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Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale examine le rapport du Rwanda
Le rapport du Rwanda
29 avril 2016
29 avril 2016
GENEVE (29 avril 2016) - Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport présenté par le Rwanda concernant les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant ce rapport, M. François Xavier Ngarambe, Représentant permanent du Rwanda auprès des Nations Unies à Genève, a déclaré que depuis la présentation du précédent rapport, il y a cinq ans, le Gouvernement et le peuple rwandais ont poursuivi leurs efforts pour créer un environnement propice à la réalisation du plein potentiel de tous les Rwandais. Il a souligné que la loi sur le génocide adoptée en 2008 avait été remplacée par une nouvelle version en 2013. À la lumière de son histoire chargée, le Rwanda a décidé d’appliquer depuis 2007 une politique nationale d’unité et de réconciliation, a indiqué le Représentant permanent. Dans ce cadre, le Gouvernement n’opère aucune distinction entre les différents groupes vivant au Rwanda, a-t-il précisé. La situation des Batwas au Rwanda doit être abordée dans ce contexte, a-t-il ajouté.
S’agissant des réfugiés et demandeurs d’asile, le chef de la délégation rwandaise a souligné que toute personne admise au Rwanda en tant que réfugiée y bénéficie de tous les droits et libertés prévus par la loi, notamment l’accès aux services sociaux, à la santé et à l’éducation. Comme dans d’autres pays, le Rwanda doit relever les défis liés à la promotion et à la protection des droits de l’homme, défis qui se posent aussi dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale, a par ailleurs dit M. Ngarambe. Le Rwanda, 22 ans après le génocide des Tutsis, doit encore combattre le déni, le révisionnisme et les tentatives délibérées de retour à un passé aboli, a-t-il ajouté. Mais le Gouvernement et le peuple rwandais sont résolus à consolider les progrès réalisés jusqu’ici, a-t-il conclu.
Composée également de deux autres membres de la Mission permanente du Rwanda auprès des Nations Unies à Genève, la délégation rwandaise a répondu aux questions des membres du Comité s’agissant, essentiellement, de la politique de réunification de la population; de la situation des Batwas; de l’accueil des réfugiés; de l’interdiction de la discrimination; de la lutte contre la pauvreté; et du système de justice, y compris pour ce qui est de la justice traditionnelle.
Mme Afiwa-Kindena Hohoueto, rapporteuse du Comité pour le rapport du Rwanda, a félicité le pays pour les progrès extraordinaires qu’il a accomplis pour ramener la paix, la sécurité, l’unité et la cohésion sociale au lendemain du génocide de 1994. Le Rwanda est aujourd’hui un modèle de développement socioéconomique pour les États d’Afrique, a-t-elle souligné. Mais malgré ces louables efforts, a ajouté Mme Hohoueto, tout n’est pas que succès. La rapporteuse a noté d’abord que le recensement de 2012 n’avait pas pris en compte la composition ethnique de la population, au motif qu’après le génocide de 1994 la classification ethnique de la population en trois groupes (hutu, tutsi et twa) avait été supprimée par souci de réconciliation. Les trois groupes ont été fondus en une seule entité, «le Rwandais», qui ne parlerait qu’une seule langue, «le kinyarwandais». Or, le Comité estime que refuser de reconnaître l’identité culturelle des hommes et des femmes composant la population risque de faire germer la graine de la division ethnique, le statut actuel déniant aux groupes ethniques traditionnels l’exercice de leurs droits culturels, a expliqué la rapporteuse. Le Comité constate en outre que l’État du Rwanda n’accorde pas de reconnaissance à des peuples autochtones tels que les Batwas, au risque de ne pas reconnaître leurs particularités et leurs droits afférents, a-t-elle ajouté. Elle a souligné que le Comité était préoccupé par les informations dont il dispose concernant la persistance de stéréotypes négatifs envers les Batwas vivant au Rwanda, lesquels demeurent victimes de la pauvreté et de la discrimination dans l’accès à l’éducation, au logement adéquat, aux services sociaux et à l’emploi.
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Rwanda et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 13 mai prochain.
Lundi 2 mai, à 10 heures, le Comité auditionnera des représentants de la société civile au sujet de la mise en œuvre de la Convention dans les pays dont les rapports doivent être examinés la semaine prochaine: Géorgie, Azerbaïdjan et Namibie.
Présentation du rapport du Rwanda
Présentant le rapport de son pays (CERD/C/RWA/18-20), M. FRANÇOIS XAVIER NGARAMBE, Représentant permanent du Rwanda auprès des Nations Unies à Genève, a observé qu’à l’approche de la célébration du cinquantenaire de l’adoption de la Convention internationale sur l’élimination de toutes les formes de discrimination raciale, les problèmes qu’elle vise à éliminer n’avaient pas disparu, tant s’en faut. Depuis la présentation du précédent rapport, il y a cinq ans, le Gouvernement et le peuple rwandais ont poursuivi leurs efforts pour créer un environnement propice à la réalisation du plein potentiel de tous les Rwandais, a-t-il déclaré.
M. Ngarambe a indiqué que le génocide de 1994, les massacres et les pogroms commis entre 1959 et 1973, ainsi que la discrimination systématique dont ont été victimes les Tutsis par le passé, ont poussé le peuple rwandais à tourner résolument le dos aux politiques de marginalisation pour se concentrer sur la création d’une identité proprement rwandaise au sein de laquelle tous soient égaux devant la loi et jouissent des mêmes droits. Concrètement, la Constitution nationale affirme la responsabilité de l’État de promouvoir les droits de l’homme des Rwandais et donne au pouvoir judiciaire la responsabilité d’agir comme gardien des droits et libertés fondamentaux, y compris en obligeant l’État à assumer ses missions dans ce domaine.
La loi sur le génocide adoptée en 2008 a été remplacée par une nouvelle version en 2013, qui met l’accent sur la définition de l’idéologie et des actes génocidaires, a poursuivi le Représentant permanent. La loi donne en particulier une définition plus précise du génocide; elle distingue clairement l’idéologie des actes génocidaires et établit une échelle de sanctions appropriées. La loi de 2008 avait été précédée de consultations et de recherches ayant permis de constater que l’idéologie génocidaire était toujours solidement ancrée dans l’esprit des Rwandais ordinaires; l’adoption de cette loi avait donc pour objet d’empêcher la promotion du discours génocidaire et de prendre, pour ce faire, des mesures pédagogiques, a expliqué M. Ngarambe. Mais les lacunes de cette première loi ont poussé les autorités à la réviser à la lumière d’apports d’experts internationaux et de préparer le texte de loi qui est entré en vigueur en 2013, a-t-il insisté.
De plus, à la lumière de son histoire chargée, le Rwanda a décidé d’appliquer depuis 2007 une politique nationale d’unité et de réconciliation, a poursuivi le Représentant permanent. Ces deux notions sont considérées comme une pratique consensuelle de citoyens partageant une même nationalité et une même culture, a-t-il précisé. Pour concrétiser cette politique, la société rwandaise a dû opérer une transformation radicale pour faire du pays une nation unie et réconciliée, au sein de laquelle tous les citoyens jouissent des mêmes droits. Dans ce cadre, le Gouvernement n’opère aucune distinction entre les différents groupes vivant au Rwanda, a indiqué M. Ngarambe. La situation des Batwas au Rwanda doit être abordée dans ce contexte, a-t-il précisé.
S’agissant des réfugiés et demandeurs d’asile, le chef de la délégation rwandaise a souligné que toute personne admise au Rwanda en tant que réfugiée y bénéficie de tous les droits et libertés prévus par la loi, notamment l’accès aux services sociaux, à la santé et à l’éducation.
Comme dans d’autres pays, le Rwanda doit relever les défis liés à la promotion et à la protection des droits de l’homme, défis qui se posent aussi dans le domaine de la lutte contre la discrimination raciale, a par ailleurs dit M. Ngarambe. Le Rwanda, 22 ans après le génocide des Tutsis, doit encore combattre le déni, le révisionnisme et les tentatives délibérées de retour à un passé aboli, a-t-il ajouté. Mais le Gouvernement et le peuple rwandais sont résolus à consolider les progrès réalisés jusqu’ici, a-t-il conclu.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
MME AFIWA-KINDENA HOHOUETO, rapporteuse du Comité pour le rapport du Rwanda, s’est félicitée que le rapport du Rwanda ait été élaboré dans le cadre d’un processus participatif alliant les pouvoirs publics, la société civile et les partenaires du développement. Le Rwanda, a-t-elle ajouté, mérite d’être complimenté pour les progrès extraordinaires qu’il a accomplis pour ramener la paix, la sécurité, l’unité et la cohésion sociale au lendemain du génocide de 1994. La rapporteuse a estimé que le Rwanda était aujourd’hui un modèle de développement socioéconomique pour les États d’Afrique. Son produit intérieur brut par habitant est passé de 206 dollars par habitant en 2002 à 595 dollars en 2011, a-t-elle fait observer.
Mais, malgré ces louables efforts, a ajouté Mme Hohoueto, tout n’est pas que succès. La rapporteuse a noté d’abord que le recensement de 2012 n’avait pas pris en compte la composition ethnique de la population, au motif qu’après le génocide de 1994 la classification ethnique de la population en trois groupes (hutu, tutsi et twa) avait été supprimée par souci de réconciliation. Les trois groupes ont été fondus en une seule entité, «le Rwandais», qui ne parlerait qu’une seule langue, «le kinyarwandais». Or, le Comité estime que refuser de reconnaître l’identité culturelle des hommes et des femmes composant la population risque de faire germer la graine de la division ethnique, le statut actuel déniant aux groupes ethniques traditionnels l’exercice de leurs droits culturels, a poursuivi la rapporteuse. Le Comité constate en outre que l’État du Rwanda n’accorde pas de reconnaissance à des peuples autochtones tels que les Batwas, au risque de ne pas reconnaître leurs particularités et leurs droits afférents, a-t-elle ajouté. Mme Hohoueto a par ailleurs rappelé que le Comité exige d’avoir des statistiques sur les caractéristiques démographiques et ethniques de la population afin de disposer d’indicateurs permettant d’évaluer l’application équitable des droits de l’homme à tous les segments de la population ainsi que l’action de l’État aux fins de l’élimination de la discrimination fondée sur la race, la couleur, l’ascendance ou l’origine ethnique.
Mme Hohoueto a demandé à la délégation de dire si les Rwandais étaient autorisés à parler leur langue maternelle au sein de leurs communautés, à la maison, à l’école ou sur leur lieu de travail. Elle a par ailleurs relevé que la Constitution du Rwanda ne consacrait pas le droit au logement. La question se pose donc de savoir si les besoins des personnes marginalisées sont pris en compte dans les programmes de modernisation de l’habitat dans les régions rurales, a-t-elle souligné.
La rapporteuse a en outre constaté que le rapport du Rwanda ne contient pas de statistiques sur les plaintes, les enquêtes et les condamnations prononcées par les tribunaux s’agissant de cas de discrimination raciale, en dehors du génocide perpétré contre les Tutsis. Elle a ensuite demandé à la délégation de préciser quel pourcentage du budget national était consacré au Ministère de la justice et l’a priée de dire en quoi consistait l’autorégulation des médias mentionnée dans la Loi sur les médias de 2013.
Enfin, Mme Hohoueto a souligné que le Comité était préoccupé par les informations dont il dispose concernant la persistance de stéréotypes négatifs envers les Batwas vivant au Rwanda. Le Comité s’inquiète en outre du faible impact des mesures prises par l’État en faveur des Batwas, qui demeurent victimes de la pauvreté et de la discrimination dans l’accès à l’éducation, au logement adéquat, aux services sociaux et à l’emploi. Mme Hohoueto a demandé à la délégation de préciser quelles mesures de compensation avaient été prises en faveur des Batwas qui, expulsés des forêts ancestrales qui constituaient leur lieu de vie traditionnel, vivent aujourd’hui de mendicité.
Une autre experte du Comité a voulu savoir si le Rwanda allait reconnaître les Batwas en tant que peuple autochtone, comme l’a fait l’Union européenne. De l’avis de cette experte, la nécessaire transformation qu’a subie la nation rwandaise n’est sans doute pas incompatible avec la reconnaissance des cultures minoritaires. L’experte a fait état du dénuement dans lequel vit le peuple batwa et a souligné que si rien n’est fait, sa culture spécifique risque fort de disparaître complètement, ce qui serait une perte pour l’humanité. Elle a demandé à la délégation de dire quelles mesures concrètes avaient été prises au niveau des villages pour améliorer le sort des Batwas sur les plans de la santé, du logement et de l’indépendance économique. L’experte a ajouté qu’il était difficile, en l’état, de vérifier si la politique de décentralisation du Rwanda, adoptée en 2001 puis révisée en 2012, profitait réellement aux Batwas. Elle a par ailleurs voulu savoir dans quelle mesure la loi sur la propriété foncière autorisait les déplacements forcés de populations rurales et si ces expropriations s’accompagnaient toujours de dédommagements.
Un autre membre du Comité a souligné les progrès réalisés par le Rwanda et a espéré que ce pays pourrait bientôt s’affranchir définitivement des séquelles du génocide de 1994. Cet expert a fait observer que les Batwas souffraient d’une discrimination pour ainsi dire structurelle, qui appelle sans doute des mesures correctives spécifiques. Il est important, a estimé l’expert, de collecter des statistiques anonymes pour mieux comprendre l’évolution de la situation de cette minorité marginalisée, parmi d’autres, et pour mieux corriger les injustices historiques subies par certaines communautés ou catégories de personnes au Rwanda, notamment les personnes atteintes d’albinisme. Le Comité serait ainsi en mesure d’aider plus efficacement les autorités du Rwanda, a insisté l’expert.
Un autre expert a rappelé la cruauté du génocide commis contre les Tutsis en 1994. Il a souligné que cette tragédie permettait de comprendre pourquoi le Rwanda essaie de combattre la division ethnique qui en a été la cause et pourquoi le Gouvernement rwandais a mené une politique farouchement opposée à la reconnaissance des communautés ethniques. «À chaque pays souverain de choisir l’option qui lui paraît la meilleure pour autant qu’elle n’entraîne pas de violations des droits de l’homme», a estimé l’expert. Le même expert a cependant relevé que l’on ne saurait prétendre que la politique d’administration indirecte au Rwanda par la Belgique, ancien pays colonisateur, aurait créé les ethnies au Rwanda. Quoi qu’il en soit, a-t-il ajouté, la communauté internationale, qui n’a rien fait pour arrêter le génocide, est mal placée pour critiquer la politique du Gouvernement rwandais qui consiste à gommer autant que possible les différences ethniques. L’expert a, lui aussi, attiré l’attention de la délégation sur la préoccupation du Comité face au sort des Batwas. Il est sans doute possible de venir en aide à cette communauté sans mettre en péril la politique anti-ethniste du Gouvernement, grâce à l’adoption de mesures compensatoires en sa faveur, a affirmé l’expert.
Un autre membre du Comité a salué la qualité du rapport présenté par le Rwanda, qui apporte des réponses à l’ensemble des recommandations faites précédemment par le Comité, ainsi que la pertinence des données statistiques qu’il présente. L’expert a relevé que les 70 000 réfugiés provenant du Burundi reçoivent au Rwanda un accueil fraternel et chaleureux; il a néanmoins recommandé que ces réfugiés bénéficient «d’un peu plus de bien-être» et de meilleures conditions de scolarisation. S’agissant des Batwas, l’expert a souligné que rien n’était pire que la mise à l’écart et l’injustice pour susciter des sentiments de haine et que le Rwanda, après les progrès qu’il a faits pour la nation rwandaise, devrait assurer une justice totale pour les Batwas aussi.
Une experte a voulu connaître le mode de financement de la décentralisation extrême qui caractérise le Rwanda. Elle a salué la jeunesse du pays – le Rwanda compte 40 pour cent de jeunes – et les perspectives positives qu’elle ouvre pour l’avenir. Le renoncement aux subdivisions ethniques est certes une décision souveraine du Rwanda, a-t-elle observé; mais la prise en compte des réalités africaines impose sans doute une certaine prudence, car il est difficile d’exiger de populations qu’elles renient totalement leurs cultures. L’experte a aussi fait observer que la définition des «mesures spéciales» donnée par le rapport du Rwanda est contraire à la conception qu’en a le Comité, qui insiste en particulier sur leur nature temporaire. Le Comité attend du Rwanda qu’il prenne de telles mesures spéciales en faveur, notamment, de l’éducation des Batwas, jusqu’à ce qu’ils puissent vivre sur un pied d’égalité avec le reste de la population.
Un autre expert a pour sa part noté que l’adoption de mesures spéciales en faveur des Batwas ne devrait pas entraîner de charge financière excessive pour le Rwanda, compte tenu de la faiblesse numérique de cette minorité qui représente un peu plus de 36 000 personnes – un chiffre en diminution constante depuis plusieurs décennies. Les autorités rwandaises pourraient reconnaître les Batwas comme une minorité historiquement défavorisée, susceptible donc de bénéficier d’indemnisations et de mesures spéciales, a-t-il été souligné.
Une autre membre du Comité a rappelé que le Comité des droits économiques, sociaux et culturels avait recommandé au Rwanda de lutter contre la discrimination à l’encontre des Batwas en appliquant les lois et règlements en vigueur. Le Comité est très préoccupé par la situation des femmes batwas exposées, en tant que telles, à des discriminations multiples.
Les succès économiques du Rwanda ont été salués par les experts, qui se sont en outre félicités de l’accueil réservé par le Rwanda à des personnes réfugiées originaires des pays voisins. Cependant, a-t-il été souligné, le faible espace accordé aux réfugiés (16 mètres carrés par personne en moyenne) vivant dans les camps entraîne une promiscuité problématique.
Un expert a voulu savoir qui, ou quelle autorité, serait habilité à choisir – et en vertu de quels critères – les aspects des cultures traditionnelles qui mériteraient d’être préservés dans le cadre des efforts du Gouvernement pour donner une identité commune à tous les Rwandais. Cet expert a estimé que la diversité culturelle pouvait être un socle sur lequel bâtir une identité nationale.
La délégation a en outre été priée de donner des explications sur les critères de composition du Sénat.
Un expert a demandé à la délégation de donner une idée du processus concret de cicatrisation des blessures issues du conflit. Un autre membre du Comité s’est enquis du sort réservé aux dépouilles des victimes du génocide et de la création éventuelle – et par qui – de lieux de mémoire rappelant les moments difficiles et contribuant à la prévention de nouveaux crimes.
Réponses de la délégation
La délégation a esquissé l’histoire sociale du Rwanda – un pays marqué, de très longue date, par une profonde cohésion. L’organisation sociale du pays a longtemps reflété sa structure économique basée sur l’exploitation agricole, structure au sein de laquelle les Batwas jouaient un rôle important dans l’artisanat et la vannerie, a-t-elle expliqué. La société rwandaise était marquée, avant la colonisation, par un fort brassage et par une bonne entente entre les classes sociales, a-t-elle poursuivi. Les colons transformèrent, conformément aux théories racialistes de l’époque, les catégories socioprofessionnelles en autant de «races», dont certaines, installées au Rwanda avant les autres, auraient la préséance. Il n’y a donc en fait pas de «peuple autochtone» au Rwanda, a souligné M. Ngarambe.
Quoi qu’il en soit, cette division arbitraire est à l’origine de l’apparition de l’idéologie génocidaire, a expliqué M. Ngarambe. Après le génocide, le Gouvernement décida de prendre à bras le corps la situation des Batwas, condamnés par les circonstances à revenir à une économie de subsistance, a-t-il indiqué. Réticents au départ, les Batwas commencent à sortir de leur marginalisation pour s’intégrer petit à petit dans une société rwandaise accueillante, a-t-il assuré. Le Gouvernement s’est donné pour objectif de réduire la pauvreté de moitié d’ici à 2020, a ensuite souligné la délégation. D’ici à 2020, les catégories marginalisées de la population devraient avoir rattrapé le reste de la population grâce au plan d’action contre la pauvreté lancé par le Gouvernement, a-t-elle précisé. Ce plan prévoit que le Rwanda sera une économie à niveau de revenu intermédiaire en 2020; il implique une transformation économique, la formation des jeunes et l’adoption de mesures d’adaptation pour le monde rural. La pauvreté et les inégalités ont fortement baissé au Rwanda depuis 2012, a fait valoir la délégation.
Le soi-disant problème des terres des Batwas expulsés renvoie à la marginalisation de certaines populations exclues du Rwanda et de la civilisation en général, a expliqué la délégation. Anciens potiers, les Batwas ont été fragilisés dans leurs environnements urbains et ont dû se réfugier dans les forêts, hors de tout accès à l’éducation et aux soins, a-t-elle expliqué. Leur extinction naturelle menaçait. Il n’était toutefois pas question de les indemniser pour des forêts qui ne leur avaient jamais appartenu. Les autorités ont par contre pris les mesures nécessaires pour réinsérer les Batwas au sein de la société, en rompant le cercle vicieux de la pauvreté par les soins et l’éducation, a indiqué la délégation.
La distribution de vaches aux Batwas, mentionnée par un expert du Comité, s’est soldée par un échec du fait de l’impréparation des bénéficiaires et non de leur qualité de Batwas, a ensuite expliqué la délégation. En effet, l’entretien d’une vache – qui est, au Rwanda, un atout économique autant qu’un symbole de statut social – ne s’improvise pas.
La loi interdit la discrimination dans le secteur du travail, a d’autre part fait valoir la délégation. Elle énumère les nombreux motifs de discrimination, de la grossesse à l’ethnie, a-t-elle précisé, ajoutant que les secteurs privé et public disposent de mécanismes de contrôle de ces dispositions.
Le Code pénal est en cours de révision et ses nouvelles dispositions tiendront compte, notamment, de l’article 4 de la Convention, a par ailleurs indiqué la délégation.
Pour assurer le suivi de ses ambitions socioéconomiques, le Gouvernement rwandais applique un système de gouvernance innovant, basé sur des objectifs atteignables et contrôlés. Dans ce cadre, les autorités locales présentent, lors de séances publiques, leurs propres projets en même temps que des bilans des initiatives déjà réalisées. Les personnes marginalisées peuvent présenter leurs doléances pendant ces séances publiques, a fait valoir la délégation.
Le Gouvernement vise à donner à toutes les familles rurales des logements dignes, a poursuivi la délégation. Depuis 2013, le nombre de personnes vivant dans des régions isolées a reculé, a-t-elle indiqué. Les programmes de relogement s’accompagnent de dédommagements, a-t-elle précisé.
Le système sanitaire décentralisé accorde la priorité à la santé maternelle et infantile, a en outre indiqué la délégation. Le Rwanda applique un ensemble de mesures complémentaires pour parvenir à la couverture sanitaire universelle, a-t-elle fait valoir. Le pays œuvre également pour l’éducation primaire universelle et surtout pour améliorer le taux de scolarisation des filles, a-t-elle poursuivi. Les enfants ayant quitté l’école prématurément peuvent suivre des formations professionnelles. Le système éducatif devra permettre à la prochaine génération de trouver sa place dans l’économie du XXIe siècle, a insisté la délégation.
Le droit de participer à la vie politique est garanti à toute la population, y compris aux membres de groupes traditionnellement marginalisés, a d’autre part fait valoir la délégation. Ces derniers jouissent des mêmes droits que les autres citoyens et disposent de sièges réservés au Sénat, a-t-elle précisé. Les Batwas ont accès aux procédures judiciaires conformément aux dispositions de la loi, a-t-elle ajouté. Le Ministère de la justice a ouvert des «maisons de la justice» délocalisées, destinées à rapprocher le système de justice du peuple. L’équité des procès est améliorée par l’élargissement de l’aide juridictionnelle aux plus indigents, a souligné la délégation.
Le Rwanda est fermement engagé à appliquer aux requérants d’asile le principe de non-refoulement vers des pays où ils encourraient des risques pour leur vie. Toute personne admise en tant que réfugiée au Rwanda y bénéficie de la gamme complète des droits fondamentaux, notamment du droit au travail, a d’autre part souligné la délégation. Les personnes vivant dans les camps de réfugiés reçoivent des prestations de santé complètes, y compris des soins antirétroviraux le cas échéant. Les demandes d’asile sont examinées par le Département des migrations, qui rend ses décisions dans des délais très courts et scrupuleusement respectés. La politique de migration rwandaise est ouverte et généreuse, basée sur une approche non discriminatoire, a insisté la délégation.
Répondant à des questions sur l’acquisition de la nationalité rwandaise, la délégation a indiqué qu’elle peut s’acquérir très simplement par le mariage.
Dans de très nombreux contextes, l’assimilation est certes un échec; mais, au Rwanda, la situation n’est pas la même car l’identité rwandaise n’est pas forgée de toute pièce et imposée à autrui, mais définie de manière consensuelle, a déclaré la délégation.
Depuis 1994, l’État œuvre à la réunification de la population, a de nouveau souligné la délégation. Pour ce faire, il veut faire surgir la mémoire des événements: que s’est-il passé ? Où vont maintenant les Rwandais ? Les réponses exigent une justice capable d’éviter les représailles au sein des communautés et de tenir compte des réalités pratiques: la justice classique ne peut pas juger deux millions de personnes complices de l’assassinat de parents, de voisins, d’amis. Les autorités misent donc, pour reconstruire la société, sur la recherche de la vérité, les aveux et la sanction des coupables et enfin le pardon, a expliqué la délégation. Elles misent également sur un retour à la vérité historique, sur la base d’avis d’experts reconnus, au Rwanda et dans la diaspora. Ces objectifs sont atteints à 85%, a estimé la délégation. L’application de la justice traditionnelle a joué un rôle très important pour réhabiliter la dignité des personnes disparues pendant le génocide, a poursuivi la délégation. On s’efforce de retrouver les dépouilles des victimes dispersées par les bourreaux dans une tentative d’en supprimer également la mémoire; des inhumations dignes sont ensuite organisées, a-t-elle indiqué. Les génocides étant systématiquement niés par leurs auteurs, des mémoriaux du génocide rwandais ont été ouverts, associés à des centres d’information et de documentation; ils sont placés à des endroits très visibles. La visite du mémorial central de Kigali est offerte à tous les visiteurs officiels. L’UNESCO envisage d’inscrire ces mémoriaux au patrimoine commun de l’humanité.
Plus de cent quarante procès ont été instruits pour des faits liés au génocide de 1994, a ensuite indiqué la délégation.
Une experte du Comité ayant fait observer que si les «comités conciliateurs» sont saisis avant toute action en justice, le risque existe qu’ils constituaient alors un filtre et donc un obstacle à l’accès à la justice, la délégation a précisé que les médiateurs membres des comités conciliateurs n’ont pas de fonction de tri et ne peuvent régler que des litiges très bien circonscrits. La même experte s’étant inquiétée
du fonctionnement «à juge unique» des tribunaux intermédiaires chargés des plaintes pour faits de génocide, la délégation a expliqué que le juge unique permet d’accélérer les procédures et de faciliter les procédures de responsabilisation; ce magistrat n’est pas chargé de l’instruction des dossiers.
La délégation a d’autre part assuré que les albinos n’étaient pas victimes de discrimination au Rwanda.
Actuellement, le Rwanda est considéré comme un des pays les plus sûrs d’Afrique, dont les autorités jouissent de la confiance de la population, a par ailleurs affirmé la délégation.
La délégation a indiqué que les dispositions de la Convention avaient été portées à la connaissance de tous les Rwandais, qui connaissent leurs droits mais aussi les obligations de l’État.
Remarques de conclusion
MME HOHOUETO, rapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Rwanda, a exprimé toute l’admiration du Comité pour la capacité du Rwanda à se remettre après le génocide. Les politiques et programmes déployés pour ce faire devraient cependant faire l’objet d’une évaluation et d’un suivi centralisés, a-t-elle estimé. La rapporteuse s’est en outre interrogée sur la perception que la population rwandaise a des Batwas: dans les faits, il s’agit d’une population vraiment marginalisée qui doit bénéficier de mesures spéciales avant d’être intégrée au régime d’assistance commun, a-t-elle indiqué. À ce propos, l’exemple de la distribution de vaches montre bien l’intérêt de resocialiser les Batwas, a insisté l’experte. Mme Hohoueto a prié le Rwanda de fournir davantage de statistiques sur les plaintes pour discrimination, ce qui permettrait au Comité de se faire une idée de l’ampleur du problème.
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