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Yémen

« C’est mon droit de dire ce que je pense. Ne me sous-estimez pas. »

15 Novembre 2019

Saadah Hamood Ahmed Alhuamaidi est une adolescente de 16 ans qui habite au Yémen. Dans ce pays en guerre depuis 2015, Saadah défend sans relâche les droits des enfants qui subissent de plein fouet les conséquences de la crise sur les droits de l'homme.

Selon un récent rapport des Nations Unies*, un enfant yéménite meurt toutes les 11 minutes et 54 secondes à cause de la guerre qui fait rage dans le pays.

Saadah est elle-même malvoyante. Elle est membre de la Hope Foundation, un organisme qui met l'accent sur la réadaptation des filles malvoyantes. Elle est également membre du Parlement des enfants yéménites*, où elle représente les enfants malvoyants.

À l'occasion du 30e anniversaire de la Convention relative aux droits de l'enfant, nous célébrons les enfants comme Saadah, qui consacrent leur temps libre à la lutte pour les droits de ceux qui dirigeront un jour notre avenir, c'est-à-dire les enfants.

Quel est votre rôle dans le Parlement des enfants ?

En tant que représentante des enfants aveugles, je sensibilise ma communauté aux défis que rencontrent les personnes malvoyantes. Je fournis également un soutien psychosocial aux enfants aveugles, qui sont victimes de discrimination dans la communauté. Je veux soutenir ces enfants autant que possible pour les rendre plus forts.

Pourquoi avez-vous choisi d'en faire partie ?

J'ai beaucoup souffert, donc je voulais me faire entendre. Comme on dit, ce qui nous touche en plein cœur peut atteindre le cœur des autres. Je me suis toujours demandé si quelqu'un allait m'écouter ou ressentir ma souffrance.

Je rêvais d'atteindre un but précieux et inoubliable dans ma vie.

Alors, quand on m'a demandé si je voulais faire partie du Parlement des enfants, j'ai décidé de le faire, pour faire entendre la voix des enfants.

Quels sont les principaux enjeux pour lesquels vous vous battez actuellement ?

Le principal problème est celui de l'éducation. S'il n'y a pas d'éducation, il n'y aura pas de santé en raison des connaissances limitées en matière d'hygiène. Le deuxième problème est la santé. Si un enfant n'est pas en bonne santé, il ne sera pas en mesure d'apprendre ou de s'épanouir. Le troisième problème concerne la protection. Un enfant a le droit de vivre dans un environnement pacifique et sûr. Si les enfants ne sont pas protégés, ils sont privés de nombreux droits.

Voici mon message à tous les parents : vous devez encourager votre enfant à aller à l'école. Vous devez donner à vos enfants l'occasion d'apprendre. L'éducation encouragera votre enfant à surmonter de nombreux défis de la vie quotidienne.

La guerre au Yémen est une immense tragédie. Que faites-vous pour que votre vie quotidienne soit la plus « normale » possible ?

J'essaie de m'impliquer dans des activités qui profiteront aux enfants et à mon pays dans son ensemble. Par exemple, j'aime lire et j'écris aussi des histoires, donc je peux exprimer mes inquiétudes et ma douleur dans mes écrits – cela m'aide à soulager mes propres souffrances.

Pour alléger la souffrance des enfants autour de moi, j'essaie toujours d'être optimiste dans tout ce que je fais. Je reste positive et j'essaie de répandre des pensées positives auprès des enfants.

Pouvez-vous aller à l'école ? Pouvez-vous décrire dans quelles conditions ?

Je peux aller à l'école, Dieu merci. La plupart des enfants au Yémen ne le peuvent pas. Pour ceux et celles qui le peuvent, il existe de nombreux défis.

La qualité de l'éducation s'est détériorée. Le personnel éducatif ne se rend pas à l'école et la majorité du personnel disponible n'est pas suffisamment qualifié. Les élèves manquent également de fournitures scolaires.

De nombreux enfants ne peuvent pas aller à l'école, car leurs familles ne peuvent pas se le permettre en raison de la détérioration de la situation économique du pays. Et avec la guerre, de nombreux enfants ont peur de partir de chez eux.

Comment une génération peut-elle s'épanouir dans ces conditions ?

Pourquoi pensez-vous qu'il est important que l'opinion des enfants soit entendue ?

Les enfants souffrent de cette situation, et ils ont besoin d'exprimer ce qu'ils ressentent. Mais quand les adultes tentent d'exprimer les souffrances des enfants, il arrive qu'ils laissent de côté beaucoup de choses. Ou ils peuvent considérer que certains des droits de l'enfant ne sont pas aussi importants, même s'ils sont une priorité pour l'enfant.

Personne ne peut parler des sentiments, de la souffrance et de la douleur de l'autre avec exactitude. Comme on dit, personne ne peut dire à quel point le feu est chaud à moins de l'avoir touché.

Les enfants donnent les faits sans exagérer. Aussi, l'un des droits de l'enfant est la participation. En leur donnant davantage la parole, ils peuvent défendre eux-mêmes leurs droits. Et lorsque les enfants deviennent adultes, ils peuvent défendre leurs droits.

Si les enfants peuvent faire entendre leur voix, on obtient une génération autonome.

Que diriez-vous aux adultes qui prennent des décisions concernant l'avenir du Yémen ?

Pour que la future génération soit productive, les enfants du Yémen ont besoin de tous vos efforts pour défendre leurs droits.

À ma communauté, mon gouvernement, considérez-moi comme un enfant qui a besoin de votre soutien. Ne sous-estimez pas mes capacités. Je vis dans une communauté marquée par la douleur. Mon école a été endommagée, mes rêves se sont évanouis.

Je suis triste de voir ce qui se passe dans mon pays. J'ai perdu l'appétit et le sommeil, car je vis dans la peur. Quelqu'un écoutera-t-il mes paroles et ressentira-t-il ma douleur ?

Ne nous dites pas que nous ne comprenons pas la vie. Nous comprenons et reconnaissons tout. Ne nous décevez pas. Aidez-nous à développer notre pays pour assurer un bon avenir.

Mettez fin à la guerre, la guerre nous a meurtris, la guerre a brisé nos rêves, nous vivons dans la douleur.

L'éducation est au cœur de notre avenir, comment pouvons-nous grandir sans la santé et la paix ? C'est notre droit d'être protégés et en sécurité. C'est notre droit de vivre sans crainte et sans soucis. J'ai le droit de m'impliquer. J'ai le droit de ne pas être victime de discrimination.

C'est mon droit de dire ce que je pense. Ne me sous-estimez pas.

*Le Parlement des enfants organise tous les trois mois des sessions de cinq jours – pour discuter de sujets comme l'environnement, la santé, les droits de l'homme et l'éducation – et envoie ensuite ses recommandations au Gouvernement yéménite.

15 novembre 2019