Des défenseurs des droits de l’homme demandent une action urgente pour " sauver nos maisons "
13 décembre 2018
Pour les petits États insulaires du Pacifique, le changement climatique n’est pas un risque théorique, c’est une réalité bien présente. La montée du niveau de la mer a entraîné la perte de terres, ce qui a poussé certains pays à réfléchir à des solutions pour déplacer leurs résidents. Les changements climatiques ont conduit à des phénomènes météorologiques plus extrêmes, avec pour conséquence des tempêtes qui ont dévasté des villages et déchiré des communautés auparavant capables de les affronter.
Cela a eu un impact important sur les femmes vivant dans la région, ce qui a exacerbé les inégalités déjà ancrées dans la population, a déclaré Tamani Rarama, militante des droits de l’homme et de la justice climatique, et originaire de la République des Fidji.
" Le genre joue un rôle central sur les effets de cette dégradation et sur son impact, a-t-elle dit. Notre culture est profondément enracinée dans des croyances culturelles et religieuses qui, à bien des égards, renforcent les obstacles systématiques qui limitent la participation des femmes et des autres genres. La violence sous toutes ses formes augmente également pendant de telles crises. "
Tamani Rarama est une jeune militante transgenre pour la justice climatique, qui travaille avec l’association Alliance for Future Generations à Fidji. Elle s’est attaquée à la question du climat et de la justice non discriminatoire au cours des quatre dernières années, et a représenté Fidji l’année dernière lors de la 23e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP23) à Bonn, en Allemagne.
Elle considère le fait d’être une femme défenseur des droits de l’homme comme un prolongement naturel de sa volonté personnelle de revendiquer ses identités. En tant que femme transgenre vivant dans une société traditionnelle et patrimoniale, Tamani a dû apprendre la résilience et à reconnaître ses propres accomplissements, ce qu’elle enseigne aux autres lors d’ateliers.
" C’est grâce à mon expérience que j’ai appris à défendre avec succès mes propres droits et les droits de ceux qui ont besoin de se faire entendre, a-t-elle dit. Ce sont les injustices dont j’ai été souffert en tant qu’autochtone, en tant que personne non-conforme à un genre, qui m’ont le plus influencée. Mais je fais ce qu’il faut pour aider à améliorer la vie des gens autant que la mienne pour un avenir meilleur. "
Les femmes sont plus touchées
Les changements climatiques ont des effets multiples et complexes sur les sociétés et les droits de l’homme, a déclaré Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme. Lorsque la population n’a pas accès à la nourriture, à l’eau, à un logement ou à d’autres biens de première nécessité, elle est privée de ses droits fondamentaux. Les tensions qui en résultent sont susceptibles d’entraîner des actes de violence et d’autres conséquences néfastes. Ce sont les femmes qui en font les frais.
Les femmes et les filles risquent plus d’être exposées aux problèmes liés aux catastrophes provoquées par les changements climatiques car les situations de crise " exacerbent les inégalités préexistantes entre les sexes et aggravent les formes croisées de discrimination à l’égard des femmes ", selon la Recommandation générale 37 du Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes (en anglais).
" Nous ne pouvons pas assurer un véritable avenir à notre planète si nous continuons à ignorer les inégalités envers les femmes et le lourd fardeau de la discrimination, qui freine tant de femmes ", s’est alarmée Mme Bachelet lors d’une intervention pendant la 24e Conférence des Parties à la Convention-cadre des Nations Unies sur les changements climatiques (COP24) en Pologne. " Une action climatique sensible au genre permettra de soutenir une transition juste et de promouvoir le développement durable, notamment la lutte contre la pauvreté. "
La prise en compte de la problématique femmes-hommes : un point positif
" La meilleure façon d’aider les femmes et les filles à mieux s’adapter aux changements climatiques et à s’y attaquer est de leur demander de quoi elles ont besoin ", a déclaré Lucielle Paru. Mme Paru est une dirigeante communautaire et une défenseure des droits de l’homme originaire de Papouasie-Nouvelle-Guinée qui milite contre l’exploitation des fonds marins et pour les droits fonciers et les droits des femmes dans son pays.
" Les femmes osent plus s’exprimer maintenant, dit-elle. Les hommes se sont occupés des choses, ce qui ne veut pas dire qu’ils ont fait du mauvais travail, mais nous avons constaté qu’ils ont pris de mauvaises décisions. Les hommes n’ont pas été à la hauteur. Il est temps de permettre aux femmes de s’exprimer. Il est temps d’accepter que les femmes réfléchissent davantage. Nous faisons davantage preuve d’esprit combatif lorsque nous devons par exemple protéger nos enfants, notre maison, nos terres. Ce serait bien qu’on nous laisse le faire. "
En reconnaissance de la nécessité de mieux représenter les besoins et le point de vue des femmes dans les débats et les actions sur les changements climatiques, les États Membres de l’ONU ont adopté un Plan d’action en faveur de l’égalité des sexes. Ce plan renforce les politiques climatiques sensibles au genre en se concentrant sur des domaines prioritaires, notamment le renforcement des capacités, l’équilibre entre les sexes et une plus grande intégration de la problématique femmes-hommes dans les travaux des organes des Nations Unies sur le climat.
Pour Nazhat Shameen Khan, ambassadrice des Fidji en Suisse et négociatrice en chef de son pays lors de la COP23, les mesures de lutte contre les changements climatiques offrent également l’occasion de s’attaquer à la discrimination contre les femmes. Les femmes ont longtemps été exclues du dialogue sur les changements climatiques et les solutions possibles en la matière, surtout dans les petites îles et les pays côtiers les plus durement touchés par cette question.
" L’un des aspects les plus importants de cette problématique combinant l’égalité des sexes et l’action climatique est la possibilité que l’action climatique soit transformatrice, a-t-elle déclaré. Les changements climatiques représentent un nouveau défi pour nous, mais ce n’est pas une situation habituelle. À mon avis, la prise en compte de la problématique femmes-hommes est un point positif dans la lutte contre les changements climatiques. "
Tamani Rarama, qui est originaire de Fidji, a un message pour tous ceux qui mènent des négociations sur les changements climatiques pendant la COP24 qui se déroule actuellement en Pologne : passez à l’action, et ce dès maintenant.
" Nous n’avons pas 30 ans de négociations et de lobbying devant nous pour sauver nos maisons, " dit Tamani. C’est une crise humanitaire qui nécessite une action urgente et une attention tout aussi grande que celle accordée aux guerres, etc. Les peuples du Pacifique contribuent moins aux émissions de carbone, mais nous sommes les plus touchés par le capitalisme et les grandes nations. "
Découvrez de quelle manière les changements climatiques affectent la nation fidjienne dans la vidéo suivante*.