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Migrants

Des experts en droits de l’homme estiment que le climat non surveillé de discours anti-migrants donne lieu à des abus

05 septembre 2016

Ils les appellent des « chasseurs de migrants » ou des « organisations de protection des citoyens ». Ils sont volontaires, et se sont attribué la tâche d’effectuer des patrouilles le long de la frontière entre la Bulgarie et la Turquie, à la recherche de personnes qui cherchent à la franchir.

Lorsqu’en avril, les membres d’un de ces groupes ont repéré et arrêté 23 migrants, ils les ont conduits dans le village le plus proche. Ils ont ensuite été salués chaleureusement par le public et félicités par le chef de la police aux frontières du pays.

Les arrestations effectuées par des citoyens sont illégales au regard de la législation bulgare, mais elles sont devenues populaires, a indiqué Krassimir Kanev, président du Comité d’Helsinki de Bulgarie. Cette popularité reflète la montée de la xénophobie* dans le pays. Depuis le début des années 1990, ce Comité a établi l’existence de plusieurs formes d’intolérance contre lesquelles il s’efforce de lutter.  

« Il existe un problème très grave, particulièrement en ce moment, en Bulgarie », a-t-il ajouté. « Cette détérioration de la situation au cours des dernières années est due à des raisons politiques. Ces raisons politiques sont notamment le fait que des partis représentés au parlement du pays épousent de telles valeurs ».

Le Comité d’Helsinki de Bulgarie est une organisation partenaire du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme, qui contribue à établir l’existence de violations des droits de l’homme des migrants et des réfugiés en Bulgarie, et à fournir une aide juridique aux groupes vulnérables dans le pays.

« Les attitudes xénophobes et anti-migrants se sont traduites en action politique et en politiques concrètes », a précisé M. Kanev. Il a indiqué que la Bulgarie érigeait un mur le long de la frontière avec la Turquie. « Une fois achevé, ce projet aura coûté plus de 100 millions d’euros », a-t-il précisé. « C’est une grosse dépense pour le pays. »

Le Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme s’est dit préoccupé par la xénophobie en Bulgarie. Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Zeid Ra’ad Al Hussein a déploré que des fonctionnaires de l’État, dont le Premier ministre, ont fait des déclarations agressives à l’égard des migrants.

« Le Gouvernement bulgare n’en fait pas assez pour s’opposer à ces évolutions alarmantes – certains considèrent même qu’il encourage l’intolérance. Des initiatives politiques sont nécessaires pour créer un environnement qui permette d’assurer le respect des droits de l’homme », a-t-il déclaré.

« Ce manque de leadership s’est aussi traduit par des politiques et des pratiques qui ont eu des effets directs néfastes sur les migrants et les réfugiés en Bulgarie », a indiqué Claude Cahn, conseiller en droits de l’homme du Haut-Commissariat.    

« On voit mal comment, si les responsables au plus haut niveau instillent un sentiment de peur, les administrateurs et les personnels qui interviennent en première ligne peuvent comprendre qu’ils sont censés aider les gens. Au lieu de cela, on leur envoie un message selon lequel, ce qu’ils sont censés faire, c’est protéger la société de ces gens », a-t-il fait-il remarquer.

Le sentiment anti-migrants est aussi diffusé par divers organes de médias bulgares, au moyen de programmes à sensations, d’un traitement négatif des défenseurs des droits de l’homme dans les tabloïdes, et, dans certains cas, de reportages positifs sur les groupes qui effectuent des patrouilles le long de la frontière. La plupart de ces émissions comportent un message codé, voire ouvertement anti-musulmans.

M. Kanev et d’autres membres de la société civile s’emploient à lutter contre le racisme et la xénophobie en établissant un contact avec le système judiciaire. Le Comité d’Helsinki de Bulgarie a porté plainte auprès de tribunaux bulgares et de la Cour européenne des droits de l’homme au sujet du type de discours tenu par des responsables politiques ainsi que d’incidents spécifiques d’atteintes aux droits qui découlent de ce climat d’intolérance. Le Comité a appelé récemment à la démission du Premier ministre après qu’il a approuvé les activités menées par les groupes de volontaires qui effectuent des patrouilles aux frontières, ainsi que le recours à la violence contre les migrants. Mais très peu a été fait.

« Le principal problème dans ce pays est l’impunité, l’incapacité et l’absence de volonté du ministère public de prendre des mesures adéquates sur le plan juridique », a-t-il indiqué. « Si les procureurs avaient agi autrement, la situation serait différente. C’est un problème général avec le système et c’est le problème avec la Bulgarie ».

*L’ONU définit la xénophobie comme étant « les attitudes, préjugés et comportements qui rejettent, excluent et traitent avec mépris certaines personnes parce qu’elles sont perçues comme des étrangers ne faisant pas partie de la collectivité, de la société ou l’identité nationale.

Le 19 septembre 2016, l’Assemblée générale de l’ONU organisera un Sommet pour les réfugiés et les migrants au vu de la nécessité de renforcer la solidarité internationale en réponse aux mouvements massifs de migrants et de réfugiés. Cet article est le premier d’une série consacrée à la question de la migration et des droits de l’homme avant la tenue du Sommet des Nations Unies.

5 septembre 2016