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Un ancien détenu de Guantánamo Bay pourrait faire l’objet d’une nouvelle victimisation en Algérie, selon des experts de l'ONU
09 mai 2024
GENÈVE (9 mai 2024) - Des experts de l'ONU* ont averti aujourd'hui que l'ancien détenu de Guantánamo, Saeed Bakhouche, désormais accusé de terrorisme en Algérie, ne bénéficierait pas d'un procès équitable et qu'il risquait d'être à nouveau détenu arbitrairement. En avril 2022, les États-Unis ont autorisé la libération de M. Bakhouche de la base navale américaine de Guantánamo Bay et l'ont transféré en Algérie en avril 2023, avec l'assurance qu'il serait traité avec humanité.
« M. Bakhouche a été détenu arbitrairement à la station navale américaine de Guantánamo Bay pendant plus de 20 ans et a été torturé sous la garde des États-Unis », ont déclaré les experts. « Il a été immédiatement arrêté à son arrivée en Algérie, détenu au secret et placé de facto hors de la protection de la loi, menacé lors des interrogatoires et privé de représentation légale. »
L'Algérie a libéré M. Bakhouche en octobre 2023, mais il a été inculpé d'infractions terroristes en vertu de l'article 87 bis du code pénal algérien et doit être jugé ce mois-ci.
« La détention et les poursuites engagées contre M. Bakhouche violent son droit à être traité avec dignitéet à une réadaptation physique et mentale en tant que victime d'une détention arbitraire prolongée et d'actes de torture », ont déclaré les experts. « Ce traitement a sérieusement aggravé son état mental et physique précaire, y compris le syndrome de stress post-traumatique et la dépression dont il souffre, et le traumatise à nouveau en tant que victime de torture. »
« Ses poursuites injustifiées, sa détention à l'arrivée et sa probable détention imminente sur la base de ces accusations contredisent les garanties expresses des États-Unis et de l'Algérie selon lesquelles il serait traité avec humanité à son retour en Algérie », ont déclaré les experts. « Les États-Unis ont demandé l'abrogation de l'article 87 bis en raison de sa définition excessive du terrorisme ».
« Les poursuites engagées par l'Algérie contre M. Bakhouche violeraient son droit fondamental à un procès équitable », ont déclaré les experts. « Après 20 ans de détention arbitraire et en tant que victime de torture, M. Bakhouche ne pourrait pas bénéficier d'un procès équitable et public dans une affaire de sécurité nationale devant les tribunaux algériens, où il n'y a pas de représentation légale indépendante et adéquate. Les préoccupations plus larges en matière de droit à une procès équitable incluent une définition trop large des infraction de terrorisme et la menace de détention arbitraire dans les prisons algériennes, avec des risques avérés de torture et de traitements cruels, inhumains et dégradants», ont-ils déclaré.
Les experts ont demandé le réexamen immédiat des charges retenues contre M. Bakhouche, la fin du cycle de victimisation et des menaces de nouvelle détention arbitraire à son encontre, et la protection immédiate de ses droits, y compris des soins de santé adéquats et adaptés, comme l'ont promis l'Algérie et les États-Unis lors de son rapatriement.
« Si nous saluons les efforts déployés par les États-Unis pour mettre fin à la détention de M. Bakhouche de Guantánamo Bay, la réinstallation d'anciens détenus dans leur pays d'origine ou dans des pays tiers n'est que la première étape pour leur assurer un avenir sûr, humain et respectueux de leurs droits à long terme. Le rapatriement ne doit pas conduire à traumatiser à nouveau les personnes concernées, tel M. Bakhouche, ni les priver de leurs droits fondamentaux », ont déclaré les experts.
Les experts ont été en contact avec les gouvernements de l'Algérie et des Etats-Unis d'Amérique sur cette affaire.
*Les experts : Ben Saul, Rapporteur spécial sur la promotion et la protection des droits de l’homme et des libertés fondamentales dans la lutte antiterroriste ; Aua Baldé (Présidente), Gabriella Citroni (Vice-Présidente), Angkhana Neelapaijit, Grażyna Baranowska and Ana Lorena Delgadillo Pérez Groupe de Travail sur les Disparitions Forcées et Involontaires, et Margaret Satterthwaite, Rapporteuse spéciale sur l'indépendance des juges et des avocats.
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