Le Haut-Commissaire aux droits de l’homme, Zeid Ra’ad Al Hussein, présente son rapport annuel au Conseil des droits de l’homme
10 mars 2016
En présentant son rapport annuel au Conseil des droits de l’homme, M. Al Hussein s’est dit alarmé par le nombre toujours croissant de menaces qui planent sur l’espace démocratique mondial.
Les arrestations, le harcèlement et les poursuites judiciaires observés en 2015 à l’encontre de défenseurs des droits de l’homme sont en contradiction avec les ratifications des traités et des accords onusiens relatifs aux droits de l’homme, qui devraient représenter la volonté des États de protéger ces droits. Sans libertés réelles dans les pays, ces ratifications risquent de se réduire à de simples mesures de façade, a affirmé le Haut-Commissaire, soulignant que les « obligations relatives aux droits de l’homme ne devraient pas être une ‘case à cocher’ dans le seul but de rehausser la réputation internationale d’un pays ».
La situation des migrants et des réfugiés qui atteignent les côtes de l’Europe est « dramatique », a-t-il déclaré. Il a mis en garde l’Union européenne au sujet de son projet d’accord avec la Turquie, annoncé au début de la semaine, qui pourrait à son sens entraîner des « expulsions collectives et arbitraires » et restreindre l’autorisation de franchir les frontières aux ressortissants de certains pays, ce qui serait en contradiction avec le droit international et européen.
Plus de 400 personnes, fuyant la guerre et les privations, sont mortes l’an dernier en tentant de rallier l’Europe et beaucoup continuent à périr au Moyen-Orient, a fait observer M. Al Hussein, évoquant la situation en Syrie, au Yémen et en Iraq.
En Afrique du Nord, des rapports récemment publiés par le Haut-Commissariat détaillent les violations des droits de l’homme perpétrées dans la plus totale impunité en Libye et au Soudan du Sud, ainsi que les restrictions à l’exercice de ces droits.
Plus au sud, le Burkina Faso et la République centrafricaine ont donné l’exemple de la démocratie sur le continent africain en organisant des élections pacifiques et transparentes ; en revanche, le Burundi et la République démocratique du Congo continuent de mettre en péril une stabilité précaire, près de voler en éclats sous l’effet des restrictions qui limitent les droits fondamentaux des citoyens.
La crise provoquée par le virus Zika en Amérique latine, qui a donné lieu à une situation d’urgence sanitaire, s’avère également problématique pour les droits des femmes de la région en matière de santé sexuelle et procréative, ainsi que pour la prise en charge des enfants souffrant d’invalidités congénitales dues au virus, a souligné le Haut-Commissaire.
« Le lien apparent entre le virus Zika et l’incidence de la microcéphalie chez les nouveau-nés a conduit plusieurs Gouvernements à recommander aux femmes vivant dans les régions touchées d’éviter les grossesses », a-t-il observé. « Toutefois, dans bien des pays, la violence sexuelle est élevée et l’accès aux services de santé sexuelle et procréative est très limité, en particulier pour les pauvres ».
En 2015, année où était lancée la Décennie internationale des personnes d’ascendance africaine, quelque 300 Afro-Américains ont été tués par la police ; et l’on relève, parmi les 2 000 personnes tuées par la police brésilienne, un nombre disproportionné de jeunes d’ascendance africaine.
De l’autre côté de la planète, au Népal, le traitement des causes profondes d’un conflit qui a pris fin au terme de dix longues années n’a guère progressé. « Les discriminations tenaces fondées sur l’ethnie ou la caste, l’accès inéquitable aux ressources économiques, l’extrême pauvreté et l’impunité généralisée : si l’on ne se penche pas comme il se doit sur ces questions d’une actualité brûlante, ainsi que sur les violations passées, je crains que le pays ne s’expose à d’autres troubles, voire à un nouveau conflit », a mis en garde M. Al Hussein. Le Haut-Commissaire a ajouté que cela constituait une leçon importante pour Sri Lanka, « qui a entamé son propre cheminement vers l’établissement des responsabilités, la réconciliation et la paix durable ».
Plus loin, les voix qui s’élèvent pour critiquer le gouvernement en Chine et en Malaisie continuent d’être réduites au silence. « En Malaisie, l’espace démocratique continue d’être restreint, le gouvernement accusant de « sédition » et d’autres délits un cercle toujours plus large de journalistes, de défenseurs des droits de l’homme, d’opposants politiques et de voix critiques », a observé M. Al Hussein, indiquant qu’il avait fait connaître son inquiétude au sujet des arrestations d’avocats et de militants en Chine.
Le Haut-Commissaire s’est dit consterné par les accusations d’exploitation sexuelle et d’abus sexuels à l’encontre d’enfants qui continuent d’être portées contre des soldats des Nations Unies en République centrafricaine.
« Seuls les États membres peuvent intervenir pour que les crimes, y compris les abus sexuels, commis par ceux de leurs ressortissants qui travaillent pour l’ONU, ne restent pas impunis. Seuls les États membres peuvent mener des enquêtes de police judiciaire et engager des poursuites », a-t-il insisté.
Pour finir, M. Al Hussein a évoqué la situation financière du Haut-Commissariat, qu’il espère restructurer via la création de centres régionaux destinés à rapprocher le personnel du terrain. L’action du HCDH est financée en très grande partie par les dons extrabudgétaires des États. Pour répondre favorablement aux demandes d’aide qu’il reçoit, le Haut-Commissariat aurait besoin de 217 millions de dollars E.-U. Cependant, le montant des fonds qu’il prévoit de recevoir est de 130 millions.
« L’écart entre ces deux nombres représente les personnes que le Haut-Commissariat ne pourra pas aider, les bureaux hors siège qu’il ne pourra pas ouvrir, les faits qu’il ne pourra prouver et les victimes qu’il ne pourra assister ou représenter », a-t-il déclaré.
10 mars 2016