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Communiqués de presse Organes conventionnels

Comité des droits des personnes handicapées: journée de débats sur le droit à l'éducation des personnes handicapées

15 Avril 2015

Comité des droits des personnes handicapées

15 avril 2015 

Le Comité des droits des personnes handicapées a tenu aujourd'hui une journée consacrée à des débats sur «le droit à l'éducation des personnes handicapées».  Ce débat vise à contribuer à l'élaboration, par le Comité, d'une observation générale sur l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, qui prévoit notamment que les États parties reconnaissent le droit des personnes handicapées à l'éducation et font en sorte que le système éducatif pourvoie à l'insertion scolaire à tous les niveaux.

Des déclarations liminaires ont été faites par M. Lenin Voltaire Moreno Garcés, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur le handicap et l'accessibilité; M. Ibrahim Salama, Directeur de la division des traités au Haut-Commissariat aux droits de l'homme; Mme Soledad Cisternas, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées; Mme Catalina Devandas, Rapporteuse spéciale sur les droits des personnes handicapées; M. Kishore Singh, Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation; Mme Barbara Bailey, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes; et M. Jorge Cardona, membre du Comité des droits de l'enfant.

Ces intervenants ont souligné que l'article 24 de la Convention fournissait une véritable feuille de route pour faire appliquer le droit des personnes handicapées à l'éducation.  Ils ont insisté sur la nécessité de promouvoir une véritable culture d'inclusion, et pas uniquement une méthodologie, dans les foyers et jusque dans les écoles les plus reculées.  Ils ont relevé que l'éducation inclusive concernait aussi les enfants sans handicap qui seront appelés à partager leur classe avec des camarades handicapés.  Les orateurs ont aussi souligné l'exigence fondamentale qui consiste à ce que les systèmes éducatifs renoncent à exiger des enfants handicapés qu'ils s'adaptent aux écoles ordinaires: il faut plutôt que les systèmes scolaires soient à même de s'ajuster aux besoins des enfants handicapés.

Le premier des trois débats qui se sont déroulés au cours de la journée a porté sur les «systèmes d'éducation inclusifs et de qualité dans la loi et dans les politiques».  Animée par Mme Theresia Degener, membre du Comité, elle a compté avec la participation de deux personnes handicapées: Mme Mia Farah, de l'organisation Inclusion International (Moyen-Orient), et M. Rabjyot Singh Kohli, étudiant en mathématiques à New Delhi (Inde).  Ils ont notamment insisté sur l'importance de libérer les parents des préjugés sur les enfants handicapés, encore considérés comme un fardeau et condamnés à rester enfermés chez eux du fait de la honte sociale, et souligné que changement en faveur de l'éducation inclusive dépend de l'action concertée des ministères de l'éducation, des enseignants, des établissements scolaires, des familles et des collectivités.

Mme Maryanne Diamond, de l'Alliance internationale des personnes handicapées, et Mme Rosa Blanco, de l'Organisation des États ibéro-américains pour l'éducation, la science et la culture, ont observé que l'inclusion est un droit dont l'exercice ne doit pas dépendre de la bonne volonté des écoles, ne devraient pas pouvoir choisir leurs élèves.  M. Philippe Testot-Ferry, du Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a souligné que l'éducation inclusive n'est pas seulement une obligation: il s'agit aussi d'un droit de l'homme et d'un investissement intelligent, dont bénéficient non seulement les enfants handicapés, mais aussi tous les autres enfants. 

Un débat sur «la non-exclusion sur la base du handicap, les aménagements raisonnables et l'accès à des systèmes d'éducation inclusifs», animée par M. Danlami Busharu, membre du Comité, a été l'occasion pour Mme Diane Richler, ancienne présidente d'Inclusion International, de souligné que les États doivent procéder aux aménagements indispensables dans les établissements scolaires et surtout en assumer directement les coûts.  M. Markku Jokinen, de la Fédération mondiale des sourds, a parlé de la nécessité de créer un environnement d'enseignement libre et sans obstacle, c'est-à-dire, pour un enfant sourd, un environnement bilingue.  Un spécialiste de programme à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, M. Renato Opperti, a déclaré que la création d'un système scolaire inclusif dépendait de la capacité de dépasser l'opposition entre «normalité» et «différence», étant bien compris que la diversité ne doit plus être considérée comme un obstacle à l'enseignement mais bien comme un atout.  Mme Ellis Jongerius et Mme Henriëtte Sandvoort, de l'organisation néerlandaise LFB, ont déclaré que les enfants victimes de handicap intellectuel doivent se sentir bienvenus et accueillis dans leurs classes, afin qu'ils ne soient pas obligés de trouver refuge dans des écoles spécialisées. Mme Shivan Quinlivan, de l'Université de Galway en Irlande, a noté qu'il fallait donner des indications pratiques aux États sur ce en quoi consiste un système d'éducation inclusif.  M. Facundo Chávez, conseiller pour les questions de handicap au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a précisé certains enjeux juridiques liés à l'observation générale que le Comité adoptera.  Enfin, M. Gopal Mitra, spécialiste de programme au Fonds des Nations Unies pour l'enfance, s'est exprimé sur la notion d'aménagements raisonnables, un outil particulièrement important dans la lutte contre les discriminations scolaires envers les enfants handicapés.

Plusieurs experts et témoins ont participé au troisième débat, sur le soutien à l'inclusion dans le système d'éducation général et accès aux mesures de soutien individuel, animé par M. Jonas Ruskus, membre du Comité.  Ainsi, Mme Agnes Van Wijnen («In1School») a souligné que l'observation générale du Comité devra interdire clairement aux États de se réfugier derrière la clause d'aménagement raisonnable pour exclure certains enfants.  M. Richard Rieser, de l'organisation World of Inclusion/Disabled Peoples' International, a insisté sur le fait que le changement de modèle ancré dans la Convention impose à présent le passage à un modèle d'éducation inclusif et donc une réorganisation des écoles – mais non des élèves.  Mme Paula Hunt, experte en éducation inclusive, a précisé que l'éducation inclusive ne consistait pas uniquement à placer des enfants handicapés dans des classes ordinaires, mais bien à mettre à leur disposition les meilleurs moyens d'apprendre.  M. Juan Cobeñas, de l'Associación Azul, a décrit son expérience d'enfant handicapé, à plusieurs reprises exclu du système scolaire jusqu'à ce que ses parents aient été en mesure de lui donner accès au système de communication lui permettant de suivre un enseignement général.  Mme Elín Martínez, chercheuse de Human Rights Watch, a recommandé que, dans son observation générale, le Comité insiste sur l'obligation des États de prendre en charge concrètement la scolarité des enfants handicapés et de se concentrer sur la fourniture de possibilités de formation avancée.  Enfin, Mme Signe Hojsteen, pour les organisations danoises de personnes handicapées, a dit l'importance de consulter les enfants handicapés au sujet de l'efficacité des mesures d'inclusion prises en leur faveur.

Mme Ana Pelaez Narváez, membre du Comité de droits des personnes handicapées, a animé en fin de séance une table ronde interactive consacrée à une synthèse des débats du jour, trois intervenants résumant les éléments saillants.  Mme Bailey, du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a notamment regretté le débat d'aujourd'hui n'ait pas suffisamment permis de se pencher sur la question de genre telle qu'elle existe au sein même des écoles.  Pour M. Cardona, expert du Comité, il importe de bien faire comprendre ce qu'est le droit à l'éducation inclusive et donc quelles sont les obligations des États s'agissant d'adapter l'école aux besoins des enfants handicapés.

La liste complète des interventions faites lors du débat est disponible sur le site internet du Comité des droits des personnes handicapées.


Le Comité termine, vendredi après-midi, les travaux de sa présente session.


Déclarations liminaires

M. LENIN VOLTAIRE MORENO GARCÉS, Envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies sur le handicap et l'accessibilité, a déclaré que l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, reconnaissant le droit des personnes handicapées à l'éducation, reflétait parfaitement le type de société que la communauté internationale doit s'efforcer d'instaurer, la mention des «aménagements raisonnables» en fonction des besoins de chacun étant «comme une espérance cristallisée».  L'Envoyé spécial a insisté sur la nécessité de promouvoir une véritable culture d'inclusion, et pas uniquement une méthodologie, dans les foyers et jusque dans les écoles les plus reculées.  Il a relevé que l'éducation inclusive concernait aussi les enfants sans handicap qui seront appelés à partager leur classe avec des camarades handicapés.  M. Moreno a demandé aux gouvernements de repenser leurs politiques pour permettre aux enfants de se développer dans un environnement propice: l'observation générale que le Comité des droits des personnes handicapées adoptera au terme de la discussion les y aidera.

MME SOLEDAD CISTERNAS, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a souligné que l'article 24 de la Convention relative aux droits des personnes handicapées donnait une véritable feuille de route pour faire appliquer le droit des personnes handicapées à l'éducation.

M. IBRAHIM SALAMA, Directeur de la division des traités au Haut-Commissariat des Nations Unies aux droits de l'homme, a déclaré que le débat de ce jour s'inscrivait dans un processus régulier d'élaboration d'un programme mondial de l'éducation inclusive, dont l'étape suivante sera la rédaction de l'observation générale du Comité.  Le Haut-Commissariat aux droits de l'homme est très heureux de s'associer à l'organisation du débat et au processus en général, qui s'inscrit dans son travail auprès d'autres organes conventionnels (notamment la rédaction d'un projet d'observation générale du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes au sujet de l'éducation des femmes et des filles) et du Conseil des droits de l'homme.  M. Salama a jugé particulièrement opportune la tenue de ce débat alors même que l'accès de nombreux enfants handicapés à l'éducation a pris du retard, comme par exemple les enfants autistes en Égypte, son propre pays. 

MME CATALINA DEVANDAS, Rapporteuse spéciale des Nations Unies sur les droits des personnes handicapées, a esquissé le contexte historique de l'élaboration du contenu normatif du droit à l'éducation inclusive.  La Rapporteuse spéciale estime que les priorités dans ce domaine sont la promotion d'une participation active des personnes handicapées aux décisions qui les concernent, leur participation au marché de l'emploi et la lutte contre la stigmatisation.  Certains États connaissent encore des difficultés à appliquer concrètement le concept d'éducation inclusive et à lutter contre la ségrégation scolaire des enfants handicapés: les débats de ce jour permettront de déterminer un ensemble de conditions fondamentales relatives à l'éducation inclusive en vue de formuler des conseils aux États, a dit la Rapporteuse spéciale.  Pour Mme Devandas, l'exigence fondamentale est de veiller à ce que les systèmes éducatifs renoncent à exiger des enfants handicapés qu'ils s'adaptent aux écoles ordinaires: il faut plutôt que les systèmes scolaires soient à même de s'ajuster aux besoins des enfants handicapés.  Ils devraient non seulement mettre l'accent sur les programmes d'enseignement théorique, mais aussi faire en sorte que l'enseignement soit prodigué dans un environnement social favorable à l'interaction entre tous les enfants.  Enfin, les États devraient mettre l'accent sur l'intégration des enfants handicapés dans l'enseignement primaire et secondaire pour faire en sorte que la prochaine génération soit parfaitement intégrée et libérée des préjugés et de la ségrégation ou de l'exclusion sociale.

M. KISHORE SINGH, Rapporteur spécial sur le droit à l'éducation, a insisté sur le rôle central de l'éducation dans le programme de développement durable pour l'après-2015 et sur les lacunes énormes qu'il reste à combler dans la réalisation du droit à l'éducation des personnes handicapées.  Les personnes handicapées sont souvent exclues des systèmes éducatifs ou reléguées dans des écoles séparées: il importe au contraire que les enfants handicapés soient pleinement intégrés à l'enseignement ordinaire.  Dans le cadre de son mandat, le Rapporteur spécial insiste sur le respect nécessaire de l'individualité de chaque enfant.  Les obstacles techniques et pratiques à l'accès à l'éducation doivent être levés, afin qu'aucun enfant ne soit exclu de l'école du fait d'un handicap.  Les aux enfants ayant des besoins spécifiques doivent avoir accès à une éducation spécialisée et à des soutiens dans les salles de classe elles-mêmes.  L'État doit aussi légiférer pour assurer l'accès des jeunes handicapés à l'éducation technique et professionnelle.  Il importe enfin de veiller à ce que les autorités compétentes donnent concrètement effet au droit à l'éducation inclusive.  L'observation générale que le Comité des personnes handicapées adoptera à ce sujet devrait les y aider, a conclu le Rapporteur spécial.

MME BARBARA BAILEY, membre du Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, a montré les points de convergence entre la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes et la Convention relative aux droits des personnes handicapées, constatant que les discriminations entre les sexes opèrent également au détriment des personnes handicapées.  Cette réalité doit être bien comprise pour mesurer correctement la portée des obligations des États dans la lutte contre toutes les formes de discrimination à l'égard des personnes handicapées, notamment les femmes handicapées, et dans l'évaluation des besoins éducatifs des catégories concernées.  À cet égard, on doit regretter que l'absence de données fiables au niveau national complique l'évaluation globale des besoins pédagogiques des enfants handicapés.  L'observation générale du Comité des droits des personnes handicapées devra donc fixer des cibles très précises dans le domaine des méthodes de collecte et des types de données nécessaires pour permettre aux États d'élaborer des plans efficaces pour l'éducation inclusive.

M. JORGE CARDONA LLORENS, membre du Comité des droits de l'enfant, a déclaré que le dialogue de ce jour était la preuve concrète de l'indivisibilité des droits de l'homme et de la solidarité des organes internationaux de protection des droits de l'homme.  Il a observé que deux observations générales des organes conventionnels portent explicitement sur le droit à l'éducation inclusive.  L'expert a noté que la réalisation de l'éducation inclusive se heurtait à cinq obstacles: incompréhension du concept, incapacité d'identifier les besoins spécifiques de chaque enfant handicapé, absence de ressources matérielles et de ressources humaines adaptées, risque que le libre choix des parents ne s'oppose au droit de l'enfant de bénéficier d'un enseignement inclusif, et compétitivité des systèmes scolaires.  Tous ces problèmes découlent de la méconnaissance par les États de leurs obligations au titre du droit international des droits de l'homme, a estimé l'expert.

Débat sur des systèmes d'éducation inclusifs et de qualité dans la loi et dans les politiques

Le débat était animé par Mme Theresia Degener, Vice-Présidente du Comité des droits des personnes handicapées.

Exposés des panélistes

MME MIA FARAH, de l'organisation Inclusion International (Moyen-Orient), a déclaré que la réalisation du principe d'éducation inclusive au Liban se heurtait au manque de protection juridique, à l'idée que les écoles spéciales sont les mieux appropriées à la prise en charge des enfants handicapés et à la situation politique du pays.  Le changement en faveur de l'éducation inclusive dépend dans chaque pays de l'action concertée du ministère de l'éducation, des enseignants, des établissements scolaires, des familles et des collectivités.  Les progrès à cet égard ont été perceptibles au Liban mais de courte durée, l'insécurité ayant des effets particulièrement néfastes sur les personnes handicapées, au point que l'on peut même se demander si l'éducation n'est pas un luxe au Liban.  Les mêmes problèmes se posent s'agissant du droit à l'éducation des réfugiés, a souligné Mme Farah.

MME MARYANNE DIAMOND, de l'Alliance internationale des personnes handicapées, a souligné les effets positifs de l'éducation inclusive pour tous les membres de la société.  L'élaboration de lois sur l'éducation inclusive est conditionnée par la prise de conscience du fait que «l'éducation de qualité est une éducation inclusive».  Concrètement, les écoles ne devraient pas pouvoir choisir leurs élèves, ces derniers devant avoir le droit de suivre les enseignements dispensés par les écoles ordinaires si tel est leur choix.  Des recours juridiques efficaces doivent être accessibles à cet égard.  L'accès à l'éducation doit être explicitement visé par les programmes nationaux, qui doivent aussi prévoir les mesures de soutien individuel et collectif nécessaires.  Parallèlement, il faut former les enseignants – y compris les enseignants handicapés – aux exigences de l'éducation inclusive, dégager les ressources publiques indispensables et coordonner l'action des pouvoirs publics et des organisations de la société civile.

M. PHILIPPE TESTOT-FERRY, conseiller régional principal au Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF), a souligné que l'éducation inclusive n'est pas seulement une obligation: il s'agit aussi d'un droit de l'homme et d'un investissement intelligent, dont bénéficient non seulement les enfants handicapés, mais tous les enfants.  L'éducation inclusive est fondée sur l'accès, la qualité de l'éducation et le respect des droits.  Pour garantir ces fondements, les États doivent prendre des engagements sous la forme de réformes juridiques, de politiques et orientations, de changements d'attitudes et de formation de personnels.  Au-delà de ces engagements, les États doivent créer les structures garantes du respect du droit à l'éducation inclusive.  Conscient du rôle crucial joué également par les enseignants, l'UNICEF travaille directement avec eux pour les aider à appliquer les mesures destinées à augmenter la participation des enfants handicapés à l'éducation.  Plus généralement, le Fonds estime que l'éducation inclusive est un processus complexe qui engage des partenaires extérieurs à l'école.  L'éducation inclusive n'est pas de la seule responsabilité des experts dans le handicap.  M. Testot‑Ferry a constaté que certains pays ont réalisé des progrès dans l'intégration des enfants handicapés dans le système scolaire général.  La plus grande collaboration intersectorielle entre spécialistes de l'éducation et de la santé est également encourageante.

MME ROSA BLANCO, de l'Organisation des États ibéro-américains pour l'éducation, la science et la culture, a constaté que les pays d'Amérique latine manquent globalement d'informations sur le nombre d'enfants handicapés, sur leur taux de scolarisation et sur leurs besoins spécifiques.  Dans la région, l'exclusion scolaire des enfants handicapés est d'autant plus marquée à mesure que l'on avance dans les années.  La législation n'étant pas complète, on constate la persistance d'une scolarisation spécialisée parallèle, la participation des enfants handicapés au système ordinaire étant encore soumise à des conditions et limites diverses.  Le taux d'établissements ordinaires accueillant des enfants handicapés varie entre 12% et 40%, selon les pays.  L'experte a insisté sur l'importance d'un assouplissement des programmes scolaires.  En effet, outre les problèmes d'accès, les pays d'Amérique latine sont confrontés à la difficulté d'adapter les enseignements aux besoins des enfants handicapés.  Il faut donc que les lois des pays latino-américains tiennent compte de la Convention relative aux droits des personnes handicapées, interdisent la marginalisation des enfants handicapés et normalisent les méthodes d'évaluation scolaire: l'inclusion est en effet un droit dont l'exercice ne doit pas dépendre de la bonne volonté des écoles, a souligné Mme Blanco. 

M. RABJYOT SINGH KOHLI, étudiant en mathématiques à New Delhi (Inde), a insisté sur l'importance de l'adoption d'une approche de l'éducation inclusive basée sur les droits, et non pas sur la charité.  Il importe en outre de libérer les parents des préjugés sur les enfants handicapés, encore considérés comme un fardeau et condamnés à rester enfermés chez eux du fait de la honte sociale.  Les pays ayant ratifié la Convention sont obligés de répondre aux besoins fondamentaux de tous les enfants, a souligné M. Singh Kohli.  La question est donc de savoir comment appliquer concrètement la Convention, en particulier son article 24 sur l'éducation des enfants handicapés.  Au niveau des établissements scolaires, l'inclusion dépend de l'action concertée des enseignants, des parents et des écoliers, a insisté M. Singh Kohli.

Débat

Dans leurs interventions, les délégations de pays ont souligné, à l'instar de la Thaïlande, que l'éducation ne devait pas être abordée de manière isolée: l'objectif doit être d'insérer les jeunes handicapés sur le marché du travail.  Les délégations ont insisté de même sur la nécessité d'assurer les conditions matérielles de l'accès aux établissements scolaires.  L'Équateur a demandé aux panélistes de donner aux États des conseils pour la conception de politiques destinées à favoriser la participation d'étudiants handicapés dans l'enseignement supérieur.  La Norvège a insisté, pour sa part, sur les avantages de l'éducation inclusive pour tous les enfants scolarisés.  Elle a relevé qu'il fallait dégager les investissements nécessaires à l'inclusion.  La Norvège va doubler la part de son aide au développement consacrée à l'éducation, notamment pour la prise en compte des besoins des enfants handicapés.

L'Argentine a fait état du succès de ses politiques publiques et stratégies éducatives visant l'intégration des enfants handicapés dans le système scolaire général.  Elle a confirmé un manque de données quantitatives régionales sur les personnes handicapées et leurs besoins.  L'Argentine a demandé aux panélistes de donner leur avis sur l'éducation privée en tant qu'obstacle supplémentaire à l'éducation inclusive.  Le Paraguay a dit avoir adopté une loi imposant à tous les établissements scolaires, y compris ceux du secteur privé, des mesures propices à l'intégration concrète des enfants handicapés dans le système scolaire général.

Le Tadjikistan a dit appliquer une approche visant à ce que tous les citoyens, y compris les personnes handicapées, aient la possibilité de se réaliser par le travail et l'apprentissage.  La loi tadjike sur la protection sociale des personnes handicapées reflète à bien des égards la Convention relative aux droits des personnes handicapées, notamment l'accessibilité de l'environnement physique et la création des conditions nécessaires à leur intégration sociale.

Le Mexique s'est dit certain que l'observation générale qu'adoptera le Comité aiderait les États à donner effet à leurs obligations au titre du droit à l'éducation inclusive des enfants handicapés. 

Pour les organisations non gouvernementales, une organisation de personnes souffrant de handicaps psychosociaux a insisté sur le soutien concret que les enseignants peuvent accorder aux enfants handicapés.  Elle a demandé aux enseignants et aux écoles de renoncer à trier les élèves sur la base du handicap, et d'éviter par tous les moyens d'exclure les enfants présentant des troubles psychosociaux.  La Fédération mondiale des sourds a pour sa part relevé que l'éducation inclusive suppose d'importants changements dans la pédagogie et la formation des enseignants.

Concluant le débat, MME DEGENER a souligné qu'il était important de comprendre que les personnes handicapées ne sont pas «des personnes à charge».

Débat sur la non-exclusion sur la base du handicap, les aménagements raisonnables et l'accès à des systèmes d'éducation inclusifs
 
Ce débat était animé  par M. DANLAMI BUSHARU, membre du Comité des droits des personnes handicapées.
 
Exposés des panélistes
 
MME DIANE RICHLER, ancienne présidente d'Inclusion International, a déclaré que l'adoption d'un cadre lié aux droits de l'homme est une infraction au droit de participer pleinement à la vie de la communauté.  En valorisant la diversité, les écoles inclusives sont meilleures pour tous les enfants, pas seulement les enfants handicapés.  L'inclusion exige certes des aménagements et des changements de comportements: elle dépend aussi de dépenses bien ciblées, capables de profiter au plus grand nombre d'élèves possible, handicapés ou non.  Il est plus facile de favoriser l'inclusion dans les pays qui ne disposent pas déjà d'un système d'enseignement spécialisé, a observé Mme Richler.  L'article 24 de la Convention a le potentiel de modifier radicalement la vie des citoyens et de créer des sociétés répondant aux aspirations des rédacteurs de la Convention.

M. MARKKU JOKINEN, Président honoraire de la Fédération mondiale des sourds, a également mis l'accent sur les avantages de l'éducation inclusive non seulement pour les enfants handicapés, mais pour tous les enfants.  L'éducation multiculturelle et linguistique dépend de la disponibilité d'enseignants – sourds et autres – disposant de la formation nécessaire.  Les enfants sourds sont considérés comme ayant des «besoins spéciaux», une approche que ne défend pas la Fédération mondiale des sourds.  L'objectif doit être de créer un environnement d'enseignement libre et sans obstacle, c'est-à-dire, pour un enfant sourd, un environnement bilingue.  La Belgique et Hong-Kong offrent déjà un enseignement double en langue des signes et langue parlée; d'autres pays ont ouvert des classes enseignées exclusivement en langue des signes.  La Fédération investit pour sa part dans des programmes de formation pour enseignants et dans la publication de dictionnaires, notamment.

MME ELLIS JONGERIUS et MME HENRIËTTE SANDVOORT, membres de l'organisation LFB (www.lfb.nu), ont déclaré que les enfants victimes de handicap intellectuel ne souhaitent pas seulement apprendre de manière théorique, mais aussi par la pratique concrète.  Ces enfants ne doivent pas être exclus de l'enseignement, mais au contraire bénéficier d'un soutien scolaire renforcé.  Les enseignants doivent être formés à la prise en charge des enfants handicapés au plan intellectuel.  Ces enfants doivent se sentir bienvenus dans leurs classes, afin qu'ils ne soient pas obligés de trouver refuge dans des écoles spécialisées.

M. RENATO OPPERTI, spécialiste de programme à l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, a déclaré que la création d'un système scolaire inclusif dépendait de la capacité de dépasser l'opposition entre «normalité» et «différence», étant bien compris que la diversité ne doit plus être considérée comme un obstacle à l'enseignement mais bien comme un atout.  Il s'agit également d'appliquer des plans d'enseignement adaptés à chaque enfant, faute de quoi le risque existe de pérenniser la ségrégation des enfants handicapés.  Les cultures et les mentalités, les pratiques quotidiennes sont encore ancrées dans les catégories «handicapés» et «non handicapés»: en réalité, il faut adopter une approche personnel de l'enseignement, afin que chaque enfant ait une véritable occasion d'apprendre à égalité avec tous les autres. 

MME SHIVAN QUINLIVAN, professeur à l'Université de Galway (Irlande), a observé que l'on ne dispose pas encore d'une vision très claire de ce en quoi consiste un système d'éducation inclusif.  Il importe donc d'en donner une image concrète.  En Irlande par exemple, une distinction est faite entre éducation générale – où tous les enfants sont rassemblés – et «classes spéciales» - où les enfants sont regroupés en fonction de leurs besoins.  Ce système, adopté par d'autres pays, reste cependant discriminatoire dans une certaine mesure.  Mme Quinlivan a recommandé aux organes de traités de se pencher sur les systèmes éducatifs basés sur les classements (scolaires ou universitaires), qui peuvent être source de discrimination à l'école.

M. FACUNDO CHÁVEZ, conseiller pour les questions de handicap au Haut-Commissariat aux droits de l'homme, a déclaré privilégier une approche où chaque écolier est considéré comme un contributeur potentiel à la diversité sociale et culturelle.  Les deux éléments de l'article 24 relatifs aux aménagements raisonnables et à la non-exclusion imposent aux États de prendre les mesures pratiques nécessaires pour que les enfants handicapés puissent leur droit de choisir de suivre une scolarité dans les écoles de leur choix.  Dans ce contexte, l'observation générale du Comité sur le droit à l'éducation devra poser plusieurs principes juridiques régissant l'application – juridique et matérielle – des obligations des États au regard des aménagements nécessaires.  Ces derniers devront être contrôlés par la voie administrative et judiciaire.

M. GOPAL MITRA, spécialiste de programme au Fonds des Nations Unies pour l'enfance, s'est également exprimé sur les aménagements raisonnables, qu'il a considérés comme un outil particulièrement important dans la lutte contre les discriminations scolaires envers les enfants handicapés.  Chaque acteur du système scolaire, depuis les enseignants de base jusqu'aux administrateurs d'établissements, doit participer à la mise en place de ces aménagements.  Il importe en particulier d'adapter les systèmes d'examen aux besoins des enfants, par exemple autoriser l'utilisation des moyens techniques idoines ou la présence d'assistants personnels suffisamment bien formés.  Autre problème technique, la forme à donner aux manuels scolaires destinés aux enfants handicapés: à cet égard, il convient notamment de tirer parti des technologies pour faire baisser le coût des ouvrages sonores et tactiles.

Débat

Le Conseil de l'Europe a déclaré que le Comité européen pour les droits sociaux, chargé de faire appliquer la Charge sociale européenne, avait été amené à préciser, suite à deux plaintes concernant la France et la Bulgarie, le rôle des États en matière de protection du droit à l'éducation des enfants handicapés.  Il a adopté une recommandation pour la pleine participation sociale des enfants handicapés.  Les communications des États membres du Conseil de l'Europe au Comité montrent que le concept d'éducation inclusive n'est pas parfaitement compris.

L'organisation Syndrome International a souligné à quel point il est difficile de scolariser les enfants atteints du syndrome de Dawn, pour des raisons autant politiques qu'économiques.  L'Alliance Autisme a pointé pour sa part les obstacles à la scolarisation des enfants autistes dans les classes ordinaires en France, les autorités insistant pour un placement en institution.  Seuls 20% des enfants autistes en France sont scolarisés dans les écoles ordinaires. 

Conclusions

MME RICHLER a jugé utile d'écouter la perspective des personnes les premières concernées.  Elle a constaté que les États ne disposent pas de lignes directrices sur l'éducation inclusive et que les mesures qu'ils adoptent n'ont souvent rien à voir avec le droit fondamental des enfants handicapés à l'éducation.  Les États doivent en particulier procéder aux aménagements indispensables dans les établissements scolaires (ascenseurs, rampes d'accès, cours dans la langue maternelle ou dans la langue des signes) et surtout en assumer directement les coûts. 

Débat sur le soutien à l'inclusion dans le système d'éducation général et accès aux mesures de soutien individuel

MME AGNÈS VAN WIJNEN, chef de projet au projet «In1School», a déclaré que son organisation œuvrait à un changement durable dans le système éducatif des Pays-Bas, encore marqué par la ségrégation des enfants handicapés.  Sachant que le droit international oblige les États à fournir une éducation accessible et inclusive à chaque enfant, la recherche montre que le succès de ce type d'éducation repose sur l'acceptation de la diversité, sur la conception de l'école comme une véritable communauté d'apprentissage, sur le rôle moteur joué par la direction des établissements et sur le soutien des autorités locales, entre autres conditions.  La recherche montre aussi que la présence dans les classes d'enfants handicapés n'a pas d'incidence négative sur les autres élèves, alors que le séjour prolongé dans des classes spécialisées nuit aux résultats scolaires des enfants handicapés.  Tous les enfants peuvent apprendre, a constaté Mme van Wijnen, il faut donc s'abstenir de trier les élèves avant l'entrée des classes ordinaires.  Enfin, l'observation générale du Comité devra interdire clairement aux États de se réfugier derrière la clause d'aménagement raisonnable pour exclure certains enfants.

M. RICHARD RIESER, de l'organisation World of Inclusion/Disabled Peoples' International, a constaté que l'application d'un modèle médical s'est longtemps révélée source de ségrégation des personnes handicapées.  Le changement de modèle ancré dans la Convention impose à présent le passage à un modèle d'éducation inclusif et donc une réorganisation des écoles – et non des élèves.  En particulier, les enseignants doivent être formés pour inclure tous leurs élèves.  Il faut également adapter le système de notation aux possibilités et besoins des élèves handicapés.  Le Comité devrait aussi préciser, à l'intention des gouvernements, les aménagements précis qu'ils doivent réaliser.  Les personnels scolaires devraient recevoir une formation accréditée à la prise en charge des personnes handicapées.

MME PAULA HUNT, experte en éducation inclusive, a déclaré que l'éducation inclusive ne concerne pas seulement les enfants handicapés, mais bien tous les enfants.  L'application de ce principe se heurte à de nombreux obstacles, y compris dans les pays riches, ce qui rend nécessaire l'adoption de lignes directrices et de conseils pratiques destinés aux États.  D'abord, il faut prendre conscience de la nécessité de consentir un véritable investissement dans des enseignants capables et désireux de donner effet au principe d'éducation inclusive et de qualité.  Ensuite, les connaissances à ce sujet doivent être efficacement partagées entre les intervenants concernés et se traduire concrètement dans les salles de classe.  L'éducation inclusive ne consiste pas fondamentalement à placer des enfants handicapés dans des classes ordinaires, mais bien à mettre à leur disposition les meilleurs moyens d'apprendre, a conclu Mme Hunt.

Pour MME PRAVEENA SUKHRAJ-ELY, ancienne directrice adjointe du Conseil sud-africain des personnes aveugles, les enfants souffrant de handicap visuel ont besoin de compétences interactives et sociales dans le cadre de la formation scolaire ordinaire.  Ils doivent bénéficier d'aménagements raisonnables dans un format (audio, braille par exemple) adapté à leurs besoins.  Les attentes d'évaluation doivent aussi être précisées: on ne peut ainsi exiger d'un enfant aveugle qu'il analyse une image.  Les moyens techniques trop coûteux, les assistants ou enseignants non disponibles sont les grands obstacles à l'inclusion des enfants handicapés dans l'enseignement général.  Les États, qui ont de toute évidence des difficultés à appliquer l'article 24 de la Convention, doivent d'abord mieux comprendre les besoins des enfants handicapés.  Ils doivent également apprendre à détecter les enfants qui auront des difficultés dans le système scolaire et former les enseignants à leur prise en charge.  Enfin, la question des priorités politiques ne doit pas être négligée, dans un contexte où les États et les donateurs poursuivent en parallèle de nombreux objectifs de développement. 

M. JUAN COBEÑAS, de l'Associación Azul, a décrit son expérience d'enfant handicapé, à plusieurs reprises exclu du système scolaire jusqu'à ce que ses parents puissent lui donner accès au système de communication qui lui permet désormais de suivre un enseignement général moyennant des mesures de soutien appropriés, dont les frais sont couverts par sa famille.  En tant qu'enfant handicapé placé dans une institution spécialisée, M. Cobeñas a été exposé à l'hostilité humiliante et douloureuse de certains enseignants.  Son départ vers l'enseignement général l'a mis plus à l'aise et lui a permis de nouer des contacts bénéfiques avec ses camarades.  Aujourd'hui, M. Cobeñas étudie les lettres à l'université.  Il juge important d'une part que les familles soient bien informées des soutiens dont leurs enfants handicapés peuvent bénéficier dans leur scolarité, et d'autre part qu'elles collaborent avec les enseignants. 

MME ELÍN MARTÍNEZ, chercheuse auprès de Human Rights Watch, a précisé que les enfants handicapés rencontrent des obstacles dans leur éducation non seulement dans le primaire mais aussi dans le secondaire.  Human Rights Watch a constaté que les enfants souffrant de handicaps intellectuels sont insérés tardivement dans le système scolaire et courent un plus grand risque de quitter l'école.  Les efforts des gouvernements dans la scolarisation de ces enfants doivent s'accompagner d'un investissement conséquent et durable et d'un renforcement des capacités de prise en charge des enseignants.  De nombreux pays ne font aucun effort dans ce domaine, a souligné Mme Martínez.  Dans certains cas, les enfants handicapés sont bel et bien inscrits dans des classes ordinaires mais y sont abandonnés à eux-mêmes, sans soutien ni supervision.  Par ailleurs, la qualité des enseignements dispensés aux enfants handicapés dans les écoles ordinaires ou spécialisées est encore trop souvent insuffisante et ne leur permet pas toujours de réaliser leur plein potentiel.  Dans son observation générale, le Comité devra insister sur l'obligation des États de prendre en charge concrètement la scolarité des enfants handicapés et de se concentrer sur la fourniture de possibilités de formation avancée.

MME SIGNE HOJSTEEN, représentante des organisations de personnes handicapées du Danemark, a constaté que les importantes ressources que son pays consacre à l'éducation ne sont pas toujours dépensées de la manière la plus judicieuse.  Ainsi, le manque de formation des assistants personnels a-t-il provoqué l'exclusion de certains enfants handicapés, très loin des attentes originales, tandis que les sondages auprès des enfants montrent qu'ils ont une expérience désastreuse de leur relation avec l'école.  Les organisations de personnes handicapées sont d'avis qu'il est nécessaire de consulter les enfants handicapés au sujet de l'efficacité – ou de l'inefficacité – des mesures d'inclusion.  On a constaté aussi que certains enseignants, croyant bien faire, oublient que les enfants handicapés sont aussi des garçons et des filles ordinaires, qui souhaitent tout simplement échanger avec leurs camarades.

Interventions

La Fédération mondiale des sourds a observé que la Convention des Nations Unies ne définit pas ce qu'est l'éducation inclusive, mais cinq de ses éléments fondamentaux, comme la non-discrimination.  Le Comité devrait peut-être se pencher sur l'interaction entre ces éléments fondamentaux.  La mère d'un enfant handicapé mental a recommandé aux États d'investir dans une culture scolaire véritablement inclusive, capable de remettre en question les modèles historiquement discriminatoires.  Les États devraient également cesser de se défausser de leurs responsabilités sur les parents et s'éloigner du modèle médical dominant dans la prise en charge scolaire des enfants handicapés. 

Table ronde de synthèse

MME ANA PELAEZ NARVÁEZ, membre du Comité de droits des personnes handicapées, a ouvert la table ronde interactive consacrée à une synthèse de débats du jour.

Synthèse

M. CHÁVEZ, rapporteur pour le débat sur des systèmes d'éducation inclusifs et de qualité dans la loi et dans les politiques, a constaté qu'il apparaissait clairement que l'éducation inclusive et de qualité était la voie privilégiée.  L'intégration des enfants handicapés n'est plus une norme internationale, comme il est apparu dans le débat, et le Comité devrait donner une définition précise de l'éducation inclusive dans son observation générale.  Les enfants handicapés ne doivent pas être exclus du système d'éducation, conformément au principe de la non-discrimination, notamment par le biais de test d'aptitude à la scolarisation.  En outre, les enfants handicapés ne devraient pas être tenus de prendre des médicaments pour exercer leur droit à l'éducation.  Plusieurs questions restent ouvertes s'agissant de l'utilisation des diagnostics médicaux dans l'évaluation. 

M. STEFAN TROMEL, expert à l'Organisation internationale du travail, rapporteur pour le débat sur la non-exclusion sur la base du handicap, les aménagements raisonnables et l'accès à des systèmes d'éducation inclusifs, a insisté sur l'importance de l'éducation mixte, mêlant librement les personnes handicapées et les autres.  La ségrégation scolaire entraîne généralement la ségrégation dans le cours de la vie.  La notion de qualité de l'éducation, primordial, est indissociable de l'éducation inclusive, un concept encore insuffisamment admis.  L'observation générale du Comité devra être entérinée par les autres organes de surveillance des traités.  L'expert a souligné que les États, même les plus riches, n'ont plus les moyens de déployer plusieurs systèmes scolaires différenciés pour les enfants handicapés et doivent donc adopter un système unique, commun aux enfants handicapés et aux autres enfants.  Le système scolaire doit accepter et valoriser la diversité.  Enfin, il convient de renoncer à la terminologie qui empêche d'adopter la vision globale portée par la Convention et de fixer des objectifs clairs pour mesurer les progrès réalisés à cet égard par les États.

M. MITRA, rapporteur du débat sur le soutien à l'inclusion dans le système d'éducation général et accès aux mesures de soutien individuel, a relevé trois messages fondamentaux: l'éducation inclusive profite à tous les enfants, handicapés et non handicapés; il faut remettre en question les facteurs qui empêchent le passage à un système éducatif unique et inclusif; et il faut garantir la disponibilité des mesures de soutien individuel.  Le maintien d'institutions spécialisées compromet le développement potentiel des enfants handicapés.  Les moyens technologiques de soutien sont chers: il faut donc trouver des moyens alternatifs de les mettre à la disposition des enfants qui en ont besoin.  M. Mitra a constaté une volonté d'avancer dans l'enseignement inclusif: reste à savoir comment traduire cette volonté en action et objectifs politiques.

Débat

M. RIESER a demandé au Comité des droits des personnes handicapées de dialoguer avec les autres organes conventionnels au sujet de la marchandisation de l'éducation entamée aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays européens, et qui peut entraîner l'exclusion des enfants handicapés.  Le Comité doit également élaborer des objectifs non pas normatifs mais basés sur les progrès des enfants handicapés scolarisés.

MME RICHLER s'est interrogée sur les moyens de passer de la situation actuelle à une éducation véritablement inclusive.  Il faut adopter dans ce domaine des stratégies d'investissements axées sur la rentabilité et l'efficacité, a suggéré l'experte, adossées à des échéances proches car on ne saurait attendre encore 20 ou 30 ans.

MME BLANCO a préconisé que l'on cesse de parler d'«éducation spécialisée», les enfants handicapés réclamant avant tout une bonne éducation.  Il faut dépasser les obstacles qui s'opposent à la scolarisation des enfants handicapés, comme par exemple le diagnostic de handicap.

M. JOKINEN a souligné que les personnes sourdes sont tout à fait capables de suivre un enseignement supérieur, et même d'enseigner.  Mais elles éprouvent encore des difficultés à intégrer des postes à responsabilité dans le système d'enseignement en général.  Davantage présentes à ce niveau, elles pourraient y donner des impulsions décisives.

Conclusions

MME BAILEY a noté que le débat d'aujourd'hui n'avait pas suffisamment permis de se pencher sur la question de genre telle qu'elle existe au sein même des écoles, qui sont en cela de véritables microcosmes de la société en général.  Le Comité pour l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, dans son dialogue avec les États, est régulièrement confronté au problème des violences sexuelles dans le milieu éducatif, une préoccupation dont l'observation générale devra tenir compte.  Les personnes handicapées doivent également être préparées à participer dans des conditions d'égalité au monde du travail, a souligné l'experte.  L'observation générale devra, à cet égard, établir un lien entre la formation et l'emploi.  Enfin, le débat n'a rien dit de la dimension idéologique et structurelle des inégalités dont souffrent les personnes handicapées, et qui appellent une action plus énergique pour changer les attitudes sociales.

Pour M. CARDONA, il importe de bien faire comprendre ce qu'est le droit à l'éducation inclusive et, par conséquent, quelles sont les obligations des États s'agissant d'adapter l'école aux besoins des enfants handicapés.  À cet égard, la prise de conscience des gouvernements est tantôt encourageante, comme par exemple dans la Sierra Leone, tantôt préoccupante, comme en témoigne l'attitude fermée de l'Union européenne, a observé l'expert.  M. Cardona a constaté, de plus, que les enfants handicapés interrogés sont tout à fait conscients de la discrimination dont ils sont victimes et qu'ils demandent eux-mêmes à être intégrés au système scolaire.  Enfin, il est regrettable que les personnes handicapées ne soient représentées qu'au sein du seul Comité des droits des personnes handicapées: le système des Nations Unies dans son ensemble doit entendre leur voix.

MME SOLEDAD CISTERNAS, Présidente du Comité des droits des personnes handicapées, a insisté sur l'importance de la jurisprudence du Comité s'agissant de l'application de l'article 24 de la Convention.  Le Comité ne manque ainsi jamais une occasion d'insister auprès des États sur la nécessité d'appliquer des aménagements raisonnables favorables à la scolarisation des enfants handicapés.  Le Comité préconise un changement radical du système scolaire pour assurer l'intégration des enfants handicapés, a assuré la Présidente.

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Ce document est destiné à l'information; il ne constitue pas un document officiel

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