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Examen du Paraguay devant le CRPD : la transition vers l’approche du handicap centrée sur les droits humains doit passer par une révision de la Constitution et des lois qui contiennent toujours des termes négatifs à l’encontre des personnes handicapées, est-il souligné
31 août 2023
Le Comité des droits des personnes handicapées (CRPD) a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport soumis par le Paraguay au titre de la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Pendant cet examen, une experte du Comité a affirmé que la transition de l’approche médicale du handicap vers l’approche centrée sur les droits humains devait passer, au Paraguay, par une révision de la Constitution et des lois qui contiennent toujours des termes négatifs à l’encontre des personnes handicapées. Cette experte a par ailleurs déploré que des budgets soient toujours consacrés à l’hospitalisation de personnes handicapées dans des institutions psychiatriques, plutôt qu’à leur intégration dans des structures communautaires. Elle a par ailleurs regretté que l’éducation inclusive ne soit pas généralisée au Paraguay et que les personnes handicapées n’aient pas accès à la santé dans des conditions d’égalité.
Il manque aussi un mécanisme indépendant chargé de contrôler l’application de la Convention au Paraguay, a poursuivi la même experte.
Une autre experte a fait état d’obstacles à l’exercice du droit de vote des personnes handicapées et a relevé l’absence d’un mécanisme permanent de consultation et de représentation des personnes handicapées.
Le Paraguay est l'un des rares pays d'Amérique latine à ne pas disposer d'une législation générale contre la discrimination, a-t-il en outre été souligné, une experte relevant que l’expression « aménagement raisonnable » ne semble pas avoir été incorporée dans le cadre juridique national et qu’aucune norme ne semble venir sanctionner le refus d'aménagement raisonnable comme une forme de discrimination fondée sur le handicap.
Ont par ailleurs été rappelées les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, lors de sa visite au Paraguay en 2015, concernant la situation des enfants handicapés, en particulier le fait que le Programme national de prise en charge intégrale des enfants et adolescents handicapés se limite à la prévention et à la détection précoce du handicap, et qu’il privilégie le modèle médical du handicap.
Plusieurs membres du Comité se sont enquis des mesures prises pour combattre et éradiquer systématiquement les stéréotypes à l'égard des personnes handicapées, ainsi que des résultats de ces mesures.
Si le Paraguay a progressé dans la mise en conformité de la loi avec la Convention, il existe encore des lois et des actes qui doivent être révisés et harmonisés, a souligné une experte.
Présentant le rapport de son pays, M. Marcelo Scappini Ricciardi, Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, a d’abord indiqué que le Paraguay était engagé dans un processus continu d'ajustements réglementaires, institutionnels et de politiques publiques dans une optique de droits de l'homme. Le Représentant permanent a cité à cet égard la création du Secrétariat national chargé des personnes handicapées (SENADIS), avec l’adoption d’un modèle biopsychosocial sous-tendu par une approche basée sur les droits, parallèlement à la fourniture des services d'adaptation et de réadaptation.
D’autre part, le Plan d'action national en faveur des droits des personnes handicapées témoigne de la détermination du Paraguay à consolider et à articuler des mécanismes pour promouvoir les droits humains des personnes handicapées, en les intégrant dans les politiques publiques. De même, la création de la Commission nationale pour les droits des personnes handicapées (CONADIS) offre un espace qualifié pour la participation et l’inclusion au processus de conception, de formulation, de suivi et d'évaluation des politiques publiques, a ajouté M. Scappini Ricciardi.
En ce qui concerne l'accessibilité à l'environnement physique, l'Institut national de technologie et de normalisation (INTN) a élaboré 18 normes paraguayennes d'application obligatoire. Enfin, le Représentant permanent a précisé que, dans le cadre du Plan d'action relatif à l’éducation 2018-2023, plusieurs actions ont été développées dans le domaine de l'éducation inclusive.
La délégation paraguayenne était également composée, entre autres, de nombreux représentants du Secrétariat national pour les droits humains des personnes handicapées ; des Ministères des relations extérieures, de l’intérieur, et des technologies de l’information et de la communication ; de la Cour suprême de justice ; ainsi que de l’Institut national de technologie et de normalisation.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Paraguay et les publiera à l’issue de sa session, le vendredi 8 septembre. Avec le Paraguay, s’est achevé ce matin l’examen de tous les rapports de pays qui étaient inscrits à l’ordre du jour de la session.
Examen du rapport du Paraguay
Le Comité est saisi du document valant deuxième et troisième rapports périodiques du Paraguay (CRPD/C/PRY/2-3), établi sur la base d’une liste de points à traiter qui avait été soumise par le Comité.
Présentation du rapport
Présentant le rapport de son pays, M. MARCELO SCAPPINI RICCIARDI, Représentant permanent du Paraguay auprès des Nations Unies à Genève, a d’abord indiqué que le Paraguay était engagé dans un processus continu d'ajustements réglementaires, institutionnels et de politiques publiques dans une optique de droits de l'homme. Le Représentant permanent a cité à cet égard la création du Secrétariat national chargé des personnes handicapées (SENADIS, selon l’acronyme en espagnol), avec l’adoption d’un modèle biopsychosocial sous-tendu par une approche basée sur les droits, parallèlement à la fourniture des services d'adaptation et de réadaptation.
D’autre part, a poursuivi M. Scappini Ricciardi, le Plan d'action national en faveur des droits des personnes handicapées témoigne de la détermination du Paraguay à consolider et à articuler des mécanismes pour promouvoir les droits humains des personnes handicapées, en les intégrant dans les politiques publiques. De même, la création de la Commission nationale pour les droits des personnes handicapées (CONADIS) offre un espace qualifié pour la participation et l’inclusion [des personnes handicapées] au processus de conception, de formulation, de suivi et d'évaluation des politiques publiques, a ajouté M. Scappini Ricciardi.
La question du handicap est au cœur de l’action de l'État, ce qui lui confère une grande visibilité, a d’autre part déclaré le Représentant permanant du Paraguay. Le processus d’élaboration d'indicateurs pour le Plan d'action national s'est achevé fin 2019 et, depuis janvier 2021, un mécanisme est mis en œuvre pour donner de la visibilité aux progrès réalisés dans l’application des lignes directrices établies dans la feuille d'indicateurs, grâce à l'incorporation de la variable handicap dans le tableau de contrôle du système de planification axé sur les résultats.
M. Scappini Ricciardi a aussi précisé que depuis 2019, toutes les agences et entités de l'État orientées vers ur le public doivent avoir au moins un fonctionnaire formé aux stratégies de communication avec les personnes ayant des déficiences auditives. La langue des signes paraguayenne a été reconnue officiellement et l'État offre une interprétation en langue des signes en ligne pour l'accès aux services, a-t-il fait savoir.
Par ailleurs, la loi n°6486/20 sur la promotion et la protection du droit des enfants et des adolescents à vivre dans une famille prévoit des mesures pour la désinstitutionnalisation des enfants et des adolescents, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre d'enfants handicapés dans les centres d'accueil, a souligné le Représentant permanent.
En ce qui concerne l'accessibilité à l'environnement physique, l'Institut national de technologie et de normalisation (INTN) a élaboré 18 normes paraguayennes d'application obligatoire. L’Institut est chargé de certifier l'accessibilité des bâtiments publics ou privés accessibles au public. Les institutions publiques doivent intégrer des mesures d'accessibilité physique dans leurs plans d'insertion professionnelle, en diagnostiquant au préalable les besoins d'adaptation de l'infrastructure des bâtiments, a expliqué M. Scappini Ricciardi.
D’autre part, dans le cadre de sa Politique d'accès à la justice pour les personnes handicapées, le pouvoir judiciaire élabore des actions stratégiques pour l'accessibilité physique, ainsi que pour la mise à jour et la formation des juges et des fonctionnaires sur les questions de handicap, entre autres. La plus haute instance judiciaire rédige actuellement un protocole sur l'accès à la justice par les personnes handicapées.
En 2021, le Ministère de la justice et le SENADIS ont signé un accord visant à garantir les droits des personnes handicapées privées de liberté, en favorisant l'identification correcte du type de handicap, la prestation de services médicaux, l'assistance technique et la réadaptation physique, a aussi précisé M. Scappini Ricciardi.
Dans le cadre du Plan d'action relatif à l’éducation 2018-2023, plusieurs actions ont été développées dans le domaine de l'éducation inclusive, telles que la formation, le développement de matériel en format accessible, les services d'attention éducative compensatoire, la fourniture de « kits technologiques » aux écoles du secteur public dans la modalité d'éducation inclusive, ainsi que le renforcement de la formation des enseignants en langue des signes, entre autres.
En ce qui concerne les personnes institutionnalisées dans des services de santé mentale, une équipe de travail interinstitutionnelle a été créée pour mettre en œuvre les recommandations du Mécanisme national pour la prévention de la torture en ce qui concerne l'hôpital psychiatrique, a d’autre part indiqué M. Scappini Ricciardi.
Enfin, le Représentant permanent a relevé que, pour consolider les changements socioculturels nécessaires à l'enracinement de l'approche du handicap fondée sur les droits, il fallait un engagement soutenu de la part de l'État et de tous les acteurs sociaux. Pour le Gouvernement, l'un des défis consiste à fournir des ressources budgétaires adéquates pour garantir la durabilité des actions décrites dans le Plan d'action national.
Questions et observations des membres du Comité
MME AMALIA GAMIO RIOS, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Paraguay, a d’abord recommandé que le Paraguay tire parti de la richesse de la société civile impliquée dans les droits des personnes handicapées. Elle a indiqué que la transition de l’approche médicale du handicap à l’approche centrée sur les droits humains devait passer par une révision de la Constitution et des lois qui contiennent encore des termes négatifs à l’encontre des personnes handicapées, ce qui – a-t-elle souligné – n’a pas encore été fait au Paraguay.
Mme Gamio Rios a ensuite déploré que des budgets soient toujours consacrés à l’hospitalisation de personnes handicapées dans des institutions psychiatriques, plutôt qu’à leur intégration dans des structures communautaires.
L’experte a par ailleurs regretté que l’éducation inclusive ne soit pas généralisée au Paraguay et que les personnes handicapées n’aient pas accès à la santé dans des conditions d’égalité. Il manque aussi un mécanisme indépendant chargé de contrôler l’application de la Convention au Paraguay, a-t-elle constaté. Elle a voulu savoir si le discours inaugural du nouveau Président de la République avait mentionné les personnes handicapées et si ce discours avait été traduit en langue des signes.
La corapporteuse a en outre voulu savoir ce qui était fait pour faciliter la participation des femmes handicapées dans la vie politique et dans les postes à responsabilité.
Mme Gamio Rios a ensuite voulu savoir quel organe était chargé de contrôler que le placement en hôpital psychiatrique se fasse avec le plein accord des personnes concernées.
Mme Gamio Rios a par ailleurs relayé de très vives préoccupations de la société civile paraguayenne au sujet de violences exercées par des conducteurs de transports publics sur des passagers handicapés et de la passivité de la police à cet égard.
L’experte a aussi regretté qu’il n’y ait toujours pas de budget pour accompagner le plan d’éducation inclusive au Paraguay et qu’il manque une réglementation concernant les enseignants de soutien, lesquels doivent être payés par les parents des enfants handicapés.
MME ROSA IDALIA ALDANA SALGUERO, corapporteuse du Comité pour l’examen du rapport du Paraguay, s’est interrogée sur la volonté politique d’amender les textes mentionnés par Mme Gamio Rios. Elle a fait état d’obstacles à l’exercice du droit de vote des personnes handicapées et a relevé l’absence d’un mécanisme permanent de consultation et de représentation des personnes handicapées, estimant en effet que la CONADIS ne suffisait pas à cette tâche. De même, a relevé Mme Aldana Salguero, le SENADIS n’a pas l’indépendance nécessaire pour garantir le respect des droits des personnes handicapées.
L’experte s’est par ailleurs enquise des résultats des campagnes destinées à combattre, parmi la population générale et les fonctionnaires concernés, les stéréotypes négatifs visant les personnes handicapées.
Une autre experte membre du Comité a relevé que le Paraguay était l'un des rares pays d'Amérique latine à ne pas disposer d'une législation générale contre la discrimination. En outre, a-t-elle relevé, l’expression « aménagement raisonnable » ne semble pas avoir été incorporée dans le cadre juridique national et, en particulier, aucune norme ne semble venir sanctionner le refus d'aménagement raisonnable comme une forme de discrimination fondée sur le handicap.
L’experte a d’autre part rappelé les préoccupations exprimées par le Rapporteur spécial sur les droits des personnes handicapées, lors de sa visite au Paraguay en 2015, concernant la situation des enfants handicapés, en particulier le fait que le Programme national de prise en charge intégrale des enfants et adolescents handicapés se limite à la prévention et à la détection précoce du handicap, et qu’il privilégie le modèle médical du handicap.
Plusieurs experts ont demandé combien de municipalités disposaient de transports publics accessibles – y compris les arrêts et abribus – et ce qu’il en était de l'accessibilité des bâtiments et zones ouverts au public (rues, trottoirs, parcs, etc.). D’aucuns se sont en outre enquis des progrès réalisés dans la transposition de l'arrêté municipal d’Asunción sur l'accessibilité (n°186/2018) dans les municipalités.
Un expert s’est enquis des mesures prises pour « combattre et éradiquer systématiquement » les stéréotypes à l'égard des personnes handicapées, et pour que les personnes autochtones handicapées soient informées de leurs droits et soient protégées contre toutes les formes de discrimination.
Une autre experte a constaté que si le Paraguay avait progressé dans la mise en conformité de la loi avec la Convention, il existait encore des lois et des actes qui doivent être révisés et harmonisés. Elle a demandé s’il existait un mécanisme pour ce faire et si les personnes handicapées, par l'intermédiaire des organisations qui les représentent, étaient impliquées dans le processus.
Plusieurs questions des experts ont également porté sur l’accès des personnes handicapées à l'information, y compris les produits numériques et sites web des institutions publiques du Paraguay.
Une experte a demandé si le Mécanisme national de prévention de la torture effectuait des visites dans les institutions psychiatriques.
D’autres questions ont porté sur les mécanismes d'aide qui existent dans le pays pour répondre aux besoins des personnes handicapées en matière de prévention et de gestion des situations d'urgence et de risque humanitaire ; et sur la lutte contre la violence envers les personnes handicapées, en particulier les femmes handicapées.
Il a aussi été demandé ce qui était fait pour passer, au Paraguay, de la prise de décision substituée à un régime de prise de décision assistée, qui respecte l'autonomie, la volonté et les préférences des personnes handicapées, conformément à l'article 12 de la Convention.
Une experte a prié la délégation de dire si le Paraguay appliquait des mesures d’action affirmative pour défendre les droits des femmes handicapées, en particulier leur droit de participer, comme les hommes, à la vie publique.
D’autres experts ont demandé si on avait constaté, depuis l'adoption de la loi sur l'éducation inclusive, une augmentation du nombre d'étudiants handicapés dans le système éducatif, et combien d’écoles spécialisées avaient été fermées. Il a en outre été demandé si le Paraguay allait faciliter l’accès des personnes handicapées à l’enseignement supérieur par le biais d’actions affirmatives, de bourses ou autres.
Une experte a voulu savoir quel organe était chargé de contrôler que le placement en hôpital psychiatrique se fasse avec le plein accord des personnes concernées. Une autre experte s’est dite préoccupée par le recours, dans les établissements psychiatriques, aux médicaments psychotropes ou encore à la thérapie électroconvulsive. Il a été demandé quelles mesures étaient prises pour garantir que tous les services de santé soient pleinement accessibles aux personnes handicapées à tous les niveaux, y compris au niveau communautaire.
La délégation a également été priée de dire ce qui était fait pour que les professionnels de santé adoptent le modèle du handicap fondé sur les droits de l'homme.
D’autre part, si un régime d’incitation fiscale pour le recrutement de personnes handicapées par les entreprises existe depuis dix ans, des obstacles administratifs empêchent toujours sa mise en œuvre, ont regretté des expertes. Il a aussi été demandé quelles étaient les mesures en place pour éliminer les ateliers protégés et pour que les personnes handicapées de ces entités soient pleinement intégrées dans le marché du travail ouvert.
Une experte a demandé des informations sur Juliette, fillette handicapée disparue depuis maintenant dix ans.
Réponses de la délégation
La délégation a d’abord déclaré que le Paraguay avait, ces dernières années, renforcé sa structure juridique pour appliquer la Convention, avec l’adoption de quelque 25 actes normatifs. Elle a assuré que l’État disposait d’outils qui témoignent de son engagement à appliquer la Convention et à améliorer la situation des personnes handicapées. La délégation a ajouté que le Gouvernement était conscient des efforts qu’il lui restait à accomplir pour mettre la loi, en particulier le Code civil, en conformité avec la Convention.
Entre 2011 et 2023, 75 sentences rendues par les tribunaux ont invoqué la Convention, a-t-il par ailleurs été précisé.
La délégation a ensuite mentionné le rôle de coordination joué par le SENADIS (Secrétariat national chargé des personnes handicapées) dans la formulation de mesures à prendre par les autorités publiques, dans le cadre du Plan d’action national, en matière de droits des personnes handicapées, ainsi que du rôle de ce Secrétariat national dans la vérification des résultats de ces mesures. Les vingt-six entités de l’État ont adopté pour ce faire un ensemble d’indicateurs qui permettent de mesurer la performance au regard des affectations budgétaires, ainsi que les avancées par rapport au Plan d’action. Le taux d’atteinte s’élève actuellement à 100%, a affirmé la délégation. Deux indicateurs ont trait aux femmes handicapées, a-t-elle précisé. Quant aux personnes d’ascendance africaine, elles n’ont pas toujours conscience des droits qu’elles peuvent faire valoir devant le SENADIS, a souligné la délégation, avant d’ajouter que « l’enregistrement des personnes d’ascendance africaine reste faible ».
Le SENADIS réalise des formations dans le secteur privé, auprès des enseignants et étudiants, en ce qui concerne la terminologie, la Convention et le traitement à réserver aux personnes handicapées.
Il a été précisé que le SENADIS avait deux mandats : la promotion des droits des personnes handicapées et l’assistance en matière de handicap. L’institution est consciente qu’il faut parvenir à un modèle inclusif pour les personnes handicapées en matière de santé et d’éducation, entre autres domaines. Le Secrétariat national plaide en outre pour l’organisation d’un recensement national du handicap, a indiqué la délégation.
La délégation a dit ne pas être informée du contenu du projet de fusion du SENADIS avec une autre institution, qui a été mentionné par une experte du Comité.
Le SENADIS est chargé de former les fonctionnaires des trois pouvoirs qui font partie du mécanisme d’application et de suivi de la Convention au Paraguay, a en outre indiqué la délégation.
La délégation a précisé que le SENADIS avait créé une Commission, la CONADIS, qui se réunit tous les trimestres en présence d’organisations représentatives des personnes handicapées. Les organisations de personnes ayant un handicap intellectuel n’ont pas participé aux élections à cette instance, a précisé la délégation.
Pour faciliter la participation des personnes handicapées aux élections, le Code électoral a été amendé afin d’inclure le vote inclusif et le vote à domicile ; les personnes handicapées peuvent aussi se faire accompagner pour exercer leur droit de vote.
Le Code de l’enfance et de l’adolescence prévoit la participation des jeunes, y compris les jeunes handicapés, dans l’élaboration des lois et politiques les concernant, a ajouté la délégation.
La délégation a aussi mentionné que le programme national de lutte contre la pauvreté protégeait plus de 77 000 enfants et adolescents handicapés ; les familles dont un ou plusieurs membres sont handicapés bénéficient d’allocations supplémentaires. Le programme de protection sociale Vamos!, qui est en cours de validation, portera sur les personnes handicapées à toutes les étapes de la vie et sur toute l’étendue du territoire, a d’autre part précisé la délégation.
La délégation a ensuite évoqué le programme de sensibilisation aux droits des personnes handicapées « Mets-toi à ma place ! », géré par le Ministère de la justice.
Un audit d’accessibilité des ressources numériques a été réalisé en collaboration avec de jeunes handicapés, a-t-il par ailleurs été précisé. Le Ministère des technologies de l’information organise des formations sur l’accessibilité et propose des outils dans ce domaine. Quant aux bulletins d’information, ils sont traduits non seulement en langue des signes, mais aussi en guarani, a dit la délégation.
Toutes les personnes ayant un handicap auditif ou visuel peuvent désormais exercer leur droit de vote à égalité avec les autres citoyens, a poursuivi la délégation. Les bureaux de vote ont en effet été aménagés de manière adéquate – le vote assisté étant aussi possible – et accordent la priorité aux personnes handicapées.
L’Institut national de technologie et de normalisation est chargé de veiller au respect des prescriptions légales en matière d’accessibilité des bâtiments. Toutes les municipalités devront établir des statistiques concernant l’accessibilité de leurs bâtiments, a indiqué la délégation.
D’autres efforts sont nécessaires en matière d’accès aux transports, a d’autre part admis la délégation.
La délégation a également reconnu que les données manquaient concernant l’accessibilité des transports publics. Elle a fait part de la volonté de l’État d’assurer cet accès, raison pour laquelle le transport est désormais gratuit pour toutes les personnes handicapées, quel que soit leur handicap.
La délégation a ajouté que les conducteurs de bus dans la région métropolitaine suivaient une formation systématique sur l’attitude à adopter au volant.
Il a aussi été fait état de progrès dans l’accessibilité des contenus en ligne des entités de l’État, ainsi que des émissions de télévision.
La délégation a sollicité l’aide du Comité pour élaborer un programme de formation à la Convention destiné aux fonctionnaires de justice. Le système de justice, a-t-il été précisé, travaille actuellement à une réglementation concernant l’accessibilité de ses structures par ses propres fonctionnaires handicapés, au nombre de 68 (dont 28 femmes, et 12 ayant un handicap psychosocial).
La langue des signes a été utilisée à l’occasion [du discours] de la prise de fonction du nouveau Président de la République, le 15 août dernier, a fait savoir la délégation. Elle a d’autre part indiqué que le pouvoir judiciaire assurait, aussi longtemps que nécessaire, l’interprétation des procédures en langue des signes au profit des personnes handicapées.
En matière de santé, la délégation a indiqué que le plan national de santé sexuelle et procréative mentionnait explicitement les besoins des personnes handicapées. Quant au secteur de la santé mentale, il a été modifié par la loi 7018 : des mesures sont prévues pour ouvrir de nouveaux services dans ce domaine, a précisé la délégation.
Cinquante-deux personnes handicapées dont les familles ne peuvent s’occuper sont placées dans des institutions psychiatriques, a indiqué la délégation, avant d’ajouter que le mécanisme de prise en charge de la santé mentale et le Mécanisme national de prévention de la torture collaborent. La désinstitutionnalisation progressive des personnes concernées est à l’étude, a précisé la délégation.
Le parquet dispose d’une unité spécialisée dans la répression de la traite des femmes et des enfants, a-t-il été précisé en réponse à la question d’une experte. Plusieurs personnes handicapées victimes de la traite ont été prises en charge par le SENADIS, a indiqué la délégation.
Le Code de l’enfance instaure un cadre complet de protection des enfants et des adolescents en tant que titulaires de droits, a poursuivi la délégation. Tous les axes d’action du plan national pour l’enfance qui est actuellement en vigueur mettent particulièrement l’accent sur les jeunes handicapés, a-t-elle souligné. Des campagnes de prévention et de sensibilisation à la violence contre les enfants ont été lancées, parallèlement à l’organisation d’ateliers de formation.
Une instance est chargée de contrôler l’application des programmes de soins de substitution dans les établissements spécialisés accueillant 735 enfants, dont 26 handicapés, a-t-il en outre été indiqué.
Le recensement de 2022 était axé « sur les faits », a indiqué la délégation, expliquant que cela a entraîné la suppression de certaines questions par rapport au questionnaire du précédent recensement, réalisé en 2012. Mais les résultats en 2022 ont été décevants car la population n’a pas toujours su comment répondre à certaines questions, a-t-elle souligné. Les autorités sont donc en train de mettre au point un « atlas du handicap » exploitant les sources administratives, les sources officielles et les sources de la société civile pour dresser un tableau complet de la situation des personnes handicapées au Paraguay, a indiqué la délégation.
La délégation a insisté sur le fait que les personnes handicapées avaient participé à l’élaboration non seulement du Plan d’action national en faveur des droits des personnes handicapées, mais aussi à celle des indicateurs qui lui sont attachés. Le Plan et ses indicateurs seront adaptés à l’évolution des conditions, en particulier pour ce qui est des effets des changements climatiques sur les personnes handicapées, a-t-il été précisé.
L’État a pour objectif de parvenir à la désinstitutionnalisation des personnes handicapées dans le cadre de ses efforts en faveur des familles, a précisé la délégation. L’État accorde ce faisant une attention prioritaire à la recherche de familles d’accueil pour les enfants handicapés, de même qu’à l’adoption.
Plus de mille enseignants ont été formés aux exigences de l’éducation inclusive, a-t-il d’autre part été précisé. Un peu moins de 3000 enfants ont déjà terminé le programme d’éducation inclusive. Par ailleurs, l’État a créé des « centres et enseignants d’appui à l’inclusion », plus de 1100 personnes ayant été formées à la prise en charge des besoins spécifiques des élèves handicapés, a indiqué la délégation.
Remarques de conclusion
M. SCAPPINI RICCIARDI s’est dit satisfait de l’échange de sa délégation avec le Comité et a réaffirmé le respect de son pays envers cette procédure. Le pays s’engagera à suivre les recommandations du Comité, qui aident les États « à rectifier le tir » pour créer des sociétés meilleures, a déclaré le Représentant permanent. Il a mentionné l’outil SIMORE dont son pays s’est doté pour assurer le suivi de ces recommandations et préparer les rapports dus aux organes conventionnels – outil que le Paraguay met à la disposition d’autres États de la région.
MME ALDANA SALGUERO a salué les mesures prises par le Paraguay pour instaurer un cadre de politique publique, en particulier le Plan d’action national en faveur des droits des personnes handicapées, entre autres. L’experte a demandé au Paraguay d'adopter le modèle du handicap fondé sur les droits et de charger le SENADIS de réorienter son travail en faveur des droits des personnes handicapées, y compris les personnes autochtones handicapées.
Mme Aldana Salguero a notamment recommandé que l’État mette en œuvre des mécanismes et des mesures clairs, y compris pour ce qui concerne les budgets et les ressources humaines nécessaires à l'application efficace des lois et politiques générales existantes ; qu’il veille, à titre prioritaire, à ce que la Commission nationale pour les droits des personnes handicapées soit indépendante ; et qu’il lance une stratégie permanente d'éducation et de formation, tant pour les personnes handicapées que pour le secteur des entreprises, qui vise notamment à démystifier l'idée selon laquelle les aménagements raisonnables constitueraient non pas un investissement, mais « une dépense ».
Lien : https://www.ungeneva.org/fr/news-media/meeting-summary/2023/08/experts-committee-rights-persons-disabilities-pleased-about-data
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