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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l'homme examine le rapport du Bélarus

09 Octobre 2018

Comité des droits de l'homme

9 octobre 2018

Le Comité des droits de l'homme a examiné, hier après-midi et ce matin, le cinquième rapport périodique du Bélarus, concernant les mesures prises par ce pays pour appliquer les dispositions du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Présentant ce rapport, M. Yuri Ambrazevich, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a tenu à souligner l’attachement de son pays à la coopération avec les organes conventionnels. Par principe, le Bélarus refuse de coopérer avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, dont il ne reconnaît pas le mandat «politisé», a-t-il en outre rappelé, avant d’ajouter que son pays avait en revanche noué un dialogue bilatéral avec les États-Unis et avec l’Union européenne au sujet des droits de l’homme.

M. Ambrazevich a ensuite assuré que les conditions institutionnelles et législatives existent au Bélarus pour assurer la protection des droits civils et politiques des citoyens, qui disposent de nombreux moyens de recours pour faire valoir ces droits, y compris devant le présent Comité au moyen de la procédure de communication.  M. Ambrazevich a en outre expliqué que son Gouvernement avait élaboré un projet de loi sur l’organisation des manifestations prévoyant un certain nombre de mesures pratiques pour la tenue de ces événements et les responsabilités des différents intervenants dans ce contexte. D’autres amendements ou projets de loi visent la protection des intérêts de l’État et de la société s’agissant de l’activité des médias ; la dépénalisation des activités des organisations religieuses ; ainsi que le code de procédure civile et l’organisation des tribunaux - en vue de renforcer la confiance des citoyens dans la justice.

La délégation bélarussienne était également composée de représentants des Ministères des affaires étrangères, de la santé, de l’intérieur, de la justice, du travail et de la protection sociale, et de l’information, ainsi que de représentants de la Cour suprême, du Parquet et du Centre national de la recherche sur la loi.

La délégation a répondu aux questions et observations des membres du Comité portant notamment sur le non-respect par le Bélarus des décisions visant le pays dans le cadre de l’examen des plaintes individuelles (communications) ; sur la peine de mort ; sur l’exercice du droit de réunion pacifique ; sur l’enregistrement des organisations de la société civile ; sur la législation régissant les activités des médias et les contenus sur Internet ; sur l’adoption d’une loi générale contre la discrimination ; sur les violences domestiques ; sur l’égalité entre les sexes ; sur la lutte contre la traite de personnes ; ou encore sur la politique carcérale.

Une experte a constaté avec regret que le dernier dialogue avec le Bélarus remontait à 1997, mais s’est félicitée de la possibilité qui est ici offerte au Comité de renouer le dialogue avec ce pays.  Un membre du Comité a par ailleurs pris acte de décisions positives au Bélarus s’agissant de la protection des droits des migrants, des travailleurs domestiques et des personnes handicapées.

Un expert a souligné que le Comité avait eu de nombreuses interactions au fil des ans avec le Bélarus concernant la procédure de plaintes (communications), mais a regretté que ces interactions n’aient pas été très productives.  Un autre expert a relevé qu’à onze reprises, le Comité avait demandé au Bélarus de prendre des prendre des mesures (de protection) provisoires suite à des communications reçues par cet organe par des personnes menacées d’exécution capitale au Bélarus ; malheureusement, a-t-il déploré, le Bélarus n’a pas donné suite à ces demandes. Le Bélarus n’a donné aucune suite aux décisions du Comité s’agissant des communications, ce qui pousse à douter de la volonté du pays de donner effet aux dispositions du Pacte, a insisté l’expert.

Il a en outre été souligné que l’absence d’enquêtes publiques sur le décès d’opposants en détention équivalait à un déni de justice.  Un expert a quant à lui déploré la restriction de l’espace dévolu à la société civile bélarussienne sous des prétextes divers.

Le Comité adoptera ultérieurement, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport du Bélarus, qu'il rendra publiques à l'issue de la session, le 2 novembre prochain.

Le Comité entamera cet après-midi, à 15 heures, l’examen du rapport du Soudan (CCPR/C/SDN/5).

Présentation du rapport

Le Comité est saisi du cinquième rapport périodique du Bélarus (CCPR/C/BLR/5), établi selon la procédure simplifiée de présentation des rapports.

Présentant ce rapport, M. YURI AMBRAZEVICH, Représentant permanent du Bélarus auprès des Nations Unies à Genève, a souligné d’emblée l’attachement de son pays à la coopération avec les organes conventionnels des droits de l’homme. Il a ensuite cité avec satisfaction le dernier rapport sur le développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD), où le Bélarus figure au 53e rang. Il a aussi mis en avant les progrès de son pays dans la réalisation du Programme de développement durable à l’horizon 2030, ainsi que ses réussites en matière de santé, en particulier. À ce propos, le Représentant permanent a fait savoir que son pays avait nommé le coordonnateur national chargé de la réalisation des Objectifs de développement durable. Le Bélarus estime d’une manière générale que les « révolutions de couleur » ont entraîné une aggravation de la situation économique, a dit M. Ambrazevich. D’autre part, a-t-il rappelé, le Bélarus accorde une importance particulière au maintien de la paix sur le plan régional, dont témoigne le Processus de Minsk visant à la résolution du conflit dans l’est de l’Ukraine.

Le Bélarus a ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées en 2016 et, s’il n’est pas membre du Conseil de l’Europe, n’en a pas moins ratifié 14 instruments internationaux de droits de l’homme, a rappelé M. Ambrazevich. Le Bélarus coopère en outre avec les organes conventionnels des droits de l’homme et avec les mécanismes de droits de l'homme : il a lancé neuf invitations ouvertes à des titulaires de mandat (au titre des procédures spéciales).  En outre, une formation a été organisée à Minsk, récemment, à l’intention des fonctionnaires chargés de rédiger les rapports du Bélarus au titre des traités internationaux que le pays a ratifiés et au titre de l’Examen périodique universel (EPU).  Par principe, le Bélarus refuse de coopérer avec le Rapporteur spécial sur la situation des droits de l’homme au Bélarus, dont il ne reconnaît pas le mandat «politisé», a ajouté le Représentant permanent. M. Ambrazevich a souligné que son pays avait en revanche noué un dialogue bilatéral avec les États-Unis et avec l’Union européenne au sujet des droits de l’homme.

Le Représentant permanent a ensuite fait état du programme que le Gouvernement de son pays a lancé pour renforcer les institutions de l’État en matière de droits de l’homme. Ce programme a été élaboré en collaboration avec des organisations de la société civile, a-t-il précisé.

M. Ambrazevich a assuré que les conditions institutionnelles et législatives existent au Bélarus pour assurer la protection des droits civils et politiques des citoyens, qui disposent de nombreux moyens de recours pour faire valoir ces droits, y compris devant le présent Comité au moyen de la procédure de communication - même si le Bélarus n’estime pas que ces communications, aussi nombreuses soient-elles, puissent refléter toutes les violations des droits de l’homme.

M. Ambrazevich a en outre expliqué que son Gouvernement avait élaboré un projet de loi sur l’organisation des manifestations prévoyant un certain nombre de mesures pratiques pour la tenue de ces événements et les responsabilités des différents intervenants dans ce contexte. D’autres amendements ou projets de loi visent la protection des intérêts de l’État et de la société s’agissant de l’activité des médias ; la dépénalisation des activités des organisations religieuses ; ainsi que le code de procédure civile et l’organisation des tribunaux - en vue de renforcer la confiance des citoyens dans la justice.

Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité

Une experte a constaté avec regret que le dernier dialogue avec le Bélarus remontait à 1997, mais s’est félicitée de la possibilité qui est aujourd’hui offerte au Comité de renouer le dialogue avec ce pays.

Un expert a ajouté que le Comité avait eu de nombreuses interactions au fil des ans avec le Bélarus concernant la procédure de plaintes (communications), mais a regretté que ces interactions n’aient pas été très productives; il a espéré que le dialogue de ce jour marquerait le début d’une coopération fructueuse.  Le même expert s’est félicité de la décision du Bélarus de créer une commission interinstitutions chargée de l’application des recommandations faites au pays par les organes de traités et dans le cadre de l’Examen périodique universel; il a demandé des exemples de recommandations du Comité ayant été appliquées grâce à l’action de cette commission.  Il a en outre voulu savoir si le Bélarus considérait que les mandats du Conseil des droits de l’homme concernant la situation des droits de l’homme dans des pays ne sont valables qu’avec l’assentiment des pays concernés.

Le même expert a par ailleurs pris acte de décisions positives au Bélarus s’agissant de la protection des droits des migrants, des travailleurs domestiques et des personnes handicapées.  Il a ensuite demandé quelles procédures s’appliquaient désormais à l’organisation de réunions privées au Bélarus. Il s’est en outre interrogé sur les prérogatives de l’Assemblée populaire et de la participation ou non de membres de l’opposition à cette institution. Il a d'autre part regretté que les dispositions du Pacte soient très rarement invoquées au Bélarus dans les décisions des tribunaux concernant le droit de réunion et de manifestation.

Tout en saluant la bonne volonté manifeste du Bélarus en ce qui concerne la protection des droits des personnes handicapées, l'expert a constaté de nombreux retards dans l’application des mesures d’accessibilité physique des bâtiments publics – y compris des bâtiments neufs – et dans l’intégration des enfants handicapés à l’école. L’expert a en outre fait état de stéréotypes contre les enfants handicapés et leurs familles, ainsi que du retrait avéré d’enfants de parents handicapés. Il a d'autre part prié la délégation de confirmer que l’État bélarussien prenait effectivement des mesures pour remédier aux discriminations sociales dont sont victimes les personnes atteintes du VIH/sida.

L’expert s’est par ailleurs interrogé sur l’existence au Bélarus d’un « plafond de verre » empêchant les femmes d’occuper des postes à responsabilités dans l’administration. Il a fait part de son inquiétude face aux propos patriarcaux qu’aurait tenus le Président de la République contre une candidate à une élection dans le pays. Il semble en outre que les écarts de salaire entre les hommes et les femmes n’aillent pas en se résorbant, a fait observer l’expert. Il a aussi fait part des interrogations du Comité s’agissant de la diminution du nombre d’affaires de traite d’êtres humains dont les tribunaux sont saisis : le Comité craint que cette tendance ne masque la persistance de problèmes tels que la prostitution forcée. La délégation a été priée de commenter les informations en possession du Comité concernant l’ancrage dans la loi de différentes pratiques de travail forcé au Bélarus.

Un autre membre du Comité a rappelé que les États parties au Pacte international relatif aux droits civils et politiques et à son Protocole facultatif sont tenus de collaborer de bonne foi avec le Comité. A cet égard, un expert a relevé qu’à onze reprises, le Comité avait demandé au Bélarus de prendre des prendre des mesures (de protection) provisoires suite à des communications reçues par cet organe par des personnes menacées d’exécution capitale au Bélarus. Malheureusement, a déploré l'expert, le Bélarus n’a pas donné suite à ces demandes, arguant que ces mesures provisoires sont mentionnées seulement dans le Règlement intérieur du Comité, et non dans le Pacte lui-même. Le Bélarus n’a donné aucune suite aux décisions du Comité s’agissant des communications, ce qui pousse à douter de la volonté du pays de donner effet aux dispositions du Pacte, a insisté l’expert. Il a regretté que le Bélarus refuse de coopérer avec le Comité dans l’examen des communications individuelles et espéré que le présent dialogue permettrait d’améliorer la coopération dans ce domaine.

Le même expert a par ailleurs souligné que l’absence d’enquêtes publiques sur le décès d’opposants en détention équivalait à un déni de justice.

Un autre expert a relevé que le Bélarus n’avait pas adopté de loi générale contre la discrimination et que le pays ne disposait donc pas de mécanisme juridique pour en préserver les citoyens.  Plusieurs membres du Comité ont aussi posé des questions sur le rôle que pourrait jouer la commission interinstitutions dans l’adoption d’une loi générale contre la discrimination. La délégation a en outre été priée de dire combien de personnes avaient été jugées et condamnées pour des discours de haine au Bélarus.

Des experts ont regretté que le Bélarus ne dispose toujours pas d’une institution nationale de droits de l’homme répondant aux critères d’indépendance fixés dans les Principes de Paris.

La délégation a été priée d’informer le Comité des mesures prises pour empêcher le profilage ethnique des Roms et la discrimination dont ils sont victimes au Bélarus, notamment dans le cadre scolaire.

Une experte a prié la délégation de commenter l’affirmation du rapport selon laquelle aucun cas de discrimination à l’encontre des LGBTI n’est à signaler au Bélarus, ainsi que la déclaration du Président de la République selon qui « il vaut mieux être dictateur qu’homosexuel ». La question se pose de savoir ce qui est fait pour protéger les droits des LGBTI au Bélarus.

S’agissant de l’application de la peine de mort, la délégation a été priée de dire pour quelles raisons les familles des personnes condamnées à être exécutées ne sont pas informées de la date de l’exécution, pourquoi les corps ne leur sont pas remis et pourquoi les lieux d’inhumation ne leur sont pas communiqués. Le Comité a déjà recommandé que le Bélarus accorde des dédommagements aux familles ainsi affectées, a rappelé une experte, avant de déplorer que les condamnations à la peine capitale prononcées par la Cour suprême siégeant en première instance ne puissent pas faire l’objet d’un recours.

Une experte a prié la délégation de dire combien de personnes ont été condamnées au Bélarus pour des faits de violence domestique contre des femmes pendant la période couverte par le rapport. Elle a voulu connaître le nombre d’agents de la milice et des forces de l’ordre en général formés aux enquêtes sur les violences domestiques.

La même experte a ensuite demandé comment et dans quelles conditions d’indépendance sont menées les enquêtes sur les lésions corporelles infligées à des personnes placées en détention. La délégation a également été priée de commenter les nombreuses allégations faisant état de mauvais traitements et de torture infligés à des détenus à des fins d'obtention d'aveux.

La délégation a été priée de dire si le cas de M. Andrei Sannikau, qui a dit avoir été victime de torture après son arrestation suite à l’élection présidentielle de 2010, avait fait l’objet d’une enquête en bonne et due forme. Qu'en est-il en outre du nombre d’enquêtes réalisées et de condamnations prononcées pour des faits de torture au Bélarus?

Un expert a voulu savoir comment les juges et avocats bélarussiens sont informés des avis rendus par le Comité, de ses observations générales et de son travail en général. L’expert s’est également enquis de l’autoévaluation que le Bélarus fait de sa propre action en matière de défense des droits civils et politiques. Le Comité accepte difficilement que les États refusent par principe de coopérer avec lui pour le traitement des communications urgentes, une attitude qui est contraire à la volonté des rédacteurs du Pacte d’instaurer un processus de suivi, a ajouté l’expert. Même le pire des criminels a droit à un procès équitable et il appartient au Comité de dire lorsque cela n’est pas le cas, a fortiori lorsque cela concerne une affaire où la peine capitale est en jeu, a-t-il été souligné.

Un expert a demandé des explications sur la disparition forcée dont ont été victimes MM. Anatoly Krasovsky, Yuri Zakharenko et Dimitry Zavadsky, en 1999 et en 2000, et sur le suivi qui a été donné aux recommandations de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe (2004) au sujet des enquêtes à mener après ces disparitions. L’expert a voulu savoir si le Bélarus entendait accepter la demande de visite que lui a adressée en 2011 le Groupe de travail sur les disparitions forcées en rapport avec ces trois cas.  Le Comité a adopté deux constatations s’agissant des communications relatives à MM. Krasovsky et Zakharenko, a ensuite précisé l’expert ; dans ces deux cas, le Comité a constaté que le Bélarus n’avait pas respecté son obligation de réaliser des enquêtes effectives en vertu des articles 2(3), 6 et 7 du Pacte.

Un expert a déploré la restriction de l’espace dévolu à la société civile bélarussienne sous des prétextes divers, un problème que l’on constate dans de nombreuses sociétés et qui s’accompagne de mauvais traitements et d’actes torture. L’expert a insisté sur l’importance du respect des garanties procédurales et a notamment dénoncé les procès partiaux qui ont été intentés contre des opposants politiques quasiment condamnés d’avance.

D’autre part, les restrictions apportées aux activités non seulement des journalistes et des médias, mais aussi des avocats, ont fait l’objet de remarques de la part des experts. Plusieurs se sont également dits préoccupés par le traitement infligé aux membres des partis d’opposition et par l’absence de transparence dans le décompte des voix au moment des élections.

Une experte a demandé dans quelle mesure l’arrestation de 38 militants des droits de l’homme en marge du boycottage du championnat du monde de hockey, en 2014, avait été conforme à la loi bélarussienne et aux dispositions du Pacte. L’experte s’est aussi interrogée sur les traitements psychiatriques forcés imposés à certains opposants politiques. Elle a demandé à la délégation d’expliquer dans quelle mesure les restrictions à la participation aux élections imposées à certaines personnes condamnées à des peines de prison étaient compatibles avec l’article 25 du Pacte.

Des experts ont estimé que la nouvelle loi sur le droit de réunion pacifique était encore trop restrictive, car interdisant de fait – par les conditions et astreintes auxquelles elle soumet l’octroi des autorisations préalables – les manifestations spontanées. Plusieurs experts ont en outre jugé préoccupantes les arrestations préventives effectuées avant certaines manifestations.

Quant à la loi sur les associations publiques, elle semble conçue pour compliquer l’enregistrement et le fonctionnement des associations de la société civile, a regretté un expert. Il a déploré en particulier que deux organisations de droits de l’homme n’aient pas obtenu leur enregistrement – l’organisation Viasna et une autre dont le but est justement de contrôler l’application des recommandations des organes conventionnels. L’expert a aussi voulu savoir s’il était vrai qu’aucun nouveau parti politique n’a été créé au Bélarus depuis 2000.

Une experte, relevant que le Bélarus mettait l’accent sur la réalisation des droits économiques, sociaux et culturels, a insisté dans ce contexte sur l’importance de l’Objectif de développement durable relatif à la justice. L’experte a voulu savoir dans quelle mesure la loi du Bélarus sur les châtiments corporels était conforme à la Convention relative aux droits de l’enfant. L’idée de protéger les enfants contre les châtiments corporels n’est pas une fantaisie occidentale, comme l’a affirmé le Président bélarussien, a insisté l’experte, rappelant que tous les États Membres de l’ONU – sauf un – ont ratifié ladite Convention.

Un expert a voulu savoir dans quelle mesure le système qui remplace l’ancienne propiska (autorisation de résidence) respecte le droit à la liberté de circulation.

D’autres questions ont porté sur le service civil et l’objection de conscience ; l’accès aux soins de santé en prison ; la surveillance exercée par les autorités sur les communications des citoyens, notamment sur Internet ; ou encore l’enregistrement obligatoire des organisations religieuses et les droits syndicaux.

Réponses de la délégation

La délégation a tout d’abord tenu à assurer que le Bélarus entendait bel et bien reprendre sa coopération avec le Comité, interrompue depuis vingt ans.

La délégation a ensuite indiqué que le plan interministériel 2016-2019 pour la réalisation des recommandations acceptées par la République du Bélarus dans le cadre du deuxième cycle de l’Examen périodique universel du Conseil des droits de l’homme et des recommandations adressées par les organes conventionnels relatifs aux droits de l’homme était conçu comme une plateforme réunissant toutes les personnes concernées par cette question dans le pays. Approuvé en 2016 par le Chef de l’État, ce plan est le premier du genre au Bélarus ; il suppose la coopération avec la société civile pour renforcer la promotion des droits de l’homme au Bélarus, a souligné la délégation. Le plan, dont la coordination est assurée par le Ministère des affaires étrangères, couvre aussi les droits des femmes, des personnes handicapées, des enfants et des autres personnes vulnérables ; une place importante y est accordée à la protection des droits économiques, sociaux et culturels.

Le Bélarus ne dispose pas d’institution nationale de droits de l’homme, a admis la délégation, avant d’ajouter que le pays dispose néanmoins déjà de plusieurs dizaines de conseils chargés de défendre les droits des citoyens dans toute une série de domaines allant de la protection de l’environnement à la lutte contre la corruption, en passant par la défense des droits des enfants. La composition de ces conseils répond aux Principes de Paris, a assuré la délégation. La réflexion actuelle sur l’opportunité de créer une institution nationale de droits de l’homme répondant aux besoins du Bélarus est inspirée des expériences d’autres pays voisins, a ajouté la délégation.

La Constitution du Bélarus impose que la ratification d’un instrument international soit précédée d’une évaluation des mesures à prendre pour en transposer les dispositions dans le droit interne ; une fois cette démarche effectuée, le juge n’a alors plus besoin d’invoquer directement le Pacte ou le traité dans ses arrêts.

La délégation a ensuite fait part d’une étude visant à évaluer l’arsenal juridique en vigueur s’agissant de la répression de la discrimination au Bélarus et qui ne montre pas de lacune criante en la matière.  Elle a rappelé que la loi fondamentale consacrait l’égalité de tous devant la loi. La réflexion porte aussi sur l’élaboration d’une loi générale contre la discrimination, a ajouté la délégation. La lutte contre la discrimination fera l’objet d’une prochaine table ronde rassemblant de nombreuses parties concernées dans la société civile bélarussienne et européenne, a-t-elle indiqué.

La délégation a d’autre part souligné que le Code pénal visait en outre l’incitation à la haine raciale ou autre, qui constitue une circonstance aggravante dans une procédure pénale.

Quant à la discrimination positive, elle est rendue possible par le code administratif et son éventuelle inscription dans la loi est envisagée, à la lumière des expériences réalisées par d’autres pays et des instruments internationaux pertinents (Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes, Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale), a indiqué la délégation.

S’agissant du traitement de la minorité rom, la délégation a rappelé que ce sujet avait déjà été abordé avec le Comité pour l’élimination de la discrimination raciale. Cette minorité est pleinement intégrée à la société bélarussienne, a-t-elle assuré. En particulier, le droit à l’éducation est garanti aux enfants roms, a-t-elle précisé.  La délégation a ajouté que tout acte de discrimination contre une personne appartenant à une minorité donnait lieu à une réaction judiciaire immédiate.

La délégation a d’autre part fait valoir que les autorités bélarussiennes étaient en train d’appliquer un plan de mise en œuvre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui court jusqu’à 2025 et porte notamment sur l’intégration sociale des personnes handicapées. L’application de ce plan se fait en collaboration avec les organisations des personnes concernées et ses principaux axes sont l’introduction (dans la loi) de la notion de discrimination fondée sur le handicap et l’adoption de mesures d’accessibilité physique (aux bâtiments et aux transports) et d’aménagement raisonnable. L’ensemble de la société sera mobilisé, a assuré la délégation.

Les établissements de prise en charge des personnes handicapées, y compris les enfants handicapés, sont inspectés régulièrement, a par la suite affirmé la délégation. Elle a fait état d’un changement d’approche dans les soins de santé pour personnes handicapées ainsi que dans le système de tutelle les concernant.

La délégation a ensuite indiqué que, depuis plus de dix ans, des mesures sont prises pour faire baisser le nombre d’avortements en cas de malformation fœtale et pour assurer un soutien psychologique aux femmes concernées.

Pour ce qui est de la discrimination contre les personnes vivant avec le VIH/sida, la délégation a indiqué que les autorités bélarussiennes avaient relevé que ce problème touchait 20% des femmes consultées. Les autorités ont émis des propositions pour remédier à cette forme de discrimination : cinq « actes normatifs » dans ce domaine ont été élaborés avec l’aide de la société civile, a-t-il été précisé. La délégation a en outre félicité les organisations non gouvernementales qui collaborent avec le Ministère de la santé, ainsi que le Fonds mondial (de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme) qui finance 80% des traitements contre la maladie au Bélarus.

La loi bélarussienne prévoit des poursuites pénales pour les actes constitutifs de torture, a d’autre part souligné la délégation. Suivant les circonstances, les articles du Code pénal rendent aussi possible d’incriminer des comportements relevant de l’intimidation, du harcèlement, ou encore de l’abus de pouvoir, par exemple.

Un projet de loi contre la violence au foyer est en cours de préparation, afin d’améliorer la législation actuelle dans ce domaine, a ensuite indiqué la délégation. Des mesures sont prises depuis 2008 pour prévenir cette forme de violence et ces mesures ont été complétées par une loi adoptée en 2014. Depuis cette date, a précisé la délégation, plus de 4000 personnes ont été sanctionnées pour de tels faits. D’autre part, le Bélarus a ouvert, avec l’aide d’organisations de la société civile, quelque 133 foyers d’accueil d’urgence qui ont déjà pris en charge plusieurs centaines victimes de la violence. Une femme a le droit de déposer plainte pour viol contre son mari, a en outre indiqué la délégation.

La délégation a d’autre part fait état de la création, en 2012, d’un comité d’enquête chargé notamment de surveiller le fonctionnement des forces de l’ordre. Indépendant, ce comité d’enquête base son action sur des principes de légalité et de transparence ; il examine toutes les infractions aux dispositions du Code de procédure pénale et peut engager des actions pénales contre tous les citoyens, sans exception, y compris des fonctionnaires et des membres des forces de l’ordre.

Quant au travail forcé, il est strictement interdit par la loi, a souligné la délégation. Cependant, un travail exigé sur la base d’une condamnation prononcée par un tribunal ne peut pas être considéré comme un travail forcé, a-t-elle ajouté.

Toute décision du Comité des droits de l’homme afférente à une communication (plainte individuelle) qui aurait été examinée de manière non conforme aux exigences posées par le Protocole facultatif est considérée comme invalide par le Bélarus, a expliqué la délégation. Elle a ajouté que la loi bélarussienne ne prévoit pas de mécanisme pour donner suite aux décisions du Comité – lesquelles ont, de l’avis du Bélarus, un caractère purement consultatif. Cette position ne doit pas être interprétée comme une absence de coopération, a assuré la délégation. Elle a précisé que son Gouvernement avait transmis des informations au Comité dans 90% des demandes que qui lui avaient adressées cet organe dans le cadre de cette procédure de plainte. Il conviendrait d’adapter le Protocole facultatif aux nouvelles réalités, a en outre suggéré la délégation.

La délégation ayant ensuite affirmé que les affaires individuelles évoquées par certains experts au cours du présent dialogue ne relevaient pas de l’examen du présent rapport du Bélarus, la Vice-Présidente du Comité, Mme Sarah Cleveland, est intervenue pour insister sur le fait que les cas individuels font bien partie intégrante du dialogue avec les États et qu’à l’instar d’autres éléments, ils aident les membres du Comité à se faire une opinion s’agissant de l’application du Pacte dans le pays concerné. Un autre expert a ajouté que, de l’avis du Comité, ces cas individuels sont même symptomatiques de ce qui peut se passer dans un pays.

Le Bélarus n’estime pas que sa situation des droits de l’homme mérite d’être examinée par le Conseil des droits de l’homme à titre urgent, comme c’est le cas actuellement, a d’autre part déclaré la délégation en réponse aux interrogations des experts concernant le refus du pays de collaborer avec le Rapporteur spécial (sur la situation des droits de l'homme au Bélarus) désigné par le Conseil.

De même, le Bélarus ne s’estime pas tenu de donner suite aux demandes de mesures (de protection) provisoires dans le contexte de l’application de la peine de mort, le droit interne s’appliquant de manière stricte en la matière, a indiqué la délégation. Ni l’État du Bélarus, ni la société ne comprendraient que l’on accorde des dédommagements aux familles de personnes ayant commis les pires assassinats, a-t-elle en outre ajouté. Lors du référendum de 1996, a rappelé la délégation, la population bélarussienne a refusé à une très écrasante majorité l’abolition de la peine de mort.

La délégation a ensuite informé le Comité du rôle joué par les commissions permanentes du Parlement en matière de sensibilisation aux droits de l’homme.

La lutte contre la traite des êtres humains est une priorité du Gouvernement bélarussien, a d’autre part déclaré la délégation, avant de rappeler que le Code pénal punit la traite à des fins de prostitution. Un projet d’assistance technique concernant la répression du crime de traite a été lancé avec le Haut-Commissariat aux droits de l’homme. Les chiffres de la criminalité montrent que des progrès tangibles ont été réalisés dans ce domaine, a assuré la délégation. Le rapport du Département d’État des États-Unis concernant la traite des êtres humains ne reflète pas la réalité de la situation au Bélarus, a-t-elle déclaré.  Il n’en demeure pas moins que le Bélarus collabore avec les États-Unis, sur le plan technique, aux fins de la lutte contre la traite des êtres humains, a ajouté la délégation.

Le Bélarus ne connaît pas la notion juridique de « disparition forcée », a par ailleurs expliqué la délégation. Le rapport – pourtant très politisé – du Groupe de travail sur les disparitions forcées et involontaires montre que le Bélarus ne compte qu’un nombre très limité de telles disparitions, a fait valoir la délégation. Elle a ajouté que le Bélarus transmettait toutes les informations demandées par ledit Groupe de travail et que les autorités ne voyaient pas en quoi une visite du Groupe s’imposait.

La délégation a en outre nié que l’on procède à des « arrestations arbitraires » et à des « détentions psychiatriques forcées » au Bélarus et que l’on y « réprime » la population qui manifeste : ces affirmations ne sont que des avis personnels des experts, a déclaré la délégation.

La délégation a par la suite prié le Comité de ne pas sous-estimer les mesures que son Gouvernement était en train de prendre pour modifier en profondeur la loi sur le droit de réunion sur la base de toutes les propositions qui auront été faites au Bélarus. Cette démarche devrait permettre de limiter fortement le nombre des communications adressées au Comité, a fait observer la délégation.

L’internement coercitif en psychiatrie est encadré par la loi, a précisé la délégation. La tendance actuelle est cependant au traitement ambulatoire en matière de santé mentale, a-t-elle ajouté, faisant en outre valoir que la loi sur les soins psychiatriques garantit la confidentialité des données des patients.

Les membres des minorités sexuelles ne sont en rien victimes de discrimination de la part de l’État, a assuré la délégation, ajoutant que la question des LGBTI n’était pas un sujet de préoccupation au Bélarus.

Quant à l’égalité entre les sexes, la délégation a précisé que le Parlement bélarussien comptait 33% des parlementaires femmes et a fait valoir que la présidence du Parlement était assurée par une femme : on ne saurait donc parler s’agissant de cette question de « plafond de verre », comme l’a fait un membre du Comité. Il est vrai en revanche que certaines professions sont exercées traditionnellement par des femmes et sont moins bien rétribuées, a admis la délégation.

Au Bélarus, la profession d’avocat est indépendante, a poursuivi la délégation. Chaque avocat se voit remettre une attestation justifiant de ses qualifications : il ne s’agit pas d’une licence, ni d’une autorisation d’exercer, a-t-elle assuré. En outre, l’État garantit l’aide juridictionnelle à tous les justiciables qui n’ont pas les moyens de solliciter les services d’un défenseur. La loi régissant la profession d’avocat répond aux normes internationales en la matière, y compris s’agissant de la formation et des droits et obligations des avocats, a assuré la délégation, ajoutant que les avocats peuvent se réunir au sein de barreaux.

Des commissions nationale et régionales de surveillance de l’exécution des peines ont été créées qui mènent des enquêtes et ont également pour mission d’organiser la réinsertion des détenus, a poursuivi la délégation.  Toute la politique carcérale bélarussienne est orientée vers cette réinsertion, a-t-elle insisté. Depuis 1997, la population carcérale a été réduite d’un tiers grâce à des amnisties, des aménagements de peine et des libérations anticipées, a-t-elle précisé. La délégation a assuré que les personnes détenues bénéficiaient de conditions de vie décentes. Elle a fait état de la réfection de nombreux centres de détention et de la construction d’un service de médecine pénitentiaire. Les autorités coopèrent avec le Fonds mondial et Médecins sans frontières pour prodiguer aux détenus des soins antituberculeux, a en outre fait valoir la délégation. Une étude épidémiologique a montré que la structure de la mortalité au sein de la population carcérale était quasiment identique à celle de la population ordinaire, a-t-elle ajouté.

La délégation a assuré que la justice examinait très attentivement les éléments présentés par la police à l’appui d’une demande d’incarcération d’une personne. En 2017, 700 citoyens se sont opposés à leur détention et 23 incarcérations ont été refusées par les juges, ce qui – a assuré la délégation – témoigne de l’indépendance des magistrats. Comme dans de nombreux autres pays, le Président de la République confirme la nomination des magistrats, a ajouté la délégation.

Les activités d’enquête des forces de l’ordre sont strictement encadrées par le parquet et les forces de l’ordre n’ont d’autre mission que de prévenir ou d’élucider les crimes, a d’autre part expliqué la délégation. La mobilisation de moyens techniques pour surveiller systématiquement les citoyens n’existe pas, a-t-elle ajouté. La détention arbitraire n’existe pas non plus au Bélarus, a-t-elle assuré. La loi prévoit cependant la possibilité de prendre des mesures préventives, sous forme d’entretiens avec des citoyens qui pourraient commettre des infractions.

Plus de 1800 associations sociales travaillent au Bélarus, a par ailleurs indiqué la délégation, précisant qu’une centaine d’enregistrements sont recensés chaque année. La priorité des autorités est de respecter les droits et libertés fondamentaux des citoyens ; c’est pourquoi les citoyens peuvent créer des associations, dans le fonctionnement desquelles l’État ne s’immisce pas, a assuré la délégation. Pour l’heure, c’est une loi de 2014 qui régit l’enregistrement des associations et des partis politiques : il est prévu de l’amender en 2019 dans le sens d’une diminution des exigences administratives afférentes à ces enregistrements.  La loi actuelle contient une liste complète des motifs d’interdiction du financement d’associations depuis l’étranger, incluant notamment le terrorisme.

La loi de 2015 qui régit les activités de la presse règlemente aussi la production de contenus sur Internet, étant donné la capacité de ce médium de manipuler ou de radicaliser les populations, a expliqué la délégation. Le Ministère de l’information empêche la population d’avoir accès à des informations de nature pornographique et extrémiste, en particulier, a-t-elle indiqué, avant de souligner que les décisions de blocage (d’accès) peuvent faire l’objet d’appels devant les juges.  Quant aux journalistes étrangers, ils doivent, pour travailler au Bélarus, obtenir une accréditation du Ministère des affaires étrangères, a rappelé la délégation, assurant que le processus d’obtention de cette accréditation était plus souple que celui appliqué par l’Union européenne.

Remarques de conclusion

M. AMBRAZEVICH s’est félicité que son pays ait renoué le dialogue avec le Comité et a assuré les experts que le Bélarus remettrait désormais ses rapports de manière ponctuelle.

MME CLEVELAND a souligné que le dialogue avait permis au Comité de mieux comprendre la situation au Bélarus. Elle a pris note de progrès dans le domaine des droits des personnes handicapées, notamment, tout en indiquant que le Comité restait préoccupé s’agissant du respect de la liberté de réunion et d’association au Bélarus. Elle a insisté sur la nécessité pour le Bélarus de respecter l’autorité dont le Comité dispose pour ce qui est d’organiser son propre fonctionnement et a appelé le pays à collaborer avec lui dans l’examen des communications.

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