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Déclarations Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Volker Türk fait le point sur la situation au Venezuela devant le Conseil des droits de l’homme

21 Mars 2023

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

52e session du Conseil des droits de l’homme – Dialogue interactif sur le Venezuela

Monsieur le Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les représentants,

Ma visite au Venezuela en janvier a été l’occasion de mener des échanges ouverts et francs, dont je me félicite, concernant les droits de l’homme et les enjeux politiques et économiques auxquels le pays doit faire face.

J’ai rencontré plusieurs hauts responsables, dont le Président et le Vice-Président (ainsi que le Ministre de l’intérieur, de la justice et de la paix, le Ministre de la défense, le Président de l’Assemblée nationale, le Président de la Cour suprême, le Procureur général et le Médiateur].

J’ai également rencontré des membres de la délégation de la plateforme unitaire du Dialogue de Mexico, des membres de l’Église catholique romaine et plus de 125 membres de la société civile, y compris des défenseurs et défenseuses des droits humains et des victimes.

Depuis sa création en 2019, l’équipe du HCDH au Venezuela a effectué 23 visites de terrain à travers le pays. Elle s’est rendue dans 60 centres de détention et a formulé des observations sur dix initiatives législatives. Elle accède également de plus en plus aux dossiers judiciaires et participe aux audiences judiciaires en tant qu’observateurs. Chaque mois, mon équipe rencontre plus de 100 membres de la société civile et victimes pour leur apporter son soutien. Au moins 312 personnes ont été libérées grâce au travail de défense inlassable, notamment par mon équipe.

Nous continuons d’apporter un soutien spécifique aux autorités, d’écouter les victimes et de les aider dans leur quête de justice, et de promouvoir les droits humains comme élément central de tous les processus de gouvernance.

La reconduction récente du mémorandum d’accord permettant au HCDH de poursuivre son travail au Venezuela pour les deux prochaines années est la bienvenue.

Monsieur le Président,

Le Venezuela reste confronté à de graves problèmes en matière de droits de l’homme dans les domaines civil, politique, économique et social.

J’ai rencontré des personnes qui m’ont raconté leur lutte quotidienne pour survivre. Elles m’ont parlé des coupures d’électricité régulières, du manque d’eau courante, de médicaments et de nourriture, de leurs dettes qui s’accumulent. Elles ont également évoqué les conséquences directes de toutes ces difficultés sur leur santé mentale, nombre d’entre elles souffrant d’anxiété et de dépression. Selon les statistiques fournies par l’ONU, plus de sept millions de personnes ont besoin d’une aide humanitaire dans le pays.

Monsieur le Président,

J’ai entendu de nombreux engagements au cours de ma visite, ce qui est un indicateur important et nécessite un suivi constant.

La volonté exprimée par les autorités de s’engager dans des réformes législatives et sécuritaires est une étape positive. Je me félicite de l’accès aux audiences judiciaires qui a été accordé à mon équipe et je me réjouis de continuer à renforcer la coopération dans ce domaine.

J’espère également que l’accès à tous les centres de détention sera facilité.

Je reste très préoccupé par le sort des personnes détenues arbitrairement. Mon équipe continue de recenser des cas, y compris des personnes qui restent en détention après avoir reçu des ordres de libération, des personnes maintenues en détention provisoire au-delà des limites fixées par la loi, et des situations qui, selon le Groupe de travail sur la détention arbitraire, correspondent à la définition de la détention arbitraire en vertu du droit international des droits de l’homme.

Je réitère les appels que j’ai lancés en janvier pour la libération immédiate des personnes détenues arbitrairement.

Depuis notre dernier rapport de juillet 2022, mon équipe a recensé cinq décès dans le cadre d’opérations de sécurité, et d’autres allégations ont été reçues. J’ai pris note des engagements formulés lors de ma visite d’enquêter rapidement sur ces décès, ainsi que sur les cas de torture et d’autres formes de mauvais traitements. J’attends avec intérêt les résultats de ces enquêtes. Si des enquêtes ont été ouvertes sur des allégations concernant des opérations de sécurité, des années plus tard, nombre d’entre elles n’ont toujours pas été résolues et les audiences judiciaires sont constamment reportées. Je partage les appels à la justice que j’ai entendus de la part des victimes. Ces personnes et leurs familles doivent bénéficier du droit à la réparation et de garanties de non-répétition.

L’adoption rapide et la mise en œuvre complète des deux guides nationaux sur le recours à la force qui ont été rédigés sur la base des protocoles de Minnesota et d’Istanbul, avec l’assistance technique de mon équipe, constitueraient une autre étape importante.

Monsieur le Président,

En ce qui concerne les questions de genre, les autorités se sont engagées à supprimer l’article 565 du Code de justice militaire qui érige en infraction les relations entre personnes de même sexe au sein de l’armée. L’annulation de cette disposition la semaine dernière par la Cour suprême de justice constitue une avancée significative pour l’acceptation et la sécurité des personnes LGBTIQ+ au Venezuela.

Les autorités ont également décidé de commencer à travailler, avec le soutien du HCDH, sur deux protocoles visant à enquêter sur de nombreux cas présumés de féminicides et de discrimination à l’égard des LGBTIQ+.

Le prochain examen devant le Comité pour l’élimination de la discrimination à l’égard des femmes sera l’occasion pour le Venezuela d’aligner ses lois restrictives sur l’avortement sur les recommandations formulées par les mécanismes de protection des droits de l’homme et par le HCDH.

Monsieur le Président,

Lors de mes interactions en janvier, j’ai eu divers échanges concernant l’espace civique. J’ai encouragé les autorités à dialoguer de manière constructive avec les victimes et les organisations de la société civile.

Il est essentiel que les citoyens disposent d’un espace libre et dynamique pour exprimer leurs opinions.

Pourtant, les défenseurs et défenseuses des droits humains et les journalistes continuent de faire l’objet d’attaques, d’intimidations et de poursuites pénales. Par exemple, six dirigeants syndicaux sont détenus depuis plus de neuf mois pour conspiration et association de malfaiteurs.

Je suis également inquiet face aux restrictions imposées aux médias, avec le blocage de sites Web et la fermeture de stations et programmes de radio.

La récente présentation d’un projet de loi visant à réglementer davantage les ONG a suscité de vives inquiétudes, que je partage. J’ai transmis aux autorités des observations détaillées sur cette question et je réitère mon appel pour que toute législation soit conforme aux normes internationales relatives aux droits de l’homme.

Les manifestations pacifiques pour l’amélioration des conditions de travail et de vie, y compris l’augmentation des salaires et des retraites, se sont multipliées dans tout le pays. La poursuite du Forum du dialogue social, organisé par le Gouvernement avec l’appui de l’Organisation internationale du Travail, sera l’occasion d’aborder certains des enjeux socioéconomiques du pays.

Les paysans, les agriculteurs et les autres personnes travaillant dans les zones rurales ont également manifesté pour défendre leur droit à la terre. Mon équipe a reçu des informations selon lesquelles ils sont harcelés et tués par des individus non identifiés. Je note que certaines enquêtes ont été ouvertes et j’insiste sur la nécessité d’établir les responsabilités.

L’avenir des peuples autochtones requiert également une attention immédiate. Leurs terres et territoires doivent être délimités de toute urgence, conformément à la Constitution et aux normes internationales en matière de droits de l’homme. Toute mesure susceptible d’affecter leur vie ou leurs moyens de subsistance, notamment en ce qui concerne les activités extractives sur leurs terres, doit être précédée de leur consentement libre, préalable et éclairé.

Monsieur le Président,

Les signes de reprise économique sont porteurs d’espoir, mais les politiques visant à soutenir la croissance économique du pays doivent être centrées sur les droits de l’homme. Un accès libre, transparent et égal aux données et informations d’intérêt public sera essentiel pour atteindre cet objectif.

J’appelle une fois de plus à la levée des sanctions sectorielles qui ont exacerbé les problèmes préexistants et aggravé la lutte quotidienne des populations. En janvier, j’ai entendu de plus en plus de voix exprimer de vives préoccupations (acteurs humanitaires, société civile, fonctionnaires, présences des Nations Unies dans le pays et autorités) concernant l’impact des sanctions sectorielles.

Comme je l’ai dit à la fin de ma visite, toutes les parties doivent réfléchir à l’avenir qu’elles souhaitent pour le Venezuela.

Le dialogue et la collaboration entre les autorités et l’opposition seront fondamentaux, y compris la reprise des pourparlers politiques au Mexique.

J’invite la communauté internationale à soutenir pleinement ce processus.

Pour mettre en œuvre les réformes et restaurer la confiance, les autorités doivent montrer au peuple vénézuélien qu’elles entreprennent des actions concrètes et collectives. Le HCDH est prêt à servir d’intermédiaire entre les institutions de l’État et la population, et à continuer d’offrir son expertise pour accompagner les efforts visant à faire progresser les droits de l’homme dans le pays.

Merci.

Ce discours a été en partie prononcé en espagnol.

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