Les États sont complices de la crise environnementale causée par les activités des entreprises
22 avril 2024
« La Terre assure la survie de 8 milliards de personnes et de millions d’autres espèces, mais nous traversons une crise planétaire sans précédent », a déclaré le Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement David Boyd, ajoutant que les grandes entreprises étaient les premières responsables des atteintes à la biosphère et de l’accroissement des inégalités.
« Sur l’ensemble de la population humaine, les 1 % [les plus riches] produisent le même volume total d’émissions de gaz à effet de serre nuisibles au climat que les 66 % les plus pauvres », a-t-il déclaré.
Dans son dernier rapport présenté au Conseil des droits de l’homme, David Boyd incite à repenser les modèles économiques et commerciaux fondés sur l’exploitation des personnes et de la nature, qui ont poussé l’humanité au bord de la catastrophe.
Selon l’expert, de nombreuses grandes entreprises violent le droit à un environnement propre, sain et durable en polluant l’air, l’eau et le sol, en détruisant la biodiversité, en rejetant des substances toxiques dangereuses pour les êtres humains et la faune, et en produisant et commercialisant des aliments malsains et non durables. Les préjudices sanitaires et environnementaux liés à la pollution de l’air se chiffrent à 8 100 milliards de dollars par an, et la production alimentaire industrielle impose des coûts d’au moins 10 000 milliards de dollars par an.
Pour M. Boyd, le modèle économique actuel est défectueux, car il repose sur la croyance en une croissance illimitée et se préoccupe davantage de maximiser les profits des actionnaires, au détriment des obligations en matière de droits de l’homme.
« Les entreprises du secteur des combustibles fossiles engrangent des centaines de milliards de dollars de bénéfices, alors que leurs produits entraînent la mort de millions de personnes et accentuent l’urgence climatique. Les entreprises alimentaires transnationales réalisent des bénéfices records alors que les prix des denrées alimentaires, la faim et la malnutrition grimpent en flèche », a-t-il indiqué.
L’expert a toutefois admis que le secteur privé pouvait être une force positive pour parvenir à un avenir juste et durable, citant des exemples d’entreprises qui produisent ou utilisent uniquement de l’énergie renouvelable, qui rendent leurs produits plus respectueux de l’environnement et qui utilisent des approches fondées sur la régénération dans leurs activités agricoles, sylvicoles et halieutiques. Il a également souligné que l’investissement dans une économie verte pourrait générer 40 millions d’emplois supplémentaires d’ici 2030.
Les entreprises ont la responsabilité de respecter les normes en matière de droits de l’homme, y compris le droit à un environnement propre, sain et durable, et cette responsabilité « s’ajoute à l’obligation de respecter les lois et réglementations nationales », a affirmé l’expert.
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De nombreuses grandes entreprises enfreignent des lois sur l’environnement, or elles sont rarement sanctionnées. Même en cas d’enquête, de poursuites et de condamnation, les sanctions sont insuffisantes.
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David Boyd, Rapporteur spécial sur les droits de l’homme et l’environnement
Pour David Boyd, les États se rendent complices de la crise planétaire en favorisant et en subventionnant des activités commerciales destructrices. Il a également souligné leur obligation de protéger les droits de l’homme et leur devoir d’adopter des lois, des réglementations, des normes et des politiques strictes, y compris une législation complète relative au devoir de diligence en matière de droits de l’homme et d’environnement.
S’agissant des habitants des pays du Sud qui souhaitent parvenir au développement économique, M. Boyd a déclaré que l’humanité devait faire face à un paradoxe. « L’humanité doit réduire son empreinte écologique, mais des milliards d’habitants des pays du Sud doivent accroître leur empreinte énergétique et matérielle pour atteindre un niveau de vie confortable et jouir pleinement de leurs droits humains », a-t-il déclaré. « Les États riches doivent prendre l’initiative de réduire leur empreinte et de financer la croissance verte des pays du Sud. »
Revenant sur ses six années passées à la tête du mandat relatif à l’environnement et aux droits de l’homme, M. Boyd s’est dit particulièrement fier de la reconnaissance universelle du droit humain à un environnement propre, sain et durable lors du Conseil des droits de l’homme en octobre 2021 et de l’Assemblée générale des Nations Unies en juillet 2022.
« Il s’agit de progrès décisifs dans le domaine des droits de l’homme à l’échelle internationale », a-t-il déclaré.