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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité des droits de l’enfant examine le rapport du Kenya

Les enfants au Kenya

21 Janvier 2016

GENEVE (21 janvier 2016) - Le Comité des droits de l’enfant a examiné, aujourd’hui, le rapport du Kenya sur les mesures prises par ce pays pour donner effet aux dispositions de la Convention relative aux droits de l’enfant.
 
Présentant ce rapport, M. Githu Muigai, Procureur général du Kenya, a reconnu qu’un grand nombre des moins de 14 ans dans ce pays se trouve en situation de vulnérabilité.   La Constitution de 2010 prend en compte les droits de l’enfant et vise à les renforcer, a-t-il fait valoir.  Si la législation définit le mineur comme un individu de moins de 18 ans, un travail est néanmoins en cours pour harmoniser l’ensemble des dispositions existantes dans la loi afin d’en éliminer les ambigüités et les définitions contradictoires dans ce domaine, a-t-il par ailleurs indiqué.  La Loi sur l’enfance de 2001 est en cours de révision, en vue d’une harmonisation avec la Constitution, a ajouté M. Muigai. 
 
Au Kenya, le taux de mortalité infantile est passé de 52 à 39 pour mille entre 2008 et 2014, tandis que la couverture vaccinale a atteint 79%, a ensuite fait valoir M. Muigai.  Par ailleurs, le taux de scolarisation, qui dépassait les 52% en 2011, est en hausse, a poursuivi le Procureur général.  De nouveaux tribunaux pour mineurs ont été créés sur tout le territoire, améliorant ainsi l’accès à la justice juvénile, a-t-il également fait valoir.  Parmi les défis à relever, M. Muigai a mentionné le fait qu’une grande partie de la population vivait sous le seuil de pauvreté, avec pour conséquence des  fléaux tels que le travail des enfants, leur exploitation sexuelle ou encore la traite.  On estime que le pays compte 2,4 millions d’orphelins, dont près de la moitié le sont à la suite du décès de leurs parents à cause du VIH/sida, a précisé le Procureur général.  Un projet de loi sur le travail des enfants est actuellement examiné par l’Assemblée nationale, a-t-il indiqué, ajoutant que des plans d’action contre l’exploitation sexuelle et la traite ont été élaborés.
 
La délégation du Kenya était également composée de Mme Joyce Ngugi, Présidente du Conseil national des services aux enfants, ainsi que de représentants du Ministère de la santé; du Ministère du travail; et du Secrétariat aux affaires est-africaines. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, de la Commission nationale des droits de l'homme; de la participation des enfants; du Plan national d’action pour les enfants;  du processus de décentralisation; des questions de citoyenneté; des réfugiés; des questions d’éducation et de santé; des mariages et des grossesses précoces;  de l’avortement; de la polygamie; des châtiments corporels et autres formes de violence faite aux enfants; de l’adoption;  de la traite de personnes; de la justice juvénile; ou encore du travail des enfants. 
 
Le corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kenya, M. Hatem Kotrane, s’est inquiété de la non-ratification à ce stade du Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et a estimé important que le Kenya ratifie également le troisième Protocole facultatif à la Convention, qui instaure une procédure de plaintes individuelles.  M. Kotrane a ensuite exprimé la préoccupation du Comité s’agissant de la part du budget national consacrée aux dépenses sociales, qui semble être en baisse malgré la croissance économique du pays et l’augmentation du budget de l’État depuis plusieurs années.  Il s’est par ailleurs dit préoccupé par la prévalence élevée de la prostitution et de la pornographie impliquant des enfants, notamment dans le secteur du tourisme.  Le corapporteur a par ailleurs constaté que les enfants souffrant d’un handicap étaient souvent stigmatisés, confinés à la maison voire abandonnés et a souligné que les écoles étaient rarement équipées pour les accueillir.  M. Kotrane a également fait part de sa crainte que la marginalisation sociale, économique et politique de certains groupes religieux ou ethniques ne contribue à la radicalisation et à l’enrôlement d’enfants par des groupes armés non étatiques.  En outre, certaines mesures de lutte contre le terrorisme – les attaques massives en particulier – ne semblent pas répondre aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, a ajouté M. Kotrane.  Le corapporteur s’est par ailleurs inquiété du fait que l’âge de la responsabilité pénale soit fixé à huit ans.  Il a aussi relevé la lenteur avec laquelle les normes internationales sont intégrées dans le fonctionnement des tribunaux des enfants.
 
La corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport kényan, Mme Olga Khazova, s’est notamment inquiétée d’informations faisant état de meurtres d’enfants albinos dans le cadre d’un trafic d’organes.  D’autre part, les mariages précoces sont très répandus dans les campagnes, tandis que les mutilations génitales féminines demeurent courantes dans certaines régions, a-t-elle ajouté. 
 
Le Comité adoptera ultérieurement, lors de séances à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Kenya et les rendra publiques à l’issue de la session, qui doit clore ses travaux le vendredi 29 janvier prochain.
 
Demain matin, à 10 heures, le Comité entamera, en salle XXIV du Palais des Nations, l’examen du rapport de la Zambie (CRC/C/ZMB/2-4).
 
 
Présentation du rapport du Kenya

Le Comité est saisi du rapport périodique du Kenya (CRC/C/KEN/C/3-5) ainsi que des réponses du pays (CRC/C/KEN/Q/3-5/Add.1) à la liste de points à traiter que lui a adressée le Comité (CRC/C/KEN/Q/3-5).
 
Présentant ce rapport, M. GITHU MUIGAI, Procureur général du Kenya, a rappelé que son pays est peuplé de 40 millions d’habitants et que sa croissance démographique est de 2,2%, plus de la moitié de la population (53%) étant âgée de moins de 18 ans.  Un grand nombre des moins de 14 ans se trouve en situation de vulnérabilité, a-t-il reconnu.  La Constitution de 2010 prend en compte les droits de l’enfant et vise à les renforcer, a-t-il fait valoir.  Si la législation définit le mineur comme un individu de moins de 18 ans, un travail est néanmoins en cours pour harmoniser l’ensemble des dispositions existantes dans la loi afin d’en éliminer les ambigüités et les définitions contradictoires dans ce domaine, a-t-il par ailleurs indiqué.  La Loi sur l’enfance de 2001 est en cours de révision, en vue d’une harmonisation avec la Constitution, a ajouté M. Muigai.
 
M. Muigai a ensuite énuméré les politiques et programmes, ainsi que les cadres juridiques qui
régissent les droits de l’enfant.  Il a notamment cité la Politique nationale de l’enfance, le Plan
national d’action pour les enfants à l’horizon 2022 qui s’inscrit dans la logique de «Vision Kenya 2030», fixant les objectifs du pays pour les quinze années à venir.  Il s’agit de faire du Kenya un pays en voie d’industrialisation, à revenu moyen pour tous ses citoyens, dans un environnement sain et sûr, a-t-il précisé.  Le pays vise à atteindre une croissance de dix pour cent d’ici l’an prochain tout en veillant à réduire la pauvreté et les inégalités, s’agissant notamment des orphelins et des enfants vulnérables.  Ces derniers relèvent de l’autorité du Ministère du travail, de la sécurité sociale et des services qui chapeaute le Conseil national des services aux enfants, ainsi que le Département des services à l’enfance, le second étant la branche exécutive du premier.  Ce Département est décliné aux différents échelons du niveau local sous la forme des conseils consultatifs locaux.  Les secteurs privé, caritatif et associatif sont fortement impliqués dans la mise en place des mesures prises, a souligné le Procureur général.
 
Au Kenya, le taux de mortalité infantile est passé de 52 à 39 pour mille entre 2008 et 2014, tandis que la couverture vaccinale a atteint 79%, a ensuite fait valoir M. Muigai ; la malnutrition est en diminution, le taux de retard de croissance étant passé de 35 à 26% dans la même période.  Quant à la contamination par le VIH/sida, le nombre de nouvelles infections est en baisse ; il est passé de 23 000 à 13 000 nouveaux cas annuels entre 2007 et 2013.  Il en va de même pour la mortalité maternelle, qui est passée de 488 à 362 décès pour 100 000 naissances viables depuis 2008-2009.  On s’attend à une poursuite de ces infléchissements grâce, notamment, à la campagne «Beyond Zero» lancée par la première dame, Mme Margaret Kenyatta, via le Ministère de la santé.
 
Par ailleurs, le taux de scolarisation, qui dépassait les 52% en 2011, est en hausse, a poursuivi le Procureur général.  Dans le secondaire, le nombre d’élèves approchait les deux millions en 2012 contre environ 1,4 million quatre ans plus tôt.  En 2008, a été lancé un programme en faveur de la gratuité de l’inscription au secondaire, a fait valoir M. Muigai. 
 
Le bilan du Plan national d’action 2008-2012 indique un renforcement constitutionnel et législatif de la protection de l’enfance en ce qui concerne la traite des êtres humains, la lutte contre l’alcoolisme, l’interdiction des mutilations génitales féminines, l’amélioration des services aux orphelins et aux enfants vulnérables, le placement en famille d’accueil ou encore l’exploitation sexuelle des mineurs, a indiqué le Procureur général.  En outre, la politique nationale de l’enfance de 2010 renforce la protection des enfants handicapés et depuis 2011, le Conseil national des personnes handicapées gère un fonds spécifique à cette fin.  De nouveaux tribunaux pour mineurs ont été créés sur tout le territoire, améliorant ainsi l’accès à la justice juvénile, a également fait valoir M. Muigai.  Des mesures ont également été prises afin d’améliorer l’enregistrement des naissances, a-t-il ajouté. 
 
Une Assemblée des enfants du Kenya a été créée en 2012, aux niveaux national et local, afin de renforcer la participation des enfants et de solliciter leur avis sur les questions les concernant.
 
Parmi les défis à relever, M. Muigai a mentionné le fait qu’une grande partie de la population vivait sous le seuil de pauvreté, avec pour conséquence des  fléaux tels que le travail des enfants, leur exploitation sexuelle ou encore la traite.  On estime que le pays compte 2,4 millions d’orphelins, dont près de la moitié le sont à la suite du décès de leurs parents à cause du VIH/sida, a précisé le Procureur général.  Un projet de loi sur le travail des enfants est actuellement examiné par l’Assemblée nationale, a-t-il indiqué, ajoutant que des plans d’action contre l’exploitation sexuelle et la traite ont été élaborés.
 
La législation en vigueur au Kenya interdit les mutilations génitales féminines ainsi que les mariages précoces et réprime la violence domestique, a ajouté le Procureur général.  L’État mène une action de sensibilisation du public au sujet des droits des albinos, a-t-il par ailleurs indiqué, précisant que ces derniers bénéficient en outre de formations destinées à leur apprendre à se défendre.  À l’instar de tout enfant qui s’estime maltraité, les enfants albinos peuvent eux aussi appeler le 116, un numéro de téléphone gratuit disponible 24 heures sur 24, a insisté M. Muigai.
 
Enfin, le Procureur général a indiqué que les établissements scolaires sont sensibilisés à la vulnérabilité des jeunes en matière de recrutement par des organisations terroristes.
 
Examen du rapport

Questions et observations des membres du Comité


M. HATEM KOTRANE, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Kenya, a rappelé que l’examen du précédent rapport du Kenya remontait à neuf ans et s’est félicité que le pays ait, depuis, ratifié la Convention relative aux droits des personnes handicapées, ainsi que de la Convention de La Haye sur la protection des enfants et la coopération en matière d’adoption internationale.  Il s’est en revanche inquiété de la non-ratification à ce stade du Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants et a estimé important que le Kenya ratifie également le troisième Protocole facultatif à la Convention, qui instaure une procédure de plaintes individuelles.
 
M. Kotrane a par ailleurs souhaité savoir où en était la révision de la Loi sur l’enfant et son harmonisation avec la Convention.  Quant au Plan national d’action couvrant la fin de la décennie actuelle, il ne semble toujours pas en cours de mise en œuvre, s’est-il d’autre part inquiété, relevant que l’on ignore en outre quels mécanismes pourraient être mis en place pour assurer la coordination, le suivi et l’évaluation des objectifs.  Le corapporteur a ensuite exprimé la préoccupation du Comité s’agissant de la part du budget national consacrée aux dépenses sociales, qui semble être en baisse malgré la croissance économique du pays et l’augmentation du budget de l’État depuis plusieurs années.  Cela est-il dû au «processus de déconcentration» (décentralisation) qui a dévolu de nombreuses fonctions au niveau des comtés, a-t-il demandé?  L’État entend-il prendre des mesures supplémentaires pour que les enfants soient les premiers à bénéficier de la croissance, s’est-il interrogé?  Le corapporteur a aussi demandé quelles mesures concrètes étaient prises en matière de lutte contre la corruption: y a-t-il eu des condamnations en justice, voire des sanctions administratives, contre des fonctionnaires corrompus?
 
Bien que l’intérêt supérieur de l’enfant soit reconnu dans la Constitution, M. Kotrane a indiqué craindre qu’il ne soit guère respecté devant les tribunaux.  Tout en se félicitant de la création de l’Assemblée des enfants, il a également fait part de sa crainte que certains groupes tels que les enfants réfugiés ou ceux ayant une déficience n’y aient pas accès.  Des mesures sont-elles envisagées afin de garantir l’accès à cette Assemblée à tous les publics?
 
M. Kotrane s’est ensuite enquis des mesures prises ou envisagées afin d’élaborer une stratégie nationale visant à prévenir et traiter toutes les formes de violence à l’égard des enfants.  Il s’est dit préoccupé par la prévalence élevée de la prostitution et de la pornographie impliquant des enfants, notamment dans le secteur du tourisme.  Le corapporteur a souhaité savoir quel bilan le Kenya dresse des mesures prises pour lutter contre ce fléau.
 
M. Kotrane a en outre fait part de sa vive préoccupation face à la reconnaissance du mariage
polygame célébré en vertu de la loi islamique ou coutumière.  Il s’est également dit préoccupé par
la faible exécution des ordonnances des tribunaux concernant le paiement de la pension alimentaire.  Des mesures sont-elles envisagées en vue d’abroger les dispositions discriminatoires du droit de la famille, s’agissant en premier lieu de l’autorisation de la polygamie?
 
Le corapporteur a par ailleurs constaté que les enfants souffrant d’un handicap étaient souvent stigmatisés, confinés à la maison voire abandonnés.  Il a souligné que les écoles étaient rarement équipées pour les accueillir.
 
Tout en félicitant le Kenya pour sa politique d’accueil des réfugiés, le corapporteur a fait part de la crainte du Comité que la politique du «campement à long terme» n’aggrave l’insécurité dans les camps, sans être accompagnée de mesures de protection des enfants. Il a également fait part de sa crainte que la marginalisation sociale, économique et politique de certains groupes religieux ou ethniques ne contribue à la radicalisation  et à l’enrôlement d’enfants par des groupes armés non étatiques.  En outre, certaines mesures de lutte contre le terrorisme – les attaques massives en particulier – ne semblent pas répondre aux normes internationales relatives aux droits de l’homme, a ajouté M. Kotrane. Il s’est enquis des mesures envisagées pour contrer toutes ces dérives et a également demandé à la délégation ce qui était fait face à la prévalence de l’exploitation économique des enfants.  S’agissant de la justice pour mineurs, le corapporteur s’est inquiété du fait que l’âge de la responsabilité pénale soit fixé à huit ans.  Il a aussi relevé la lenteur avec laquelle les normes internationales sont intégrées dans le fonctionnement des tribunaux des enfants.
 
MME OLGA KHAZOVA, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport kényan, a évoqué la question de la collecte de données en déplorant qu’il n’existe pas de synthèse de toutes les informations disponibles, ni de données ventilées relatives aux mineurs.  Elle s’est ensuite interrogée sur le rôle et les moyens du Commissaire des droits de l’enfant au sein de la Commission nationale des droits de l’homme.  S’il existe une bonne coopération avec la société civile, il semble que certains textes récents visent à restreindre le rôle des associations de la société civile, a-t-elle par ailleurs relevé.
 
En matière de la lutte contre la discrimination, des problèmes demeurent, a poursuivi Mme Khazova, tout en reconnaissant que les textes en la matière avaient été améliorés.  Qu’en est-il des mesures visant à lutter contre la discrimination dans la pratique, notamment contre la discrimination à l’égard des minorités religieuses ou ethniques, a-t-elle demandé?  Par ailleurs, des informations font état de meurtres d’enfants albinos dans le cadre d’un trafic d’organes, s’est-t-elle inquiétée.  D’autre part, les mariages précoces sont très répandus dans les campagnes, tandis que les mutilations génitales féminines demeurent courantes dans certaines régions, a-t-elle ajouté.  Quelles mesures l’État envisage-t-il pour éradiquer ces pratiques ancrées dans la culture et qu’il est effectivement très difficile de faire disparaître?  Au-delà des raisons culturelles, il y a aussi des raisons économiques, a fait observer la corapporteuse: aussi, faudrait-il offrir des possibilités de reconversion aux exciseuses professionnelles, a-t-elle notamment souligné.  Tout en se félicitant de l’interdiction absolue du mariage des enfants, elle a estimé que cette interdiction absolue dans les textes ne saurait probablement suffire, compte tenu du fait qu’il s’agit d’une pratique séculaire.
 
Mme Khazova s’est par ailleurs inquiétée de l’impuissance juridique des femmes lorsque l’époux opte pour la polygamie après avoir contracté un mariage originellement monogame.  Elle a d’autre part estimé que de trop nombreux enfants sont placés en institutions, sans compter que celles-ci sont insuffisamment contrôlées.  La corapporteuse s’est en outre inquiétée des faibles taux de scolarisation dans les zones reculées et s’est demandée si la décentralisation ne risquait pas d’entraîner une baisse des financements (visant à pallier ce problème).  Des cours sur les droits de l’enfant – et plus généralement sur les droits de l’homme – sont-ils dispensés dans les établissements scolaires du pays, a-t-elle demandé?
 
Alors que la croissance du pays tourne autour de 5%, on ne constate pas une hausse proportionnelle des budgets en faveur des enfants, bien au contraire, a fait observer un autre membre du Comité.
 
Une experte a insisté sur l’importance – en particulier pour tous les fonctionnaires de l’État – de tenir compte de l’avis de l’enfant dans toutes les domaines.  Bien que la Constitution garantisse la liberté religieuse, des décisions de justice en ont limité l’étendue, s’est-elle par ailleurs inquiétée, citant le cas d’une élève qui s’est vu interdire le port du voile dans son établissement.  L’experte a souhaité savoir si un contrôle était exercé sur l’Internet et les réseaux sociaux et si les parents et les personnels éducatifs étaient sensibilisés aux risques associés à ces technologies.
 
Un autre membre du Comité a souhaité obtenir des statistiques sur les violences domestiques et
sur les châtiments corporels, ainsi que sur le nombre de cas examinés par les tribunaux s’agissant de ces questions. 
 
Une experte a soulevé le problème posé par le refus de citoyenneté opposé aux enfants nubiens ou somaliens de souche et aux membres de leur famille, s’inquiétant du risque d’apatridie dans ce contexte. 
 
Un expert s’est inquiété de chiffres faisant état d’une baisse de 14% des dépenses de santé.
 
Une experte s’est inquiétée de la hausse du nombre de grossesses précoces et s’est enquise des causes de cette évolution.  Par ailleurs, la loi sur l’avortement n’est pas claire, a-t-il été souligné: en effet, l’avortement semble être en partie autorisé mais il demeure en même temps passible de poursuites en vertu du Code pénal.
 
Un expert a fait observer que le taux de vaccination semblait avoir diminué au Kenya et s’est – lui aussi – interrogé sur les effets à long terme de la décentralisation s’agissant de cette question.
 
Pour sa part, le Président du Comité, M. Benyam Dawit Mezmur a dit avoir le sentiment que beaucoup de choses progressaient au Kenya et a émis l’espoir que dans ce contexte, les droits de l’enfant seraient prioritaires. Il a en outre fait observer que le Kenya avait été l’un des premiers pays en Afrique à ratifier la Convention et l’a donc appelé à ratifier le troisième Protocole facultatif se rapportant à la Convention. 
 
Réponses de la délégation
 
La Commission nationale des droits de l’homme, qui est normalement composée de cinq membres (alors qu’ils ne sont que quatre à l’heure actuelle), ne comprend pas de commissaire chargé des droits de l’enfant, a indiqué la délégation.  Il existe cependant une commission spécialisée dans la mise en œuvre des instruments internationaux, y compris la Convention relative aux droits de l’enfant.  Il serait sans doute souhaitable, ainsi que l’ont suggéré des membres du Comité, que la Commission nationale des droits de l’homme dispose d’un commissaire chargé des enfants, a admis la délégation.
 
A la suite de l’adoption de la nouvelle Constitution, il y a eu un moratoire sur la ratification de conventions et de Protocoles facultatifs, afin de faire le bilan de la situation juridique du pays, a expliqué la délégation. Le Kenya envisage de ratifier les instruments demeurés en suspens, ce qui devrait être fait d’ici le prochain examen devant le Comité.
 
Le Plan national d’action pour les enfants pour la deuxième partie de la présente décennie a fait l’objet d’une large concertation, la priorité étant désormais de le diffuser le plus largement possible, afin notamment de mieux faire connaître la Convention, a indiqué la délégation.  Ce plan est assorti d’un cadre de suivi visant à faire régulièrement le point quant à sa mise en œuvre, a-t-elle précisé.  Elle a insisté sur le rôle essentiel joué dans ce contexte par les conseils consultatifs locaux, soulignant par ailleurs que les collectivités locales, au niveau des comtés, doivent élaborer leurs propres programmes d’action.  Le Conseil national des services aux enfants, qui comprend des représentants des organisations non gouvernementales (ONG), des associations religieuses et du secteur privé, a pour rôle de  coordonner les actions en faveur de l’enfance, a rappelé la délégation.
 
La participation des enfants aux procédures publiques est illustrée par l’Assemblée des enfants qui est déclinée au niveau des 47 comtés du pays.  La parité y est respectée ainsi que la présence d’enfants ayant un handicap physique ou visuel, a assuré la délégation.  Par ailleurs, un représentant des enfants est toujours invité à s’exprimer lors des grands événements publics, a-t-elle fait valoir.  Les «pratiques néfastes» font l’objet de discussions dans les établissements scolaires, a-t-elle notamment indiqué.
 
Les enfants jouissent des mêmes libertés – religieuses en particulier – que la population adulte, a poursuivi la délégation.  S’agissant du port du hijab, la délégation a rappelé que cette question était problématique dans plusieurs pays.  Un appel a été interjeté suite au jugement ayant interdit à une élève le port du voile; la justice kényane a en effet estimé qu’il n’était pas souhaitable qu’un élève porte ce type de tenue dans un établissement d’enseignement, ce qui ne reflète pas nécessairement la position du Gouvernement, a indiqué la délégation.  Elle a rappelé que le Kenya était un pays multiethnique comptant des fidèles de plusieurs religions.
 
Les conseillers du numéro 116 – la ligne téléphonique d’assistance destinée aux enfants – se doivent de respecter la confidentialité de la teneur des appels qu’ils reçoivent, dans le cadre de la protection de la vie privée des enfants, a par ailleurs souligné la délégation.
 
Tous les enfants dont la citoyenneté des  parents n’est pas connue ont automatiquement droit à la citoyenneté kényane, après avoir vu leur naissance dûment enregistrée, a assuré la délégation qui a néanmoins reconnu que le pays faisait face à un défi historique.  Le Kenya, qui abrite le plus grand camp de réfugiés du monde et où deux camps de réfugiés sont si grands qu’ils équivalent à de véritables villes, accueille des réfugiés de Somalie, des deux Soudan, de la région des Grands Lacs et ces réfugiés sont présents dans le pays depuis parfois plusieurs décennies, a rappelé la délégation.  Cette situation a induit la mise en place d’une procédure de vérification, certaines  personnes s’étant appropriées des documents de manière indue, ce qui a pu conduire parfois à des tensions avec des pays voisins, a-t-elle expliqué.
 
Une partie importante des réfugiés ont été réinstallés, a ensuite souligné la délégation, soulignant qu’il s’agit là d’un problème difficile car s’il implique la mobilisation de fonds, il suppose aussi que les personnes concernées acceptent de quitter un lieu où elles ont fini par s’installer dans la durée.   
 
Face au terrorisme, des contacts ont lieu avec les partenaires du Kenya sur les méthodes de déradicalisation des jeunes tentés par la lutte armée, a par ailleurs indiqué la délégation.
 
Un débat est en cours portant sur une législation relative à la gestion des organisations non gouvernementales, a par ailleurs indiqué la délégation, assurant qu’il ne s’agit en aucun cas de chercher à restreindre les activités de ces organisations mais seulement de mettre en place un cadre de gouvernance à leur intention.  Le débat sur cette question est parti du problème que constituent la radicalisation de jeunes et le financement du terrorisme.  Les discussions sur ces questions impliquent les associations religieuses, en particulier.  S’il semble nécessaire de demander davantage de renseignements lorsqu’est mise sur pied une école religieuse, il n’est en aucun cas question de restreindre les organisations de la société civile; celles-ci sont dynamiques, à l’instar de la presse kényane, a déclaré la délégation.
 
S’agissant de la justice, la délégation a affirmé que les magistrats kényans sont tout à fait sensibilisés aux droits de l’enfant, alors que les tribunaux font parfois preuve d’un zèle excessif en appliquant la loi dans toute sa sévérité, sans circonstances atténuantes.  La délégation a cité l’exemple de rapports sexuels entre adolescents, consentis ou non, qui peuvent donner lieu à des plaintes déposées par les parents des adolescents concernés.  Lorsque l’adolescent plaide coupable ou est reconnu coupable, il peut être condamné comme un adulte, ce qui signifie que le pays est confronté à des cas de jeunes qui peuvent être condamnés à des peines pouvant atteindre jusqu’à vingt ans de réclusion.  Par ailleurs, l’âge de la responsabilité pénale sera relevé de huit à douze ans dans un proche avenir, a promis la délégation.
 
La détention des mineurs doit être une mesure de dernier recours, a convenu la délégation.  Un groupe de travail se penche actuellement sur les modalités et conditions de base devant être respectées à cet égard dans les prisons, tant pour la détention préventive que pour l’incarcération, a indiqué la délégation, assurant que les recommandations du Comité constituent une source d’inspiration à cet égard.
 
S’agissant des questions de santé, la délégation a indiqué que des cliniques mobiles ont été déployées dans  une majorité de comtés, où il est désormais possible, entre autres, d’accoucher dans de bonnes conditions.
 
Le taux de vaccination a connu une diminution lors de la mise en place du processus de décentralisation, en raison notamment de la désorganisation des établissements de santé qui a suivi ce processus, a reconnu la délégation.  Ce taux est actuellement de 79%, a-t-elle ajouté.
 
Le choléra est lié à la mauvaise qualité des infrastructures d’assainissement, ainsi qu’aux branchement illégaux au réseau, a par ailleurs indiqué la délégation.
 
S’agissant des budgets consacrés à l’enfance, la délégation a assuré qu’ils sont voués à augmenter, tout comme le financement du secteur de la santé, alors que le pays connaît une croissance vigoureuse depuis plusieurs années.  La diminution des dépenses de santé s’explique par la décentralisation en cours, car les chiffres retenus ne prennent pas encore en compte les dépenses au niveau des comtés, a expliqué la délégation.  Un programme d’investissement quinquennal en faveur de la mère et de l’enfant a été engagé, ce qui constitue une première, a-t-elle par ailleurs fait valoir, rappelant que par le passé, les investissements étaient en effet planifiés annuellement.
 
Tous les mariages au Kenya doivent être légalement enregistrés, ce qui ne signifie pas qu’ils le soient tous, a poursuivi la délégation.  Cela est particulièrement important en cas de séparation et pour l’octroi d’une pension alimentaire, a-t-elle rappelé.
 
Le mariage des enfants est interdit par la loi, l’âge révolu de 18 ans étant impératif pour pouvoir se marier, a d’autre part souligné la délégation.  Les contrevenants sont passibles d’une peine de cinq ans de détention et d’une amende équivalant à 10 000 dollars, a-t-elle précisé.  En outre, les rapports sexuels avec mineurs sont interdits par la loi, a ajouté la délégation.  Un cadre juridique a été mis en place pour lutter contre ce phénomène ainsi que contre les mutilations génitales féminines, ce qui ne signifie évidemment pas qu’elles ne se pratiquent plus, a-t-elle indiqué.  Il s’agit là de pratiques liées à la culture et aux traditions, ce qui rend délicate toute intervention de l’État sans implication et assentiment des communautés concernées.
 
La polygamie est reconnue au Kenya depuis 1897, a par ailleurs indiqué la délégation.  À l’époque de la colonisation, des lois spécifiques régissant le mariage s’appliquaient aux différentes religions du pays et tenaient en outre compte des pratiques coutumières.  Aujourd’hui, la loi reconnaît donc l’état de fait en matière de polygamie car il n’était pas envisageable de revenir sur les droits spécifiques de plusieurs communautés.  La question de la polygamie ne saurait être régie par l’État car elle est au cœur des traditions et modes de vie des Africains, a déclaré la délégation.  S’il y a consensus au sein de la population pour l’élimination des mutilations génitales féminines, par exemple, on ne peut en dire autant pour l’élimination de la polygamie, a expliqué la délégation.  Certaines sociétés ont des coutumes que les Africains considèrent comme parfaitement choquantes mais dont ils peuvent admettre l’existence sous d’autres cieux, a-t-elle fait valoir.  Les Kényans connaissent et pratiquent la polygamie depuis bien avant l’arrivée de Vasco de Gama, a-t-elle rappelé.  Par conséquent, l’État ne pense pas devoir s’immiscer dans cette question, a-t-elle insisté.
 
La Constitution et les lois qui sont adoptées s’appuient sans réserve sur l’égalité entre les sexe, a par ailleurs souligné la délégation.  Elle a reconnu qu’il pouvait en aller autrement au sein des familles, l’Etat n’ayant guère d’influence sur les pratiques et préjugés les plus courants.  La délégation a constaté par ailleurs que partout dans le monde, même en Occident, l’égalité entre les sexes n’était pas parfaitement respectée.  Elle a reconnu que le Kenya avait des difficultés à faire appliquer les jugements en matière de pension alimentaire; mais c’est loin d’être le seul pays à être confronté à des difficultés dans ce domaine, a-t-elle souligné.
 
Le taux de grossesses précoces chez les jeunes filles est de 18%, a par ailleurs indiqué la délégation, qui a précisé que la mortalité en couche était élevée chez les adolescentes.  Tout en rappelant que l’avortement ne peut être pratiqué que si la vie de la mère est en danger, la délégation a expliqué que les avortements clandestins, mais aussi les lacunes en matière de santé et d’éducation au sens large, ainsi que l’insuffisance de services, contribuent à la mortalité élevée chez les adolescentes.  Le taux d’usage de moyens contraceptifs est passé de 48 à 56%, a ajouté la délégation.  Le Ministère de  l’éducation a une politique de réintégration des adolescentes dans les études après leur accouchement, a-t-elle également déclaré. 
 
Par ailleurs, si la prévalence du VIH-sida est en diminution, des préjugés ont toujours cours à l’égard de cette maladie, notamment chez les jeunes et les autorités s’efforcent donc de combattre ces préjugés, a indiqué la délégation.
 
Les enfants placés en institution le sont dans des établissements gouvernementaux et caritatifs qui font l’objet de contrôles, a par ailleurs indiqué la délégation.  Tout enfant de moins de trois ans est proposé à l’adoption de préférence au placement, a-t-elle ajouté.  Les autorités estiment que le placement en famille d’accueil est la meilleure solution ; la vie en institution ne saurait excéder trois années.  Par ailleurs, les institutions caritatives doivent faire une demande d’agrément tous les trois ans.  L’adoption est réglementée par la Loi sur l’enfance de 2001 et les adoptions internationales ont été suspendues en 2014 à la suite de cas de traite, a ajouté la délégation, avant de préciser qu’un comité spécial s’est vu confier la tâche de gérer les adoptions en 2015.  La délégation a reconnu que le Kenya rencontrait de grandes difficultés dans la lutte contre la traite.  Le pays espère disposer sous peu d’un système d’adoption fonctionnel pour les adoptions nationales et internationales.
 
En matière de traite de personnes, le Kenya – et plus particulièrement la capitale, Nairobi – continue d’être un point de transit des trafiquants d’êtres humains, a reconnu la délégation, avant d’admettre l’existence d’une lacune juridique qui sera comblée par la ratification du Protocole facultatif sur la vente d’enfants, la prostitution des enfants et la pornographie mettant en scène des enfants.
 
Les châtiments corporels sont absolument interdits à l’école, a poursuivi la délégation.  Les autorités sont conscientes que des cas de violence à l’encontre d’enfants continuent de se produire, notamment de la part de la police, a-t-elle ajouté.  Il existe trois centres de protection des enfants, un quatrième devant ouvrir prochainement, a-t-elle précisé.  À ces refuges, s’ajoutent quatre centres de secours qui fournissent une assistance d’urgence.  Quatorze unités de protection des enfants ont été créées dans les postes de police, a fait valoir la délégation. Des membres des forces de l’ordre ont été formés aux droits de l’enfant.  Par ailleurs, des ONG complètent les efforts de l’État dans ce domaine.
 
Le travail des enfants sévit particulièrement dans  les mines et les carrières, où les victimes touchent un salaire de misère, a d’autre part déclaré la délégation.  Au sein de certaines peuplades, les enfants peuvent être bergers, les communautés concernés considérant que cela participe à leur éducation.  Une commission spéciale a été créée au niveau gouvernemental pour faire face à un problème – le travail des enfants – qui concerne plus d’un million d’enfants, alors qu’il en touchait plus de deux millions dans un passé relativement récent.  Des inspecteurs du travail se chargent de signaler les cas, mais ils sont encore trop peu nombreux, a fait observer la délégation, avant de rappeler que le Kenya avait ratifié les conventions de l’Organisation internationale du travail relatives au travail des enfants, en particulier la Convention n°182 sur les pires formes de travail des enfants.  L’État agit en étroite collaboration avec la société civile afin de sensibiliser la population sur cette question, a ajouté la délégation.
 
La corruption est un sujet de grave préoccupation, a par ailleurs reconnu la délégation. Une équipe spéciale vient de rédiger un rapport dressant le bilan de la situation en la matière et formulant des recommandations ; ce document devrait inspirer la rédaction d’un projet de loi contre ce fléau, a indiqué la délégation.  La justice et la police ont été épurées de leurs agents corrompus dans le cadre d’une procédure d’agrément qui a passé les fonctionnaires au crible. Cette opération est allée jusqu’à concerner des hauts fonctionnaires gouvernementaux mis en cause par la justice, a précisé la délégation.
 
La délégation a rappelé qu’en matière d’éducation, le Kenya avait une longue histoire d’éducation privée.  Elle a reconnu que huit écoles privées sur dix étaient de meilleure qualité que celles du secteur public.
 
Le Kenya prend très au sérieux ses obligations conventionnelles, a conclu la délégation.
 
Conclusions
 
MME KHAZOVA, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport kényan, s’est félicitée de la qualité du dialogue et des efforts déployés par la délégation pour expliquer les problématiques auxquelles le pays est confronté.  Il est incontestable que le Kenya a accompli des progrès ; mais il est tout aussi indéniable que de grandes difficultés subsistent, dont certaines sont dues à des stéréotypes culturels profondément enracinés, a déclaré Mme Khazova, exprimant l’espoir que ceux-ci disparaîtraient plutôt tôt que tard. 

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