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Communiqués de presse Organes conventionnels

Le Comité contre la torture examine le rapport de la Roumanie

24 Avril 2015

Le Comité contre la torture a examiné, hier matin et cet après-midi, le rapport présenté par la Roumanie sur les mesures qu'elle a prises en application des dispositions de la Convention contre la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants.

Le rapport de la Roumanie a été présenté par la Directrice générale adjointe de l'Administration nationale pénitentiaire au Ministère de la justice, Mme Ioana Morar, qui a notamment indiqué que suite à sa ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention, la Roumanie a mis en place son propre mécanisme national de prévention, qui fonctionne depuis 2014 au sein du Bureau du médiateur. Du point de vue législatif, a-t-elle poursuivi, les mesures les plus importantes qui ont été prises sont la révision de la Constitution, la réforme du système judiciaire et du système pénitentiaire, ainsi que l'adoption d'une législation spéciale visant à réglementer certains aspects spécifiques concernant la protection des droits fondamentaux. Les changements apportés à la législation ont permis aux victimes de crimes d'avoir accès à une aide juridique ou à des compensations pour violation de leurs droits, a fait valoir Mme Morar. La législation a également mis en place le cadre nécessaire pour une protection effective des victimes de traite de personnes et de violence domestique. Parallèlement, une série d'institutions a été mise en place afin d'appliquer la législation et d'aider les personnes dont les droits ont été violés. En 2014, la réforme du système judiciaire a atteint son point d'orgue avec l'entrée en vigueur de sept nouveaux textes de lois pénales, parmi lesquels le code pénal, le code de procédure pénale ou encore la loi sur l'exécution des peines et celle sur le système de probation.

La délégation roumaine était également composée de la Représentante permanente de la Roumanie auprès des Nations Unies à Genève, Mme Maria Ciobanu, ainsi que de représentants du Bureau du médiateur, du Ministère de la justice, du Ministère de l'intérieur et du Ministère des affaires étrangères. Elle a répondu aux questions qui lui étaient adressées par les membres du Comité s'agissant, entre autres, du mécanisme national de prévention de la torture, dont est chargé le Bureau du médiateur; du système de protection de l'enfant; de l'internement en hôpital psychiatrique; de la situation des Roms; du régime d'immigration; du cadre juridique global d'interdiction de la torture; de l'applicabilité directe de la Convention; de la détention préventive et de la garde à vue; de la notification de ses droits au prévenu; des conditions de détention dans les commissariats et les prisons; de l'irrecevabilité des preuves obtenues sous la torture; de la violence domestique; ou encore des allégations sur l'existence en Roumanie d'au moins un centre secret dirigé par les services de renseignement des États-Unis.

Le rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Roumanie, M. George Tugushi, s'est inquiété que les personnes placées en garde à vue puissent parfois rester, dans les faits, jusqu'à un mois voire plus dans les cellules de commissariats. En outre, la présence des médecins reste limitée durant la garde à vue, relevant des informations selon lesquelles la police aurait tendance à retarder le moment où les personnes arrêtées peuvent entrer en contact avec leur famille. Il s'est en outre inquiété d'allégations selon lesquelles des interrogatoires de personnes arrêtées commencent avant qu'elles aient pu accéder à un avocat. Rappelant par ailleurs la norme de la confidentialité de l'entretien du prévenu avec son avocat, il a fait observer que, selon certaines informations, les officiers de police sont souvent dans la pièce lorsque l'avocat s'entretient avec son client. La surpopulation carcérale reste un problème grave dans les prisons roumaines, a aussi souligné M. Tugushi. Il a également soulevé la question des placements d'enfants en institutions, s'inquiétant de la forte proportion parmi eux d'enfants roms. La corapporteuse, Mme Essadia Belmir, s'est inquiétée que soient mélangés les prévenus et les condamnés dans les centres de détention et de garde à vue de la police, contribuant à la surpopulation dans des installations qui ne sont pas prévues pour des séjours prolongés. L'audition des mineurs se fait souvent sans la présence d'un avocat ni d'un représentant légal, sans compter qu'il y a un problème d'enregistrement des naissances qui se répercute sur l'identification des personnes arrêtées. Mme Belmir a par ailleurs soulevé le problème de la discrimination contre les Roms à divers niveaux de la procédure pénale.

Le Comité adoptera, dans le cadre de séances privées, des observations finales sur le rapport de la Roumanie, et les rendra publiques à l'issue de la session, qui termine ses travaux le vendredi 15 mai prochain.

Le Comité contre la torture entamera lundi, 27 avril à 10 heures, l'examen du rapport du Luxembourg (CAT/C/LUX/6-7).

Présentation du rapport

Présentant le rapport de la Roumanie (CAT/C/ROU/2), MME IOANA MORAR, Directrice générale adjointe de l'Administration nationale pénitentiaire au Ministère de la justice de la Roumanie, a souligné qu'outre la Convention contre la torture, la Roumanie avait ratifié les principaux instruments européens en matière de droits de l'homme que sont la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et ses Protocoles additionnels, ainsi que la Convention européenne pour la prévention de la torture et ses Protocoles additionnels. La Roumanie a par ailleurs accepté tous les mécanismes de coopération internationale, y compris concernant les visites, a-t-elle en outre fait valoir, rappelant que le Comité européen de prévention de la torture avait effectué une visite dans le pays en 1995 et que tous les rapports entourant cette visite avaient été publiés sur demande du Gouvernement roumain. La visite la plus récente a eu lieu en 2014 et la réponse des autorités roumaines est en cours de rédaction, a indiqué Mme Morar.

Suite à sa ratification du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture, la Roumanie a mis en place son propre mécanisme national de prévention, qui fonctionne depuis 2014 au sein du Bureau du médiateur, a en outre indiqué Mme Morar.

Du point de vue législatif, les mesures les plus importantes qui ont été prises sont la révision de la Constitution, la réforme du système judiciaire et du système pénitentiaire, ainsi que l'adoption d'une législation spéciale visant à réglementer certains aspects spécifiques concernant la protection des droits fondamentaux. Les changements apportés à la législation ont permis aux victimes de crimes d'avoir accès à une aide juridique ou à des compensations pour violation de leurs droits, a fait valoir Mme Morar. La législation a également mis en place le cadre nécessaire pour une protection effective des victimes de traite de personnes et de violence domestique, a-t-elle ajouté. Parallèlement, des institutions ont été mises en place afin d'appliquer la législation et d'aider les personnes dont les droits ont été violés, a-t-elle indiqué. En 2014, la réforme du système judiciaire a atteint son point d'orgue avec l'entrée en vigueur de sept nouveaux textes de lois pénales, parmi lesquels le code pénal, le code de procédure pénale ou encore la loi sur l'exécution des peines et celle sur le système de probation.

La Roumanie a par ailleurs réalisé d'importants progrès en matière de coopération judiciaire internationale, en particulier pour les questions criminelles et l'extradition. Mme Morar a souligné que les autorités roumaines avaient renforcé leurs politiques visant à assurer la protection des migrants, y compris les requérants d'asile, et à prévenir l'exploitation. En conclusion, Mme Morar a réaffirmé l'engagement de la Roumanie en faveur de la promotion et de la protection des droits de l'homme.

Examen du rapport

Questions et observations des experts

M. GEORGE TUGUSHI, rapporteur du Comité pour l'examen du rapport de la Roumanie, a souhaité savoir s'il y a eu dans le pays des cas d'application directe, par les tribunaux, de la Convention contre la torture, en particulier de son article premier relatif à la définition de la torture. La Roumanie envisage-t-elle de modifier les sanctions encourues pour crime de torture, a-t-il par ailleurs demandé? Rappelant que le Comité accorde beaucoup d'importance à la prévention de la torture, le rapporteur a fait observer qu'après avoir retardé à plusieurs reprises la mise en place du mécanisme national de prévention de la torture, la Roumanie a adopté en 2013 un décret visant à désigner le médiateur comme mécanisme national de prévention au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention. Le médiateur a-t-il déjà mené des visites et rédigé des rapports, a demandé M. Tugushi? Une équipe multidisciplinaire a-t-elle été mise en place dans le cadre dudit mécanisme de prévention, a-t-il voulu savoir?

Relevant qu'en février 2014, la Roumanie avait adopté un nouveau code pénal et un nouveau code de procédure pénale, M. Tugushi a fait observer que la réglementation relative à la garde à vue et à la détention préventive reste inchangée, toute personne placée en garde à vue ne pouvant être détenue plus de 24 heures avant d'être présentée devant un juge et la détention préventive ne pouvant dépasser 30 jours prorogeables une fois de 30 jours supplémentaires. Or le Comité européen contre la torture a critiqué la longueur de la garde à vue en Roumanie, a relevé le rapporteur, avant de s'inquiéter que les personnes placées en garde à vue puissent parfois rester, dans les faits, jusqu'à un mois voire plus dans les cellules des commissariats. En dépit de l'existence de garanties prévues par la loi, la présence des médecins reste limitée (durant la garde à vue), des informations indiquant que la police aurait tendance à retarder le moment où les personnes arrêtées peuvent entrer en contact avec leur famille et que les personnes arrêtées ne sont en outre pas dûment informées de la raison de leur arrestation, ni de leurs droits. Si le droit d'accès à un avocat existe dans la loi, des allégations font état d'interrogatoires de personnes arrêtées qui commencent avant même que ces personnes aient pu accéder à un avocat, s'est inquiété M. Tugushi. Rappelant par ailleurs la norme de la confidentialité de l'entretien du prévenu avec son avocat, il a fait observer que, selon certaines informations, des officiers de police sont souvent dans un coin de la pièce lorsque l'avocat parle à son client. Il s'est dit préoccupé par des informations selon lesquelles il arriverait souvent que la police interroge les mineurs sans la présence d'un avocat ou d'un représentant légal.

Le rapporteur a également soulevé la question de la tenue des registres dans les commissariats. Il a aussi voulu savoir qu'ont fait les autorités pour résoudre le problème de la surpopulation dans les cellules des commissariats de police. La surpopulation carcérale reste un problème grave dans les prisons roumaines, a poursuivi M. Tugushi. Il a aussi voulu connaître le nombre d'agents poursuivis et sanctionnés pour mauvais traitements. Le rapporteur s'est en outre inquiété d'informations selon lesquelles l'examen des détenus par un médecin se faisait en présence de gardiens, alors que la norme devrait être la confidentialité de l'examen médical.

M. Tugushi a ensuite soulevé la question des placements d'enfants en institutions, s'inquiétant de la forte proportion d'enfants roms placés dans des institutions. Il semblerait en outre que les enfants handicapés ne bénéficient pas des mesures de désinstitutionalisation, s'est par ailleurs inquiété l'expert.

MME ESSADIA BELMIR, corapporteuse du Comité pour l'examen du rapport roumain, a souhaité en savoir davantage sur les formations spécifiques dispensées aux personnels concernés pour déceler les actes de torture et de mauvais traitement. Qu'en est-il dans la pratique de l'application du Protocole d'Istanbul (Manuel pour enquêter efficacement sur la torture), a-t-elle en outre demandé?

Mme Belmir s'est inquiétée que soient mélangés les prévenus, des condamnés et des personnes «fraîchement détenues» dans les «cachots de la police», ce qui contribue à la surpopulation dans ces endroits qui ne sont pas faits pour des séjours prolongés. La durée maximum de la détention préventive dans les «cachots de la police» est souvent dépassée de très loin, a déploré la corapporteuse. Même pour les condamnés, ils restent souvent dans les «dépôts de la police» parce qu'on ne connaît pas leur identité, ce qui laisse entrevoir qu'on les a condamnés sans même connaître leur identité, a fait observer Mme Belmir. L'audition des mineurs se fait souvent sans la présence d'un avocat ni d'un représentant légal, sans compter qu'il y a un problème d'enregistrement des naissances qui se répercute sur l'identification des personnes arrêtées, a ajouté la corapporteuse.

Mme Belmir s'est en outre inquiétée que le retard pris dans le traitement d'un dossier puisse entraîner une sanction disciplinaire contre le juge et que son immunité soit ainsi liée à la question du retard, qui peut être dû à nombre de causes diverses non imputables au juge. Mme Belmir a en outre constaté que le Conseil de la magistrature a connu un problème de conflit d'intérêts parmi ses membres.

La corapporteuse a par ailleurs soulevé le problème de la discrimination contre les Roms à divers niveaux de la procédure pénale.

Mme Belmir a ensuite attiré l'attention sur certaines informations, émanant d'un Rapporteur spécial de l'ONU, selon lesquelles il existe à Bucarest des maisons closes où des enfants, notamment étrangers, seraient maintenus cachés durant la journée avant d'être exploités sexuellement durant la nuit. Cette situation est liée à deux problèmes qu'il convient, pour les autorités roumaines, de prendre en compte, à savoir l'enregistrement des naissances et le statut de l'immigré.

Parmi les autres membres du Comité, une experte a souhaité savoir combien de personnes en Roumanie avaient été accusées et poursuivies pour crime de torture ou mauvais traitements commis sous le régime communiste. Elle s'est en outre demandé pourquoi les autorités roumaines ne recueillaient pas d'informations sur les crimes de haine et à motivation raciale, alors qu'il semble y avoir de nombreux cas de ce type dans le pays; des allégations font état de nombreux cas de mauvais traitements à l'encontre des Roms et de discours antisémites et anti-Roms, a insisté l'experte.

Un autre membre du Comité a souligné qu'il était important que les personnes privées de liberté puissent bénéficier de la présence d'un avocat dès le début de leur privation de liberté. Il a en outre souhaité en savoir davantage au sujet des recours dont disposent les personnes faisant l'objet d'une décision de refoulement, et a demandé si ce recours avait un effet suspensif.

Un expert s'est étonné que, selon ce qu'indique le paragraphe 280 du rapport, l'augmentation du nombre de détenus entre 2008 et 2013 était notamment imputable au fait que «depuis 2003, des amnisties et grâces collectives ont occasionné des lacunes dans la responsabilité pénale et l'exécution des condamnations», alors que généralement, amnisties et grâces concourent à une réduction du nombre de détenus. Il a voulu savoir si ces amnisties et grâces concernaient aussi des cas de torture.

Quels sont les faits sur lesquels se basent les autorités concernées pour décider du placement d'une personne en détention préventive, a-t-il en outre été demandé?

La Roumanie serait-elle disposée à reconnaître la compétence du Comité, en vertu de l'article 22 de la Convention, pour recevoir et examiner des plaintes individuelles, a souhaité savoir un membre du Comité?

Évoquant ensuite des allégations de détention au secret pour les personnes suspectées de terrorisme en Roumanie, l'expert a déclaré que, selon certaines informations, les services secrets américains avaient un centre en Roumanie entre 2003 et 2006, la position officielle restant que la Roumanie n'avait accordé aucun intérêt aux activités de la CIA dans ce type de centre. L'expert s'est par ailleurs enquis des mesures envisagées pour améliorer les conditions de vie dans la prison de Gherla, l'une des plus anciennes du pays, dont la structure de base date du XVIème siècle (autour de 1540).

Une experte a souhaité en savoir davantage sur la situation des populations roms, dont l'accès à certains services est limité et qui feraient l'objet de mauvais traitements.

La discrimination est considérée en Roumanie comme une circonstance aggravante et non comme un délit en soi, a constaté un autre membre du Comité.

Un membre du Comité a souhaité savoir si les visites inopinées du mécanisme national de prévention se feraient uniquement sur plainte. La pratique de la détention aux mains de la police durant des périodes de 30 jours pouvant être renouvelées doit cesser, a par ailleurs affirmé cet expert, soulignant qu'une personne faisant l'objet de poursuites ne doit pas rester détenue aux mains de la police, eu égard aux pressions dont elle peut faire l'objet dans ce contexte, mais être placée – si elle doit être maintenue en détention – dans d'autres types de centres de détention.

L'expert s'est en outre enquis des mesures qui ont été prises, notamment sur le plan juridique, pour prévenir et combattre la traite de personnes, la Roumanie étant en effet un pays d'origine et de transit pour la traite. L'expert a ensuite déploré que le pays ne compte pas de mécanisme de plainte indépendant contre la police; en cas de plainte, c'est le Ministère lui-même qui mène l'enquête. De la même manière, les prisonniers hésitent à porter plainte parce qu'ils n'ont aucune confiance dans le système, a insisté cet expert.

Une experte s'est inquiétée que l'aide juridictionnelle en Roumanie soit soumise à un certain nombre de conditions, notamment à celles d'être citoyen roumain ou de résider légalement dans le pays. Qu'en est-il alors du cas des enfants se trouvant en Roumanie dans l'engrenage de la traite nationale ou internationale, a-t-elle demandé?

Eu égard aux allégations sur l'existence en Roumanie d'au moins un centre secret dirigé par les services de renseignement des États-Unis, un membre du Comité a pris acte de la réponse de la délégation roumaine affirmant qu'il n'existait à ce stade aucune preuve de l'existence d'un tel centre, mais a souhaité en savoir davantage sur la commission d'enquête, apparemment active, qu'a mentionnée la délégation. S'agissant de la question des preuves dans cette affaire, l'expert a rappelé que l'ancien chef des services de renseignements roumains avait accordé un entretien au journal allemand Der Spiegel en décembre 2014, dans lequel il affirmait que oui, il y avait bien en Roumanie au moins un ou deux centres de transit ou de détention de prisonniers étrangers placés sous contrôle de la CIA. Un rapport du Conseil de l'Europe de 2007 affirmait quant à lui disposer de suffisamment de preuves de l'existence de tels centres entre 2003 et 2005 en Pologne et en Roumanie, a ajouté l'expert.

Les personnes dont les facultés mentales sont altérées sont-elles tenues pénalement responsables des actes qu'elles commettent, a-t-il par ailleurs été demandé?

Réponses de la délégation

S'agissant du mécanisme national de prévention de la torture, la délégation a indiqué qu'en vertu d'une ordonnance gouvernementale de 2014 sur le Bureau du médiateur, celui-ci a été désigné comme unique structure nationale chargée des tâches de prévention de la torture dans les lieux de détention prévues au titre du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture. En vertu de cette ordonnance, le médiateur contrôle régulièrement le traitement des personnes placées en détention afin de consolider leur protection contre la torture et autres peines ou traitements inhumains ou dégradants et de garantir que ces personnes exercent de façon non discriminatoire leurs droits et libertés fondamentaux, a précisé la délégation. Pour ce faire, le médiateur peut entreprendre des visites, annoncées à l'avance ou non, dans les lieux de détention et faire des recommandations à l'issue de ces visites. Le médiateur peut en outre faire des propositions d'amendement ou de remplacement des lois pertinentes. La délégation a précisé que des collaborateurs externes du médiateur sont recrutés au niveau des structures centrales et territoriales; le mécanisme national de prévention est en effet organisé autour d'une structure centrale et de trois centres régionaux.

La Roumanie compte environ 1900 lieux de détention, a poursuivi la délégation, précisant que la première visite pilote du médiateur s'est déroulée le 20 avril dernier dans la prison de Rahova. La délégation a par ailleurs fait valoir que dans l'exercice de leurs activités spécifiques, les membres des équipes de visite sont indépendants; le bureau du médiateur, quant à lui, est une autorité publique autonome et indépendante de toute autre autorité publique. Le mécanisme national de prévention dispose d'un budget distinct dans le cadre du budget du Bureau du médiateur et ce budget est exclusivement utilisé pour les objectifs du mécanisme de prévention.

Au 31 décembre 2014, le système roumain de protection de l'enfant avait à sa charge quelque 58 178 enfants, dont un peu plus de 21 500 dans des services résidentiels, parmi lesquels 7200 enfants handicapés. La Roumanie comptait alors au total quelque 1153 institutions publiques, a précisé la délégation, ajoutant que dans les services privés accrédités, on comptait 4807 enfants, dont 180 handicapés. À la même date, le pays comptait quelque 36 638 enfants dans des foyers de type familial, a-t-elle poursuivi. Le remplacement de l'ancien système de protection de l'enfant a été la plus grande priorité de la Roumanie depuis le début de la réforme de ce secteur en 1997, a souligné la délégation. Jusqu'à présent, 300 institutions classiques ont été fermées et la plupart étaient des institutions qui abritaient des enfants handicapés. Les alternatives offertes ont été la réintégration dans des familles, le placement dans les familles des assistantes maternelles ou la création des maisons de type familial, a précisé la délégation. L'objectif prioritaire reste la fermeture des centres classiques jusqu'en 2020. Le processus de désinstitutionalisation des enfants s'accélère et sera donc achevé en 2020, a insisté la délégation. Selon la loi en vigueur, le placement d'enfants de moins de trois ans en institution est interdit, a-t-elle en outre souligné.

Selon la loi sur la santé mentale de 2002, l'internement en hôpital psychiatrique peut être décidé par un juge ou par un médecin psychiatre, a par ailleurs indiqué la délégation. Dans le premier cas, l'internement peut intervenir dans les trois jours qui suivent la décision; dans le second cas, une commission composée de plusieurs médecins doit confirmer ou infirmer la mesure et cette décision de la commission est susceptible de faire l'objet d'un appel devant un tribunal. Il n'y a donc pas d'internement en Roumanie qui ne soit soumis au contrôle judiciaire, a fait valoir la délégation.

S'agissant des allégations de présence d'une prison secrète de la CIA sur le territoire roumain, la délégation a rappelé que la Roumanie ne peut accepter la torture en aucune circonstance. Elle a assuré qu'il n'existait aucune preuve à ce jour que des centres de détention utilisés par des agents étrangers aient opéré sur le territoire de la Roumanie ou que les aéroports roumains aient été utilisés pour la détention ou le transfert de personnes. Une commission parlementaire a mené une enquête et a coopéré sur ces questions avec le Parlement européen et avec l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, a rappelé la délégation. Aucun élément de preuve n'atteste de l'existence d'un tel centre ou de vols non autorisés destinés au transport ou à la détention de personnes présumées terroristes, a insisté la délégation.

La délégation a par la suite fait observer que le rapport Marty adopté par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe en 2007 n'a pas été voté par les députés roumains; à ce stade, les autorités roumaines maintiennent leur position selon laquelle il n'y a pas de preuve de l'existence de centres secrets sur le territoire national. La commission sénatoriale qui a enquêté sur la question de 2005 à 2008 a rendu son rapport en 2008 et ne fonctionne plus maintenant, a par ailleurs indiqué la délégation. Les autorités roumaines ne manqueront pas d'enquêter sur cette question sur la base de tout indice sérieux mais pas sur la base de ouï-dire, a ajouté la délégation.

Interpellée sur les discriminations à l'encontre des citoyens appartenant à la minorité rom, la délégation a affirmé que la Roumanie est consciente que dans le passé, il y a eu des discriminations à l'égard de cette population. Mais afin de corriger ces discriminations du passé, des mesures ont été prises, notamment la création d'une agence gouvernementale – l'Agence pour les Roms – dirigée depuis sa création par un représentant de cette minorité et chargée de la coordination des programmes gouvernementaux visant à améliorer la situation des Roms. Chaque année, l'Académie de police et les écoles de police ont des quotas pour l'intégration en leur sein de membres des minorités nationales, y compris la minorité rom, a par ailleurs fait valoir la délégation.

Attirant par ailleurs l'attention sur le changement intervenu dans le régime d'immigration en 2011, la délégation roumaine a notamment expliqué que ne peuvent désormais plus être retenus dans les centres de rétention que les seuls ressortissants de pays tiers qui ne peuvent être expulsés de Roumanie dans les 24 heures, et ceci pour diverses raisons, notamment dans les cas où ils risquent de s'enfuir. La rétention ne peut dépasser les six mois, prorogeables uniquement sur décision du tribunal, notamment lorsque la procédure de refoulement ne peut être appliquée. L'appel contre la décision d'expulsion a un effet suspensif, a souligné la délégation.

S'agissant du cadre juridique global d'interdiction de la torture, la délégation a indiqué que la torture, telle que définie à l'article 282 du nouveau code pénal, est un acte posé par un fonctionnaire public qui cause une douleur ou une souffrance physique ou mentale sévère à un individu afin d'obtenir de lui ou d'une tierce personne une information ou une déclaration; de le punir pour qui aurait été commis ou suspecté d'avoir été commis par lui ou un autre; de l'intimider ou d'exercer sur lui une pression; ou pour une raison fondée sur une forme quelconque de discrimination. Cet acte sera passible d'une peine qui ne saurait être inférieure à deux mois d'emprisonnement ni supérieure à sept années d'emprisonnement et s'accompagnera d'une interdiction de l'exercice de certains droits. La torture ayant entraîné la mort de la victime devra être punie d'une peine comprise entre 15 et 25 ans d'emprisonnement, a précisé la délégation. La tentative de commettre un tel acte est également passible de sanctions et aucune circonstance exceptionnelle, de quelque nature de que ce soit, ne saurait être invoquée pour justifier la torture, a-t-elle ajouté. L'ordre d'un supérieur ou d'une autorité publique ne saurait non plus être invoqué pour justifier la torture, a-t-elle insisté. Cette définition de la torture est pleinement conforme à celle figurant dans la Convention, a affirmé la délégation.

La délégation a en outre attiré l'attention sur les dispositions de l'article 281 du nouveau code pénal, relatives à la soumission à un mauvais traitement, et sur celles de l'article 440 du nouveau code pénal relatives aux crimes de guerre. Soumettre une personne placée en garde à vue ou détenue à un traitement dégradant ou inhumain est passible d'une peine comprise entre un et trois ans d'emprisonnement assortie d'une privation du droit d'occuper un poste dans la fonction publique.

L'article 77 du nouveau code pénal prévoit une circonstance aggravante pour les crimes commis avec cruauté ou en soumettant la victime à un traitement dégradant, a ajouté la délégation.

Le principe du respect de la dignité humaine est énoncé à l'article 11 du nouveau code de procédure pénale qui stipule que toute personne faisant l'objet de poursuites ou d'un jugement devra être traitée dans le respect de la dignité humaine, a également fait valoir la délégation.

S'agissant de l'applicabilité directe de la Convention, la délégation a indiqué que le paragraphe 2 de l'article 20 de la Constitution roumaine stipule que les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme fondamentaux auxquels la Roumanie est partie prévalent à chaque fois qu'il y a incohérences entre eux et les lois nationales. Mais tel n'est pas le cas pour les crimes de torture qui, comme cela a déjà été dit, sont définis dans le code pénal roumain de manière tout à fait conforme à la Convention contre la torture.

S'agissant de la détention préventive, la délégation a indiqué que selon la loi n°254/2013 sur l'exécution des peines, le placement en garde à vue et la détention préventive sont exécutés dans les centres de détention préventive et centres de garde à vue, qui sont organisés et gérés par le Ministère de l'intérieur, et ne peuvent intervenir que durant la phase de poursuites pénales, soit, selon l'article 236 du nouveau code de procédure pénale, pour une durée raisonnable qui ne peut excéder 180 jours s'agissant de la détention préventive. Cette dernière ne peut être décidée que par un juge, a rappelé la délégation, ajoutant que la décision peut faire l'objet d'un recours en appel et est soumise à un examen périodique. Selon la police, en 2014, quelque 8960 personnes ont été soumises à des mesures alternatives à la détention, le nombre de personnes détenues ayant chuté de 5000.

En ce qui concerne la notification des droits du prévenu, la délégation a notamment indiqué que selon l'article 209 du nouveau code de procédure pénale, toute personne placée en garde à vue doit être informée immédiatement, dans une langue qu'elle comprend, du délit dont elle est soupçonnée et des raisons de son placement en garde à vue. Le placement en garde à vue ne peut intervenir qu'après que le suspect ait été entendu et avant d'être entendu, le suspect doit être informé de son droit d'être assisté d'un avocat, a en outre indiqué la délégation. Elle a rappelé que la durée de la garde à vue ne peut excéder 24 heures. Une personne placée en garde à vue doit être informée par écrit et contre signature de son droit d'accès à une assistance médicale d'urgence, a en outre fait valoir la délégation.

S'agissant de l'amélioration des conditions de détention dans les commissariats de police, la délégation a notamment expliqué que, consciente de la nécessité de garantir les droits des personnes incarcérées dans les centres de détention et d'arrestation préventive subordonnés à la police, la Roumanie a réduit la capacité totale d'hébergement à 1795 places, contre 2235 places en 2013, de manière à fournir un espace de vie d'une surface minimum plus importante.

S'agissant des conditions de détention en prison, la délégation a notamment rappelé l'objectif que les autorités ont fixé pour 2020 de parvenir à 3000 places nouvelles ou modernisées dans les prisons roumaines. Est également prévu le lancement de la construction de plusieurs prisons, a ajouté la délégation.

La délégation a par ailleurs souligné qu'en vertu des articles 101-102 du nouveau code de procédure pénale, il est interdit de recourir à la violence, à des menaces ou à toute autre forme de coercition, ainsi qu'aux promesses ou aux incitations, dans le but d'obtenir une preuve. Une preuve obtenue sous la torture ne peut être utilisée dans les procédures pénales, a insisté la délégation.

Le problème de la violence domestique relève de la loi de 2003 visant à prévenir et combattre la violence domestique, laquelle considère la violence domestique comme une action physique ou verbale commise volontairement par un membre de la famille à l'encontre d'une autre membre de la même famille en provoquant une souffrance physique, psychologique ou sexuelle ou un dommage matériel, a d'autre part indiqué la délégation.

La délégation a enfin indiqué que les autorités roumaines allaient étudier la possibilité pour le pays d'accepter la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes individuelles en vertu de l'article 22 de la Convention.

La délégation roumaine a assuré que les personnels concernés sont dûment formés à la détection des cas de torture ou de mauvais traitements, conformément au Protocole d'Istanbul.

L'examen médical en prison a lieu lors de l'arrivée du détenu dans la prison puis à intervalles réguliers, a par ailleurs indiqué la délégation. L'accès à un médecin au sein du centre pénitentiaire se fait sur demande du détenu et l'examen médical se déroule en toute confidentialité, a-t-elle ajouté.

Un acte n'est pas considéré comme relevant du pénal s'il a été commis par une personne qui, durant sa commission, souffrait d'insuffisance mentale, a par ailleurs assuré la délégation.

La délégation a souligné qu'après une augmentation constante du nombre de détenus dans le pays en raison d'une hausse de la criminalité, la Roumanie comptait, fin 2014, un peu plus de 30 000 détenus, soit une baisse de plus de 3000 détenus, suite à l'entrée en vigueur du nouveau code de procédure pénale et du nouveau code pénal en début d'année. La Roumanie compte quelque 1431 Roms dans son système pénitentiaire, a par ailleurs précisé la délégation.
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