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Déclarations et discours Haut-Commissariat aux droits de l’homme

Le Haut-Commissaire Volker Türk conclut sa visite officielle au Guatemala

19 juillet 2024

Le Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme Volker Türk conclut sa visite officielle au Guatemala

Prononcé par

Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

Lieu

Guatemala City

Je termine aujourd’hui ma visite officielle au Guatemala. Un pays multiethnique, caractérisé par la richesse de sa culture ancestrale, et avec lequel le HCDH entretient des liens anciens et profonds.

C’était pour moi une priorité de venir au Guatemala à un moment crucial de son histoire et de soutenir le pays dans ses efforts pour renforcer la démocratie et l’état de droit, pour lutter contre la corruption et pour établir un programme clair et transformateur en matière de droits humains.

Ce qui s’est passé pendant la période électorale de 2023 m’a inquiété au plus haut point. Je craignais que les forces régressives qui s’étaient approprié les structures de l’État ne parviennent également à renverser la volonté populaire exprimée dans les urnes. Les efforts et la détermination de nombreux secteurs de la société, en particulier la mobilisation de 106 jours des peuples autochtones et des mouvements sociaux, ont permis de préserver la démocratie et l’état de droit. Ce fut un honneur de rencontrer certains d’entre eux cette semaine.

Je suis particulièrement heureux de constater que les Guatémaltèques sont conscients de leurs droits.

Je trouve également encourageantes les mesures de certains représentants du secteur privé que j’ai rencontrés, qui mettent en œuvre des processus de production respectueux de l’environnement et qui s’appuient sur les Principes directeurs des Nations Unies relatifs aux entreprises et aux droits de l’homme pour guider leurs activités. J’encourage d’autres organismes du secteur privé à faire de même.

Au cours de ma visite, j’ai pu constater l’engagement ferme du Gouvernement du Président Bernardo Arévalo en faveur de l’état de droit, de la démocratie et des droits humains. Je suis heureux de voir que la question des droits humains fait partie des programmes et des activités du pouvoir exécutif. Et que parmi ses priorités figure la création d’un mécanisme efficace de protection des défenseurs des droits humains.

Cependant, pour qu’un État fonctionne, les trois pouvoirs doivent travailler en harmonie. Pour l’instant, ce n’est pas le cas. Il y a une énorme polarisation entre les institutions de l’État. L’opinion publique est très fragmentée. Les niveaux de corruption sont très hauts. La méfiance entre les différents groupes s’accroît.

Comme me l’a dit un défenseur des droits humains que j’ai rencontré : « La démocratie est toujours en danger. Nous devons faire tout ce qui est nécessaire pour changer le statut quo. » Je suis tout à fait d’accord avec ce constat. Maintenir le statu quo n’est pas durable et ne profite à personne.

J’ai relayé ce message à tous mes interlocuteurs.

Nous devons élargir nos perspectives et réfléchir sur le long terme. Nous devons croire qu’un avenir meilleur existe et qu’il s’agit de rétablir la confiance, de reconstruire des liens et d’unir nos forces pour relever les défis, dans l’intérêt de l’ensemble de la société.

Pour ce faire, nous devons changer d’approche. Les institutions doivent cesser de se protéger afin de protéger la population.

Toutes les lois devant être adoptées doivent respecter les normes internationales des droits humains. J’ai transmis ce message aux membres du Congrès avec qui je me suis entretenu.

Il est également nécessaire de s’attaquer à certains des principaux problèmes du pays, notamment les inégalités élevées, afin que les jeunes décident de rester et de s’engager dans la construction de leur propre pays, plutôt que de choisir d’émigrer.

L’inégalité des genres et la violence à l’égard des femmes et des filles constituent un autre obstacle majeur. Les femmes guatémaltèques pâtissent de l’énorme écart entre les sexes à tous les niveaux, notamment en ce qui concerne l’égalité de représentation dans les institutions de l’État.

« Nous avons besoin de politiques publiques spécifiques pour cesser d’être invisibles », m’a dit une défenseuse des droits humains. D’autres femmes ont plaidé en faveur de politiques de quotas et de la parité hommes-femmes à tous les niveaux de l’État. Un changement est possible et il est déjà en cours. La nomination par le président Arévalo de six femmes gouverneures en est un exemple.

La discrimination structurelle et les niveaux de racisme et d’inégalité auxquels sont confrontés les peuples autochtones maya, xinka et garifuna, ainsi que les personnes d’ascendance africaine, qui constituent la majorité de la population du pays, sont dévastateurs. C’est l’un des défis les plus urgents.

Je suis particulièrement préoccupé par le nombre élevé d’expulsions qui ont lieu actuellement. La dépossession des terres est un fléau qui s’est aggravé ces dernières années. L’absence de reconnaissance des droits collectifs est une autre question en suspens. De même que l’accès à la justice et le manque de services de base.

La discrimination touche également les LGBTIQ+ et les personnes handicapées, ainsi que d’autres groupes en situation de vulnérabilité. J’appelle à davantage de politiques publiques pour lutter efficacement contre toutes les formes de discrimination et garantir le plein exercice des droits, sur un pied d’égalité.

Je suis profondément préoccupé par l’utilisation abusive du droit pénal pour persécuter les défenseurs des droits humains, les professionnels de la justice, les journalistes, les étudiants et les autorités autochtones.

C’est une tendance qui me préoccupe depuis des années, y compris avant que je ne devienne Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme, mais que je trouve aujourd’hui très alarmante.

Des dizaines de personnes ont été incriminées et font l’objet de procédures judiciaires fondées sur des motifs fallacieux. Plus de 50 personnes ont été contraintes de quitter le pays par crainte pour leur sécurité et vivent en exil en tant que réfugiés. Ces personnes sont victimes de persécutions et leur cas est un sujet de préoccupation internationale pour lequel la responsabilité des violations des droits humains subies doit être établie.

Je demande instamment au Procureur général d’adopter les mesures nécessaires pour que ces persécutions cessent immédiatement. Toutes les personnes exilées doivent pouvoir rentrer immédiatement en toute sécurité.

Il est particulièrement regrettable que les personnes persécutées soient celles qui tentent de lutter contre la corruption ou de la dénoncer, ainsi que celles qui luttent pour que les graves violations des droits humains commises dans le cadre du conflit armé interne (1960-1996) ne restent pas impunies.

Une autre question en suspens est l’absence de progrès dans la quête de justice, en particulier dans les procès liés au conflit armé interne.

Les dispositions des accords de paix n’ont pas été pleinement mises en œuvre, en particulier les garanties de non-répétition. C’est pourquoi je suis préoccupé par l’affaire du « massacre du sommet de l’Alaska » de 2012, qui a fait sept morts et des dizaines de blessés graves lorsque l’armée a ouvert le feu sur une manifestation pacifique, et par le fait qu’il a fallu près de 12 ans pour que cette affaire soit jugée.

Il est également urgent de renouveler le pouvoir judiciaire afin de renforcer son indépendance. L’élection des juges de la Cour suprême de justice et de la Cour d’appel, prévue en octobre prochain, constitue une occasion unique de le faire. Tous les regards sont tournés vers la sélection de ces juges. Il est essentiel que ce processus électoral se déroule en toute transparence, dans le strict respect de l’indépendance de la justice et en appliquant les normes internationales les plus strictes. Ces juges seront essentiels pour retrouver la voie de l’état de droit.

Les défis sont multiples, mais je pars rassuré que la volonté du Gouvernement, la vitalité de la société civile, la participation des peuples autochtones et le soutien du secteur privé peuvent inverser le cours des dernières décennies et améliorer la promotion et la protection des droits humains au Guatemala.

J’encourage également la communauté internationale à continuer à soutenir les efforts du Gouvernement à cet égard.

*Au cours de sa visite, le Haut-Commissaire a rencontré le Président Bernardo Arévalo et d’autres hauts responsables gouvernementaux, ainsi que des membres du pouvoir judiciaire et du Congrès, et le Médiateur. Il s’est également entretenu avec des dirigeants autochtones, des organisations de la société civile, des représentants du secteur privé et des membres du corps diplomatique et des entités des Nations Unies. Outre la ville de Guatemala, le Haut-Commissaire s’est rendu à Totonicapán, où il a rencontré les autorités autochtones.