Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme
Le conseil des droits de l'homme tient un dialogue renforcé sur le Burundi
Le conseil des droits de l'homme tient un dialogue renforcé sur le Burundi
22 mars 2016
MATIN
Il achève en outre son débat interactif avec l'Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine
GENEVE (22 mars 2016) - Le Conseil des droits de l'homme a tenu ce matin et en milieu d'après-midi un dialogue renforcé sur la situation des droits de l'homme au Burundi, en vertu de ses résolutions 30/27 et S-24/1. Dans sa résolution 30/27, le Conseil demandait au Haut-Commissaire de présenter une mise à jour sur l'application de cette résolution dans le cadre d'un débat interactif, alors que dans sa résolution S-24/1, adoptée à l'issue de sa 24e session extraordinaire, le 17 décembre dernier, le Conseil demandait le renforcement du dialogue interactif pour y inclure les représentants de l'Union africaine, de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples, de la société civile et des procédures spéciales pertinentes. Dans cette dernière résolution, le Conseil priait en outre le Haut-Commissaire de dépêcher une mission d'experts indépendants existants aux fins d'enquêter sur la situation des droits de l'homme au Burundi et de présenter également une mise à jour orale au cours du présent dialogue.
Avant de tenir ce dialogue renforcé sur le Burundi, le Conseil a achevé, au titre de l'assistance technique et du renforcement des capacités, son débat interactif entamé la veille avec l'Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine, Mme Marie-Thérèse Keita Bocoum. Plusieurs délégations* sont intervenues dans le cadre de ce débat avec l'Experte indépendante, plaidant pour que la communauté internationale demeure engagée aux côtés de la République centrafricaine et saluant les élections transparentes et crédibles tenues dans ce pays. L'accent a été mis sur la nécessité pour les autorités centrafricaines de rendre opérationnel le système de justice.
Dans sa mise à jour orale sur le Burundi présentée au nom du Haut-Commissaire aux droits de l'homme, le Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme, M. Ivan Šimonoviæ, qui s'est rendu sur le terrain, a informé que la situation au Burundi restait très préoccupante, y compris dans les domaines humanitaire, économique et social, et a fait état de tensions politiques continues, qui risquent d'escalader en une spirale de violence. Les violations des droits de l'homme affectent non seulement l'avenir du pays mais aussi celui de toute la région fragile des Grands Lacs, a-t-il prévenu.
Le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, M. Christof Heyns, a pour sa part fait une mise à jour orale rendant compte de la mission des experts indépendants mandatés à l'issue de la session extraordinaire du Conseil de décembre dernier pour prévenir une détérioration de la situation des droits de l'homme dans le pays et dépêchée au Burundi du 1er au 8 mars dernier. Il a déclaré qu'un faisceau d'indices montre que des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, de même que des actes de torture, de disparitions forcées ont eu lieu durant la crise et peuvent être attribués, dans certains cas, à l'État, dans d'autres, à l'opposition armée. La mission a notamment recommandé la présence d'observateurs internationaux dans les quatre districts de Bujumbura les plus touchées par la violence; la libéralisation de l'activité des organisations de la société civile; la cessation des violences et des discours irresponsables portés par les acteurs politiques; et l'ouverture d'un dialogue entre les parties en vue de résoudre les problèmes de sécurité et de gestion de crise des réfugiés.
Face à ces préoccupations, le Ministre des droits de l'homme, des affaires sociales et de l'égalité des sexes du Burundi, M. Martin Nivyabandi, a annoncé une normalisation de la situation, que ce soit sur le plan social, économique, politique ou sécuritaire, même si des défis persistent. Il a en revanche dénoncé «le fait qu'il y ait eu une volonté manifeste et affichée de manipuler l'opinion publique sur des questions de très haute sensibilité, comme l'imminence d'un génocide contre les Tutsi du Burundi».
La Commission nationale indépendante des droits de l'homme du Burundi est également intervenue, ainsi que le Président de l'Association pour la protection des droits humains des personnes détenues (APRODH), M. Pierre Claver Mbonimpa.
Le Représentant permanent de l'Union africaine à Genève, M. Jean-Marie Ehouzou, a déclaré que le respect des accords d'Arusha et la lutte contre l'impunité constituent des priorités pour son organisation.
Parmi les délégations** qui ont pris part au débat sur le Burundi, bon nombre ont encouragé les autorités burundaises à poursuivre la coopération avec la Mission d'experts indépendants et d'autres représentants des Nations Unies ainsi qu'avec les observateurs de l'Union africaine.
Les délégations ont par ailleurs présenté leurs condoléances à la Belgique pour les deux attentats perpétrés ce matin à l'aéroport Zaventem et dans le métro à Bruxelles.
Le Conseil, après avoir tenu à la mi-journée son débat annuel sur la coopération technique, entamait en fin d'après-midi son débat interactif avec l'Expert indépendant sur le renforcement de capacités et la coopération technique avec la Côte d'Ivoire dans le domaine des droits de l'homme.
Fin du débat interactif avec l'Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine
Fin du débat
La République du Congo s'est réjouie de l'achèvement dans la paix du processus électoral en République centrafricaine. Elle a en outre salué le rôle de la communauté internationale, des autorités, des procédures spéciales, dont Mme Keita Bocoum, et surtout du peuple centrafricain. La République du Congo a en outre rappelé la gageure que représente le retour des réfugiés et a demandé à la communauté internationale de fournir à la République centrafricaine un soutien important. Le Tchad a souhaité que la communauté internationale continue d'appuyer la République centrafricaine car les paramètres de la sécurité, du désarmement et de la libre circulation des personnes sont encore d'actualité. L'Angola a estimé que les récentes élections en République centrafricaine marquaient le début d'un processus de normalisation et a félicité le pays pour ses efforts en faveur du rétablissement d'un système judiciaire et pénal. L'Angola a appelé la communauté internationale à poursuivre son assistance technique à la République centrafricaine.
Le Mali a salué la bonne coopération de la République centrafricaine avec le Conseil des droits de l'homme et s'est réjoui de l'organisation d'élections transparentes et crédibles. Il a noté les efforts en cours en matière de protection des civils et de lutte contre l'impunité et pour la réconciliation nationale. Face aux défis qui demeurent, le Mali exhorte la communauté internationale à soutenir la République centrafricaine dans les différents domaines prioritaires.
La Guinée équatoriale a elle aussi salué le climat de paix qui a présidé à l'élection présidentielle et a souligné que le processus de réconciliation nationale devait intégrer la problématique de la justice. Elle soutient à cet égard la mise en place de la cour pénale spéciale et demande à la communauté internationale de fournir une assistance technique et un appui à la République centrafricaine. Le Botswana a pris note avec satisfaction de l'évolution positive et notamment de la restauration de la sécurité dans la capitale centrafricaine, Bangui. Le fait que les élections aient été organisées de manière pacifique témoigne de l'engagement du pays en faveur de l'état de droit et de la paix, a ajouté le Botswana, avant de se dire néanmoins conscient que des défis persistent s'agissant, notamment, du système de justice et notamment de la protection des victimes. Le Botswana entourage le Gouvernement centrafricain à redoubler d'efforts pour protéger la population civile.
La Suisse a salué la tenue des élections dans un climat généralement calme et pacifique mais a néanmoins déploré les violations des droits de l'homme et les harcèlements dans le contexte de ces élections. La Suisse aimerait savoir quelles sont les mesures prioritaires que les autorités centrafricaines devraient prendre pour améliorer la sécurité dans le pays. Elle salue par ailleurs la condamnation prononcée hier par la Cour pénale internationale à l'encontre de Jean-Pierre Bemba pour de crimes commis en République centrafricaine.
Prudents, les Pays-Bas se félicitent certes de la bonne tenue des élections et du dialogue national mais restent préoccupés par la poursuite des violations des droits de l'homme en République centrafricaine. Ils souhaitent donc la mise en place rapide de la cour pénale spéciale, étape nécessaire dans la lutte contre l'impunité et pour la réconciliation nationale. Ils rappellent toutefois que cette cour ne sera pas suffisante en elle-même et qu'il faudra assurer la mise en place d'un système de justice complet, ainsi que le respect des lois. Le Gabon estime lui aussi que le renforcement du système judiciaire est un élément essentiel. La communauté internationale doit rester mobilisée pour aider la République centrafricaine à poursuivre son œuvre de renforcement de la paix et de la cohésion sociale, notamment par le biais d'un programme de désarmement-démobilisation-réintégration
La Sierra Leone s'est dite particulièrement préoccupée par le faible niveau de financement de l'appel humanitaire en faveur de la République centrafricaine, actuellement financé à moins de 1%, ce qui affecte une population déjà privée de ses droits socioéconomiques fondamentaux. La communauté internationale ne peut pas manifester sa préoccupation pour les droits de l'homme tout en laissant de telles privations se produire sous ses yeux. La Sierra Leone juge également préoccupante l'absence de programme de désarmement-démobilisation-réintégration, alors qu'il s'agit là d'une composante essentielle de la consolidation de la paix.
Pour le Maroc, la tenue des élections a marqué une nouvelle phase dans la quête d'une paix durable et un ancrage du pays dans la volonté démocratique. Le Maroc renforcera sa coopération bilatérale avec la République centrafricaine, notamment dans le domaine de la sécurité alimentaire, car il considère que la relance agricole pourrait constituer un puissant moyen d'assurer la sécurité alimentaire. Il demande à la communauté internationale de créer un fonds de consolidation de la paix au profit de la République centrafricaine.
Plusieurs organisations non gouvernementales ont pris la parole. World Evangelical Alliance, au nom également de Caritas Internationalis, a salué les évolutions enregistrées en République centrafricaine, pays qui était au bord du gouffre il y a quelques mois, mais a toutefois appelé à la vigilance. Quelles voie faudrait-il suivre pour assurer la paix dans les communautés, en ville et dans les villages, a demandé l'ONG? L'Alliance internationale d'aide à l'enfance a également estimé que la situation sécuritaire exige une surveillance étroite de la situation, en particulier dans les écoles et les universités. Dans ce contexte, l'ONG s'est réjouie de l'adoption de la résolution 2272 du Conseil de sécurité et a demandé que les Casques bleus soit drastiquement sélectionnés et formés, en particulier du point de vue de la prévention des abus sexuels.
Human Rights Watch constate aussi que la situation sécuritaire reste précaire avec plus de 9000 personnes déplacées, des violences entre milices tant chrétiennes que musulmanes qui se poursuivent, de même que les violences sexuelles faites aux femmes – qui deviennent un phénomène croissant. Dans ce contexte, l'ONG a souhaité savoir quelles difficultés dans la mise en place de la Cour pénale spéciale Mme Keita Boucoum avait identifiées.
La Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme (RADDHO) a demandé un accompagnement de la communauté internationale pour favoriser non seulement la reprise économique, mais aussi la stabilisation du pays. Que comptent faire à long terme les partenaires internationaux de la République centrafricaine pour soigner la pauvreté de la population de ce pays, qui dort sur des richesses immenses, a demandé l'ONG?
La Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH) a pour sa part estimé que les résultats des élections doit être une occasion pour le Gouvernement centrafricain d'assurer la sécurité des populations. Mais l'évasion la semaine dernière d'Abdoulaye Hissène, après son arrestation par la gendarmerie montre l'ampleur des défis à relever, a dit l'ONG, appelant la communauté internationale à intensifier son soutien technique à la République centrafricaine dans le domaine de la sécurité et de la justice. La Commission arabe des droits de l'homme a de son côté posé plusieurs questions relatives notamment aux mesures à prendre pour le désarmement, la démobilisation et la réinsertion, notamment des enfants, mais aussi contre les «milices terroristes chrétiennes» qui commettent des crimes contre l'humanité; l'ONG s'est également enquise du rôle que peuvent jouer les leaders religieux dans le retour à la paix.
Réponses et conclusion de l'Experte indépendante
MME MARIE THÉRÈSE KEITA BOCOUM, Experte indépendante sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine, a noté une «demande immense» pour l'éducation de base, ainsi qu'à tous les niveaux de l'enseignement, mais surtout en matière de formation aux droits de l'homme. Elle a espéré que des moyens seraient octroyés au Gouvernement centrafricain pour la prise en charge de l'éducation. Le Gouvernement a érigé la sécurité en priorité, ce qui est aussi très important pour que tous les étudiants musulmans puissent fréquenter l'université, a-t-elle ajouté.
La période de transition a été remarquable car de grandes tâches ont été confiées à des femmes, jusqu'au plus haut niveau de prise de décisions, a poursuivi l'Experte indépendante. Un projet de loi sur la parité a d'ailleurs été proposé par le Gouvernement de transition, a-t-elle rappelé. Il existe d'énormes défis pour l'accès des jeunes musulmanes à l'école et à l'université, a-t-elle ajouté. L'Experte indépendante a fait état d'un projet en collaboration avec ONU-femmes, le Fonds des Nations Unies pour la population (FNUAP) et la MINUSCA (Mission intégrée multidimensionnelle de stabilisation des Nations Unies en République centrafricaine) pour la formation des jeunes filles afin qu'elles s'engagent dans l'arène politique et postulent aux élections. Les femmes manquent de moyens car il faut une caution pour se porter candidat, et parfois, de confiance en elles pour s'engager, a commenté Mme Keïta BocouM.
S'agissant de la reconstruction de la chaîne pénale, elle a indiqué que c'est là que réside la difficulté car il faut réhabiliter douze juridictions et remettre tout le système en route. Il importe également de renforcer les tribunaux à l'intérieur du pays car ils existe des tribunaux illégaux qui n'ont pas lieu d'être. La MINUSCA pourrait renforcer son appui à cet égard en attendant la mise en place de la Cour pénale spéciale.
Il y a deux niveaux de mesures sur les abus sexuels: la résolution très importante adoptée par le Conseil de sécurité et la réponse de la MINUSCA, a poursuivi l'Experte indépendante. Ces abus ont dénaturé le rôle déterminant des soldats de la paix, a-t-elle déploré, avant de saluer le projet immédiat de renforcement des écoles pour que les enfants reprennent une vie scolaire et n'errent plus dans les rues, où ils sont plus vulnérables aux abus. Elle a insisté sur la formation des soldats de la MINUSCA à cette problématique.
Au sujet de la réconciliation, Mme Keita Bocoum a souligné que l'évêque, l'iman et le pasteur de Centrafrique travaillent de concert à la réconciliation; mais il est évident que celle-ci ne peut véritablement avoir lieu sans justice. Elle a «appelé de toutes ses forces» à l'établissement de la Commission Vérité et réconciliation, vigoureusement réclamée par la population. Les mesures de désarmement, de démobilisation et de réinsertion doivent être accélérées mais être fondées sur un consensus de la population tout en veillant à la lutte contre l'impunité, a ajouté l'Experte indépendante. Parmi les priorités du Président centrafricain, figurent le déploiement des juges, l'adoption de la loi sur la peine de mort, ainsi que la mobilisation des ressources pour les six mois à venir afin d'être en mesure de financer la mise en œuvre de ces priorités, a-t-elle indiqué. Est également prévu le renforcement de la police, avec notamment 500 policières, ainsi qu'un programme spécial de prévention des abus sexuels. Au sujet des victimes des violences sexuelles, l'Experte indépendante a plaidé pour un accompagnement des victimes et la responsabilisation des auteurs.
Mme Keita Bocoum a exhorté la communauté internationale à maintenir son engagement car sans accompagnement continu, il y a risque de retour à l'anormal. L'Experte indépendante a indiqué qu'elle comptait retourner prochainement en Républicaine centrafricaine pour poursuivre son analyse et son engagement.
Dialogue renforcé sur le Burundi
Déclarations liminaires
Présentant une mise à jour orale sur l'application de la résolution 30/27 du Conseil, adoptée le 2 octobre 2015, M. IVAN ŠIMONOVIÆ, Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme, a rappelé que, par sa résolution S-24/1 du 17 décembre, le Conseil des droits de l'homme avait décidé de renforcer le dialogue interactif avec le Burundi, du fait de la détérioration de la situation dans le pays. Il a rappelé qu'il s'était rendu récemment au Burundi et avait, tout comme le Secrétaire général lui-même, rencontré de hauts responsables burundais.
La situation au Burundi est très préoccupante, a estimé le Secrétaire général adjoint, qui a fait état de tensions politiques continues qui menacent d'escalader en une spirale de violences. En outre, la situation humanitaire, économique et sociale est elle aussi préoccupante, a-t-il ajouté. M. Šimonoviæ a rappelé qu'entre le début de la crise en avril 2016 et le 1er mars dernier, au moins 474 personnes ont été tuées et que 36 autres auraient été victimes de disparitions forcées. Plus de 4950 personnes ont été détenues dans le contexte de la crise, dont 1834 le restent encore. Il y a eu 496 allégations de tortures ou mauvais traitements, a précisé le Secrétaire général adjoint.
M. Šimonoviæ a indiqué que 41 personnes détenues figurant sur une liste de 125 prisonniers politiques ont été libérées la semaine dernière. Il y a vu les signes d'efforts pour rétablir l'état de droit et a exhorté les autorités burundaises à libérer tous les autres détenus politiques. Faisant état de diverses arrestations récentes, mais aussi d'intimidations, de harcèlements et de tortures, il a rappelé l'espace extrêmement réduit dont bénéficie aujourd'hui la société civile.
M. Šimonoviæ a dit avoir pris note du récent rapport de la commission d'enquête mise en place par le Ministère de la justice du Burundi et dirigée par le Procureur général du pays après les allégations d'exécutions extrajudiciaires lors des événements du 11 décembre dernier. Il a toutefois demandé d'autres enquêtes, «plus approfondies et beaucoup plus crédibles» sur les nombreuses découvertes de fosses communes dans le pays et a offert les services de médecine légale du bureau Haut-Commissariat aux droits de l'homme au Burundi.
Le Secrétaire général adjoint a noté qu'en sus des violations des droits de l'homme imputées aux forces armées, aux services de renseignements et à la milice Imbonerakure associée au parti au pouvoir, l'apparition en décembre de deux groupes d'opposition armée au Gouvernement est venue ajouter à la violence. Les attaques armées des 11 et 12 décembre et les exécutions extrajudiciaires qui les auraient suivies témoignent de ce cycle de violence, de même que les attaques quotidiennes à la grenade.
M. Šimonoviæ s'est félicité de l'accord donné per le Gouvernement du Burundi à la première mission de l'équipe d'experts indépendants mandatée par le Conseil des droits de l'homme, qui s'est rendue sur place du 1er au 8 mars dernier, ce qui a permis à M. Christof Heyns de présenter la mise à jour orale d'aujourd'hui. Le Secrétaire général adjoint aux droits de l'homme a également salué la disponibilité du Gouvernement burundais à accepter le déploiement de nouveaux observateurs des droits de l'homme de l'Union africaine, ainsi que la décision de lever l'interdiction qui pesait sur certains médias, dont radio Isanganiro et radio Rema. Toutefois, là encore, l'espace de liberté des médias reste très réduit, a fait observer M. Šimonoviæ, avant de se dire très inquiet du sort de la militante Marie Claudette Kwizera.
Pour M. Šimonoviæ, les violations des droits de l'homme actuelles au Burundi n'affectent pas seulement l'avenir du pays, mais aussi celui de toute la région des Grands Lacs. Au 4 mars, le Haut-Commissariat pour les réfugiés (HCR) faisait état de l'arrivée de 250 000 réfugiés burundais dans les pays voisins depuis le début de la crise en avril 2015, au risque de contribuer à l'instabilité politique de cette région fragile.
Le Secrétaire général adjoint a rappelé que, si ce sont surtout les droits civils et politiques qui ont été examinés ces derniers temps au Burundi, il ne fallait pas pour autant oublier les droits économiques et sociaux de la population. Il a notamment cité la malnutrition comme un sujet de préoccupation grave, alors que le Gouvernement a présenté un budget 2016 d'austérité marqué par des coupes dans les secteurs de la santé, de l'éducation et des affaires sociales qui va se traduire par des difficultés supplémentaires à fournir des services sociaux de base.
M. Šimonoviæ a rappelé que l'Union européenne, principal partenaire du Burundi, avait annoncé le 15 mars la suspension de son assistance financière aux autorités burundaises, tout en annonçant le maintien de son aide humanitaire et à la population. D'autres partenaires ont fait de même et les revenus du pays ont diminué de moitié depuis avril 2015. Le Secrétaire général adjoint a rappelé qu'un plan d'aide humanitaire de 62,3 millions de dollars a été présenté le 8 mars à Nairobi, pour venir en aide à 442 000 personnes sur une population dans le besoin estimée à 1,1 million. Un appel humanitaire doit être lancé à la fin de ce mois. Le HCR, qui a demandé pour 2016 quelque 175,1 millions de dollars pour le Burundi, a reçu à cette heure 4,7 millions, soit environ 3%, a fait observer M. Šimonoviæ.
En même temps, la communauté internationale semble disposée à se réengager en faveur du Burundi si les donateurs perçoivent des signes clairs de résolution de la crise, a fait observer M. Šimonoviæ. Il a donc rappelé la nécessité de créer un climat favorable à un dialogue inclusif pour mettre fin à la polarisation et la fragmentation actuelles de la société burundaise, qui résultent de la pauvreté croissante et de la crise politique en cours. Or, pour créer un tel climat, il est nécessaire d'assurer la liberté d'expression et de permettre à l'opposition, aux médias et à la société civile d'opérer librement. Cela suppose aussi la fin des arrestations arbitraires, exécutions extrajudiciaires et tortures, et la prise de mesures publiques et claires pour mettre fin à l'impunité, a conclu le Secrétaire général adjoint.
M. CHRISTOF HEYNS, Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires sommaires ou arbitraires et membre de la Mission d'Experts indépendants des Nations Unies sur le Burundi, a expliqué que le Conseil, par sa résolution adoptée au cours de sa session extraordinaire sur le Burundi, le 17 décembre dernier, avait créé la mission d'Experts indépendants ayant pour mandat d'empêcher que la situation des droits de l'homme ne se détériore encore. La mission s'est rendue au Burundi du 1er au 8 mars dernier. Au cours de cette visite, les Experts ont pu rencontrer des officiels gouvernementaux, des dirigeants politiques, des organisations de la société civile, des victimes de violations des droits de l'homme de même que des personnes impliquées dans la tentative de coup d'État de mai 2015. La mission a également pu visiter la prison de Gitéga.
Pour l'heure, la mission ne peut livrer que ses impressions initiales. La coopération des autorités burundaises doit être jugée à sa juste valeur. Un faisceau d'indices montre cependant que des exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires, de même que des actes de torture, de disparitions forcées ont eu lieu durant la crise et peuvent être attribués, dans certains cas, à l'État, dans d'autres, à l'opposition armée. Le bureau du Haut-Commissariat aux droits de l'homme au Burundi a ainsi documenté quelques 500 personnes tuées, 1700 arrestations et détentions arbitraires et 20 cas de disparitions forcées depuis avril 2015. Cette situation a poussé nombre de Burundais à fuir vers les pays voisins. Le Haut-Commissariat a comptabilisé 252 529 réfugiés au 21 mars 2016, a dit le Rapporteur spécial.
Par ailleurs, et en dépit de la réouverture de la radio Isanganiro et de Radio-TV REMA, la plupart des radios privées ne sont toujours pas autorisées à émettre depuis leur suspension après la tentative de coup d'État. Dix organisations de la société civile ont cessé leurs activités et trois ont vu leurs avoir gelés fin décembre. Parmi les 37 journaux publiés, seul un est jugé indépendant par la mission d'Experts, tandis que les trois réseaux de télévision sont perçus comme proches du gouvernement. La mission observe en outre que si quelques membres du gouvernement sont ouverts au dialogue, d'autres sont dans le déni et rejettent toute la faute sur des tiers. Par ailleurs, le système judiciaire n'est pas suffisamment indépendant.
Quoi qu'il en soit, les Experts sont d'avis que l'amélioration de la situation des droits de l'homme au Burundi demandera beaucoup de travail, d'autant que le gouvernement et les partis d'opposition ne partagent pas la même perception ni la même interprétation des enjeux politiques fondamentaux ni des responsabilités de chacun. Dans un contexte de confiance très réduite, personne ne doit sous-estimer le potentiel de peur, avec en arrière-plan le souvenir du passé qui influence les risques actuels et les perspectives d'avenir, a déclaré M. Heyns. Il a recommandé plusieurs mesures à court terme pour combler le déficit de gouvernance qui est au cœur des problèmes du Burundi: présence d'observateurs internationaux dans les quatre districts de Bujumbura les plus touchées par la violence, soit Mutakura, Cibitoke, Nyakabiga et Musaga; libéralisation de l'activité des organisations de la société civile; cessation des violences et des discours irresponsables portés par les acteurs politiques; ou encore ouverture d'un dialogue entre les parties en vue de résoudre les problèmes de sécurité et de gestion de crise des réfugiés.
Pays concerné
M. MARTIN NIVYABANDI, Ministre des droits humains, des affaires sociales et de l'égalité des sexes du Burundi, a déclaré qu'il était du devoir du Gouvernement du Président Pierre Nkurunziza, issu de la volonté populaire, de sauvegarder les libertés publiques, de promouvoir tous les droits avec équité et de combattre sans complaisance toute atteinte à la dignité humaine. Le Ministre a fait état d'une normalisation de la situation, que ce soit sur le plan social, économique, politique ou sécuritaire, même si des défis persistent. Les crépitements d'armes à feu qui perturbaient la quiétude des habitants de certains quartiers appartiennent désormais au passé et la plupart [des Burundais] qui avaient fui ces localités suite à la perturbation de l'ordre public par des insurgés armés retournent progressivement dans leurs ménages respectifs, a affirmé le Ministre.
M. Nivyabandi a indiqué que le désarmement de la population civile avait permis la récupération, jusqu'au 31 janvier 2016, de 1108 armes à feu de tous calibres ainsi que 28 795 munitions. Il a ajouté que la «lumière est de plus en plus faite» sur ce qui a failli encore une fois assombrir le cours de l'histoire du Burundi en 2015. En effet, des témoignages de jeunes hommes qui se rendent aux forces de l'ordre indiquent l'origine des cadavres mutilés qu'on voyait joncher les rues de la capitale chaque matin, et qui ont fait l'objet de fréquents cris d'alarme du Conseil de sécurité, de la Commission paix et sécurité de l'Union africaine, de Conseil des droits de l'homme, entre autres. Des fosses communes sont découvertes dans lesquelles «ces criminels» enterraient leurs victimes, «contrairement à ce qui avait été annoncé comme quoi les forces de sécurité et l'administration auraient enterré des civils dans des fosses communes».
Le Ministre a tenu à «fustiger une volonté manifeste et affichée de manipuler l'opinion publique sur des questions de très haute sensibilité, comme l'imminence d'un génocide contre les Tutsi du Burundi». Le Ministre burundais, qui a dit être d'origine tutsi et être fier d'appartenir à un pays où la cohésion sociale est une réalité, a ajouté que les Burundais sont confrontés à d'autres défis et ont démontré, en 2015, qu'ils ont décidé de tourner la page en renforçant la culture démocratique, la consolidation de la paix et l'unité nationale. Il a rassuré le Conseil déclarant qu'il «n'y aura plus jamais d'actes de génocide qui viendront endeuiller, encore une fois, la nation burundaise».
M. Nivyabandi a signalé que la question des réfugiés est une grande préoccupation pour son Gouvernement. Certaines personnes ont fui, prises de panique; d'autres ont quitté le pays logiquement lors de l'insurrection armée qui a débuté fin avril 2015. Le Ministre a constaté que des irresponsables, guidés par la course au pouvoir et servant des intérêts idéologiques étrangers, indiquent publiquement qu'ils ont reçu des entraînements paramilitaires et des armes au Rwanda, certains avouant même l'assassinat des trois religieuses catholiques en septembre 2014 au couvent de Kamenge, les incendies du marché de Bujumbura et du commerce T2000 tenu par des ressortissants chinois.
Le Gouvernement du Burundi accuse également la Belgique, ancien colonisateur, d'avoir initié et entretenu une politique de division, source de toutes les crises sanglantes que le Burundi a connues en 1961, 1965, 1969, 1972-73, 1993, y compris le putsch manqué de 2015, puisque ce pays héberge des putschistes qui jouissent d'un appui logistique de la part de l'administration belge.
Le Ministre a ajouté que le Gouvernement burundais, quant à lui, «pose des actes notables» pour améliorer la situation des droits de l'homme, promouvoir les libertés publiques et d'opinion, la liberté de la presse et surtout, pour créer un climat favorable au dialogue inter-burundais le plus inclusif possible dans les limites des lois en vigueur, et conformément aux recommandations de la résolution 2248 du Conseil de sécurité. La Commission Vérité Réconciliation a été officiellement établie le 4 mars, dernière étape dans la mise en application de l'Accord d'Arusha. Plus de 200 sur un total de 553 personnes arrêtées dans les mouvements de rébellion et insurrection, dont des mineurs, ont déjà bénéficié de la clémence de l'autorité judiciaire et été libérées. Le Procureur général de la République vient de lever 15 mandats internationaux d'arrêts émis contre certains acteurs politiques ou de la société civile soupçonnés d'avoir soutenu la tentative de renversement des institutions avant les élections de 2015.
En conclusion, le Ministre a souligné que le Burundi d'aujourd'hui ne saurait être une terre où l'impunité a élu domicile et que le Gouvernement n'aura pas de répit aussi longtemps que sur le territoire il y aura des individus qui veulent plonger le pays dans le chaos. «Tous ces crimes du passé et actuels doivent être châtiés conformément à la loi, malgré la complexité de notre histoire», a-t-il assuré, demandant à la communauté internationale, dans un cadre de solidarité internationale, de soutenir le Burundi.
Autres déclarations liminaires
M. JEAN BAPTISTE BAIRONEKEZA, Président de la Commission indépendante des droits de l'homme au Burundi, a déclaré que les violentes manifestations contre la candidature du Président Pierre Nkurunziza, pourtant entérinée par la Cour constitutionnelle, le coup d'État manqué du 13 mai 2015 ainsi que les violences politique ultérieures avaient eu des conséquences négatives sur les droits de l'homme, avec au moins 381 personnes tuées entre avril et décembre de la même année. La société civile et les médias ont également été affectés. La Commission a noté avec préoccupation les sanctions politiques prises sans égard au droit d'être entendu par un juge indépendant et impartial, de même que les mesures de suspension de la coopération avec le Burundi, qui pénalisent la population.
Le président de la Commission a noté une relative accalmie depuis le début de l'année, avec la libération récente de 333 des personnes arrêtées dans le cadre des manifestations, la réouverture de cinq radios privées détruites au cours du coup d'État avorté et le début du dialogue inter-burundais. La Commission a notamment recommandé la prise de mesures adéquates pour encadrer la jeunesse, la réouverture progressive des médias privés et la révision des mesures de restriction des activités de la société civile, le tout sans préjudice des responsabilités individuelles ou corporatives devant la justice. Elle a aussi appelé à doter le ministère de la justice de moyens suffisants et à poursuivre résolument le dialogue politique et le désarmement des civils et à désengorger les prisons par l'accélération des procès.
M. JEAN MARIE EHOUZOU, Représentant de l'Union africaine à Genève, a rappelé que la session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme consacrée, le 17 décembre 2015, à la situation au Burundi avait été convoquée à la demande de l'Union africaine. Il a ensuite demandé à la mission d'Experts indépendants de s'appuyer dans la mesure du possible sur l'expertise de l'Union africaine et de la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples.
M. Ehouzou a rappelé l'évolution de la crise et de l'implication de l'Union africaine. Dès juillet 2015, l'Union africaine avait déployé au Burundi une équipe d'observateurs des droits de l'homme et d'experts militaires. Fin 2015, l'Union africaine avait souligné le besoin d'un financement urgent et suffisant pour pouvoir déployer ses observateurs sur place. L'Union africaine a décidé, à la 26e conférence des chefs d'États et de Gouvernement de l'Union africaine tenue à Addis Abeba en janvier dernier, de dépêcher une délégation de haut niveau au Burundi, composée de cinq chefs d'États et de Gouvernements. Ils se sont rendus dans le pays les 25 et 26 février, puis ont publié un communiqué exprimant leur préoccupation face à la poursuite des violences, aux violations des droits de l'homme et à la situation humanitaire.
À ce jour, l'Union africaine estime qu'il existe une convergence des efforts régionaux et internationaux pour sortir le Burundi de la situation difficile dans laquelle il se trouve. La conjugaison de tous ces efforts permettra, estime l'Union africaine, d'arriver à bon port. Quoiqu'inquiète de la situation des droits de l'homme sur le terrain, l'Union africaine se dit confortée et encouragée par l'engagement positif des autorités burundaises, souligné dans des rapports de différentes sources. Pour l'Union africaine, le respect des accords d'Arusha est une priorité, de même que la lutte contre l'impunité.
L'Union africaine met en outre l'accent sur le soutien de la communauté internationale. M. Ehouzou a affirmé que l'Afrique ne ménagerait aucun effort ni aucun moyen pour prendre en charge tous les problèmes de l'Afrique, en premier lieu par des moyens africains. Mais l'Afrique ne peut pas tout faire seule et a donc besoin du soutien de la communauté internationale. Ainsi, le déploiement d'observateurs militaires et des droits de l'homme reste loin de l'objectif annoncé, faute de moyens.
M. Ehouzou a enfin rappelé que 2016 avait été proclamée «année des droits de l'homme en Afrique». Ce doit être pour l'Afrique l'occasion de s'interroger sur ce qu'elle peut faire de plus. Elle compte dans ce cadre sur le soutien du Haut-Commissariat et du Conseil des droits de l'homme.
M. PIERRE CLAVER MBONIMPA, Président de l'Association pour la protection des droits humains des personnes détenues (APRODH) a déclaré que la présentation faite par le Gouvernement du Burundi, par le biais de sa délégation à Genève, contredit tous les faits sur le terrain. Il a précisé que son organisation a mené des enquêtes et documenté de nombreuses violations des droits de l'homme, dont des cas de torture, d'assassinats, de disparitions forcées, entre autres; elle a même découvert des fosses communes, a-t-il affirmé, avant de demander à la délégation du Burundi où ont été jeté les cadavres des militaires tués au lendemain de la tentative de coup de mai 2015, si ce n'est dans des fosses communes, que lui-même en personne a vues. M. Mbonimpa a indiqué que son Association avait également documenté que des jeunes proches du pouvoir suivent un entrainement militaire en République démocratique du Congo. Des personnes ont été emprisonnées sans procès, assassinées dans les prisons et leur cadavre retrouvé dans les rivières, a-t-il poursuivi, ajoutant que face à cette réalité, aucune enquête gouvernementale n'a été ouverte. M. Mbonimpa a indiqué avoir passé lui-même cinq mois en prison et a ajouté que son fils avait été assassiné. Il a demandé au Conseil des droits de l'homme ce qu'il comptait faire, alors que la situation des droits de l'homme continue de se dégrader, avec des arrestations arbitraires. La communauté internationale doit aider le Burundi, a-t-il conclu.
Débat interactif
L'Union européenne a encouragé les autorités burundaises à poursuivre la coopération avec la Mission d'experts indépendants et d'autres représentants des Nations Unies. L'Union européenne a jugé nécessaire de mettre en œuvre une série d'actions concrètes pour améliorer la situation au Burundi où elle reste très préoccupée par les multiples allégations de violations graves des droits de l'homme graves de la part des forces de sécurité. Elle appelle toutes les parties à cesser la violence et à reprendre le dialogue inter-burundais dans l'esprit de l'Accord d'Arusha. Elle demande aux autorités burundaises de faciliter le déploiement des observateurs de l'Union africaine.
La Belgique a demandé aux autorités burundaises d'agir et de mettre fin à l'impunité. Elle s'est en revanche félicitée de la libération de 47 détenus politiques et de la prise d'autres mesures d'apaisement. Cette orientation doit être confirmée, après quoi les partenaires du Burundi se tiendront prêts à le soutenir dans son développement. La Belgique a par ailleurs dit son étonnement face aux propos du Burundi sur le prétendu rôle qu'elle aurait joué dans la tentative de putsch l'année dernière et les a rejetés. La France a salué l'intervention de M. Mbonimpa, estimant important que la société civile burundaise puisse se faire entendre devant le Conseil. La France est d'ailleurs très préoccupée par la répression contre la société civile et les journalistes et demande que soit mis fin à l'impunité. Elle demande en outre au Burundi de coopérer avec le bureau du Haut-Commissariat dans le pays ainsi qu'avec la Mission d'experts indépendants. La France salue l'engagement de l'Union africaine et espère que l'engagement des acteurs régionaux restera fort.
L'Autriche a estimé que, malgré des efforts récents et un certain nombre d'annonces de la part des autorités burundaises, l'engagement de ces dernières restait insuffisant. Le Burundi qui, en tant que membre actuel du Conseil des droits de l'homme a une responsabilité particulière, doit prendre immédiatement des mesures pour mettre fin aux graves violations des droits de l'homme et créer un environnement favorable à l'expression des médias et de la société civile. Le Portugal est allé dans le même sens, avant de demander aux experts quels étaient les principaux défis aujourd'hui en termes humanitaires et de droits de l'homme.
L'Espagne s'est dite préoccupée par la détérioration de la situation des droits de l'homme au Burundi et a indiqué soutenir le travail des observateurs de l'Union africaine, ainsi que celui des experts mandatés par le Conseil. Elle salue les récentes libérations mais condamne les violences, notamment sexuelles, et leur apparente dérive ethnique. L'Albanie a constaté un dégradation de la situation des droits de l'homme au Burundi depuis la session extraordinaire du Conseil des droits de l'homme du 17 décembre dernier. Elle est notamment préoccupée par les violations des libertés fondamentales d'expression et de pensée par les autorités, ainsi que par la répression et les attaques contre les défenseurs des droits de l'homme, qui doivent être publiquement condamnées. La Grèce est préoccupée par la dégradation des droits de l'homme au Burundi, condamne tous les actes violents et appelle les autorités à respecter leurs obligations internationales en matière de droits de l'homme.
Le Japon a jugé très important que la résolution S-24/1 du Conseil soit appliquée et que la première mission d'expert ait pu être déployée au Burundi dans les temps. II juge important que la résolution soit appliquée de manière à produire des résultats concrets. Le Japon salue par ailleurs les gestes positifs faits par le Gouvernement du Burundi, ainsi que les engagements pris par ce Gouvernement vis-à-vis de la communauté internationale, y compris en janvier à l'occasion d'une mission dans le pays du Conseil de sécurité des Nations Unies, à laquelle le Japon participait. Le Japon espère que ces engagements seront rapidement respectés. Le Canada a souligné le travail du Haut-Commissariat au Burundi, a pris note de l'engagement récent du pouvoir burundais en faveur du dialogue mais a demandé des mesures concrètes et a rappelé les obligations du Gouvernement en matière de droits de l'homme. Le Canada aimerait savoir où en est le Gouvernement burundais dans l'établissement d'un dialogue inclusif avec la société civile. Le Mexique a salué les efforts en faveur d'un dialogue inclusif et a invité instamment tous les acteurs à respecter le droits de l'homme et le droit international humanitaire. Il estime qu'il est important de coordonner les efforts nationaux, régionaux et internationaux et rappelle que la reddition des comptes est essentielle.
L'Égypte s'est félicitée de certaines démarches positives entreprises par le Gouvernement du Burundi, y compris son acceptation de la Mission d'experts indépendants envoyés par le Conseil des droits de l'homme. Elle estime que la réalisation des droits de l'homme dans le pays dépend du rétablissement de la stabilité interne. Elle salue en outre les efforts de l'Union africaine et de la Communauté des États de l'Afrique de l'Est. Le Sénégal s'est félicité des différentes démarches de la communauté internationale et a rappelé qu'il fallait trouver une solution politique à la crise. Il a estimé que l'engagement du Président burundais en faveur d'un dialogue inter-burundais inclusif, pris devant le Secrétaire général des Nations Unies, allait dans le bon sens.
Le Royaume-Uni a déploré les nombreuses violation des droits de l'homme commises par les parties et s'est également dit alarmé par les restrictions et entraves imposées aux organisations de la société civile et par les cas de violence sexuelle . Comment la communauté internationale peut-elle encourager la coopération entre le Gouvernement et la société civile, a demandé le Royaume-Uni? Cette absence de dialogue inclusif entre les parties prenantes, créant un environnement propice à la violence, inquiète fortement les Pays-Bas, qui ont rappelé entretenir une relation de longue date avec le Burundi. Les Pays-Bas ont appelé le Gouvernement burundais à prendre des mesures pour créer les conditions d'un accord. Quel rôle peut jouer à cet égard la commission nationale pour la vérité et la réconciliation, a demandé la délégation néerlandaise? Il est en effet clair que seul un dialogue inclusif peut permettre une sortie de crise, a souligné le Luxembourg, appelant le Burundi, pays membre du Conseil, à coopérer pleinement avec la Mission d'experts indépendants du Conseil et les observateurs de l'Union africaine. Les États-Unis appellent aussi à cette coopération, de même qu'à la libération de tous les prisonniers politique, comme le Président Nkurunziza s'y est engagé. Quelles sont les possibilités dont dispose la communauté internationale pour demander des comptes aux auteurs de violations des droits de l'homme, ont demandé les États-Unis?
En dépit de la pression internationale exercée sur ce pays, les résultats restent peu tangibles, a pour sa part observé la République tchèque, avant de demander si les experts mandatés par le Conseil avaient pu constater que le Gouvernement burundais avait l'intention de respecter l'état de droit. La Chine a pour sa part salué les initiatives en cours pour ramener le dialogue. La Chine appuie les Africains pour qu'ils résolvent cette crise eux-mêmes, à leur façon. La Libye a salué les mesures prises non seulement par l'Union africaine, mais aussi par les autorités du Burundi qui, selon la délégation libyenne, ont adopté des mécanismes pour lutter contre l'impunité et pour instaurer un dialogue, notamment au travers d'une commission nationale pour le dialogue.
L'Algérie a noté qu'à la crise politique au Burundi s'étaient ajoutées une crise humanitaire et une situation sécuritaire difficile. L'Algérie appelle les différentes parties burundaises à dialoguer en plaçant l'intérêt de l'ensemble des Burundais au-dessus de toute autre considération. L'Algérie salue les différents efforts de médiation et appelle toutes les parties à dialoguer sur la base et dans l'esprit de l'Accord d'Arusha. Le Conseil des droits de l'homme devrait poursuivre sa coopération avec le Burundi; le Haut-Commissariat devrait mettre à sa disposition l'assistance technique dont le pays a besoin. Le Ghana invité le Gouvernement du Burundi à désarmer les groupes armés et à œuvrer de concert avec toutes les parties prenantes sur le terrain. Le Ghana a appelé à la levée à toutes les restrictions à la société civile et à la presse au Burundi.
La République démocratique du Congo a exprimé au peuple et au gouvernement belges ses condoléances à l'issue des attentats de ce matin à l'aéroport de Zaventem et dans le métro de Bruxelles. Les propos de M. Jean Claver Mbonimpa – alléguant que des jeunes Burundais étaient formés à l'action violente en République démocratique du Congo – sont des insinuations inacceptables que ce pays a catégoriquement rejetées. Il a, par contre réitéré, la disponibilité du Gouvernement congolais à tout mettre en œuvre pour continuer à offrir de bonnes conditions d'accueil aux réfugiés et assurer la sécurité dans les camps qui les hébergent. La République démocratique du Congo a encouragé le Gouvernement du Burundi à poursuivre ses efforts en vue d'étendre la paix et la sécurité sur tout le territoire, et exhorté le Haut-Commissariat, les organismes humanitaires et les bailleurs de fonds à rendre disponibles des moyens conséquents capables d'aider à juguler la crise. La Tanzanie a salué les changements intervenus à l'initiative du Gouvernement, qu'elle a appelé à placer le Burundi et son peuple au-dessus de tout autre intérêt. Elle a exhorté la communauté internationale à rester engagée, notamment par un appui financier et humanitaire.
Le Rwanda a aussi présenté ses vives condoléances à la Belgique. Il a assuré que les déclarations et accusations du Ministre de la justice burundais n'avaient aucun fondement. Plutôt que de combattre l'impunité et d'entamer un dialogue inclusif, le Burundi a choisi d'extérioriser le conflit, a regretté le Rwanda. L'Afrique du sud, au nom du Groupe africain, a salué la coopération du Burundi avec les mécanismes internationaux des droits de l'homme et le fait que la Commission Vérité et Réconciliation en soit arrivée à sa phase opérationnelle.
Le Gabon a rappelé les encouragements adressés au Burundi par les États membres de la Communauté des États de l'Afrique centrale lors du Sommet de Libreville (25 novembre 2015). Il s'est félicité de toutes les mesures positives prises récemment par le Burundi, et notamment la libération de plusieurs détenus, dont des personnes vulnérables. Le Gabon invite le Burundi à continuer de coopérer avec la communauté internationale et l'Union africaine pour une sortie de crise urgente. L'Angola a salué les efforts du Burundi et s'est associé au message du Secrétaire général en faveur d'un dialogue inclusif. L'Angola continuera d'appuyer le peuple du Burundi sur la voie de la paix, de la réconciliation et du développement. Il invite le Conseil des droits de l'homme et le Haut-Commissariat à redoubler d'efforts en matière d'assistance technique au Burundi.
La Nouvelle-Zélande s'est dite préoccupée par les violations des droits de l'homme au Burundi, a appelé tous les Burundais à agir pacifiquement et le Gouvernement à assurer la protection de tous ses citoyens. La Nouvelle-Zélande juge le dialogue inter-burundais particulièrement important. La République de Corée a estimé que le Burundi avait réagi positivement en acceptant la visite des experts mandatés par le Conseil des droits de l'homme. Elle est toutefois très préoccupée par la poursuite des violations des droits de l'homme au Burundi, estimant que le Gouvernement et les parties prenantes devraient travailler pour améliorer la situation des droits de l'homme sur le terrain.
L'Allemagne a estimé que le format du «dialogue renforcé» rendait le Conseil des droits de l'homme plus efficace et qu'il pourrait être appliqué en d'autres occasions. En même temps, l'Allemagne estime que la situation des droits de l'homme s'est encore aggravée au Burundi.
L'Irlande a salué les mesures prises par le nouveau gouvernement du Burundi, notamment la libération de prisonniers et la réouverture des médias privés, tout en insistant pour qu'un terme soit mis à l'impunité, notamment pour des faits d'intimidation et de harcèlement des défenseurs des droits de l'homme. La Suisse a condamné les actes de violence et la détérioration continue des droits de l'homme et la répression de tous ceux qui osent une critique. Elle a recommandé un dialogue inclusif, sincère et intensifié.
Les organisations non gouvernementales qui se sont exprimées ont présenté leurs condoléances à la Belgique, suite à la série d'attentats qui a visé Bruxelles ce matin. World Evangelical Alliance a déclaré qu'il fallait éviter que la situation au Burundi ne dégénère et ne finisse par ressembler à celle du Soudan du Sud. Le gouvernement burundais doit assumer ses responsabilités, a dit l'organisation, l'appelant à suivre les exemples de la Sierra Leone et de la République centrafricaine. Dominicains pour justice et paix - Ordre des frères prêcheurs, au nom également de Franciscain international, a déclaré que la crise au Burundi était le reflet d'une société qui porte encore des stigmates du passé. En dépit des premières mesures adoptées par le gouvernement, la méfiance règne toujours entre les parties. L'organisation a appelé à l'instauration d'un dialogue constructif et inclusif, y compris avec les Burundais et la société civile burundaise de l'étranger. Toute la question est de savoir comment amorcer ce dialogue inclusif, a souligné CIVICUS - Alliance mondiale pour la participation des citoyens.
Human Rights Watch a lui aussi déploré que la délégation du Burundi minimise les faits, alors que des assassinats, des exécutions extrajudiciaires et des disparitions forcées sont commis de fait. Depuis le début de la crise, la journée du 11 décembre 2015 a été la plus sombre: nombre de personnes ont été tuées ce jour-là à coup de barres de fer ou de machettes. Amnesty International a également déploré ce décalage, d'autant plus frappant que l'ONG a dit avoir déjà documenté ces faits, y compris la découverte de cinq charniers.
Espace Afrique International a qualifié d'inadmissible ce qu'il se passe au Burundi. «Quel exemple veut-on laisser aux générations futures lorsque l'on est pas capable de respecter ses engagements, y compris lorsque l'on prête serment sur la Constitution ?». La pratique qui se généralise en Afrique consistant à modifier les constitutions pour se maintenir au pouvoir doit cesser. L'ONG a appelé le Burundi à regarder ce qui vient de se passer au Benin, où le président a quitté le pouvoir après deux mandats comme le prévoit la Constitution.
Le Service international pour les droits de l'homme aussi a appelé le Burundi, membre du Conseil des droits de l'homme, à respecter les principes les plus élémentaires des droits de l'homme. A défaut, le Conseil devrait envisager de transmettre de tels cas à l'Assemblée générale afin qu'elle puisse exclure les pays qui ne respectent pas ces principes de base. Le Centre indépendant de recherches et d'initiatives pour le dialogue (CIRID) s'est réjoui de la coopération dont fait a preuve ces derniers mois le gouvernement burundais, y compris avec la société civile, l'invitant à maintenir cette attitude.
Réponses et conclusions
M. HEYNS a prié le Gouvernement burundais de communiquer à l'avance la date de la prochaine visite de la Mission d'experts indépendants et de l'assurer qu'il n'y aura pas de représailles à l'égard des personnes avec lesquelles elle s'entretiendra. Les entretiens avec les femmes et les enfants victimes constituent une priorité, a-t-il souligné. Il a aussi appelé à réunir les conditions nécessaires à la tenue effective d'un dialogue national. Partant, il faut ouvrir l'espace, permettre un fonctionnement normal de la société civile et garantir le retour de ceux qui ont dû fuir le pays. La Commission Vérité et Réconciliation en est à ses balbutiements mais à l'évidence, ses membres doivent être entièrement indépendants, surtout lorsqu'ils commenceront effectivement les travaux. M. Heyns a exhorté à la préservation des archives aux fins de rendre compte, aux niveaux de la justice nationale et internationale, des crimes commis. Il a enfin précisé que la Mission est composée de trois experts, dont deux des Nations Unies et un de la Commission des droits des peuples et de l'homme de l'Union africaine.
M. ŠIMONOVIÆ a été informé d'allégations de violences sexuelles commises à titre de représailles après les attaques du 11 décembre. D'autres allégations concernent des cas individuels. Les enquêtes n'ont pour le moment pas abouti; les allégations à l'encontre des forces de sécurité sont difficiles à établir. On ne peut pas considérer que le système de la justice burundaise soit indépendant. Il n'est pas possible actuellement de renforcer ses capacités du fait de l'implication des forces de l'ordre dans des violations des droits de l'homme. Pour l'instant, il faut enregistrer les atteintes aux droits de l'homme et récolter des preuves en espérant qu'un jour la reddition de comptes sera une réalité. Il y a aussi la possibilité de faire appel à la Cour pénale internationale, a rappelé M. Šimonoviæ.
M. NIVYABANDI a affirmé que les Imbonerakune n'étaient pas une milice mais un mouvement affilié au pouvoir. Le Burundi continue de souffrir de problèmes structurels. «Le pays regorge de fosses communes», héritées des crimes du passé. Pour les événements récents, en revanche, les enquêtes du Procureur n'ont pas permis de trouver de fosses communes. Par ailleurs, les violences basées sur le genre sont un phénomène de société mais il ne semble pas que les violences sexuelles soient utilisées comme armes de guerre. Le Ministre a précisé que le Burundi n'avait pas changé de Constitution.
M. EHOUZOU a remercié toutes les délégations qui avaient salué les efforts de l'Union africaine face à la crise burundaise. Il a rappelé l'engagement de l'Union africaine mais a répété qu'elle ne pouvait pas tout faire à elle seule. L'Union africaine a besoin du soutien de la communauté internationale, en particulier pour financer le déploiement des observateurs des droits de l'homme et des militaires de l'Union africaine.
M. MBONIMPA a estimé qu'il était difficile pour la justice burundaise de travailler convenablement pour lutter contre l'impunité car elle n'est pas indépendante. Il a rappelé que le Président du pays cumulait les fonctions, entre autres, de chef militaire et des forces de sécurité, mais aussi de président du conseil de la magistrature. Donc, la justice ne peut pas travailler de manière indépendante. Quant aux Imbonerakune, ils ne sont certes pas tous des miliciens, mais M. Mbonimpa a assuré avoir vu des armes stockées dans des maisons qui leur ont ensuite été distribuées, ainsi qu'à la population.
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* Délégations ayant participé au débat sur la situation des droits de l'homme en République centrafricaine: République du Congo, Tchad, Angola, Mali, Guinée équatoriale, Botswana, Suisse, Pays-Bas, Gabon, Sierra Leone, Maroc, World Evangelical Alliance (au nom également de Caritas Internationalis), Alliance internationale d'aide à l'enfance, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme (FIDH), Commission arabe des droits de l'homme, Human Rights Watch, et Rencontre Africaine pour la défense des droits de l'homme.
** Délégations ayant participé au dialogue sur la situation des droits de l'homme au Burundi: Débat interactif avec le Rapporteur spécial sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires ou arbitraires: Union européenne, Belgique, France, Autriche, Portugal, Espagne, Albanie, Grèce, Japon, Canada, Mexique, Égypte, Sénégal, Royaume-Uni, Pays-Bas, Luxembourg, États-Unis, République tchèque, Chine, Libye, Algérie, Ghana, République démocratique du Congo, Tanzanie, Rwanda, Afrique du sud (au nom du Groupe africain), Gabon, Angola, Nouvelle-Zélande, République de Corée, Allemagne, Irlande, Suisse, World Evangelical Alliance,Dominicains pour justice et paix - Ordre des frères prêcheurs (au nom également de Franciscain international), CIVICUS: Alliance mondiale pour la participation des citoyens, Human Rights Watch, Amnesty International,Espace Afrique International,Service international pour les droits de l'homme, CIRID (Centre Indépendant de Recherches et d'Initiatives pour le Dialogue).
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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel