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Les droits des peuples autochtones sont violés au nom de la protection de l’environnement

26 août 2016

La préservation de la biodiversité semble avoir un prix. Mais qui supporte effectivement ce prix ?

Les tensions qui existent actuellement entre les politiques de protection de l’environnement et les communautés autochtones sont manifestes dans l’expérience de plusieurs peuples autochtones, les Sengwer et les Ogiek, au Kenya. Plusieurs peuples autochtones, dont les Sengwer, vivent dans les collines Cherangani, dans l’ouest du Kenya. Mais les politiques de protection de l’environnement pratiquées au Kenya ont eu pour effet d’aliéner les peuples autochtones de leurs terres.

« Nous sommes victimes de nombreuses violations des droits de l’homme, d’expulsions forcées de nos forêts ancestrales, et nous n’avons aujourd’hui nulle part où aller où nous pouvons dire « Nous sommes chez nous », se désole Milka Chepkorir Kuto, membre de la communauté Sengwer, qui a participé au Programme de bourses 2016 du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme destinées aux autochtones.

De nombreux peuples autochtones à travers le monde font face à la même situation critique. Ils sont chassés avec violence de leurs territoires traditionnels sans avoir donné leur consentement préalable, libre et éclairé, sans bénéficier de dispositions satisfaisantes pour leur réinstallation ni de réparation adéquate. Ils ne peuvent plus exercer leurs droits culturels et sont privés de leurs moyens de subsistance. Ceux qui cherchent à retourner sur ces terres sont régulièrement arrêtés et accusés de braconnage, voire tués par de prétendus « garde-forestiers ».

La Rapporteuse spéciale sur les droits des peuples autochtones, Victoria Tauli-Corpuz a exposé dans son rapport rendu public récemment les défis auxquels font face les peuples autochtones du fait des programmes et des politiques de protection de l’environnement. Il est également question dans ce rapport de plusieurs autres pays dans lesquels les politiques relatives aux zones protégées ont eu des effets négatifs sur les droits des peuples autochtones. Mme Tauli-Corpuz retrace l’évolution juridique et présente les mesures et les engagements pris par les organismes de protection de la nature en vue de tenir davantage compte des droits de l’homme dans les initiatives de conservation.

« La principale justification utilisée par des États et des organismes de protection de la nature pour déplacer les peuples autochtones est qu’ils laissent les animaux manger toute la végétation et qu’ils surexploitent les ressources naturelles, ce qui serait le principal obstacle à la protection de la nature », fait remarquer Mme Tauli-Corpuz. « Une telle perception ne reconnaît pas la complexité des relations écologiques et sociales que nombre de peuples autochtones entretiennent avec leurs écosystèmes et leur droit de posséder, de gérer et de contrôler ces territoires, ces terres et ces ressources. »

« C’est également ne pas tenir compte d’un certain nombre d’études qui montrent que les territoires gérés par les peuples autochtones à qui des droits fonciers ont été accordés avaient été nettement mieux conservés que les terres adjacentes », explique-t-elle.

« Les peuples autochtones estiment qu’elles ont plus de valeur que d’autres, car c’est la base de leur survie en tant que peuples et cultures distincts, de leurs systèmes alimentaires et de leurs systèmes de connaissance traditionnels », précise la Rapporteuse spéciale. « Il est également de plus en plus généralement admis que les forêts, les savanes et les eaux les mieux protégées qui existent de par le monde se trouvent sur les territoires autochtones », ajoute-t-elle.

Selon Mme Tauli-Corpuz, les risques qui pèsent sur les zones protégées sont notamment les industries extractives, l’exploitation des forêts, tant dans le cadre d’activités licites qu’illicites, l’expansion de l’agro-industrie, et les projets de méga-infrastructure et liés à l’énergie qui sont lancés sans avoir obtenu au préalable le consentement libre et éclairé des peuples autochtones qui sont directement touchés ».

La Rapporteuse spéciale réaffirme qu’« il doit être tenu pleinement compte du respect des droits des peuples autochtones dans l’ensemble des décisions et des programmes en lien avec des zones protégées exécutés par les États, les organismes de protection de la nature et les bailleurs de fonds, notamment en cas de chevauchement de ces zones protégées avec des territoires autochtones. »

Mme Tauli-Corpuz présentera ce rapport au Congrès mondial pour la conservation de la nature 2016 organisé par l’Union internationale pour la conservation de la nature et des ressources naturelles, qui se tiendra à Hawaï, du 1er au 10 septembre 2016.

26 août 2016