Déclarations Multiple Mechanisms FR
Exposé oral sur l’évolution des droits de l’homme dans le monde et sur les activités du Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l’homme
13 juin 2022
Exposé oral de la Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme à l’occasion de la cinquantième session du Conseil des droits de l’homme
Monsieur le Président,
Excellences,
Chers collègues et amis,
C’est un honneur de m’adresser à vous aujourd’hui, dans une période qui reste difficile pour la promotion et la protection des droits de l’homme.
Depuis notre dernière rencontre, la guerre en Ukraine a continué de détruire la vie de nombreuses personnes, causant des ravages et des destructions. Les horreurs infligées à la population civile laisseront des traces indélébiles, y compris sur les générations futures.
Ses ramifications sociales, économiques et politiques se répercutent dans toute la région et dans le monde entier, sans aucune fin en vue.
Une crise alimentaire, énergétique et financière à l’échelle mondiale risque désormais de plonger des millions de personnes dans l’insécurité alimentaire et la pauvreté. Aujourd’hui, 1,2 milliard de personnes vivent dans des pays qui sont gravement exposés et vulnérables aux trois dimensions que sont la finance, l’alimentation et l’énergie, simultanément.
Le Programme alimentaire mondial estime que le nombre de personnes en situation d’insécurité alimentaire grave devrait passer de 276 millions au début de 2022 à 323 millions dans le courant de l’année.
Selon le Groupe de réponse à la crise mondiale des Nations Unies, les effets combinés de la hausse des prix des denrées alimentaires et de l’énergie, de l’inflation croissante, des restrictions à l’exportation et du resserrement des conditions financières seront dévastateurs, en particulier pour les plus vulnérables.
Les inégalités entre les pays et au sein de ces derniers montent en flèche, menaçant le relèvement à la suite de la COVID-19, sapant les progrès dans la mise en œuvre des ODD et ralentissant l’action climatique.
Face à ces défis multiples et croisés et aux tensions mondiales croissantes, de nombreuses personnes que je rencontre s’interrogent non seulement sur leur propre avenir, mais aussi sur celui de leur société et de notre planète.
Je comprends et partage leurs inquiétudes.
Il est tentant de repasser en mode d’urgence et de s’efforcer d’éteindre les premiers feux que nous voyons.
Certes, une action plus forte et immédiate est nécessaire pour faire face aux impacts les plus graves et limiter la souffrance humaine.
Mais ce n’est pas suffisant.
Nous devons nous engager à lutter contre les conditions qui provoquent ces crises.
En cette période de menace grave et profonde, il est nécessaire que nous continuions sur la voie que nous nous étions fixés au lendemain de la pandémie de COVID-19.
Nous nous sommes réunis dans le cadre de forums multilatéraux, lors de débats de haut niveau et de réunions de donateurs, et nous avons parlé de solutions mondiales et de placer les personnes au cœur de nos efforts. Nous nous sommes engagés à tirer les leçons de la pandémie et à assurer une meilleure reprise.
Désireuse d’éviter les conséquences dévastatrices de l’austérité qui a suivi la crise financière de 2008, la communauté internationale a accepté de changer de cap : construire – ensemble – des sociétés transformatrices et tournées vers des économies plus vertes qui seront plus résilientes face aux crises.
Notre volonté est aujourd’hui durement mise à l’épreuve. Elle ne doit pas faiblir.
Pour cela, le Programme 2030 et l’Accord de Paris doivent rester nos modèles.
Durant les huit années qui restent, nous devons prendre des mesures audacieuses et urgentes pour générer le changement transformateur nécessaire à la réalisation des objectifs de développement durable.
Cette reconnaissance a inspiré Notre programme commun et l’Appel à l’action en faveur des droits humains, où le Secrétaire général appelle à un multilatéralisme favorisant davantage l’inclusion et l’établissement de réseaux, et permettant aux parties prenantes d’unir leurs forces pour faire face aux enjeux mondiaux et interdépendants auxquels l’humanité est confrontée.
Dans cet esprit, et en m’appuyant sur les travaux du HCDH, permettez-moi de souligner quatre domaines d’intervention qui, je l’espère, pourront nous donner une orientation face aux crises actuelles.
Premièrement, nous devons nous attaquer aux inégalités et à la discrimination.
Nous vivons dans un monde d’inégalités stupéfiantes. Selon une étude, les inégalités mondiales sont plus ou moins aussi importantes aujourd’hui qu’elles l’étaient au début du XXe siècle.
La Banque mondiale avait prévu que 198 millions de personnes supplémentaires vivraient en situation d’extrême pauvreté en 2022 à cause de la COVID-19. On estime aujourd’hui que les prix mondiaux des denrées alimentaires ajouteront à eux seuls 65 millions de personnes à ce total.
Si toutes les catégories de revenus ont été touchées pendant la pandémie, les 20 % les plus pauvres ont connu la plus forte baisse de revenus. Les 40 % les plus pauvres n’ont quant à eux pas commencé à se relever de leurs pertes de revenus.
En outre, alors que la crise climatique continue de s’aggraver pour nous tous, ce sont une fois encore les plus pauvres et les plus vulnérables qui en paient le plus lourd tribut.
La capacité des gens à résister à une nouvelle crise se réduit encore plus.
Nous devons donc nous engager davantage à remédier aux inégalités et aux discriminations. Nous savons aujourd’hui qu’une plus grande égalité peut être un facteur encore plus efficace que la croissance pour réduire l’extrême pauvreté, un objectif clé du Programme 2030.
Le HCDH continue d’étendre ses activités de lutte contre les inégalités et la discrimination, notamment en contribuant aux efforts qui visent à élaborer des paramètres allant au-delà du PIB et couvrant une série d’inégalités, afin de mesurer les progrès accomplis. Dans plusieurs pays d’Europe et des Amériques, nous avons fourni des conseils et dispensé des formations sur la lutte contre la discrimination et sur les droits des minorités et des peuples autochtones aux autorités nationales et aux organismes des Nations Unies.
Nous avons aidé plusieurs pays à mettre en œuvre la Convention relative aux droits des personnes handicapées, notamment la Géorgie, le Malawi, le Mozambique et la Macédoine du Nord.
Pour faire de véritables progrès, il faut également mener des enquêtes et obtenir justice pour les victimes de discrimination. Le HCDH a fourni des conseils techniques pour améliorer les protocoles d’enquête sur les meurtres de femmes liés au genre, par exemple au Chili et au Honduras.
Le HCDH a également contribué à l’élaboration de directives opérationnelles à l’échelle du système des Nations Unies pour les activités des Nations Unies effectuées au niveau national dans le cadre de l’engagement visant à ne laisser personne de côté.
En Guinée-Bissau, en collaboration avec l’équipe de pays des Nations Unies et le Gouvernement, nous avons soutenu des consultations à l’échelle du pays, notamment avec les groupes les plus défavorisés, afin de garantir une approche fondée sur les droits de l’homme, dans le cadre du premier examen national volontaire du pays. Le HCDH a également aidé le Gouvernement de Serbie à intégrer l’engagement de ne laisser personne de côté dans la politique gouvernementale et l’élaboration des lois. La mise en place d’un plan d’action pour la stratégie nationale de lutte contre la discrimination s’appuiera sur ces efforts.
Ce qui m’amène à la question de la ventilation des données. Nous ne pouvons pas trouver de solution à un problème que nous ne pouvons pas voir. Les données ventilées – essentielles pour lutter contre les inégalités, en particulier dans le contexte actuel – restent largement indisponibles, notamment en ce qui concerne les formes multiples et croisées de discrimination.
Il est urgent de renforcer les capacités statistiques des pays, notamment par un soutien international accru. À cette fin, le HCDH et le PNUD ont lancé un projet conjoint visant à renforcer les capacités des équipes de pays des Nations Unies et des institutions nationales des droits de l’homme en matière d’ODD et de prévention, notamment en ce qui concerne les indicateurs et les données ventilés concernant les groupes marginalisés et vulnérables.
Deuxièmement, les budgets nationaux doivent intégrer les droits de l’homme.
Si les budgets nationaux intègrent les obligations des États en matière de droits de l’homme et sont conçus et mis en œuvre selon une approche fondée sur les droits de l’homme, ils peuvent constituer un puissant levier de progression des ODD. S’ils allouent des ressources suffisantes pour couvrir au moins les niveaux essentiels des droits économiques et sociaux, nous pouvons obtenir de meilleurs résultats en matière de développement.
L’augmentation des dépenses nationales dans les secteurs sociaux, en mettant l’accent sur l’accessibilité, le caractère abordable, la qualité des services et la non-discrimination, en particulier dans le contexte actuel, renforcera la capacité des pays à résister aux chocs.
À cet égard, le Haut-Commissariat aide les pays à analyser leurs budgets, à mobiliser des ressources et à créer une plus grande marge de manœuvre budgétaire dans l’optique des droits de l’homme.
Par exemple, par le biais de la Mission d’assistance des Nations Unies en Somalie, nous avons aidé à évaluer la conformité en matière de droits de l’homme d’un programme gouvernemental de versement d’allocations sociales. En s’appuyant sur les recommandations de l’EPU et des consultations inclusives, des propositions ont été faites concernant la mobilisation des ressources nationales et l’allègement de la dette, en vue de ne laisser personne de côté.
Monsieur le Président,
La pandémie de COVID-19 a illustré la force stabilisatrice de la protection sociale.
Les États ont adopté et financé des mesures novatrices pendant la pandémie : ils ont étendu la couverture aux travailleurs informels, aux migrants sans papiers et à certaines populations vulnérables ; certains ont intégré des éléments tenant compte des questions de genre ; plusieurs ont augmenté les prestations de protection sociale ; et ont promulgué des lois pour soutenir les salariés et les indépendants.
Ces mesures ont permis d’atténuer les répercussions socioéconomiques de la pandémie.
Aujourd’hui pourtant, plus de 4 milliards de personnes, soit plus de la moitié de la population mondiale, n’ont toujours pas accès à une quelconque protection sociale. Le Groupe de réponse à la crise mondiale des Nations Unies affirme que les pays en développement ont besoin de 1 200 milliards de dollars par an pour combler le déficit de protection sociale. Le Groupe prévient que si les systèmes de protection sociale ne sont pas étendus de manière adéquate, les populations seront contraintes de faire des choix qui auront de graves répercussions sur leur santé, leur éducation et leurs moyens de subsistance.
Investir dans des systèmes de protection sociale est rentable à court terme – car ils atténuent les crises – et à long terme, car ils favorisent le développement humain et la productivité économique, et encouragent la mise en place d’institutions résilientes.
Le HCDH a également soutenu les États dans leurs efforts à ce propos.
Au Timor-Leste, en collaboration avec le Gouvernement et l’OIT, nous explorons des stratégies pour étendre la couverture de la protection sociale aux travailleuses informelles qui sont touchées de manière disproportionnée par la pauvreté.
Le HCDH a également coopéré avec la Communauté de développement de l’Afrique du Sud pour élaborer sa loi type sur la gestion des finances publiques. Nous avons fourni des conseils sur les investissements dans le secteur social fondés sur les droits de l’homme, et formulé des recommandations sur les options de mobilisation des ressources nationales, y compris la fiscalité progressive. Cette loi peut, nous l’espérons, servir de référence aux Parlements nationaux pour renforcer leur cadre juridique national sur la gestion des finances publiques.
Chaque pays à une capacité d’investissement différente dans le domaine de la protection sociale. C’est pourquoi, plus que jamais, nous constatons la nécessité de mettre en place des systèmes de protection sociale universels, complets et durables, comme le préconisent les droits de l’homme et la recommandation 202 de l’OIT.
De réels progrès ne pourront être réalisés que si des initiatives audacieuses telles que la proposition du Fonds mondial pour la protection sociale peuvent être lancées.
Troisièmement, une plus grande coopération et solidarité internationales – y compris pour l’allègement de la dette – est aujourd’hui nécessaire.
Sans une augmentation significative des ressources financières, nous ne serons pas en mesure d’atteindre les ODD.
Le déficit de financement pour atteindre les ODD s’est creusé de plus de 70 % pour atteindre un montant annuel de 4 300 milliards de dollars.
Pour réduire cet écart, les pays doivent mobiliser des ressources publiques et privées, tant au niveau national qu’international. Pourtant, la spirale de l’endettement et les perspectives économiques incertaines, qui sont encore exacerbées dans le contexte actuel, freinent de nombreux pays en développement. En 2022, on estime que ces pays auront besoin de consacrer 311 milliards de dollars au service de la dette extérieure publique, soit 13,6 % des recettes publiques.
Le renforcement des systèmes fiscaux peut certainement aider à lever des ressources intérieures supplémentaires dans tous les pays.
Toutefois, pour de nombreux pays à différents niveaux de développement, le soutien qui leur est apporté est crucial.
Dans ce contexte, je demande instamment aux pays de se souvenir de notre engagement à bâtir un avenir meilleur. C’est le moment de redoubler d’efforts pour atteindre l’objectif de 0,7 % d’APD*, sachant que les dépenses sociales aujourd’hui produisent de meilleurs résultats pour la société de demain.
Derrière ces préoccupations financières se cache une crise de la dette imminente, comme l’a souligné le Secrétaire général.
Il est donc urgent que tous, en particulier les institutions financières internationales, mais aussi les créanciers publics et privés, prennent des mesures rapides et coordonnées.
Les mécanismes de financement internationaux destinés à soutenir des réponses budgétaires nationales fortes doivent être entièrement financés et rendus opérationnels pour atteindre les ODD.
Nous devons également améliorer la réglementation des acteurs du secteur privé tels que les agences de notation. Les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme peuvent servir de guide solide pour mieux aligner les investissements privés sur les droits de l’homme et les objectifs de développement.
Enfin, pour évoluer vers un système offrant des solutions coordonnées, globales et durables en matière de dette, nous devons réformer l’architecture financière internationale.
Par ailleurs, le rôle des institutions financières internationales est essentiel pour soutenir les pays endettés. Le droit international des droits de l’homme fournit un cadre pour ce soutien, y compris la manière d’atténuer la régression dans la réalisation des droits. Il s’agit de s’assurer que les mesures adoptées n’entraînent pas de résultats discriminatoires, en particulier pour les personnes les plus marginalisées.
Et enfin, l’espace civique. Je souhaite conclure sur ce qui me semble être l’élément le plus crucial – et le plus précieux – du renforcement de la résilience en temps de crise.
L’heure est à plus – et non pas à moins – de transparence et à un espace plus large pour l’engagement et la participation civiques si nous voulons sérieusement respecter notre volonté de construire des sociétés transformatrices et plus vertes. Un espace civique dynamique est le facteur d’une société stable et sûre. Cependant, nous continuons de recenser à travers le monde des attaques contre des défenseurs et des journalistes, hors ligne comme en ligne.
Nous ne pouvons pas séparer les progrès réalisés en matière d’objectifs économiques, tels que la réduction de la pauvreté, des droits de ceux qui sont censés bénéficier de ces développements – y compris le droit de ces personnes à être entendues.
Je sais et j’ai vu qu’une vie dans la dignité signifie garantir les droits au travail, au logement, à la nourriture, à l’eau et à l’assainissement.
J’ai aussi constaté personnellement que ces droits ne peuvent être protégés et respectés que si les individus ont l’espace nécessaire pour exprimer leurs opinions et exiger le changement qu’ils souhaitent voir.
Ensemble, ces droits sont le moteur d’une société dynamique, juste et pacifique.
En revanche, l’arrestation des manifestants pacifiques, la fermeture des médias indépendants, la détention d’avocats sont autant de mesures qui non seulement violent les droits, mais qui sapent les fondements de notre prospérité et de notre sécurité.
Les leçons à tirer sont claires, et sont visibles dans les pays les plus puissants du monde, à l’ouest comme à l’est. Lorsque nous adoptons des lois discriminatoires sur la base de la religion, que nous prenons des raccourcis en profilant des groupes, que nous donnons une grande liberté aux forces de l’ordre sans contrôle indépendant suffisant, nous portons atteinte non seulement à notre crédibilité, mais aussi à notre stabilité. Le terrorisme est un fléau qui nous unit tous dans l’horreur et l’engagement à le combattre. Mais nous ne pourrons réussir à lutter contre le terrorisme que si, ce faisant, nous respectons pleinement les valeurs que nous défendons.
Je suis fière d’orienter les efforts des Nations Unies, dans le cadre de l’Appel à l’action du Secrétaire général, en vue de rendre la participation de la société civile plus inclusive et plus sûre. Le HCDH a mené des efforts visant à élaborer la note d’orientation des Nations Unies sur l’espace civique et a soutenu les réseaux de défenseurs des droits de l’homme dans le Pacifique et les Amériques, ainsi que les réseaux de défenseuses des droits humains en Éthiopie, en Tanzanie et ailleurs en Afrique de l’Est.
Monsieur le Président,
Excellences,
Les réponses des États à nos problèmes croissants font ou défont la réalité vécue par les êtres humains partout dans le monde. Il est essentiel de garantir des élections libres et équitables, mais les citoyens mesureront le succès de la démocratie en fonction des différences tangibles qu’ils ressentiront dans leur vie.
Les droits de l’homme réaffirment ce que les économistes nous disent, à savoir que les progrès en matière de droits de l’homme et de développement ont un sens économique et donnent de meilleurs résultats à moyen et long terme.
Les droits de l’homme constituent un outil permettant de répondre aux pressions politiques pour une solution rapide.
Ils sont aussi des outils permettant d’unir les peuples.
Cette voie est loin d’être facile : les sociétés ouvertes peuvent être chaotiques, leurs failles sont visibles par tout le monde et leurs résultats ne sont pas immédiats.
Mais elle est sûre. J’espère que nous pouvons nous unir sur cette voie.
Monsieur le Président,
Excellences,
Depuis mon dernier compte rendu, j’ai entrepris deux visites de pays : tout d’abord en Afghanistan et plus récemment en Chine. Je ferai le point séparément sur l’Afghanistan mercredi.
Au cours de ma visite en Chine, j’ai engagé un dialogue avec les plus hauts dirigeants et responsables nationaux, et rencontré des représentants clés au niveau régional dans le Guangdong et le Xinjiang.
Nous avons eu des discussions sur des préoccupations spécifiques en matière de droits de l’homme, notamment les violations des droits de l’homme dans le cadre des politiques chinoises de lutte contre le terrorisme et de protection de la sécurité nationale, la protection des droits des minorités ethniques et religieuses, la protection judiciaire et juridique, y compris pour les femmes, les droits de l’homme dans l’espace numérique, et les entreprises et les droits de l’homme. J’ai également fait part de mes préoccupations concernant la situation des droits humains des Ouïghours et d’autres minorités principalement musulmanes du Xinjiang, notamment en ce qui concerne les détentions arbitraires généralisées et les violences systématiques, tant dans le système VETC que dans d’autres centres de détention. Le HCDH examine actuellement la situation des droits de l’homme dans le Xinjiang. Cette évaluation sera partagée avec le Gouvernement pour qu’il puisse fournir des observations concrètes avant la publication du rapport.
J’ai également soulevé certaines inquiétudes relatives aux droits de l’homme dans les régions du Tibet et de Hong Kong et j’ai discuté avec le HCDH des actions de suivi possibles.
Je suis également reconnaissante des échanges instructifs et francs que mon équipe et moi-même avons eus avec certaines victimes et les membres de leur famille, ainsi qu’avec les représentants de la société civile, y compris en dehors du pays, dont les informations et les points de vue sont essentiels.
J’ai toujours souligné l’importance du dialogue dans mon engagement avec tous les États Membres, même sur les questions les plus difficiles. À l’avenir, nous avons convenu avec le Gouvernement chinois de tenir une réunion annuelle de haut niveau sur les droits de l’homme et de poursuivre les échanges sur les sujets susmentionnés et sur des questions spécifiques relatives aux droits de l’homme. Nous élaborons actuellement des mesures concrètes pour mettre en œuvre ces accords.
Je souhaite à présent vous informer de plusieurs situations critiques qui nécessitent une action urgente. Je n’aborderai pas les situations qui font l’objet de discussions séparées au cours de cette session, notamment l’Afghanistan, l’Iran, le Myanmar, le Nicaragua, le Soudan, la Syrie, l’Ukraine et le Venezuela.
Je reste préoccupée par le climat d’impunité qui persiste face aux violations des droits de l’homme.
Concernant Haïti , l’impunité face à la corruption et aux violations et atteintes des droits de l’homme est un problème structurel de longue date et l’une des causes profondes des violences. La détérioration rapide de la situation des droits de l’homme, en particulier dans la zone métropolitaine de Port-au-Prince, résulte de violents affrontements entre des gangs lourdement armés qui étendent rapidement leur contrôle sur la capitale. Les meurtres, les enlèvements et les violences sexuelles, visant notamment les enfants, sont utilisés pour susciter la peur et déplacer la population locale. Une action urgente et globale de la communauté internationale est nécessaire pour lutter contre les violences sexuelles et renforcer les mécanismes d’établissement des responsabilités.
Lors de son récent voyage au Soudan du Sud, tout en reconnaissant certains progrès réalisés dans le domaine de la justice transitionnelle, la Sous-Secrétaire générale aux droits de l’homme a appelé les autorités à lutter contre l’impunité, à demander des comptes aux auteurs de violations des droits de l’homme et à encourager l’indemnisation des victimes. Le vide institutionnel à Abyei, qui entrave la justice et l’établissement des responsabilités pour les violations, notamment celles liées aux meurtres de civils dans le contexte des violences intercommunautaires, reste préoccupant.
En ce qui concerne le Kazakhstan, je salue les enquêtes liées aux événements qui se sont déroulés en début d’année, et je demande qu’elles soient menées de manière approfondie et indépendante, afin de garantir le principe de responsabilité.
Je demande aux autorités israéliennes d’ouvrir une enquête criminelle sur le meurtre de la journaliste Shireen Abu Akleh, de rendre rapidement publiques les conclusions et les constatations, et de tenir les auteurs responsables. En vertu du droit international des droits de l’homme, Israël doit enquêter sur chaque cas de décès et de blessures graves infligés par les forces israéliennes et veiller à ce que les responsables répondent de leurs actes. Le climat d’impunité qui règne alimente de nouvelles violations et violences – le nombre désormais chroniquement élevé de Palestiniens, dont des enfants, tués ou blessés par les forces israéliennes dans le territoire palestinien occupé s’est maintenu au cours des six premiers mois de 2022.
Je reste préoccupée par les menaces qui pèsent sur l’état de droit dans plusieurs pays.
Concernant la Türkiye, les procès et les peines d’emprisonnement de militants et d’opposants politiques tels qu’Osman Kavala, ses sept coaccusés et Canan Kaftancıoğlu sont préoccupants, car ils semblent être ciblés pour leurs opinions dissidentes. À l’approche des élections, je demande instamment qu’une attention particulière soit accordée aux libertés fondamentales, à la participation politique, au respect de la légalité, à l’égalité des sexes et à la lutte contre la montée de la violence et du sentiment d’hostilité à l’égard des migrants.
Je m’inquiète des projets du Royaume-Uni visant à remplacer l’un des textes les plus importants de sa législation sur les droits de l’homme – la loi Human Rights Act – par une législation plus limitée. Je crains que l’abrogation d’éléments clés de la loi Human Rights Act risque de compromettre l’accès à la justice et le droit à des recours effectifs, d’introduire une incertitude juridique et d’augmenter les coûts.
S’agissant du Guatemala, nous avons relevé, sur une période prolongée, une série d’attaques contre des fonctionnaires de justice pour leur travail concernant des cas emblématiques de violations graves des droits de l’homme, de corruption et d’impunité. L’État doit garantir l’indépendance des institutions judiciaires et la protection des fonctionnaires de justice.
En ce qui concerne le Mexique, j’encourage le renforcement des institutions civiles afin d’établir un plan solide de retrait des militaires des activités de sécurité publique.
À Singapour, je suis également préoccupée par les récentes exécutions de deux personnes pour des infractions liées à la drogue. Plus de 60 personnes seraient en attente d’être exécutées. Alors que plus de 50 personnes risquent cette peine irréversible pour des délits liés à la drogue, et que la grande majorité d’entre elles ont épuisé leurs recours, j’exhorte le Gouvernement à imposer un moratoire sur la peine de mort, en particulier pour les infractions non violentes liées à la drogue.
Je salue l’annonce des mesures prises pour abolir la peine de mort dans son intégralité en République centrafricaine et pour supprimer la peine de mort obligatoire en Malaisie, ainsi que l’engagement pris par le président de la Zambie d’abolir la peine de mort. J’exhorte tous les États qui ne l’ont pas encore abolie à rejoindre la tendance mondiale vers l’abolition universelle et à respecter pleinement le droit à la vie.
Tout en reconnaissant le devoir de l’État de faire face à la criminalité croissante et d’assurer la sécurité, je demande instamment aux autorités de veiller à ce que les mesures soient mises en œuvre conformément au droit international des droits de l’homme.
Par exemple, en El Salvador, les mesures adoptées dans le cadre de l’état d’urgence pour lutter contre la violence des gangs ainsi que les modifications ultérieures du droit pénal augmentent le risque de détention arbitraire et de torture des détenus. Plus de 38 000 personnes ont été arrêtées dans le cadre de l’état d’urgence, ce qui suscite des inquiétudes quant au respect des garanties d’une procédure régulière. Au moins 21 décès en détention ont été signalés par des sources officielles, ce qui est particulièrement préoccupant.
Concernant la Colombie, je me félicite du climat pacifique et démocratique ayant marqué le premier tour des élections présidentielles et je suis convaincue que le second tour se déroulera dans un esprit similaire, qui garantira le respect des droits politiques. J’exhorte à la mise en œuvre effective de l’accord de paix, en particulier le démantèlement des groupes responsables de l’augmentation de la violence. Je me félicite des avancées importantes réalisées dans le domaine de la justice transitionnelle, notamment la reconnaissance par les responsables militaires de leur responsabilité dans les meurtres de civils présentés à tort comme tués au combat. J’appelle l’État à assurer la mise en place de mécanismes indépendants de justice transitionnelle et à garantir la protection des témoins et des victimes qui y participent.
Depuis les récents changements anticonstitutionnels de pouvoir au Burkina Faso, en Guinée, au Mali et au Tchad, nous attendons des plans d’action pour la transition et des calendriers électoraux raisonnables pour céder le pouvoir à des gouvernements dirigés par des civils et dotés d’une légitimité démocratique. J’appelle à des transitions inclusives qui répondent aux revendications plus générales des populations et construisent des sociétés démocratiques fondées sur le principe de responsabilité et l’état de droit.
En République centrafricaine et au Mali, les bureaux du HCDH sur le terrain ont constaté une détérioration de la situation des droits de l’homme en raison de l’intensification des opérations militaires de l’État, y compris le déploiement signalé d’acteurs militaires privés. Au Burkina Faso, les civils sont victimes d’attaques et de menaces de la part de groupes armés extrémistes, ainsi que d’opérations militaires et sécuritaires nationales avec le soutien des Volontaires pour la Défense de la Patrie, une milice progouvernementale.
Les partenariats régionaux et les réponses collectives aux enjeux sécuritaires et aux menaces liées au terrorisme dans le Sahel sont cruciaux. Je regrette la paralysie de la Force conjointe du G5 Sahel résultant de la décision du Mali de se retirer de tous les organes du G5 Sahel. Le HCDH reste déterminé à soutenir les acteurs nationaux et régionaux afin de protéger les civils dans la région du Sahel et de garantir le principe de responsabilité.
Outre la nouvelle escalade des violations et des atteintes aux droits de l’homme dans le cadre du conflit dans le nord de l’Éthiopie, je suis préoccupée par les informations faisant état de violations et d’atteintes aux droits de l’homme dans les régions de Benishangul-Gumuz et d’Oromia, notamment d’attaques contre des civils, de détentions arbitraires et de destruction de biens. Les tensions religieuses croissantes dans plusieurs villes montrent la nécessité de s’attaquer aux problèmes sous-jacents.
Au Yémen, dans un contexte de grave insécurité alimentaire, la trêve fragile qui a débuté le 2 avril 2022 continue de tenir et j’appelle toutes les parties à accepter sa prolongation et à travailler avec l’Envoyé spécial des Nations Unies à la mise en œuvre de toutes ses dispositions. Suite à l’annonce de cette trêve, le pouvoir exécutif a été transféré à un Conseil de direction présidentiel qui, malheureusement, ne comprend pas une seule femme. Je demande instamment à ce Conseil d’accorder la priorité à la fin pacifique de la grève du système judiciaire, qui a porté atteinte aux garanties d’une procédure régulière.
Je souhaite également attirer l’attention sur l’impact de la guerre en Ukraine sur celles et ceux affectés par des conflits prolongés dans la région, notamment dans certaines parties du Caucase du Sud, dans les Balkans occidentaux et dans la région de Transnistrie en République de Moldova. J’encourage un engagement accru dans le cadre des négociations existantes afin de contribuer à la prévention, à l’instauration de la confiance et à la protection dans la région.
Nous observons également des effets inquiétants sur les droits de l’homme en raison des crises, notamment économiques, affectant certains pays.
Par exemple, à Sri Lanka, j’exhorte le Gouvernement à apporter une aide immédiate aux groupes les plus marginalisés et les plus vulnérables et à donner la priorité à la protection sociale durant les négociations du plan de redressement. J’espère que les efforts se concentreront sur l’adoption de réformes institutionnelles plus profondes afin de garantir une plus grande transparence et l’établissement des responsabilités dans la gouvernance, de réduire les inégalités et de faire progresser la réconciliation et la justice pour toutes les communautés.
L’augmentation de la pauvreté, les inégalités, l’insécurité alimentaire et la réduction de l’accès aux soins de santé et aux autres services essentiels au Liban sont inquiétantes. À la suite des récentes élections, j’appelle à la formation urgente d’un nouveau Gouvernement capable de mettre en œuvre des réformes fondées sur les droits de l’homme. J’appelle également les autorités à permettre de toute urgence la reprise de l’enquête sur l’explosion du port de Beyrouth, qui a eu lieu il y a près de deux ans, en vue de garantir l’établissement des responsabilités.
Je demeure préoccupée par les effets probables sur les droits de l’homme de l’épidémie de COVID-19 en République populaire démocratique de Corée. En l’absence de toute campagne de vaccination et compte tenu des infrastructures sanitaires limitées et de la situation alimentaire précaire, l’impact, en particulier sur les populations vulnérables, risque d’être grave. Une fois encore, j’exhorte la communauté internationale à assouplir ses sanctions afin que ce pays puisse bénéficier d’une aide humanitaire urgente et d’une assistance liée à la COVID-19 et j’encourage la République populaire démocratique de Corée à ouvrir des voies permettant d’acheminer l’aide humanitaire, y compris la présence de personnel des Nations Unies.
Concernant l’Angola et le Kenya, je me joins au système des Nations Unies pour souhaiter des élections pacifiques et inclusives, où les Angolais et les Kenyans pourront exercer librement et en toute sécurité leurs droits et leurs libertés fondamentales, sans discrimination, comme le garantit leur Constitution.
Excellences,
Je suis de plus en plus alarmée par les reculs importants que subissent les droits des femmes, en particulier dans le domaine de la santé et des droits en matière de sexualité et de procréation. Les lois restrictives sur l’avortement et les obstacles pratiques imposés constituent une menace pour les droits humains et ont un impact disproportionné sur les femmes disposant de ressources limitées. Les avortements non médicalisés sont une cause majeure – mais évitable – de morbidité et souvent de mortalité maternelles. La santé et les droits en matière de sexualité et de procréation sont essentiels pour le bien-être des femmes et pour le développement. Je me réjouis de la décision de la Cour constitutionnelle colombienne en février dernier de dépénaliser l’avortement, à la suite d’évolutions positives dans le monde, notamment récemment en Argentine et au Mexique, concernant ces droits.
L’heure est au progrès, pas à de nouvelles restrictions de ces droits essentiels, comme cela est envisagé aux États-Unis d’Amérique.
Dans l’exposé que j’ai présenté au Conseil au mois de mars, j’ai souligné la situation inquiétante de la réduction de l’espace civique, y compris les attaques contre les défenseurs des droits de l’homme et les journalistes, et les restrictions excessives de la liberté d’expression et des médias. Cette situation se poursuit.
Au Brésil, je suis préoccupée par les menaces qui pèsent sur les défenseurs des droits humains liés à l’environnement et sur les populations autochtones, notamment l’exposition à la contamination due à l’exploitation illégale de l’or. Les récents cas de violence policière et de racisme structurel sont préoccupants, tout comme les attaques contre les législateurs et les candidats, notamment ceux d’ascendance africaine, les femmes et les LGBTI+, à l’approche des élections générales d’octobre. J’appelle les autorités à garantir le respect des droits fondamentaux et des institutions indépendantes.
Dans la Fédération de Russie, l’arrestation arbitraire d’un grand nombre de manifestants contre la guerre est inquiétante. De nouvelles restrictions en matière de droit pénal ont été introduites, notamment des interdictions générales concernant la diffusion d’informations fondées sur des notions vagues et ambiguës, notamment les « fausses nouvelles » ou les « informations non objectives ». Je déplore également l’augmentation de la censure et des restrictions imposées aux médias indépendants.
Au Tadjikistan, les normes relatives aux garanties d’une procédure régulière doivent être respectées en cas de violations présumées des droits humains des militants, des journalistes et des blogueurs. J’encourage le Gouvernement à établir une communication constructive avec toutes les communautés, à garantir la liberté d’expression pour tous et à respecter ses engagements internationaux en matière de droits de l’homme.
Excellences,
On pensait autrefois que la mondialisation croissante, caractérisée par la convergence des intérêts économiques et technologiques, pouvait nous protéger des divisions.
Or, c’est le contraire qui est en train de se produire.
Nous assistons à une plus grande polarisation, et à des événements et des comportements à l’échelle mondiale éloignant encore plus les États les uns des autres, certains étant encore plus confortés dans leurs positions et d’autres étant pris entre deux feux.
Dans un tel environnement, les discussions piétinent.
Le dialogue nécessaire à un véritable changement ne peut avoir lieu que si les défis sont relevés dans un but commun, en se concentrant sur ce qui nous unit plutôt que sur ce qui nous divise.
Je nous invite à faire preuve d’un plus grand sens de la responsabilité collective et d’une plus grande ambition, en accordant la priorité aux personnes, à leur protection et à leurs droits.
Nous pourrons alors nous rapprocher les uns des autres, certains de notre volonté de garantir une vie digne pour tous.
Monsieur le Président,
Excellences,
Mon mandat en tant que Haute-Commissaire touchant à sa fin, cette cinquantième session du Conseil, qui marque une étape importante, est la dernière durant laquelle j’interviens. Ce Conseil, dans toute sa diversité, reste central pour la protection et la promotion des droits de l’homme qui sont au cœur de notre humanité commune. Il a prouvé sa capacité à le faire, et je vous encourage donc tous à continuer à rechercher le dialogue, à être prêts à entendre autrui, à comprendre les points de vue respectifs et à s’efforcer activement à trouver un terrain d’entente, comme conditions préalables à la recherche de solutions durables aux défis qui nous menacent tous.
Les travaux de ce Conseil sont également plus riches grâce aux voix et à la participation de la société civile dans toute sa diversité. J’encourage le Conseil à préserver et à renforcer sa contribution et sa participation uniques dans ce cadre.
Merci.
*aide publique au développement (NdT)
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