Déclarations Procédures spéciales
Le droit à la vie des personnes handicapées et des personnes âgées infectées par Covid-19
27 avril 2020
L’humanité est confrontée à la pandémie de Covid-19, dont le plus grand défi est de protéger la vie de tous. Dans ce contexte, certains groupes de personnes sont le plus souvent exposés à des décisions qui pourraient avoir une incidence sur leur droit à la vie. On parle des personnes handicapées et des personnes âgées.
Par personnes handicapées « on entend des personnes qui présentent des incapacités physiques, mentales, intellectuelles ou sensorielles durables dont l'interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à leur pleine et effective participation à la société sur la base de l'égalité avec les autres »1 . Plus d’un milliard de personnes (soit environ 15% de la population mondiale) vivent avec un ou plusieurs handicaps, selon les estimations2 .
« Personne âgée » signifie : Une personne âgée de 60 ans ou plus, sauf lorsque la législation a déterminé un âge minimum inférieur ou supérieur, à condition qu'il ne dépasse pas 65 ans 3. Selon les estimations, actuellement 12% de la population, soit environ 900 millions de personnes dans le monde, sont des personnes âgées4 .
Le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), stipule que « Le droit à la vie est inhérent à la personne humaine. Ce droit doit être protégé par la loi. Nul ne peut être arbitrairement privé de la vie »5 .
La Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) stipule que « les États Parties réaffirment que le droit à la vie est inhérent à la personne humaine et prennent toutes mesures nécessaires pour en assurer aux personnes handicapées la jouissance effective, sur la base de l'égalité avec les autres »6 . De la même manière, la CDPH déclare que « les États Parties prennent, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, toutes mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes handicapées dans les situations de risque et les crises humanitaires7 .
La Convention interaméricaine sur la protection des droits de l’homme des personnes âgées (CPOP), affirme que les États Parties prennent toutes les mesures nécessaires pour assurer aux personnes âgées la jouissance effective du droit à la vie et du droit de vivre dans la dignité pendant la vieillesse jusqu’à la fin de la vie et sur un pied d’égalité avec les autres segments de la population 8. De même, le CPOP déclare que les États Parties prennent, conformément aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international, notamment le droit international humanitaire et le droit international des droits de l'homme, toutes mesures nécessaires pour assurer la protection et la sûreté des personnes âgées dans les situations de risque et dans les crises humanitaires. Les États Parties adoptent des mesures d'assistance spécifiques aux besoins des personnes âgées dans les activités de préparation, de prévention, de reconstruction et de rétablissement associées aux situations d'urgence9 .
Les deux instruments normatifs sont fondés sur la norme bioéthique relative au droit à la vie applicable aux personnes handicapées et aux personnes âgées.
En conséquence, pour les personnes handicapées et les personnes âgées, en relation avec la pandémie de Covid-19, les États appliquent les normes bioéthiques et biojuridiques suivantes :
1. Chaque personne handicapée et chaque personne âgée infectée par Covid-19 a le droit d'accéder aux unités de soins intensifs, y compris les systèmes de ventilation mécanique et autres soutiens vitaux, sur la base de l'égalité avec les autres. La vie de chaque personne a une valeur égale.
L'application correcte du triage10 , n'admet pas de critères de sélection ou de « rationalisation » de la vie humaine, liés au handicap ou à l'âge d'une personne.
2. Le fait d’être une personne handicapée ou une personne âgée ne sera pas une condition ou un facteur déterminant pour refuser l’accès aux soins intensifs, y compris les systèmes de ventilation mécanique, et tous les soutiens vitaux, au besoin, peu importe la couverture d’assurance-maladie, le cas échéant.
Aucune réglementation nationale ne peut protéger ces refus.
3. Le refus peut être qualifié de discrimination fondée sur l’incapacité en vertu de la CDPH11 , ou de discrimination fondée sur l’âge dans le cadre du CPOP12 .
Dans ce contexte, le refus qui affecte le droit à la vie des personnes handicapées ou des personnes âgées peut être qualifié de traitement cruel et inhumain, conformément aux dispositions de la CDPH 13/sup> et du CPOP14 et donc une violation des droits de l'Homme.
4. La personne handicapée et la personne âgée infectée par Covid-19 auront toujours droit à un traitement digne, à l'autonomie dans la prise de décision, au respect de leur volonté, des préférences et de la confidentialité de leurs données personnelles.
5. La personne handicapée et la personne âgée infectée par Covid-19 auront le droit de recevoir toutes les informations publiques sur Covid-19 en temps opportun et de manière accessible, en utilisant des ajustements raisonnables, si nécessaire.
Prof. María Soledad Cisternas Reyes
Envoyée spéciale du Secrétaire général des Nations Unies
sur le handicap et l’accessibilité
Mme Rosa Kornfeld-Matte
Experte Indépendante des Nations Unies chargée de promouvoir l’exercice
par les personnes âgées de tous les droits de l’homme
1 Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées (2006), article 1, paragraphe 2.
2 https://www.who.int/publications-detail/world-report-on-disability
3 Convention interaméricaine sur la protection des droits humains des personnes âgées (2015), article 2.
4 https://www.who.int/news-room/fact-sheets/detail/ageing-and-health
5 Pacte international relatif aux droits civils et politiques (1966), article 6, paragraphe 1.
6 CDPH, article 10.
7 CDPH, article 11.
8 CPOP, article 6.
9 CPOP, article 29.
10 Définition du triage par UC Christus : processus par lequel les individus sont sélectionnés en fonction de leur besoin de traitement médical immédiat lorsque les ressources disponibles sont limitées. Il représente l'évaluation rapide des patients et leur placement sur la liste d'attente pour des soins médicaux. Il divise les états de gravité en plusieurs catégories, allant des états critiques aux situations moins urgentes.
11 CDPH, article 2, paragraphe 3 : « On entend par « discrimination fondée sur le handicap » toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur le handicap qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l'exercice, sur la base de l'égalité avec les autres, de tous les droits de l'homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres. La discrimination fondée sur le handicap comprend toutes les formes de discrimination, y compris le refus d'aménagement raisonnable ».
12 CPOP, article 2 : « Discrimination fondée sur l'âge dans la vieillesse » : toute distinction, exclusion ou restriction fondée sur l’âge qui a pour objet ou pour effet de compromettre ou réduire à néant la reconnaissance, la jouissance ou l’exercice, sur la base de l’égalité avec les autres, de tous les droits de l’homme et de toutes les libertés fondamentales dans les domaines politique, économique, social, culturel, civil ou autres.
13 CDPH, article 15.
14 CPOP, article 10.