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Personnes d’ascendance africaine

Les personnes d’ascendance africaine : une détention plus longue pour une infraction moindre

28 Avril 2017

Justin Hansford se remémore souvent la première fois qu’il est venu à Genève. Il était là pour présenter le contre-rapport de son organisation et le soumettre à l’étude du Comité des Nations Unies contre la torture de son pays, les États-Unis.

M. Hansford, avocat du mouvement Black Lives Matter, était venu soutenir la mère de Mike Brown, un jeune Africain-Américain tué de plusieurs balles par l’officier de police Darren Wilson, l’après-midi du 9 août 2014, alors qu’il se promenait dans la rue St Louis, à Ferguson, dans le Missouri. Le corps de Mike Brown est resté étendu sur l’asphalte pendant quatre heures avant d’être enlevé.

" Parmi tous les mécanismes officiels, les tribunaux civils, les tribunaux pénaux, le gouvernement américain, le ministère de la Justice, qui ont décidé de ne pas engager de poursuites contre M. Wilson - [le comité des Nations Unies] a été le seul endroit où la mère de Mike Brown a eu la chance de raconter son histoire ", a déclaré M. Hansford. " Les activistes ont pu raconter leur histoire devant un mécanisme officiel qui les a écoutés et leur a témoigné du respect. "

Deux ans et demi plus tard, M. Hansford est retourné à Genève pour participer à la 20e session du Groupe de travail d’experts sur les personnes d’ascendance africaine. Il a pu alors entrer en contact avec d’autres organisations de la société civile et des experts qui lui ont présenté une perspective plus large des questions en matière de droits de l’homme que ce groupe particulier traite à l’échelle mondiale.

" Le combat contre l’État est quelque chose que nous allons devoir affronter. Ici, je vois tous les exemples de violence policière à l’égard des populations noires, " a-t-il précisé. " Ce n’est pas une coïncidence de voir la montée du nationalisme blanc, le BREXIT, Trump et Marine Le Pen. Tout est lié. "

Comme le groupe de travail l’a indiqué dans son rapport au Conseil des droits de l’homme des Nations Unies, lors de sa visite officielle aux États-Unis en janvier 2016, M. Hansford a souligné qu'il y avait en permanence des manifestations de discrimination raciale dans ce pays.

Dans sa présentation, il a indiqué que les États-Unis représentaient 5% de la population mondiale mais 25% de la population carcérale mondiale. Les personnes d’ascendance africaine représentent 36% des plus de deux millions de personnes incarcérées. M. Hansford a ajouté que selon Human Rights Watch, les Noirs-Américains représentent 14% des consommateurs de drogue réguliers mais 37% des personnes arrêtées pour des infractions liées à la drogue.

" Lorsqu’on examine les données, on constate en réalité que dans l’ensemble notre taux d'infraction est similaire, mais que fait la police? Elle se focalise, elle cible, elle esquisse un profil fondé sur la race, " explique M. Hansford. " Plutôt que de procéder à une saisie de drogue à l’université du coin, où tous les jeunes dealent de la marijuana, elle va saisir la marijuana dans les logements sociaux. "

" L’incarcération de masse résulte non pas d'une culture de la pauvreté, mais du fait que nous constituons des cibles simplement parce que nous avons commis le crime de naître Noirs en Amérique. "

Depuis sa création, le mouvement Black Lives Matter a permis la réalisation d'un certain nombre d’enquêtes fédérales sur des abus policiers à Baltimore, Chicago et Fergusson. Cependant, lorsque Jeff Sessions a été nommé procureur général des États-Unis par l’administration actuelle, ces enquêtes ont été annulées.

" Tel est le type de difficultés auxquelles nous sommes confrontés, nous devons trouver un moyen de réagir. Ces derniers temps, beaucoup d’entre nous pensent que la solution est de privilégier la politique locale... Nous avons plus de pouvoir à ce niveau car la population noire y est plus concentrée et elle peut voter pour chasser des gens du pouvoir, " a ajouté M. Hansford.

Pour la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, M. Hansford a proposé de fixer des objectifs. " Les objectifs peuvent inspirer les gens, ils peuvent les rassembler. Nous devons faire une chose pour les États-Unis, c’est réduire l’incarcération de masse au moins de moitié pendant la décennie internationale. Nous avons dix ans pour réussir. "

De l’autre côté de l’Atlantique, Matilda MacAttram, fondatrice et directrice d’un " groupe de souffrances et de droits de l’homme ", Black Mental Health UK, considère la contrainte normalisée et la réponse judiciaire liée à la santé mentale à l’égard des Britanniques noirs comme une forme d’oppression semblable à celle subie par les Noirs-Américains dans le système carcéral américain.

Elle a expliqué au groupe de travail que la santé mentale est le seul domaine de la santé au Royaume-Uni où la coercition d’État est mise en œuvre. En vertu de la Mental Health Act (loi sur la santé mentale), si une personne est considérée comme ayant perdu sa capacité et nécessitant des soins de santé mentale, elle peut être détenue dans un hôpital et traitée contre sa volonté.

Lorsqu’une telle évaluation est faite dans un lieu public et que la personne refuse d’être traitée contre sa volonté, la police aide le professionnel de santé mentale et le travailleur social à arrêter le patient.

L’organisation de Mme MacAttram voit le problème de l’application de cette loi à travers le prisme de la justice sociale et des droits de l’homme. " Quiconque est détenu en vertu de la Mental Health Act peut obtenir ou non un diagnostic, " a-t-elle expliqué.

En 2002, le centre national de recherche en sciences sociales a révélé que les taux de morbidité parmi les Britanniques noirs n’étaient pas supérieurs à ceux des autres groupes ethniques. Cependant, le " Comptez-moi dans le recensement " de 2011, qui détaille les données ventilées selon l’origine ethnique des patients dans les hôpitaux psychiatriques en Angleterre et au Pays de Galles, a montré que les personnes noires avait 9 fois plus de risques d’être internées que le reste de la population.

Ces données ont indiqué une augmentation à partir de 2005 (elles avaient alors trois fois plus de risques que le reste de la population).

Mme MacAttram a souligné dans quelle mesure l’affaire David “Rocky” Bennett faisait référence au Royaume-Uni. Le soir du 30 octobre 1998, ce patient Afro-Caribéen âgé de 38 ans, qui souffrait de schizophrénie, s’est bagarré avec un autre patient dans la clinique de Norvic, à Norwich. Bennett a reçu un déferlement d’agressions racistes de la part de l’autre patient. Le personnel de la clinique a décidé de déplacer Bennett dans un autre service.

Lorsque Bennett a appris qu’il allait y passer la nuit, il a trouvé cela injuste et s’est mis à frapper une infirmière, qui a demandé à un autre membre du personnel de l’arrêter. Quand il s’est calmé, les infirmières l’ont relâché. D’après une enquête, Bennett est décédé des blessures qui lui ont été infligées alors qu’il était maintenu, qui " correspondaient à la pression excessive qui a été exercée ".

Pour Mme MacAttram, le rapport d’enquête du gouvernement britannique relatif à l’affaire David Bennett a mis en évidence au niveau national le racisme institutionnel au sein des services de santé mentale.

" Ce fut également une affaire fondatrice car, en réponse, le gouvernement a mis en œuvre un programme quinquennal intitulé Delivering Race Equality in Mental Health Care. Ce programme, toutefois, est extrêmement déficient: à moins de gérer le groupe qui subit l’injustice, il est impossible de l’éradiquer ", a-t-elle précisé.

" Le corps social ne prescrit pas trop de médicaments, le corps social ne surdiagnostique pas, le corps social ne maîtrise pas et le traitement du corps social ne cause pas de victimes, mais le corps social a besoin de ressources, " a-t-elle souligné.

Cent millions de livres plus tard, l’échec le plus cuisant de Delivering Race Equality a été de n’atteindre aucun des objectifs définis dans ce rapport. "

Mme MacAttram a également indiqué que la pression exercée au titre de la Mental Health Act ciblait de manière disproportionnée les personnes d’ascendance africaine. Néanmoins, en raison des préjugés associés à la maladie mentale, il est difficile d’aborder la question lors de colloques publics.

" Les Britanniques noirs sont lassés des études et des enquêtes. Ce que nous voulons voir, si des ressources sont mises à notre disposition, c’est ce que nous aurions dû voir après la mort de David Bennett: des ressources données aux services de proximité, culturellement appropriés, qui répondent aux besoins des personnes, " a-t-elle ajouté.

" Ce que nous voulons voir également, si des ressources sont disponibles, c’est le droit d’avoir un avocat avant la détention; accordez aux gens leurs droits de l’homme ! "

En 2014, Mme MacAttram a été sélectionnée pour participer au programme de bourses du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme pour les personnes d’ascendance africaine. Depuis, elle a pu mettre en œuvre les enseignements tirés de ce programme dans l’ensemble de son organisation.

" Avec un effet presque immédiat. Ce programme a été incroyablement stimulant. Je remercie les personnes grâce auxquelles le crime dont nous sommes les victimes a été reconnu dans cette enceinte, permettant ainsi à la prochaine génération de s’atteler à résoudre ce problème, " a-t-elle déclaré. " L’idée serait de remplir vos poumons autant que possible et de ne pas rester silencieux tant que nous n’aurons pas obtenu justice. "

Si, comme Matilda MacAttram, vous souhaitez participer à l’édition 2017 du programme de bourses des Nations Unies pour les personnes d’ascendance africaine, cliquez ici pour en savoir plus et envoyer votre candidature. La date limite de dépôt des candidatures est fixée au 31 mai 2017.

Cliquez ici pour en savoir plus sur l’action du Groupe de travail des experts sur les personnes d’ascendance africaine, engagez-vous et participez aux activités destinées à la protection des droits de l’homme des personnes d’ascendance africaine.

27 avril 2017