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Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme débat de l'assistance technique à la Libye et au Cambodge

Assistance technique à la Libye et au Cambodge

28 Septembre 2016

MATIN
 
GENEVE (28 septembre 2016) - Le Conseil des droits de l'homme a achevé, ce matin, son débat interactif sur la situation des droits de l'homme en Libye, engagé hier après-midi avec la mise à jour orale faite à ce sujet par la Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, Mme Gilmore.   Il a par ailleurs tenu son débat interactif avec la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, Mme Rhona Smith, qui a présenté son rapport.  Ces deux débats s'inscrivent dans le cadre du point de l'ordre du jour consacré à l'assistance technique et au renforcement des capacités dans le domaine des droits de l'homme.

Parmi les délégations* qui ont dialogué avec Mme Gilmore au sujet de la Libye, bon nombre ont constaté, à l'instar de la Haut-Commissaire adjointe, les défis politiques et sécuritaires auxquels ce pays reste confronté, eu égard au manque d'autorité de l'État, à la difficulté pour les parties de s'entendre ou encore à la présence de groupes armées terroristes comme l'organisation État islamique et Al-Qaeda.  Il faut donc aider la Libye à retrouver sa stabilité, seule manière d'améliorer efficacement la situation des droits de l'homme dans ce pays, a-t-il été maintes fois souligné.  De nombreux intervenants ont fait part de leurs préoccupations face à l'impunité qui règne dans le pays et face à la situation des migrants en Libye. 

S'agissant du Cambodge, la Rapporteuse spéciale a présenté les récentes avancées réalisées par le Gouvernement royal du Cambodge, notamment en ce qui concerne le droit foncier, les droits des femmes, de lutte contre la traite des êtres humains et la justice.  Cependant, le protocole d'accord entre l'État et le Haut-Commissariat n'a toujours pas été reconduit, alors que les tensions politiques dans le pays s'accentuent avec une absence de dialogue entre les acteurs politiques et un rétrécissement de l'espace démocratique, a fait observer Mme Smith.  Intervenant à la suite de cette présentation à titre de pays concerné, le Cambodge a affirmé que la Rapporteuse spéciale ne donnait pas une image complète des progrès sur le terrain.  Certains individus et groupes veulent exploiter l'agenda des droits de l'homme à des fins politiques visant à la déstabilisation du pays et au renversement du Gouvernement constitutionnellement élu, a ajouté la délégation cambodgienne. 

Parmi les intervenants** qui ont pris la parole s'agissant du Cambodge, bon nombre ont jugé préoccupantes les arrestations d'opposants et de membres de la société civile.  Il convient de veiller à ce que les élections à venir soient ouvertes et transparentes, a-t-il été souligné.  Certains ont attiré l'attention sur les progrès réalisés par le pays.  Plusieurs délégations ont insisté sur la nécessité de continuer d'apporter une aide au Cambodge, sous forme d'assistance technique et de renforcement des capacités. 

Le Conseil poursuit ses travaux à la mi-journée en se penchant sur l'assistance technique et le renforcement des capacités au regard des situations au Soudan, en République centrafricaine et en Somalie.  Il est saisi des rapports des Expert indépendants sur la situation des droits de l'homme dans chacun de ces trois pays africains. 

Assistance technique et renforcement des capacités: situation des droits de l'homme en Libye

Débat interactif

L'Afrique du Sud, au nom du Groupe africain, a exhorté la communauté internationale à mettre à la disposition du Conseil présidentiel du Gouvernement libyen d'accord national toute l'assistance technique, sécuritaire et antiterroriste nécessaire afin de l'aider dans ses efforts de stabilisation du pays et d'amélioration de la situation des droits de l'homme.  Le Soudan, au nom du Groupe arabe, a déclaré que les défis en matière de droits humains en Libye reflétaient les défis dans le domaine sécuritaire.  Le Groupe arabe estime que le Conseil présidentiel du Gouvernement d'accord national est à même de relever ces défis.  Il soutient en outre les efforts en cours pour surmonter les obstacles au processus politique et souhaite que le Haut-Commissariat aux droits de l'homme renforce son action en ce sens. 

La Grèce a estimé quant à elle que la stabilité de la Libye était étroitement liée à la sécurité et aux questions migratoires dans l'ensemble de la région.  Elle s'est félicitée de la signature récente d'un accord visant à entrainer la garde côtière et la marine libyennes par le biais de l'EUNAVFOR, la Force navale de l'Union européenne.  La Grèce a déjà fait part de sa disposition à y apporter sa contribution, étant donné le savoir-faire pertinent du pays dans ce domaine.  Elle est convaincue, par ailleurs, qu'un soutien international au travers d'une assistance technique à la Libye dans le domaine migratoire contribuerait à la prévention des violations de droits de l'homme des migrants.  

La Pologne a estimé que si la justice était une valeur essentielle d'une transition réussie, il convenait de ne pas  se focaliser uniquement sur le jugement des auteurs de violations mais aussi sur la promotion de la réconciliation au sein de la société.  Pour ce faire, une justice transitionnelle est le prérequis de l'édification d'une société stable, qui constitue le fondement d'un État stable. 

L'Union européenne, qui a fait part de ses préoccupations face aux graves  violations des droits de l'homme perpétrées en Libye, a appelé le Gouvernement d'accord national à ordonner des enquêtes sur toutes les allégations à cet égard et à en traduire les auteurs en justice.  Elle se félicite de l'engagement de ce Gouvernement à mettre en place un exécutif responsable et inclusif qui respecte les droits de tous ses citoyens.  L'Allemagne, qui a estimé que l'instabilité actuelle s'expliquait par l'absence d'une autorité de l'État, a appelé le Gouvernement d'accord national à prendre des mesures résolues en faveur d'une large réconciliation nationale, de la renaissance économique et de la mise en place de structures gouvernementales efficaces.  En outre, les collectivités locales doivent être renforcées.  La République tchèque a dit soutenir tous les efforts visant à assurer une transition inclusive et durable, tout en soulignant l'importance d'une participation pleine et égale de toutes les parties de la société libyenne, femmes comprises, dans le processus politique. 

La Turquie, qui a fait part de son inquiétude face aux attaques récentes contre le «croissant du pétrole», a appelé M. Kobler à accroître ses efforts de médiation afin d'assurer le sauvetage et la protection des civils du quartier de Ganfouda à Benghazi.  

L'Espagne a appuyé le processus de transition politique à l'issue de l'accord de Skhirat, entériné par le Conseil de sécurité, et reconnaît comme gouvernement légitime le Gouvernement d'union nationale (ou Gouvernement d'accord national).  Seule une solution politique du conflit permettra une amélioration de la situation des droits de l'homme, a estimé l'Espagne qui a pointé comme priorités la lutte contre l'impunité et la garantie de la reddition de comptes pour les violations de droits de l'homme.  La délégation espagnole a en outre encouragé le Gouvernement d'union nationale à ne ménager aucun effort pour appliquer les recommandations contenues dans le rapport du Haut-Commissariat de mars 2016, en particulier celles relatives à l'établissement de mécanismes efficaces de justice transitionnelle et d'obligation redditionnelle. 

L'Algérie a déclaré que la crise multiple que traverse la Libye, une des plus graves de son histoire, continue à peser lourdement sur ses efforts pour faire avancer le processus de réconciliation nationale.  Le terrorisme est l'un des sérieux défis dans ce contexte, en ce sens qu'il est de nature à inhiber tout effort de pacification, de stabilisation et de développement, a souligné l'Algérie, ajoutant que l'amplitude des graves conséquences humanitaires demeure une source de préoccupation.  L'Algérie a appelé à une solidarité internationale concrète et accrue en vue de faire prévaloir la paix et la stabilité en Libye, tout en veillant à l'appropriation de la solution politique par les Libyens eux-mêmes grâce à un dialogue responsable et inclusif, seule voie à même de préserver la souveraineté du pays, son unité et son intégrité territoriale, ainsi que la cohésion de son peuple, loin de toute ingérence extérieure.  L'Algérie a réitéré son appel à un consensus national autour des institutions issues de l'accord politique signé en décembre 2015 en vue de la formation d'un gouvernement d'union nationale. 

Le Qatar a incité toutes les parties en Libye à assumer leurs responsabilités pour éviter le chaos et les souffrances; c'est l'unique moyen de lutter contre les terroristes.  Le Qatar a ensuite exhorté à la solidarité internationale pour jeter les bases d'un État libyen moderne fondé sur l'état de droit.  Il a encouragé à mettre en œuvre l'accord politique et à résorber la crise économique par la réconciliation et la reconstruction. 

Les États-Unis  ont considéré que le processus appuyé par les Nations Unies demeure le meilleur moyen de définir la voie constructive vers la stabilité en Libye.  Ils ont vivement appuyé l'aspiration du peuple libyen à transformer leur pays en un État sûr, inclusif et démocratique où les femmes et les hommes participent sur un pied d'égalité à la reconstruction et à la conduite des affaires du pays.  Les États-Unis ont aussi assuré leur soutien aux institutions libyennes qui s'occupent de la reddition de comptes et d'une gouvernance responsable ainsi que de la prestation de services de base.  Une Libye unifiée est la meilleure arme contre Daech et contre le spectre du terrorisme, ont souligné les États-Unis, mettant  l'accent sur l'importance de l'engagement du Gouvernement d'union nationale en vue de la protection des civils contre les opérations de Daech et pour la stabilisation dans le futur. 

L'Égypte a souligné que la présence des groupes terroristes et les plans visant à saper la stabilité de la Libye rendent indispensables les efforts des Nations Unis sous la houlette de M. Kobler.  L'Égypte pour sa part a fait tout son possible pour s'éloigner des risques terroristes.  La délégation égyptienne a insisté pour que ne soient pas ignorées les questions des milices antigouvernementales et de la prolifération des armes en Libye. 

La Chine a appelé à réfléchir sérieusement à la situation humanitaire qui ne cesse de se détériorer en Libye.  La tenue d'élections l'an dernier constitue cependant un progrès qu'il faut saluer, a-t-elle ajouté, avant d'appeler à un retour rapide de la stabilité et à la protection des droits de l'homme. 

Le Portugal a salué les efforts inlassables de M. Kobler avant de constater que la situation humanitaire et en matière de droits de l'homme demeure inquiétante, tout comme la non-reconnaissance du Gouvernement d'union nationale par la chambre des représentants, qui ne fait qu'approfondir les inquiétudes de la communauté internationale.  Le Portugal s'est particulièrement inquiété de la situation des migrants et réfugiés, très vulnérables aux abus.  Il a appuyé la reprise des exportations de pétrole qui ne peut qu'améliorer le bien-être du peuple libyen, à condition que les revenus aillent aux autorités légitimes et soient utilisés à bon escient. 

L'Irlande a elle aussi apporté son soutien à l'accord politique signé entre les parties en Libye, avant de souligner que le Gouvernement d'union nationale est la seule autorité légitime du pays et doit par conséquent avoir le contrôle de la production pétrolière.  La Nouvelle Zélande s'est pour sa part inquiété du renouveau des hostilités dans certaines régions du pays qui divisent de fait le pays, essentiellement du fait des groupes terroristes comme l'État islamique et Al-Qaeda.  Il est donc urgent que toutes les parties prennent leurs responsabilités pour unir le pays et renforcer le Gouvernement d'union nationale, a ajouté la délégation néo-zélandaise.  Les efforts de lutte contre ces groupes terroristes sont appréciés par le Royaume-Uni, qui appelle le Conseil présidentiel du Gouvernement d'union nationale à les intensifier, mais aussi à intégrer toutes les parties à la gestion du pays.  Le représentant britannique a souhaité savoir quelles mesures peuvent être prises pour juger les responsables de groupes terroristes.  Un des moyens serait de nommer un point focal justice, a pour sa part estimé l'Italie. 

Compte tenu de la complexité de la situation, le Soudan a insisté sur la nécessité d'un appui technique à la Libye, par l'entremise du Haut-Commissariat aux droits de l'homme.  Pour aider le peuple libyen, les Émirats arabes unis ont indiqué avoir déjà fourni 175 millions de dollars d'aide et ont rappelé qu'ils soutiennent le processus politique. 

La Tunisie, qui a souligné l'importance qu'elle attachait à la stabilité de son voisin, est convaincue que la seule voie consiste à persévérer dans le dialogue pour aboutir à la réconciliation.  Tunis a apporté son soutien au Gouvernement d'union nationale, en facilitant ce dialogue dans la capitale.  La Tunisie appelle toutes les parties à s'impliquer, afin de donner la priorité à l'intérêt de la population.

La Fédération de Russie a relevé que la Libye était devenue une base de la migration illégale, de la traite, de la contrebande et du trafic de stupéfiants.  Seules une paix durable et la sécurité peuvent permettre la relance du développement économique, ce qui implique un soutien de l'ONU et de la communauté internationale.  Toutefois, un tel appui doit se faire avec l'accord du pays intéressé, a souligné la Fédération de Russie, avant de rappeler son opposition à l'imposition de sanctions unilatérales.  La Fédération de Russie a par ailleurs affirmé que les États qui ont outrepassé le mandat de l'ONU en provoquant le changement de pouvoir à Tripoli devraient reconnaître leur faute face au peuple libyen.

Le Maroc, qui a relevé que la situation des droits de l'homme ne cessait de se détériorer en Libye, a estimé que seul un règlement politique de la crise sur la base d'un consensus pouvait permettre de mettre un terme à la violence et de rétablir l'autorité de l'État.  La Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) et le Haut-Commissariat doivent fournir leur assistance afin de répondre aux aspirations de la population.

La Jordanie a estimé que les difficultés dont souffrait la Libye découlaient majoritairement des défis sécuritaires représentés par des organisations telles que Daech.  Elle a en outre insisté sur la nécessité de répondre aux besoins du Gouvernement libyen en matière d'assistance technique.  Bahreïn a rappelé que le terrorisme était un fléau pour toute la région, ainsi qu'un obstacle au développement économique.  Les difficultés de la Libye pourraient être résolues par une action résolue contres des organisations telles que l'État islamique.  Bahreïn demande à la communauté internationale de fournir un appui au Gouvernement libyen, notamment sous la forme d'une assistance technique. 

L'Ukraine a attiré l'attention sur le fait que parmi les nombreuses violations commises, figuraient l'enlèvement et la détention arbitraire de milliers de Libyens et d'étrangers.  Parmi ceux-ci figurent quatre ressortissants ukrainiens qui sont retenus contre leur gré depuis 2011 dans l'une des nombreuses installations de détention illégale que compte la Libye.  L'Ukraine estime que des mesures doivent être prises de toute urgence pour combattre l'impunité. 

Les Pays-Bas ont appelé l'ONU et la communauté internationale à répondre à la question de la formation administrative des ONG en encourageant la pleine implication de la société civile dans la restauration de la nation libyenne.  La justice transitionnelle ne doit pas être oubliée dans le processus politique actuel, ont souligné les Pays-Bas, appelant la Libye à mettre sur pied des mécanismes d'établissement des responsabilités afin de protéger les civils et d'assurer la sécurité. 

L'Institut du Caire pour les études sur les droits de l’homme a souligné que la situation ne s'est guère améliorée, les violations des droits de l'homme étant monnaie courante, en particulier les agressions de défenseurs des droits de l'homme et de journalistes.  L'ONG a fait remarquer que l'appareil judiciaire reste quasiment paralysé alors qu'il est urgent de procéder à des enquêtes pour traduire devant la justice tous les auteurs d'abus. 

La Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme a mis l'accent sur l'aggravation de la situation sécuritaire et des droits de l'homme qui constitue une menace pour la Libye, du fait de la multiplication des différents groupes armés, de la traite des migrants par des entreprises criminelles et par la mafia, ainsi que du trafic illicite de drogues et d'armes légères.  Une telle situation est une menace pour la sécurité des Libyens et de l'ensemble des pays du Sahel, du bassin méditerranéen et de l'Europe, a insisté l'ONG.  Elle a ajouté avoir constaté depuis quelque temps la présence de différents groupes extrémistes terroristes qui ont pris le nord du Mali et opèrent librement en Libye avec la complicité de l'État islamique.  Elle a également noté une absence totale du personnel des Nations Unies sur l'ensemble du territoire à cause de l'insécurité.  L'ONG a demandé à la communauté internationale d'accompagner la Libye pour désarmer et réinsérer les milices tribales et lutter contre les groupes terroristes et l'afflux des armes dans le pays. 

Le Conseil de jeunesse pluriculturelle (COJEP) a fustigé l'impunité qui prévaut en Libye, ainsi que les détentions arbitraires et exécutions extrajudiciaires, certaines personnes ayant été retrouvées dans la rue avec des impacts de balles et des traces de torture.  L'appareil judiciaire est paralysé et la situation ne saurait véritablement s'améliorer dans un tel environnement, a souligné l'ONG1. 

Human Rights Watch  a indiqué que plus de 400 000 personnes sont déplacées à l'intérieur du pays en raison des problèmes d'insécurité en Libye.  Les migrants et réfugiés sont victimes de réseaux de passeurs dans un climat chaotique, a souligné l'ONG.  Aucune réconciliation ne sera possible sans reddition de comptes, a-t-elle rappelé. 

La Commission arabe pour les droits de l'homme a partagé les conclusions figurant dans le rapport du Haut-Commissariat aux droits de l'homme en ce qui concerne l'absence de justice et la privatisation de l'État – et plus particulièrement des centres de détention. 

Remarques de conclusion

MME KATE GILMORE, Haut-Commissaire adjointe aux droits de l'homme, a dit que la Mission d'appui des Nations Unies en Libye (MANUL) avait pris toutes les mesures pour contribuer au rétablissement de la paix dans le pays.  Six rapports ont été établis depuis 2014, dans le but de collecter toutes les informations nécessaires à la fourniture de l'assistance technique.  Des ateliers de formation pour les juges, avocats et policiers ont également été organisés, a ajouté la Haut-Commissaire adjointe.  Le Haut-Commissariat a également organisé des dialogues intercommunautaires, dans le but de faire respecter l'accord politique signé entre les parties.

Mme Gilmore s'est aussi exprimé sur la situation des migrants en Libye, affirmant que leurs conditions de vie ou de détention étaient «épouvantables».  Dans ce contexte, elle a demandé aux autorités libyennes de veiller à ce que ces conditions soient conformes aux normes internationales.  Les autorités doivent également garantir aux détenus non migrants les conditions d'un procès équitable, a ajouté Mme Gilmore.  Elle a en outre évoqué la situation des défenseurs des droits de l'homme et des journalistes, soulignant qu'ils sont souvent la cible des groupes terroristes.  Un rapport conjoint de la MANUL et du Haut-Commissariat a été publié dans lequel ils lancent un appel à la communauté internationale afin qu'elle vienne en aide à ces personnes.  La Haut-Commissaire adjointe s'est ensuite réjouie des dispositions prises par les autorités libyennes en matière de justice transitionnelle, ajoutant que la MANUL les appuiera sur ce point.  Cela dit, les dispositions prises pour juger des anciens collaborateurs de Kadhafi ne sont pas conformes aux normes internationales en matière de procès équitable, a déclaré Mme Gilmore. 

Assistance technique et renforcement des capacités: situation des droits de l'homme au Cambodge

Présentation de rapport

Le Conseil est saisi du rapport de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Cambodge (A/HRC/33/62 -  disponible uniquement en anglais)

MME RHONA SMITH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Cambodge, a évoqué les plus récents développements survenus dans le pays en soulignant que le nouveau Ministre de la gestion des terres, de la planification urbaine et de la construction s'était engagé à accélérer le taux de reconnaissance des titres fonciers communaux.  En matière de droits des femmes, est en projet un texte sur les mères porteuses destiné à réglementer cette pratique afin de protéger les Cambodgiennes d'intermédiaires sans scrupules et de contrer la traite qui en résulte.  Des progrès sur le renforcement de l'organisation des tribunaux se poursuivent afin de poser les bases d'un système de justice plus impartial avec des chambres spécialisées, des rémunérations convenables et l'établissement d'un code de conduite.

Mme Smith a indiqué avoir reçu un certain nombre de requêtes dont la majorité concernent la question foncière.  Celles-ci viennent d'être traduites et la Rapporteuse spéciale a indiqué qu'elle allait se pencher sur ce dossier incessamment.  Elle a rendu hommage au professionnalisme et au dévouement du personnel du bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme à Phnom Penh; leur engagement est illimité en dépit d'une menace d'arrestation visant un membre de l'équipe en lien avec son travail en tant que fonctionnaire du Haut-Commissariat.  Elle a signalé que le protocole d'accord entre l'État et le Haut-Commissariat n'avait toujours pas été reconduit et a donc appelé les deux parties à y remédier au plus vite.

La Rapporteuse spéciale a ensuite indiqué s'alarmer des tensions politiques dans le pays.  Elle a rappelé que lors de la session de juin du Conseil, de nombreuses délégations s'étaient inquiétées du rétrécissement de l'espace démocratique au Cambodge, le Haut-Commissaire et la Rapporteuse spéciale elle-même ayant en outre exprimé leur inquiétude face au fait que la loi était utilisée de manière croissante pour faire taire les désaccords et pour limiter la mise en cause des responsables.  Mme Smith a averti que sans esprit de conciliation de la part des deux principales formations politiques, sans rétablissement d'une culture du dialogue dans une atmosphère de respect mutuel, la situation des droits de l'homme risquait de se détériorer dans les mois à venir.  

Pays concerné

Le Cambodge a évoqué les deux missions de la Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme dans son pays, au cours desquelles Mme Rhona Smith a été reçue par le Premier Ministre Samdech Teco Hun Sen en personne et a rencontré plusieurs dignitaires.  A la lecture du rapport, a poursuivi la délégation cambodgienne, il apparaît que la Rapporteuse spéciale ne donne pas une image complète des progrès réalisés sur le terrain.  Ainsi, au Cambodge, tous les partis politiques conduisent librement leurs activités, conformément aux lois et instruments législatifs en vigueur, a fait valoir la délégation.  En outre, la population jouit d'une vie harmonieuse, de la paix, de la sécurité et de la stabilité, ainsi que d'une croissance économique remarquable de 7% et ce depuis dix ans. 

La délégation cambodgienne a affirmé qu'il n'était pas correct, voire erroné, de prétendre qu'il existe une tension politique au Cambodge; preuve en est l'organisation des prochaines élections en 2017 et 2018, auxquelles environ 3,6 millions d'électeurs se sont inscrits à travers un système informatisé.  Certains individus ou groupes ont exploité l'agenda des droits de l'homme à des fins politiques dans le but de déstabiliser le pays et de renverser le Gouvernement constitutionnellement élu, a déclaré le Cambodge.  Dans une démocratie véritable, a-t-il rappelé, il n'y a pas de place pour la destruction de biens, pas plus que pour les troubles à l'ordre public, à la tranquillité et à l'harmonie de la société.  Les coupables devront d'ailleurs rendre compte de leurs actes, a souligné la délégation.  En tant qu'État souverain, a-t-elle ajouté, le Cambodge rejette tous les actes d'ingérence dans ses affaires internes qui sont contraires à la Charte de l'ONU.  Le Cambodge a également souligné que la démocratie est un processus et non une destination et qu'au demeurant, il serait à la fois trop précipité et irréaliste de conclure qu'il y a eu des tentatives de restreindre les espaces publics alors que l'application de l'état de droit a été respectée précisément pour préserver la stabilité et la sécurité au sein de la société.  La délégation cambodgienne a par ailleurs signalé que la question des titres fonciers a été manipulée sans scrupules par certains partis politiques pour susciter des ressentiments et la méfiance à l'égard des pouvoirs publics.  Elle a en outre mis l'accent sur l'indépendance de la justice, affirmée par la réforme judiciaire de 2014, et a rappelé que le Cambodge avait accepté 163 des 205 recommandations reçues à l'issue du deuxième cycle de l'Examen périodique universel (soit un taux d'acceptation de 79,5%), ce qui reflète l'engagement et le sérieux du Gouvernement cambodgien.  

Débat interactif

L'Union européenne a souscrit à l'appréciation de la Rapporteuse spéciale selon laquelle le Cambodge a interrompu son processus positif avec la reprise du harcèlement et des arrestations à l'encontre d'opposants et de membres de la société civile.  Quelle mesures a prises le Cambodge pour mettre en œuvre les recommandations qui lui ont été faites par la Rapporteuse spéciale et les autres titulaires de mandats, a demandé l'Union européenne?  Les observations de la Rapporteuse spéciale confortent les préoccupations de la France qui l'an dernier, ici même, se félicitait des progrès accomplis par le Cambodge.  Mais les nouvelles législations adoptées pour restreindre l'espace démocratique et les arrestations d'opposants et de membres de la société civile, de même que les inégalités persistantes entre les hommes et les femmes, inquiètent la France, qui appelle le Gouvernement royal du Cambodge à poursuivre sa coopération avec le Haut-Commissariat, à garantir l'indépendance de la justice et à faire la lumière sur l'assassinat du chroniqueur Kem Ley le 10 juillet dernier.  La République tchèque et la Suisse partagent elles aussi ces préoccupations  et appellent le Gouvernement royal à garantir tous les droits fondamentaux et à consolider l'indépendance de la justice.  Comment la communauté internationale peut-elle contribuer à instaurer un climat de confiance et une culture de dialogue entre les principales forces politiques et la société civile au Cambodge, a demandé la Suisse?

L'Australie et le Cambodge travaillent ensemble pour relever les défis qui sont indiqués dans le rapport de la Rapporteuse spéciale, en particulier pour parvenir à la tenue d'élections justes et équitables, a souligné la délégation australienne.  Les États-Unis, qui avec un groupe de 38 pays ont exprimé dans une déclaration commune publiée ce mois-ci leurs préoccupations quant à la situation des droits de l'homme au Cambodge, appellent les autorités cambodgiennes à répondre urgemment aux questions en suspens, notamment en ce qui concerne les droits des femmes, la réforme foncière et la tenue d'élections ouvertes et transparentes en 2017 et 2018.  

Pays voisin et membre comme le Cambodge de l'Association des nations de l'Asie du Sud-Est  (ANASE), la Thaïlande a pour sa part insisté sur les progrès enregistrés par le Cambodge.  Ces avancées justifient que l'assistance technique qui lui est fournie soit renforcée, a estimé la délégation thaïlandaise.  Il est vrai que depuis les Accords de Paris il y a 25 ans, la situation s'est considérablement améliorée, avec la réalisation de nombreux Objectifs du millénaire pour le développement; mais sur le plan des droits civils et politiques, de nombreuses questions restent en suspens, a nuancé le Japon, rappelant fournir une aide au Cambodge dans divers domaines, dont celui de l'administration de la justice.  La communauté internationale doit maintenir son appui et son assistance technique au Cambodge, a pour sa part déclaré la Chine. 

Le Royaume-Uni s'est dit profondément préoccupé par l'escalade actuelle de mesures ciblant l'opposition et les représentants de la société civile au Cambodge.  La délégation britannique a demandé à Mme Smith quelles étaient ses priorités pour l'année à venir et quelles mesures elle recommandait afin de faire en sorte que ses recommandations soient appliquées.  L'Irlande a pris note des développements positifs survenus dans la protection des droits humains au Cambodge.  Toutefois, une bonne partie de ces progrès est assombrie par un nombre croissant d'arrestations et de détentions d'acteurs de la société civile et de militants du premier parti d'opposition, ainsi que le constate la Rapporteuse spéciale, a souligné la délégation irlandaise.  L'Irlande appelle le Gouvernement de Phnom Penh à sauvegarder les droits à la liberté d'opinion et d'expression, ainsi que le droit de rassemblement pacifique et d'association et à prendre des mesures effectives de protection de la société civile.  La Nouvelle-Zélande s'est félicitée des réformes entreprises au cours des douze derniers mois, dont celle en cours de mise en œuvre visant à améliorer l'enregistrement des électeurs.  Il s'agit d'une étape importante dans la perspective des élections municipales de l'an prochain et des élections nationales de 2018.  Toutefois, la Nouvelle-Zélande partage les préoccupations de la Rapporteuse spéciale s'agissant, notamment, des menaces visant les dirigeants de l'opposition, ainsi que des restrictions de l'espace de la société civile. 

L'Indonésie s'est félicitée de l'engagement persévérant du Gouvernement cambodgien avec les mécanismes onusiens des droits de l'homme.  Soulignant que les progrès dans le domaine des droits de l'homme prennent du temps, l'Indonésie a ajouté que le Cambodge, comme de nombreux autres pays, s'efforce de combiner le progrès en matière de développement et le progrès dans le domaine des droits humains. 

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a affirmé que le Cambodge faisait preuve d'un engagement ferme pour réduire les disparités dans le domaine de l'éducation.  Ainsi, le Plan d'action national d'éducation multilingue, lancé en mars dernier, est-il le premier de cette nature dans la région; il prend en compte cinq langues autochtones, une sixième devant être introduite plus tard.  Il serait important que l'État publie des statistiques sur l'appartenance ethnique des élèves, afin de permettre un suivi et une évaluation efficace de sa politique éducative en faveur d'une meilleure inclusion de tous.  Le Myanmar s'est félicité de l'engagement persistant du Cambodge et de sa pleine coopération avec les mécanismes internationaux des droits de l'homme.  Le Myanmar se félicite également que le Cambodge ait accepté 163 recommandations sur les 205 qui lui ont été formulées lors de l'Examen périodique universel.  Le Myanmar appelle la communauté internationale à fournir l'assistance technique et à contribuer au renforcement des capacités au Cambodge dans la perspective de la promotion et de la protection des droits de l'homme.  La République démocratique populaire lao a estimé que le mécanisme de l'Examen périodique universel était le plus à même d'aborder la situation des droits de l'homme dans quelque pays que ce soit et en tout égalité.  Il a félicité le Cambodge pour ses efforts de coopération avec l'ONU et la communauté internationale s'agissant des questions relatives aux droits humains, ce qui est illustré par le fait que ce pays est partie à la plupart des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme. 

L'Organisation mondiale contre la torture (OMCT), au nom également de CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, a déclaré qu'alors que le mois prochain marquera le vingt-cinquième anniversaire de la signature des Accords de paix de Paris sur la base d'une démocratie pluraliste et de la garantie des droits de l'homme, l'année dernière a marqué des reculs, deux avocats de l'opposition ayant été sévèrement battus par des membres de l'Unité de la garde rapprochée du Premier Ministre, alors que le chef de file de l'opposition, M. Sam Rainsy, accusé de diffamation, demeure en exil.  Le Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement a déploré, à son tour, la condamnation sans enquête ni procès équitable de plusieurs défenseurs des droits de l'homme, dont des femmes, notamment pour avoir pris part aux manifestations du «Lundi noir».  Que faut-il faire pour améliorer la situation des défenseurs des droits de l'homme au Cambodge, s'est interrogée l'ONG?  Lawyer's Rights Watch Canada a à son tour souligné que cinq défenseurs des droits de l'homme avaient vu bafouer leur droit à un procès équitable depuis la soumission du dernier rapport de la Rapporteuse spéciale.  Malgré plus de deux décennies d'assistance technique, le système judiciaire au Cambodge demeure corrompu et non indépendant, a déploré l'ONG, avant d'appeler tous les membres du Conseil à dénoncer le non-respect de l'état de droit au Cambodge et de plaider pour une mise en œuvre effective des recommandations des organes onusiens.  L'ONG a fait état du cas de M. Ny Chakrya et de quatre défenseuses des droits fonciers, Me Tep Vanny, Heng Mom, Kong Chantha et Bo Chhorvy.  La Commission internationale des juristes a pointé du doigt l'absence de cadre législatif au Cambodge, qui ne correspond pas aux normes internationales et rétrécit l'espace démocratique.

La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme a indiqué que 27 défenseurs des droits de l'homme et militants politiques sont encore incarcérés pour des motifs politiques au Cambodge.  Human Rights Watch a signalé que le Premier Ministre et le CPP (Parti du peuple cambodgien) ont renforcé le ciblage politique de toutes les voix indépendantes, ajoutant que les forces de sécurité intimident et agressent ceux qui sont considérés comme opposants.  L'ONG a appelé le Cambodge, le Conseil, les signataires des Accords de Paris et le Haut-Commissariat aux droits de l'homme à prendre des mesures urgentes. 

Article 19 - Centre international contre la censure a dénoncé l'impunité qui règne au Cambodge, notamment pour ce qui est de l'assassinat de Kem Ley, et a encouragé au renforcement des politiques de protection de la société civile.  L'ONG s'est demandée comment inverser la tendance actuelle au Cambodge?  Le  Bureau international catholique de l'enfance, au nom également de Volontariat international femmes éducation et développement; Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco; et l'Association Points-Cœur, a relevé qu'il y a peu de données fiables sur la violence sexuelle dans le pays.  L'ONG a par ailleurs mis l'accent sur la situation des enfants dans les prisons, où ils sont la proie de tous les abus.  Malgré le nombre élevé de cas d'abus commis dans le cadre du tourisme, il n'existe aucun cadre juridique susceptible de lutter efficacement contre les violations des droits des garçons et des filles, a en outre fait observer l'ONG.  

Remarques de conclusion

La Cambodge a déploré que les délégations fassent des commentaires sur la base d'informations erronées ou sorties de leur contexte.  Le Gouvernement royal doit appliquer les lois et règlements, mais dès qu'il le fait, il est accusé de restreindre l'espace de la société civile, a déploré la délégation cambodgienne.  La loi sur les organisations n'a pas pour ambition de restreindre leurs activités, mais au contraire de créer un meilleur cadre de coopération entre les parties et d'accroître la transparence au sein des organisations, a assuré la délégation.  Il ne faut pas généraliser la situation au Cambodge en ne considérant qu'un seul angle, a-t-elle conclu. 

MME RHONA SMITH, Rapporteuse spéciale sur la situation des droits de l'homme au Cambodge a indiqué que sa prochaine visite dans le pays lui permettrait de voir si et comment ses recommandations y ont été appliquées; elle lui permettra aussi d'examiner le contexte politique et l'exercice des droits y relatifs.  Cela dit, le processus électoral pourra être menée à bien si la communauté internationale appuie le Cambodge, a souligné la Rapporteuse spéciale; néanmoins, la cessation du dialogue entre les parties et les autres mesures de restriction de droits politiques risquent de nuire à ce processus, a-t-elle prévenu, ajoutant que soulever ces questions n'est pas s'ingérer dans les affaires intérieures du pays, mais uniquement un moyen de l'aider. 

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* Les délégations et les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat général sur la situation des droits de l'homme en Lybie: Afrique du Sud (au nom du groupe africain); Pologne; Union européenne; Allemagne; République tchèque; Turquie; Espagne; Algérie; Qatar; États-Unis; Égypte; Chine; Portugal; Irlande; Nouvelle Zélande; Royaume Uni; Italie; Soudan; Émirats arabes unis; Tunisie; Fédération de Russie; Maroc; Jordanie; Bahreïn; Ukraine; Pays-Bas; Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme; Rencontre africaine pour la défense des droits de l'homme; Conseil de jeunesse pluriculturelle (COJEP); Human Rights Watch; Commission arabe pour les droits de l'homme.

* Les délégations et les organisations non gouvernementales suivantes ont pris la parole dans le cadre du débat général sur la situation des droits de l'homme au Cambodge: Union européenne; France; République tchèque; Suisse; Australie; États-Unis; Thaïlande; Japon,; Chine; Royaume-Uni; Irlande; Nouvelle-Zélande; Indonésie; Myanmar; République démocratique populaire lao; Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF); Organisation mondiale contre la torture (au nom également de CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens); Forum asiatique pour les droits de l'homme et le développement; Lawyers' Rights Watch Canada; Commission internationale de juristes; Fédération internationale des ligues des droits de l'homme  (FIDH) ; Human Rights Watch; Article 19 - Centre international contre la censure; Bureau international catholique de l'enfance (au nom également de Volontariat international femmes éducation et développement; Istituto Internazionale Maria Ausiliatrice delle Salesiane di Don Bosco; et l'Association Points-Cœur).

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