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Déclarations et discours Multiple Mechanisms FR

Conséquences des sanctions

14 septembre 2023

Prononcé par

Déclaration de Volker Türk, Haut-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

Cinquante-quatrième session du Conseil des droits de l’homme

Lieu

Genève

Réunion-débat biennale sur les mesures coercitives unilatérales et les droits humains
« Les effets des mesures coercitives unilatérales et de leur application excessive sur le droit au développement et sur la réalisation des objectifs de développement durable »

Monsieur le Vice-Président,
Excellences,
Mesdames et Messieurs les intervenants,

Il s’agit d’une question complexe. Les mesures coercitives unilatérales, qui sont imposées en dehors du cadre du Conseil de sécurité, en vertu de la Charte des Nations Unies, peuvent avoir des conséquences sur l’exercice des droits humains, notamment le droit au développement.

Dans plusieurs cas, des dérogations ont été accordées aux régimes de sanctions afin d’autoriser le passage de biens de première nécessité. Pourtant, dans la pratique, le respect excessif des sanctions par les banques, les compagnies d’assurance, les institutions financières et les entreprises, qu’elles soient situées dans l’État imposant les sanctions ou ailleurs, peut entraver les transferts financiers vers les acteurs humanitaires et la livraison d’articles essentiels, mettant ainsi en péril des activités légitimes et essentielles.

Cette approche visant à minimiser les risques peut être renforcée par des procédures de dérogation lourdes sur le plan administratif, qui entraînent des retards et mettent à rude épreuve les capacités de certains acteurs. Par exemple, les opérateurs individuels qui cherchent à travailler dans des pays soumis à des sanctions (ou à exporter vers ces derniers) peuvent être tenus d’obtenir une licence spéciale du pays imposant les sanctions, un processus qui, dans la pratique, est souvent très difficile.

Nous avons besoin de systèmes efficaces, clairs et universellement respectés pour les dérogations à des fins humanitaires, afin de permettre le passage rapide et sans heurts de médicaments, d’équipements de soins de santé, de nourriture, d’aide humanitaire et d’autres formes d’assistance aux infrastructures et aux services essentiels, comme l’eau, l’assainissement et l’électricité. J’espère que les discussions du Conseil aujourd’hui contribueront à cet effort vital.

Monsieur le Vice-Président,

De par leur objectif, les sanctions sectorielles créent des perturbations économiques importantes. Toutefois, ces effets peuvent également s’étendre à la distribution de biens essentiels aux populations dans le besoin. Les sanctions sectorielles peuvent rendre les prix des produits alimentaires de base inaccessibles aux personnes à faibles revenus et compromettre la qualité des produits alimentaires disponibles. Elles peuvent également entraver la capacité à maintenir l’approvisionnement en eau potable, en installations sanitaires ou en électricité. Elles peuvent avoir de graves conséquences sur l’approvisionnement en matériel médical et en médicaments, et perturber l’accès aux supports pédagogiques.

Comme l’a souligné le Comité des droits économiques, sociaux et culturels dans son observation générale no 8, les sanctions peuvent ainsi largement compromettre l’exercice des droits humains. Cela est particulièrement le cas pour les droits des personnes vivant dans la pauvreté et des personnes en situation de vulnérabilité, dont les enfants.

Les sanctions sectorielles peuvent également avoir une incidence sur les progrès accomplis dans la réalisation des objectifs de développement durable, faire augmenter le chômage et l’inflation, et exercer une pression sur les recettes fiscales. Les investissements dans la protection des droits humains font souvent partie des dommages collatéraux.

En ce qui concerne spécifiquement le droit au développement, qui constitue à bien des égards le fondement du Programme 2030, la Déclaration sur le droit au développement se prononce clairement en faveur d’une répartition équitable des avantages du développement, sans aucune forme de discrimination, et du droit de tous les individus et de tous les peuples à participer librement et pleinement à la prise de décisions, en tant qu’élément essentiel du développement durable. Cela concerne aussi bien les gouvernements à l’égard de leurs propres populations que les États dans leurs relations mutuelles.

En d’autres termes, la mise en œuvre du droit au développement est essentielle à la réalisation de l’exercice de l’ensemble des droits humains par tous et partout au monde, sur un pied d’égalité.

Monsieur le Vice-Président,

En réponse aux violations des droits humains particulièrement graves, il y a lieu de prendre des mesures adaptées contre des individus qui sont identifiés de manière crédible comme responsables de ces violations, dans le cadre d’un éventail plus large de mesures de promotion du principe de responsabilité.

Toute imposition de sanctions doit être pleinement conforme au droit international, notamment en ce qui concerne l’équité de la procédure et l’existence d’un examen et d’un recours efficaces. Je recommande fortement que la mise en œuvre de toute mesure coercitive soit régulièrement réexaminée et réévaluée en fonction de ses effets concrets sur les droits humains. Ces mesures doivent être soumises aux garanties appropriées en matière de droits humains, notamment des évaluations de leurs effets sur les droits humains et un contrôle indépendant, et être limitées dans le temps. Un embargo de 65 ans contre un pays entier soulève manifestement de graves préoccupations à cet égard.

Le HCDH a recommandé à plusieurs reprises aux États Membres de suspendre ou de lever toute mesure coercitive unilatérale qui a un effet néfaste sur les droits humains et qui aggrave la situation humanitaire. Il faut mettre fin aux sanctions qui menacent la vie et la santé des peuples.

Il est essentiel de disposer d’informations claires et précises, y compris de données ventilées afin de dresser un tableau précis des personnes affectées. J’encourage les États touchés par des mesures coercitives unilatérales à fournir des informations détaillées sur les biens essentiels et humanitaires qui sont retardés ou bloqués, et à continuer d’évaluer et de partager des preuves concernant l’impact de ces mesures, y compris sur les groupes qui sont gravement touchés. Les États qui imposent des sanctions doivent évaluer ces éléments de manière complète et équitable et prendre des mesures immédiates et appropriées pour modifier leurs pratiques, le cas échéant, afin de remédier aux incidences négatives sur les droits humains.

Enfin, je demande instamment d’élargir le champ d’application des dérogations pour raison humanitaire et de travailler à l’harmonisation du processus de dérogation, notamment en étendant les dérogations renouvelables et permanentes aux programmes et aux biens humanitaires. Les États qui imposent des sanctions ont également la responsabilité de s’attaquer directement au problème du respect excessif des sanctions, afin que toutes les dérogations soient disponibles et efficaces dans la pratique.

J’attends avec impatience les résultats de cette discussion. Merci, Monsieur le Président.