir les États et les entreprises pour responsables du transfert d’armes à Israël.
Ils ont également entamé un dialogue avec les États sur ces questions, ainsi qu’avec les entreprises et les investisseurs concernés.
Les experts : Robert McCorquodale (Président), Fernanda Hopenhaym (Vice-Présidente), Pichamon Yeophantong, Damilola Olawuyi, Elzbieta Karska, Groupe de travail sur les entreprises et les droits de l’homme ; George Katrougalos, Expert indépendant sur la promotion d’un ordre international démocratique et équitable ; Pedro Arrojo-Agudo, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement ; Reem Alsalem, Rapporteuse spéciale sur la violence contre les femmes et les filles, ses causes et ses conséquences ; Paula Gaviria Betancur, Rapporteuse spéciale sur les droits humains des personnes déplacées dans leur propre pays ; Tlaleng Mofokeng, Rapporteuse spéciale sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible ; Michael Fakhri, Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation ; Morris Tidball-Binz, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires ; Mary Lawlor, Rapporteur spécial sur la situation des défenseurs et défenseuses des droits humains ; Cecilia M. Bailliet, Experte indépendante sur les droits de l’homme et la solidarité internationale ; Margaret Satterthwaite, Rapporteuse spéciale sur l’indépendance des juges et des avocats ; Farida Shaheed, Rapporteuse spéciale sur le droit à l’éducation ; Carlos Salazar Couto (Président-Rapporteur), Michelle Small, Ravindran Daniel, Jovana Jezdimirovic Ranito, Sorcha MacLeod, Groupe de travail sur l’utilisation de mercenaires ; Francesca Albanese, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l’homme dans les territoires palestiniens occupés depuis 1967 ; Ben Saul, Rapporteuse spéciale sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ; Dorothy Estrada Tanck (Présidente), Laura Nyirinkindi (Vice-Présidente), Claudia Flores, Ivana Krstić, et Haina Lu, Groupe de travail sur la discrimination à l’égard des femmes et des filles ; Astrid Puentes, Rapporteuse spéciale sur les droits de l’homme à l’eau potable et à l’assainissement ; Attiya Waris, Experte indépendante chargée d’examiner les effets de la dette extérieure ; Marcos A. Orellana, Rapporteur spécial sur les incidences sur les droits de l’homme de la gestion et de l’élimination écologiquement rationnelles des produits et déchets dangereux ; Balakrishnan Rajagopal, Rapporteur spécial sur le droit à un logement convenable.
Les Rapporteurs spéciaux, les Experts indépendants et les Groupes de travail relèvent de ce qu’on appelle les procédures spéciales du Conseil des droits de l’homme. Le terme « procédures spéciales », qui désigne le plus grand corps d’experts indépendants au sein du système onusien des droits de l’homme, est généralement attribué aux mécanismes indépendants d’enquête et de supervision mis en place par le Conseil des droits de l’homme afin de traiter de la situation spécifique d’un pays ou de questions thématiques dans toutes les régions du monde. Les experts des procédures spéciales travaillent bénévolement ; ils n’appartiennent pas au personnel de l’ONU et ne perçoivent pas de salaire pour leur travail. Ils sont indépendants de tout gouvernement ou de toute organisation et sont nommés à titre individuel.
Pour plus d’informations et pour toute demande de la part des médias, veuillez contacter Alexia Ghyoot (alexia.ghyoot@un.org).
Pour toute requête des médias relative à d’autres experts indépendants des Nations Unies, veuillez contacter Dharisha Indraguptha (dharisha.indraguptha@un.org) ou John Newland (john.newland@un.org).
Suivez les actualités des experts indépendants des droits de l’homme des Nations Unies sur X : @UN_SPExperts.
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