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Déclarations et discours Multiple Mechanisms FR

La Haute-Commissaire informe le Conseil des droits de l’homme de la situation au Bélarus

17 mars 2022

Des membres des forces de l’ordre s’emparent d’un manifestant en octobre 2020 Natalia Fedosenko/TASS par Reuters Connect

Prononcé par

Déclaration de Michelle Bachelet, Haute-Commissaire des Nations Unies aux droits de l’homme

À

la 49e session du Conseil des droits de l'homme

Lieu

Genève

Distinguished President,
Excellencies,

Monsieur le Président,
Excellences,

Comme demandé, le Conseil a reçu notre rapport A/HRC/49/71 sur la situation des droits de l’homme au Bélarus à la veille et au lendemain de l’élection présidentielle de 2020. Avec le soutien et les conseils de trois experts, auxquels je suis reconnaissante, le HCDH a trouvé de nombreux éléments prouvant que des violations des droits de l’homme ont été commises entre le 1er mai 2020 et le 31 décembre 2021. Nous avons également classé et conservé une grande quantité de ressources connexes, en vue de faciliter l’établissement des responsabilités à l’avenir.

Monsieur le Président,

Des manifestations de grande ampleur ont eu lieu après l’annonce de la victoire du président sortant lors de l’élection du 9 août 2020. En réponse à ces manifestations, le Gouvernement a mené une vaste opération de répression, caractérisée notamment par un usage excessif et généralisé de la force.

Entre le 9 et le 14 août, au moins sept forces de sécurité de l’État, dont le service de sécurité présidentiel, ont participé à la répression des manifestations pacifiques dans les six régions administratives du Bélarus. Des manifestants ont été roués de coups jusqu’à en perdre conscience. Des dispositifs de maîtrise des foules tels que des grenades incapacitantes et des balles d’acier recouvertes de caoutchouc ont été tirés directement sur les manifestants, causant de nombreuses blessures graves. Des hommes en uniforme noir sans insigne et portant des cagoules ont également participé à des attaques violentes contre des manifestants.

Des sources crédibles indiquent qu’au moins trois personnes sont mortes dans le cadre de ces manifestations, notamment à la suite d’un usage inutile ou disproportionné de la force. Les autorités ont nié toute responsabilité dans ces décès, bien qu’aucune enquête ne semble avoir eu lieu.

Au cours de ces cinq jours, quelque 13 500 personnes ont été arrêtées, dont 700 enfants. De nombreuses personnes détenues ont subi des coups de matraque prolongés et répétés pendant le transport et dans les postes de police et les centres de détention. Des formes identiques de torture et de mauvais traitements ont été reproduites sur plusieurs sites, ce qui laisse supposer des pratiques généralisées et systématiques de torture et de mauvais traitements visant à punir et à dissuader celles et ceux qui s’opposent ou sont soupçonnés de s’opposer au Gouvernement.

Nous avons recueilli des informations faisant notamment état de viols de personnes détenues et d’autres formes de violence sexuelle et fondée sur le genre à l’encontre d’hommes et de femmes. Les dossiers médicaux examinés par le HCDH montrent des lésions et d’autres blessures sur les organes génitaux masculins correspondant à des torsions violentes et à des viols. Des violences psychologiques, y compris des menaces de viol, ont également été employées contre les détenus.

Entre le 9 et le 14 août, plusieurs procès administratifs sommaires et à huis clos se sont tenus dans des lieux de détention sans garanties de procédure fondamentales. Selon de nombreux accusés, ces procès ont souvent duré à peine quelques minutes. À quelques exceptions près, les juges ont ignoré les objections soulevées par les accusés quant au fait qu’ils avaient été torturés ou maltraités, malgré leurs blessures apparentes.

Le HCDH a des motifs raisonnables de croire que la détention des 969 personnes emprisonnées à la fin de l’année 2021 était motivée par des raisons politiques. Plusieurs détenus ont été condamnés à des peines de prison de dix ans ou plus. Ce chiffre n’a cessé d’augmenter, atteignant 1085 le 6 mars.

Le Comité d’enquête du Bélarus, un organe national théoriquement indépendant du Ministère des affaires intérieures, est responsable des procédures pénales préalables au procès. Nous nous sommes entretenus avec plusieurs personnes ayant déposé des plaintes pour torture ou mauvais traitements auprès de ce Comité après leur libération. Tous ont ensuite été informés que leurs plaintes avaient été rejetées, et plusieurs ont déclaré qu’ils avaient par la suite fait l’objet de représailles, y compris, dans certains cas, de poursuites pénales et administratives. De nombreuses victimes ont été découragées de porter plainte, ou ont craint de le faire.

En août 2021, le Comité d’enquête a annoncé qu’il avait reçu environ 5 000 plaintes relatives à des mauvais traitements présumés au cours du second semestre 2020, et que toutes avaient été rejetées.

Il reste peu de voies de recours pour ces milliers de victimes, étant donné le manque d’indépendance du système judiciaire, le déni du droit à un procès équitable et les actes d’intimidation dont font l’objet les avocats.

Monsieur le Président,

Notre examen a révélé que le Gouvernement a poursuivi et persécuté les personnes exerçant leurs droits à la liberté d’expression, de réunion pacifique, d’association et de participation aux affaires publiques tout au long de la période considérée, et continue de le faire.

Pour s’être exprimés sur les réseaux sociaux par exemple, les Bélarussiens peuvent être soumis à un internement administratif pour une durée pouvant aller jusqu’à 15 jours.

Les manifestations qui ont eu lieu lors du référendum constitutionnel du 27 février 2022 ont été dispersées et au moins 908 personnes auraient été placées en détention.

Les autorités ont fortement réprimé les médias indépendants et la société civile, en effectuant des descentes dans des organes de presse et en les fermant, en liquidant des groupes indépendants de la société civile, y compris les principales organisations de défense des droits de l’homme, et en engageant des poursuites pénales contre des journalistes et des défenseurs des droits de l’homme.

En janvier, le nombre d’organisations fermées s’élevait à 344, et un amendement au code pénal a récemment été adopté pour ériger en infraction la participation aux activités d’organisations non enregistrées ou fermées. 1085 personnes sont actuellement emprisonnées pour des motifs politiques, dont des défenseurs des droits humains, des journalistes, des membres de l’opposition et de simples citoyens exprimant leur désaccord.

Monsieur le Président,

Notre examen révèle que le Gouvernement a tenté de supprimer toute forme de critique et d’empêcher que la justice, l’établissement des responsabilités et la vérité soient assurés face aux violations commises.

En l’absence d’enquêtes efficaces, il est impossible que les systèmes nationaux soient capables de rendre justice.

L’ampleur et les types de violations identifiées dans le présent rapport, leur caractère généralisé et systématique, ainsi que les preuves d’une politique officielle concernant leur exécution collective par de multiples organes de l’État, justifient une évaluation plus approfondie, notamment du point de vue du droit pénal international applicable.

Outre les recommandations faites dans mon rapport de mars 2021, j’exhorte le Gouvernement du Bélarus à libérer immédiatement tous les prisonniers condamnés pour des motifs politiques, et de mettre fin à toutes les autres violations des droits de l’homme commises actuellement, notamment la répression systématique de la société civile, des médias indépendants et des groupes d’opposition.

Je demande également que des enquêtes rapides, efficaces, transparentes et indépendantes soient menées sur toutes les violations des droits de l’homme ou tous les crimes commis dans le passé en vertu du droit national ou international, et que des recours appropriés soient prévus. Compte tenu des circonstances actuelles au Bélarus, d’autres États Membres peuvent également œuvrer de manière complémentaire à l’établissement des responsabilités à travers des procédures nationales, sur la base des principes reconnus de compétence extraterritoriale et universelle, conformément aux normes internationales.

Seul un dialogue inclusif peut ouvrir la voie à un avenir durable pour tous les Bélarussiens. Je demande à tous les États d’encourager les autorités bélarussiennes à adopter et à mettre en œuvre les recommandations qui leur sont adressées, qui constituent des mesures nécessaires à cette fin.

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