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Personnes atteintes de la lèpre

Rachna Kumari, survivante de la lèpre : « on a tous le droit de vivre dans la dignité »

24 Juillet 2019

« Ma vie est remplie de traumatismes, de douleurs et de périodes de dépression, mais elle est aussi remplie de bonheur et de réussites. »

À l'âge de 24 ans, Rachna Kumari a découvert qu'elle était atteinte de l'une des maladies les plus stigmatisées au monde : la lèpre, aussi connue sous le nom de maladie de Hansen.

Sa vie fut à nouveau bouleversée lorsque, peu après avoir reçu son diagnostic, elle a perdu son mari. Rejetée par sa famille, elle fut forcée de vivre en isolation quasi totale, loin de ses proches et de la communauté.

Par crainte de contaminer ses deux enfants, elle les confia à ses parents et partit à la recherche d'un emploi dans une plus grande ville.

Après huit ans de maladie, Rachna fut enfin guérie. Mais son combat contre la maladie, semblable à celui de milliers d'autres personnes, fut traumatisant, aussi bien d'un point de vue physique qu'émotionnel.

Rachna est originaire de l'Inde, où le nombre de cas de lèpre est le plus élevé au monde. En 2017, environ 126 000 nouveaux cas ont été signalés dans le pays.

« J'ai souffert de l'exclusion sociale, de la stigmatisation et de la discrimination. C'était horrible. Je suis tombée dans la dépression et j'ai perdu le goût à la vie. »

La lèpre est une maladie chronique qui touche principalement la peau, les nerfs périphériques, la muqueuse des voies respiratoires supérieures et les yeux. Elle est transmise par des gouttelettes provenant du nez et de la bouche de personnes non traitées, en cas de contacts fréquents et rapprochés avec celles-ci. Les symptômes peuvent apparaître un an après l'infection, mais ils peuvent également prendre jusqu'à 20 ans à se manifester. La plupart des personnes sont naturellement immunisées contre cette maladie.

On estime à environ 200 000 le nombre de personnes touchées par la lèpre dans le monde chaque année. La majorité des cas surviennent en Inde, au Brésil et en Indonésie. 

La lèpre : une maladie synonyme de stigmatisation, de déshumanisation et de violations des droits de l'homme 

Lorsque la lèpre a été découverte pour la première fois à la fin du XIXe siècle, plusieurs gouvernements à travers le monde ont établi des léproseries (colonies de lépreux), par peur que la maladie ne se propage. Beaucoup d'entre eux ont mis en œuvre une politique officielle de ségrégation. Les personnes touchées étaient séparées à vie de leur famille et de leurs communautés. Les nouveau-nés en bonne santé étaient également séparés de leurs parents.

Bien que des experts aient décrété l'abandon de la politique de ségrégation en 1948, elle était toujours en vigueur dans certains pays jusqu'à la fin des années 1990. Il existe encore aujourd'hui environ 2 000 léproseries dans le monde.

Depuis ses débuts, la maladie n'a pas pu échapper à la stigmatisation et aux stéréotypes généralisés.

Selon le rapport présenté devant le Conseil des droits de l'homme par l'experte des Nations Unies sur la lèpre Alice Cruz, « la superposition de stéréotypes préjudiciables, de représentations stéréotypées erronées et d'iniquités structurelles renforce l'exclusion, la discrimination et la violence […] et empêche des millions de personnes {...] d'exercer leurs droits fondamentaux, notamment à la dignité, à l'égalité et à la non-discrimination. »

Les femmes risquent davantage d'être victimes de discrimination

Le rapport indique que les femmes risquent davantage d'être victimes de discrimination et de violence, et de développer des déficiences et des incapacités physiques en lien avec la lèpre. Dans de nombreux pays affectés, les femmes ont un statut social inférieur et vivent alors dans la honte en essayant de dissimuler leur maladie. Pour accéder aux services de soins de santé, elles ont souvent besoin de l'autorisation de leur mari ou de leur famille, qui les ont peut-être déjà ostracisées. En outre, elles ont souvent une mobilité limitée ou souffrent d'analphabétisme.

La lutte pour la dignité et l'humanité

« Des millions de personnes touchées par la lèpre se sont vu, et se voient encore refuser leur dignité, mais aussi la reconnaissance de leur humanité », a déclaré Mme Cruz.  « Ce n'est pas une coïncidence si les personnes touchées par la lèpre disent généralement connaître une "mort civile". »

Alice Cruz a fourni plusieurs recommandations dans son rapport. Parmi elles, elle appelle États à abolir sans délai et à modifier toutes les lois discriminatoires en vigueur, et à instaurer des mesures de réparation pour les personnes touchées par la lèpre ainsi que pour les enfants qui ont été séparés de force de leurs parents. Elle recommande également d'intensifier les programmes de sensibilisation et de communiquer des informations exactes sur la lèpre et sur les droits de l'homme des personnes affectées.

S'agissant des femmes atteintes de la lèpre, le rapport demande instamment que les femmes soient associées aux plans nationaux portant sur l'égalité femmes-hommes, la prévention de la violence fondée sur le genre et l'accès des femmes à la justice.

« Cette maladie m'a donné une autre raison de vivre »

Après huit ans de combat contre la lèpre, Rachna a finalement été guérie à l'âge de 32 ans. Elle vit aujourd'hui avec ses parents et ses deux enfants dans l'État du Bihar.

À présent, son objectif est d'aider les personnes touchées par cette maladie et de lutter pour leurs droits. Elle travaille au Munger Referral Centre de la Lepra Society du Bihar, et elle est membre du forum national des personnes touchées par la lèpre. Elle siège également au comité consultatif de la Fédération internationale des associations contre la lèpre, où elle s'adresse régulièrement aux décideurs politiques.

Rachna s'est récemment rendue à Genève pour raconter son histoire lors d'une discussion entre États organisée au Conseil des droits de l'homme. Elle est intervenue lors d'une manifestation parallèle et a rencontré la Haute-Commissaire adjointe des Nations Unies aux droits de l'homme Kate Gilmore.

Rachna poursuit la lutte contre la stigmatisation et la discrimination. « C'est horrible de voir ces femmes souffrir, mais j'essaie à ma façon de les rendre fortes et indépendantes. »  

Bien qu'en Inde, la Cour suprême ait donné des directives au Gouvernement central et aux États pour qu'ils prennent des mesures pour lutter contre les lois discriminatoires à l'égard des personnes touchées par la lèpre, Rachna estime que « plusieurs acteurs ne comprennent pas ces problèmes ».

Selon elle, bien plus d'efforts doivent être menés pour faire comprendre à la population que cette maladie peut être soignée et guérie, et pour ainsi réduire la discrimination. Elle suggère entre autres d'inclure des informations sur la lèpre dans les programmes scolaires. Elle estime également que les traitements et les informations concernant la lèpre devraient être disponibles dans des établissements de soins de santé généraux, plutôt que d'être isolés.

« Il y a tellement de travail à faire », dit-elle.  « Après tout, on a tous le droit de vivre dans la dignité »

Le 24 Juillet 2019