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Déclarations Procédures spéciales

Observations préliminaires - Visite de pays au Canada, du 5 au 16 novembre 2018

16 novembre 2018

anglais

Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu’a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible
M. Dainius Pūras

Ottawa, le 16 novembre 2018

Membres de la presse,
Mesdames et messieurs,

Je voudrais commencer en remerciant sincèrement le gouvernement du Canada pour m'avoir invité à évaluer, dans un esprit de dialogue et de coopération, la réalisation du droit à la santé physique et mentale, y compris les bonnes pratiques et les défis qui subsistent. J'ai énormément apprécié le niveau de coopération des autorités fédérales, en étroite coordination avec les gouvernements provinciaux et locaux, en vue de la bonne exécution de ma visite dans le pays.

Au cours de ces 12 jours, je me suis rendu à Ottawa, Winnipeg, Vancouver et Montréal pour visiter des établissements de soins de santé et rencontrer des fonctionnaires et un large éventail d’intervenants. J'ai rencontré la ministre de la Santé, la ministre des Affaires autochtones du gouvernement du Canada et un certain nombre de représentants des gouvernements fédéral et provinciaux, y compris l’Administratrice en chef de la santé publique du Canada et des médecins ou administrateurs en chef de la santé publique au niveau provincial, ainsi que des responsables des services de santé au Service correctionnel du Canada, dont le Commissaire. J'ai également rencontré des organismes indépendants comme la Commission canadienne des droits de la personne et la Commission de la santé mentale du Canada, l'Enquêteur correctionnel, une commission provinciale des droits de la personne pour les jeunes, ainsi que des représentants du bureau d’un Protecteur du citoyen au niveau provincial. J'ai en outre eu l'occasion de rencontrer un grand nombre de divers représentants engagés de la société civile dans chacune des villes où je me suis rendu, et j'ai visité de nombreux établissements différents de soins de santé, allant des centres et cliniques communautaires aux grands hôpitaux, où sont offerts, notamment, des services de santé mentale et à la jeunesse. J'ai aussi visité une école secondaire à Montréal.

Tout au long de ma visite, j'ai été en mesure de vérifier la complexité des mécanismes politiques et des cadres techniques impliqués dans la prestation des services de santé au Canada et les différents niveaux de responsabilité et de compétence des autorités fédérales, provinciales, territoriales et municipales. Le Canada est également prolifique en matière de recherche et en production de données, bien que davantage de données ventilées soient nécessaires. J'ai reçu une multitude de renseignements et il me faudra un certain temps pour les examiner en profondeur, car j'espère les refléter fidèlement dans mon rapport. Je ne présente ici que quelques conclusions préliminaires, principalement basées sur mes discussions et sur ce que j'ai pu observer lors de mes visites sur place dans les établissements de soins de santé.

Avant de poursuivre, j'aimerais vous informer que vous trouverez dans cette salle un court document qui explique mes responsabilités en tant que Rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit qu'a toute personne de jouir du meilleur état de santé physique et mentale possible, ainsi que les thèmes centraux de cette visite. Je suis un expert indépendant ayant pour mandat de présenter des rapports au Conseil des droits de l’Homme et à l'Assemblée générale des Nations Unies et de leur présenter des recommandations sur la réalisation du droit à la santé physique et mentale.

Cadre juridique international

Le Canada est partie à sept traités internationaux fondamentaux relatifs aux droits de la personne, dont le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels (PIDESC), qui établit le droit à la santé.

Bien que le Canada n'ait pas encore ratifié d'importants traités, y compris le Protocole facultatif qui permettrait aux particuliers de présenter des plaintes sur des violations présumées du droit à la santé, je suis encouragé par l'acceptation par le Canada, en septembre 2018, de la recommandation de l'Examen périodique universel (EPU) visant à garantir que les droits économiques, sociaux et culturels soient justiciables. Il est vrai que l'approche louable en matière de santé publique que le Canada a adoptée il y a des années comprend des normes avancées qui sont compatibles avec les éléments essentiels du droit à la santé que sont l'accessibilité, la disponibilité, l'acceptabilité et la qualité ainsi que l'accès à l'information et à l'éducation en matière de santé, dont les droits à la santé sexuelle et reproductive. Toutefois, le Canada n'a pas encore fait le saut vers l'intégration complète d'une perspective de droit à la santé, comprenant pleinement que la santé, au-delà d'un service publique, est un droit humain.

J'ai bon espoir qu'en acceptant cette recommandation de l'EPU, la voie à la justiciabilité effective du droit à la santé s’ouvrira, conformément aux obligations contraignantes du Canada en vertu du droit international des droits de la personne. Je n'ai aucun doute que la décision rendue en août 2018 par le Comité des droits de la personne des Nations Unies dans l'affaire Toussaint c. Canada a jeté la lumière sur l'interconnexion des droits et des motifs juridiques permettant d'interpréter que des violations du droit à la vie et du droit de ne pas faire l'objet de discrimination peuvent survenir lorsque les soins essentiels ne sont pas fournis, notamment lorsque la personne concernée est dans une situation de vulnérabilité. Par conséquent, j'attends avec impatience les mesures positives du gouvernement pour protéger les droits à la vie, à la sécurité de la personne et à l'égalité des personnes et des groupes en situation de vulnérabilité liés à la santé, comme le prévoient également les articles 7 et 15 de la Charte canadienne des droits et libertés. Je serai également attentif au rôle des tribunaux canadiens pour assurer l'accès à la justice et à des recours efficaces lorsque ces droits, en combinaison avec le droit à la santé, sont violés.

Faire progresser la réalisation au Canada du droit à la santé et des droits de la personne afférents est essentiel pour combler les lacunes existantes de deux façons différentes. Premièrement, cela contribuera à assurer la bonne santé et le bien-être de toutes les personnes vivant au Canada, y compris les groupes en situation de vulnérabilité comme les peuples autochtones, les sans-papiers, les personnes en situation de pauvreté, les personnes handicapées, y compris celles ayant des problèmes de santé mentale, les personnes autistes et les personnes qui utilisent des drogues, pour n’en nommer que quelques-uns. Deuxièmement, le Canada est un acteur important de la coopération internationale et un modèle pour de nombreux pays. Il est donc important que l'aide internationale fournie par le gouvernement du Canada soit conforme, non seulement à une approche fondée sur des données factuelles, mais aussi à une approche fondée sur les droits de la personne.

Au cours de ma visite, je voulais observer et de comprendre les bonnes pratiques ainsi que les obstacles, les défis et les lacunes qui subsistent. Le Canada est un pays très développé qui a atteint un niveau de vie élevé ; il possède de bons indicateurs économiques et sociaux, et un grand nombre de Canadiens bénéficient d'un bon niveau de soins de santé. Toutefois, le Canada fait encore face à des lacunes structurelles dans la réalisation du droit de chacune et chacun au meilleur état de santé physique et mentale possible.

Système national de santé

La prestation des services de santé dans le système fédéral du Canada implique un partage des responsabilités entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux ou territoriaux, ce qui a entraîné des écarts dans l'accès à des soins de santé de qualité par province et territoire.

Le gouvernement fédéral du Canada fixe les directives nationales en matière de soins de santé et les normes nationales, et finance la prestation des soins de santé par les provinces et les territoires au moyen de contributions en espèces. Grâce à ces transferts fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux administrent, organisent et fournissent des services de soins de santé. Les transferts fédéraux sont assujettis au respect de certaines exigences énoncées dans la Loi canadienne sur la santé. Si l'une ou l'autre des provinces ou l'un ou l'autre des territoires ne satisfait pas aux critères, ou s'ils autorisent une facturation supplémentaire par les médecins ou des frais d'utilisation pour les services de santé assurés, ils s'exposent à une pénalité sous forme de réduction ou de retenue du transfert fédéral.

Les critères actuels d'exécution des transferts fédéraux suivent une approche de santé publique qui pourrait être encore améliorée par une approche axée sur les droits de la personne. De cette façon, le gouvernement fédéral pourrait se conformer efficacement à ses obligations internationales en matière de droits de la personne, tout en respectant la compétence provinciale et territoriale en matière de prestation des soins de santé. Le gouvernement fédéral pourrait renforcer son approche en matière de santé publique au moyen de critères fondés sur les droits de la personne qui permettraient de retenir ou de réduire les transferts fédéraux lorsque les éléments des droits de la personne ne sont pas protégés, respectés ou réalisés. Le cadre du droit à la santé prévoit des normes concrètes, notamment en matière d'accessibilité, de disponibilité, d'acceptabilité, de qualité, de consentement éclairé, de non-discrimination, de participation et de pertinence des déterminants sous-jacents de la santé, entre autres, qui pourraient être intégrées aux critères actuels des transferts fédéraux.

Pour reprendre les mots d'un intervenant : la qualité des services de santé au Canada est très bonne si vous pouvez y avoir accès. Cela signifie qu'il subsiste des lacunes, qui concernent principalement les groupes en situation de vulnérabilité qui continuent de se heurter à des obstacles dans l'accès aux services de soins de santé. Les autres lacunes qui subsistent dans la prestation des soins de santé concernent les domaines qui ne sont pas couverts par le système public de soins de santé, notamment les médicaments, les soins de la vue et dentaires ainsi que les interventions psychosociales. Je développerai ces questions plus en détail dans mon rapport.

Au cours de ma visite, j'ai pu apprécier le très bon travail accompli par les organisations de la société civile pour contribuer à combler les lacunes qui subsistent. Ces organismes reçoivent parfois un certain financement du gouvernement fédéral et/ou provincial et ont élaboré des approches et des modèles d'intervention novateurs qui comprennent souvent une approche axée sur les droits de la personne, même si ce n'est pas toujours explicite. Il s'agit notamment d'Action Marguerite Palliative Care au Manitoba, de NorWest Centres for vulnerable people et de Ndinawe (qui traite avec une approche intégrée la consommation de drogues par les jeunes), du Dr Peter Center de Vancouver (pour les personnes vivant avec le VIH-sida) et de Foundry (qui utilise pour le droit des jeunes à la santé et les déterminants sous-jacents une approche intégrée), ainsi que de la clinique pour les migrants de Médecins du Monde à Montréal.

J'ai eu le plaisir de confirmer que les gouvernements fédéral et provinciaux reconnaissent ces bons modèles. Je voudrais également rappeler que l'obligation de protéger, de respecter et de réaliser le droit à la santé continue d'incomber au gouvernement. Bien que les partenariats, la reconnaissance et la reproduction des modèles de base fondés sur les droits de la personne présentés et mis en œuvre par la société civile méritent des éloges, ils ne dispensent pas l'État canadien de ses obligations en vertu du droit international des droits de la personne. Dans le cas du Canada, l'intégration du droit à la santé ne constitue pas une étape particulièrement difficile à franchir, à condition que la très bonne approche en santé publique déjà intégrée dans la prestation des soins de santé soit appliquée, y compris et surtout la reconnaissance essentielle des décideurs politiques du besoin crucial d'aborder les déterminants sous-jacents de la santé.

Ma recommandation est que le gouvernement du Canada continue d'appuyer les bons projets de la société civile, tout en investissant et en renforçant la capacité du système public de soins de santé. Cela devrait s'ajouter à mes remarques précédentes sur l'application de critères fondés sur les droits dans les transferts liés à la santé du gouvernement fédéral aux provinces et aux territoires. L'objectif à long terme serait que le Gouvernement utilise et renforce l'expertise de la société civile, en intégrant ses modèles fondés sur les droits de la personne dans le système de santé publique. Le niveau de gouvernance et de coopération entre les autorités fédérales et les autorités provinciales devrait également être renforcé afin d'éviter une mauvaise communication.

Santé mentale

Au cours des dernières années et des dernières décennies, le Canada a considérablement investi dans la promotion de la santé mentale et la prévention des problèmes de santé mentale, ainsi que dans le traitement et la réadaptation des handicaps psychosociaux et autres problèmes de santé mentale. Il existe de nombreuses bonnes pratiques dans différentes provinces qui méritent d'être saluées et reproduites partout au Canada et dans le monde, en particulier dans le domaine des services de santé mentale pour enfants et adolescents. Je donnerai davantage de détails à ce propos dans mon rapport.  

Cependant, j'aimerais aussi exhorter les autorités fédérales et provinciales à faire progresser davantage la réalisation du droit de chacune et chacun à la santé mentale et la réalisation de tous les droits humains des personnes ayant une déficience psychosociale, intellectuelle et cognitive.

Premièrement, les déterminants de la santé mentale, tels que les inégalités, la discrimination et la violence, doivent être abordés avec une volonté politique plus forte et des investissements accrus, afin de prévenir efficacement les facteurs de risque en lien avec les conséquences négatives en santé mentale. À cet égard, surmonter les difficultés de la petite enfance est d’une importance cruciale, compte tenu de leur impact nuisible et de leur corrélation avec une prévalence plus élevée de divers modes de vie funestes pour la santé physique et mentale, notamment les suicides, les épidémies de décès par surdose d’opioïdes et les conséquences plus néfastes sur la santé des peuples autochtones, notamment.

Deuxièmement, le Canada pourrait et devrait se faire le champion de l'évaluation critique de la situation actuelle des politiques et des services de santé mentale, tant au pays que dans le monde, et de la modernisation des politiques et des services de santé mentale à travers un soutien international. La coopération internationale du Canada devrait être axée sur la prestation de services de santé mentale fondés sur les droits et devrait se détourner des services basés sur la surmédicalisation et la coercition, conformément à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Ces conditions devraient être obligatoires pour présenter une demande d'aide internationale au Canada. Je considère qu’il y a de bonnes opportunités pour ces progrès substantiels et j'en parlerai plus en détail dans mon rapport.

L'objectif principal est de parvenir à la parité entre la santé mentale et la santé physique dans la prestation des services de santé. Mais pour que cela se produise, des décisions politiques doivent être prises afin de donner la priorité aux investissements dans les services qui sont conformes à l'approche fondée sur les droits de la personne et qui n'alimentent pas le cercle vicieux de la discrimination, de la stigmatisation, de l'exclusion et de l'utilisation abusive du modèle biomédical.

Au cours de ma visite à l'Hôpital général de Vancouver, j'ai observé le haut niveau de qualité des soins physiques spécialisés pour les personnes qui ont besoin de soins intensifs ou d'autres soins physiques, conjointement avec une bonne gestion des admissions et des aiguillages. Ces mêmes niveaux élevés devraient être atteints lorsque des problèmes liés à la santé mentale et à la consommation d'alcool et d'autres drogues apparaissent ; mais pour que cela se produise, il faut d'autres solutions novatrices que d'investir simplement dans des interventions biomédicales. C'est pourquoi il est si important de s'attaquer aux déséquilibres dans les prestations et le financement des questions liées à la santé.

Le mouvement Choisir avec soin (en anglais Choosing Wisely Canada) offre des pistes pertinentes à cet égard, en lien avec cette volonté de réduire le nombre de tests, de traitements et de procédures inutiles.

Peuples autochtones

Le processus de réconciliation et l'acceptation par le premier ministre Trudeau des recommandations des appels à l’action de la Commission de vérité et de réconciliation ; la reconnaissance et le renouvellement des relations avec les autorités autochtones ; les excuses de l'ancien premier ministre Harper, suivies des excuses de toutes les provinces et de tous les territoires qui ont admis que les pensionnats indiens faisaient partie d'une politique sur l'assimilation forcée des Autochtones, et le retrait par le premier ministre Trudeau du statut d'objecteur du Canada à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones, sont des mesures importantes et nécessaires pour mettre fin aux effets nuisibles du colonialisme et à ses pratiques. Toutefois, ces étapes essentielles ne sont que les premières d'une longue liste d'efforts nécessaires pour s'attaquer efficacement aux déterminants historiques et structurels sous-jacents de la santé des peuples autochtones. L'héritage des pensionnats n'est qu'un des exemples des effets dévastateurs que les politiques et les pratiques, parfois avec de bonnes intentions, peuvent avoir sur les droits de la personne et la dignité des personnes et notamment des personnes en situation de vulnérabilité.

J'ai eu de nombreuses réunions avec des représentants des peuples autochtones : Les Premières nations, les Inuits et les Métis, y compris l'unique Autorité sanitaire des Premières nations de la Colombie-Britannique qui, en coordination avec les autorités provinciales et fédérales, offre maintenant des services de santé dans les collectivités éloignées des réserves.

Bien que de nombreux efforts aient été faits pour investir dans les politiques et les services liés à la santé, la situation reste loin d'être bonne, et les représentants des peuples autochtones ont donné de nombreux exemples de services difficiles d'accès ou culturellement inadaptés. J'aimerais souligner la situation de la communauté des Premières nations de Red Sucker Lake, dans le Nord du Manitoba, qui continue de faire face à divers défis en matière d'accès aux soins de santé ; la situation des Premières nations de Grassy Narrows, dont l’état de santé continue d'être affecté par l’empoisonnement au mercure, l’exploitation forestière industrielle et le manque d’accès à l'eau potable, ainsi que la situation des Inuits du Nunavut qui continuent de déclarer un taux de cas de tuberculose disproportionné. L'administration fédérale actuelle a reconnu les défis liés à la santé dans ces trois communautés, mais il reste beaucoup à faire pour les relever efficacement. Je reviendrai plus en détail sur ces défis et sur les progrès réalisés dans mon rapport.

Dans l'ensemble, un grave problème systémique de manque de confiance persiste dans le pays, ce qui peut être le reflet d'attitudes discriminatoires de fait.

Les peuples autochtones sont massivement surreprésentés parmi ceux qui consomment des drogues et meurent d'une surdose d'opioïdes, parmi ceux qui ont des problèmes de santé mentale, qui se suicident et qui sont incarcérés. Ces phénomènes indiquent l'existence de facteurs de risque transversaux qui affectent la santé des peuples autochtones et la nécessité d'élaborer des réponses culturellement appropriées. Ces phénomènes montrent également que les services de santé médicalisés et les services de santé mentale ne peuvent pas être des solutions efficaces en temps moderne, et qu'il faut accorder la priorité à des politiques de santé plus larges qui s'attaquent efficacement aux déterminants fondamentaux de la santé.

Consommation de drogues

Je félicite le Canada, tant les autorités fédérales que provinciales, pour le leadership dont ils font preuve en investissant dans des approches modernes en matière des droits de la personne à l'échelle nationale et internationale, et pour avoir pris des mesures en vue de décriminaliser l'usage de drogue, qui, par ailleurs, existe toujours. J'ai visité des centres de consommation supervisés et des sites de prévention des surdoses à Vancouver, qui ont bénéficié d'une exception à la criminalisation fédérale en matière de drogue. Ce type de centres, cependant, semble insuffisant et devrait être reproduit en Colombie-Britannique et dans l'ensemble du pays. La crise de surdose d’opioïdes est d'une telle gravité qu'il n'est peut-être pas exagéré de la comparer aux épidémies de VIH/sida. Bien que de très bons efforts soient déployés pour faire face à la crise, j'exhorte les autorités à redoubler d'efforts pour continuer de s'attaquer à ses causes profondes et aux déterminants sous-jacents de la santé, notamment la pauvreté, la discrimination, les difficultés de la petite enfance, l'accès à un logement adéquat et à l'eau potable, et à des conditions professionnelles et environnementales saines.

Autres questions

Le Canada a déployé de bons efforts en faveur des droits en matière de santé sexuelle et reproductive, mais il y a certains signes de mesures rétrogrades comme l'élimination par le gouvernement de l'Ontario du programme d'éducation sexuelle de 2015, afin de réinstaurer le programme d'éducation sexuelle de 1998 qui manque de contenu clé en termes de consentement, de lutte contre l'homophobie, de l’utilisation sécuritaire d’Internet et de sensibilisation à une diversité d'identités et d'orientations sexuelles. 

Parmi les bonnes pratiques, je devrais souligner l'éducation sexuelle à l'école secondaire Lester B. Pearson, que j'ai eu le plaisir de visiter et de découvrir lors de ma visite à Montréal.

J'ai observé et discuté de nombreuses autres questions liées aux thèmes centraux de ma visite, sur lesquels je reviendrai plus en détail dans mon rapport. Par exemple, j'ai reçu des informations sur d'autres problèmes, notamment la criminalisation du commerce du sexe et la non-divulgation du VIH, l'accès aux contraceptifs et aux services d'avortement, l'accès aux médicaments contre le VIH, les pratiques de violence obstétrique et de stérilisation forcée chez les femmes autochtones qui persistent, et la situation de vulnérabilité des détenues, parmi lesquelles les femmes autochtones et afro-canadiennes sont représentées de manière disproportionnées.

J'aimerais conclure en soulignant que les défis qui restent à relever au Canada montrent la nécessité d'appliquer une approche fondée sur les droits de la personne. Il est important d'investir des ressources financières et humaines adéquates dans la santé, et le Canada s'en acquitte plutôt bien ; la question cruciale est donc l'orientation et l'établissement des priorités en matière de ressources, ainsi que les conditions des transferts fédéraux liés à la santé fondées sur les droits. La question transversale est celle de l'investissement dans les priorités de santé publique des temps modernes, à savoir les " nouvelles morbidités " chez les enfants et les adultes, telles que la santé mentale, les déterminants sous-jacents de la santé, les problèmes liés à la consommation de drogues, la santé des adolescents et des jeunes, notamment les mécanismes de surveillance pour s'assurer que tous les éléments du cadre analytique du droit à la santé sont en place.

Je vous remercie.


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