Malawi : le combat d’une femme contre le mariage d’enfants
27 novembre 2020
Lorsque Memory Banda a vu sa petite sœur être mariée de force à un homme beaucoup plus âgé après être tombée enceinte, son combat contre le mariage d’enfants « est devenu très personnel ».
La sœur de Memory n’avait que 11 ans. À l’âge de 16 ans, elle avait déjà trois enfants.
« Pourquoi les filles devraient-elles subir ça ? » s’interroge Memory. « C’est clairement une violation des droits de l’homme. Pourquoi devrait-on justifier le mariage d’enfants sous prétexte que c’est une “tradition” ? En tant que jeunes filles, nous devons écouter cette règle et nous y soumettre ? »
Selon le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme (HCDH), les mariages d’enfants, les mariages précoces et les mariages forcés menacent la vie et le futur de femmes et de filles du monde entier. Chaque année, au moins 12 millions de filles dans le monde sont mariées avant l’âge de 18 ans. Les mariages précoces constituent une violation grave des droits de l’homme et privent les filles du pouvoir de décision sur leur vie et leur corps. Ils portent atteinte à leur éducation et les rendent plus vulnérables à la violence, à la discrimination et aux abus.
Memory, aujourd’hui âgée de 23 ans, lutte contre le mariage d’enfants et d’autres pratiques préjudiciables au Malawi depuis son adolescence. Elle est la fondatrice de l’organisation Foundation4GirlsLeadership, qu’elle dirige également. Elle a eu l’occasion d’intervenir plusieurs fois sur cette question lors d’événements internationaux, notamment devant la Commission de la condition de la femme des Nations Unies et lors du Forum d’Oslo sur la liberté.
La forte prévalence des mariages d’enfants au Malawi s’explique par des traditions culturelles et religieuses profondément enracinées, ainsi que par la pauvreté. Selon l’UNICEF, 46 % des filles sont mariées avant l’âge de 18 ans et 9 % avant 15 ans. En outre, les adolescents participent régulièrement à des cérémonies d’initiation préjudiciables visant à informer les filles et les garçons sur le sexe et la sexualité.
Tout en dialoguant avec les chefs traditionnels, Memory s’est battue pour interdire le soi-disant « rite de nettoyage sexuel » dans les camps d’initiation. Ce « rite de passage », au cours duquel des filles sont violées par des hommes plus âgés, est à présent interdit. La communauté dans laquelle vit Memory a été la première dans le pays à mettre fin à cette pratique.
Je me marierai quand je voudrai : « la plus grande victoire pour les filles »
Ce changement drastique imposé aux pratiques traditionnelles préjudiciables a mis Memory sur le devant de la scène. Elle a ensuite lancé une campagne intitulée « I Will Marry When I Want » (je me marierai quand je voudrai) visant à faire passer l’âge légal du mariage de 15 à 18 ans.
La campagne, qui a vu le jour avec la collaboration de l’ONG malawienne Girls Empowerment Network qu’elle a aidé à créer, a donné l’occasion aux filles d’exprimer leurs rêves d’avenir à travers un concours de rédaction.
En 2015, le Malawi a alors introduit une loi interdisant officiellement le mariage d’enfants.
« L’adoption de cette loi est la plus grande victoire pour les filles et un grand pas en avant pour mettre fin aux mariages d’enfants », a déclaré Memory.
Prochaine étape : faire appliquer la loi
Si la loi existe depuis presque cinq ans, Memory a fait remarquer qu’il était très difficile de la faire appliquer. Selon elle, les croyances profondément ancrées dans les communautés constituent un véritable obstacle pour garantir l’application de cette loi.
« Nous devons changer leur mentalité et leur faire réaliser que marier un enfant à un jeune âge est un crime. »
Elle réclame également une aide pour les filles et les femmes qui ont été mariées ou forcées à se marier de manière précoce et qui ont maintenant renoncé à leur mariage. Elle exhorte également le Gouvernement malawien à combler les lacunes en la matière : « Elles doivent d’autres options, elles ont besoin d’acquérir des compétences, elles ont besoin de recevoir l’éducation qu’elles ont manquée. Mettre fin au mariage d’enfants n’est possible que si l’on investit davantage pour y mettre fin. »
L’éducation est indispensable pour y parvenir. Memory a établi des groupes locaux Let Girls Lead, qui visent à maintenir les filles à l’école. « Nous devons nous assurer que les filles restent à l’école, qu’elles ont la possibilité de réaliser leur potentiel et qu’elles se sentent pleinement soutenues. »
Pour Memory, il est essentiel que les acteurs locaux, nationaux et internationaux travaillent ensemble pour régler ce problème au plus vite. « C’est complètement aberrant de parler des mariages d’enfants au XXIe siècle », a-t-elle conclu. « Il est grand temps que les gouvernements privilégient l’éducation des filles, soutiennent les droits de l’homme et mettent fin à cette tragédie. »
Avertissement : les idées, informations et opinions exprimées dans le présent article sont celles des personnes y figurant ; elles ne reflètent pas nécessairement la politique ou la position officielle du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme.
27 novembre 2020