Les peuples autochtones troquent leurs lances pour des tribunaux afin de défendre leurs territoires
06 septembre 2019
« La justice est très importante, car aujourd'hui, nos lances et nos rituels ne suffisent plus à nous défendre. Nous devons maintenant faire appel aux tribunaux pour nous protéger et travailler avec des avocats et le droit communautaire », a déclaré Nemonte Nenquino de la communauté des Waorani en Équateur.
Nemonte Nenquino est la présidente de la CONCONAWEP #160;, une organisation qui représente les Waorani de la province de Pastaza en Équateur. Elle s'est rendue à Genève accompagnée d'Omanca, l'aînée de la communauté waorani, pour assister à la session du Mécanisme d'experts sur les droits des peuples autochtones. Cette session, qui a rassemblé des populations autochtones, des ONG et d'autres experts, avait pour but de discuter des défis rencontrés par ces communautés.
Nemonte Nenquino et Omanca sont également intervenues pour parler de la récente victoire judiciaire des Waorani. En avril dernier, un tribunal équatorien a estimé que le Gouvernement n'avait pas correctement consulté la communauté waorani de la province de Pastaza, à l'est de l'Équateur, au sujet d'une vente aux enchères de gisements de pétrole touchant leur territoire. Au fil des ans, l'Équateur a en effet divisé une bonne partie de la forêt amazonienne sur son territoire en blocs dont il a cédé les droits miniers lors de ventes aux enchères internationales.
En 2018, le ministre équatorien des hydrocarbures a annoncé la vente aux enchères de 16 nouvelles concessions pétrolières touchant des forêts primaires intactes dans plusieurs régions, y compris celle des Waorani. Toutefois, dans le cadre d'une plainte déposée en février, les Waorani ont affirmé que le Gouvernement n'avait pas correctement consulté la communauté au sujet de ces appels d'offres. La Cour de justice leur a donné gain de cause.
Selon Omanca, la décision de la cour n'est pas seulement une victoire pour les Waorani, « mais aussi pour d'autres peuples autochtones en Équateur. Nous avons délivré un message provenant de la forêt, un message qui montre ce que nous ressentons. »
Les défenseurs des droits de l'homme, en particulier ceux qui défendent les droits environnementaux, sont dans la ligne de mire et font l'objet d'une violence croissante. Cette année a débuté avec la mort de six militants des droits de l'homme dès la première semaine du mois de janvier, et a continué avec le meurtre de l'un des dirigeants d'un groupe environnemental brésilien au mois de mars.
Le Conseil des droits de l'homme a reconnu les menaces croissantes qui pèsent sur les défenseurs des droits environnementaux. Lors de sa dernière session, qui s'est terminée le 22 mars dernier, le Conseil a adopté une résolution dans laquelle il s'est déclaré « gravement préoccupé par la situation dans laquelle se trouvent les défenseurs des droits de l'homme liés à l'environnement dans le monde entier et [a condamné] fermement les assassinats et toutes les autres violations des droits de l'homme et atteintes à ces droits commises [...] contre ces personnes ». Par cette résolution, le Conseil exhorte les États à prendre des mesures concrètes pour protéger et défendre ces militants, notamment en poursuivant les responsables de toute attaque ou menace.
Omanca a déclaré qu'en tant que femme autochtone vivant dans la forêt, cette terre est sa vie et elle se doit de lutter pour elle.
« Je considère que je défends les droits de la nature et les menaces ne me font pas peur », a-t-elle expliqué. « C'est pour cela que je suis ici [à Genève], pour expliquer ce qui se passe sur mon territoire, dans la forêt, pour que l'endroit où je vis puisse être respecté. »
La CONCONAWEP fait partie d'une coalition de groupes de défense des droits des peuples autochtones appelée Waorani Resistance, qui plaide en faveur de la souveraineté et des droits fonciers de ces peuples. Dans le cadre des poursuites judiciaires lancées à l'encontre du Gouvernement équatorien, le groupe a passé plusieurs années à cartographier la région et à mener des campagnes de lutte contre les empiétements. Cette région de plus de 2 millions d'hectares est l'un des plus grands réservoirs de biodiversité au monde. Le groupe a également recueilli des témoignages de dizaines d'aînés et de dirigeants communautaires pour illustrer le manque de consultation par le Gouvernement.
Omanca est convaincue que cette victoire juridique est un véritable message d'espoir pour le reste du monde, en particulier pour les autres défenseurs des droits des peuples autochtones et de l'environnement.
« Nous devons nous unir », a-t-elle annoncé. « Notre combat n'est pas seulement celui des autochtones, c'est celui de toute l'humanité. Nous devons prendre soin de notre planète. Nous sommes en train de détruire la nature et d'aider l'humanité à disparaître. Nous devons nous unir pour sauver le monde. »
Apprenez-en davantage sur les Waorani et leur appel pour protéger leurs terres et leur culture en regardant cette vidéo*.
6 septembre 2019