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Communiqués de presse Conseil des droits de l’homme

Le Conseil des droits de l'homme se penche sur la situation des droits de l'homme en République arabe syrienne

18 Mars 2014

MATIN

18 mars 2014

Le Conseil des droits de l'homme s'est saisi ce matin du rapport de la commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, présidée par M. Paulo Sérgio Pinheiro, avec qui il a mené un débat interactif.

M. Pinheiro a chiffré à plus de 100 000 le nombre de personnes ayant perdu la vie depuis trois ans. Près de neuf millions de personnes ont fui leur domicile, dont 2 millions et demi se sont réfugiés à l'étranger. La situation militaire n'a cessé de se complexifier avec l'afflux de plusieurs centaines de groupes armés non-étatiques, des combattants qui rejoignent souvent les groupes les plus fanatiques commettant des attentats terroristes. Pour sa part, le gouvernement a visé des quartiers entiers d'Alep par largage aérien de barils d'explosifs. La communauté internationale, en dehors des organisations humanitaires, est globalement restée inactive. «Les Syriens se sentent abandonnés et ils ont perdu espoir.» a déclaré M. Pinheiro. Il faut assurer la protection des civils et les parties doivent lever les sièges et permettre un accès humanitaire sans entraves et sûr. S'agissant de la nécessaire lutte contre l'impunité, la commission a recueilli des informations sur les crimes et sur leurs auteurs et tient des listes à disposition.

La République arabe syrienne a déclaré que la commission manquait d'intégrité et de transparence en livrant des témoignages sujets à caution et passant sous silence l'assistance fournie aux insurgés par le Qatar, l'Arabie saoudite, la Turquie et les États-Unis, ainsi que les graves crimes commis par ces groupes armés. Pour sa part, le Gouvernement syrien recherche une solution politique à la crise.

Les délégations intervenues au cours du débat qui a suivi ont toutes fermement condamné les violences qui se poursuivent en Syrie, et qui a atteint un niveau insupportable, notamment avec l'utilisation d'armes interdites. Pour un groupe d'État, cette situation est essentiellement imputable au Gouvernement syrien, qui a failli à sa responsabilité de protéger sa population. Il se rend même coupable à son encontre d'actes de terrorisme, de torture, voire d'épuration ethnique, ont même accusé quelques délégations. Ces délégations ont plaidé pour une solution politique négociée entre tous les acteurs politiques, prenant en compte les aspirations légitimes du peuple syrien. Par ailleurs, au vu de la gravité des crimes commis, il est urgent que le Conseil de sécurité réfère de la situation à la Cour pénale internationale pour que les auteurs des crimes ne jouissent d'aucune impunité.

Un autre groupe de délégations a pour sa part estimé que l'on ne pouvait accuser le seul Gouvernement de commettre des crimes. Accuser un seul camp est une manière de manipuler et désinformer la communauté internationale pour servir des visées politiques. Des groupes terroristes sont financés par l'étranger qui se rendent responsables d'atrocités et imposent des règles bien éloignées des principes démocratiques dans les zones qu'ils contrôlent. Cette ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie aggrave la situation. Il ne faut pas répéter les erreurs commises en Libye, il faut mettre un terme immédiat aux combats, aux livraisons d'armes, tout en favorisant une issue au conflit politiquement négociée.

Au regard de la situation humanitaire qualifiée de catastrophique, les délégations ont appelé à mettre à œuvre la résolution 2139 du Conseil de sécurité sur l'accès de l'aide humanitaire, afin de soulager les souffrances des populations civiles assiégées.

Les délégations suivantes ont participé au débat : Algérie, Allemagne, Arabie Saoudite , Argentine, Australie, Autriche, Bahreïn, Belarus, Belgique, Botswana, Brésil, Canada, Chili, Chine, Costa Rica, Cuba, Danemark (au nom des pays nordiques), Égypte, Émirats arabes unis, Équateur, Estonie, États-Unis, Fédération de Russie, France, Iraq, Irlande, Italie, Japon, Jordanie , Koweït, Libye, Luxembourg, Malaisie, Maldives, Mexique, Nouvelle Zélande, Paraguay, Pays-Bas, Pologne, Portugal, Qatar, République islamique d'Iran, République populaire démocratique de Corée, République tchèque, Roumanie, Royaume-Uni, Sierra one, Slovaquie, Suisse, Thaïlande, Tunisie, Turquie, Union européenne, Uruguay et Venezuela. L'UNICEF (Fonds des Nations Unies pour l'enfance) est également intervenu, ainsi que plusieurs organisations non gouvernementales: Presse Emblème Campagne, Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme, Syriac Universal Alliance,Commission internationale de juristes, Fédération internationale des ligues des droits de l'homme - FIDH, (au nom également de Reporters sans frontières – international), Association internationale des avocats et juristes juifs et Maarij Foundation for Peace and Development.

Le Conseil tiendra, à la mi-journée, un débat général sur les situations relatives aux droits de l'homme qui requièrent son attention. Il doit, en fin de journée, tenir un débat interactif avec l'Experte indépendante sur les minorités.

Situation des droits de l'homme en République arabe syrienne

Présentation du rapport de la commission d'enquête internationale indépendante

M. PAULO SÉRGIO PINHEIRO, Président de la commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne, a rappelé que la violence dévastatrice en Syrie était entrée dans sa quatrième année et qu'elle ne montrait aucun signe d'apaisement. Plus de 100 000 personnes ont perdu la vie, celles qui ont été libérées vivent maintenant avec les stigmates mentaux et physiques de la torture, tandis que le sort de plusieurs milliers d'autres demeure inconnu. Les civils dans les zones assiégées en sont réduits à fouiller dans les ordures. On sait que des gens sont morts de faim dans ce conflit, y compris des enfants. M. Pinheiro a en particulier décrit la situation régnant au camp de Yarmouk près de Damas. Sur l'ensemble du pays, près de neuf millions de personnes, soit le tiers de la population, ont fui leur domicile. Outre les 2,5 millions de réfugiés à l'étranger, on estime à 6,5 millions le nombre de personnes déplacées. Plusieurs millions d'autres vivent dans des enclaves encerclées.

Quant à la situation militaire, elle n'a cessé de se complexifier, a poursuivi le Président de la commission. Le Gouvernement continue de compter sur sa puissance de feu supérieure et sa maîtrise du ciel. Il bénéficie d'une assistance extérieure de combattants étrangers, dont un grand nombre sont présents officiellement. On signale aussi des arrivées d'Iraq d'éléments combattant aux côtés de l'armée et des milices pro-gouvernementales. En face, on note l'afflux de plusieurs centaines de groupes armés non-étatiques, des combattants qui rejoignent souvent les groupes les plus fanatiques. Ainsi, ceux opérant dans les gouvernorats d'Alep et d'Al-Raqqah imposent leur idéologie radicale à la population civile, a constaté la commission. Les attentats terroristes commis par des groupes armés non étatiques se multiplient, causant d'innombrables victimes et destructions. Pour sa part, le gouvernement a visé des quartiers entiers d'Alep en effectuant des bombardements par le largage aérien de barils d'explosifs. M. Pinheiro a rappelé que tous les actes de terrorisme étaient criminels et injustifiables, quelle que soit leur motivation, où qu'ils soient commis et quels qu'en soient les auteurs.

«En dehors des vaillants efforts des organisations humanitaires, la communauté internationale n'a pas fait grand-chose, se contentant de constater le sort des malheureux pris dans ce maelström. Les Syriens se sentent abandonnés et ils ont perdu espoir.» a déclaré M. Pinheiro. Pour lui, «l'impératif qui s'impose est que les parties en présence, les États influents et la communauté internationale fassent en sorte d'assurer la protection des civils. En particulier, ainsi que le stipule la résolution 2139 du Conseil de sécurité, les parties doivent lever les sièges et permettre un accès humanitaire sans entraves et sûr».

Tout juste rentré de la région, le Président de la commission d'enquête a pu rencontrer des Syriens ayant fui la guerre. Un grand nombre d'entre eux ont subi des atrocités sans nom. «Parmi les victimes de cette guerre terrible, le besoin de justice est profondément enraciné dans leur désir de paix». M. Pinheiro a rappelé qu'une liste d'individus et d'entités - unités militaires, agences de sécurité, groupes armés – responsables de violation et de crimes avaient été documentés dans les différents rapports de la commission. Celle-ci dispose d'un volume considérable de témoignages, ayant procédé à quelque 2700 entretiens: «Nous ne manquons pas d'informations sur les crimes ou sur leurs auteurs, ce qui nous manque ce sont les moyens de parvenir à la justice et à l'établissement des responsabilités». Pour M. Pinheiro, «la compassion ne saurait suffire. On ne peut continuer à rester assis dans ces salles pendant des années, à écrire des rapports et à faire des discours en se lamentant du sang qui coule dans les rues de Syrie. Une solution politique négociée, que la commission considère comme la seule solution à ce conflit, doit être recherchée avec une vigueur renouvelée, à la fois par les parties et par les États influents», a encore dit M. Pinheiro, qui a appelé à la revitalisation des négociations de Genève.

Le rapport de la commission d'enquête internationale indépendante sur la République arabe syrienne (A/HRC/24/65) rend compte des enquêtes effectuées du 15 juillet 2013 au 20 janvier 2014. Il conclut notamment qu'à travers le pays, plus de 250 000 personnes sont assiégées, pilonnées et bombardées sans répit, privées d'aide humanitaire, de vivres et de biens de première nécessité aussi fondamentaux que les soins médicaux et n'ont d'autre choix que celui de se rendre ou de mourir de faim. Le siège est employé comme arme de guerre dans un contexte de violations flagrantes des droits de l'homme et du droit international humanitaire. Les parties ne craignent pas d'avoir à répondre de leurs actes. La commission constate que les différentes parties au conflit «ont failli aux obligations qui leur incombent en vertu du droit international humanitaire» et ont «violé les interdits fondamentaux de l'article 3 commun aux Conventions de Genève», qui s'imposent à chacun d'elles. Ces violations sont constitutives de crimes de guerre créateurs de responsabilité pénale individuelle. En conséquence, «les combattants individuels et leurs commandants peuvent être amenés à répondre de leurs actes en vertu du droit international et par les États exerçant la compétence universelle». La commission ajoute que les «forces gouvernementales ont fait fi des droits fondamentaux des personnes sous leur contrôle ou qu'elles détiennent».

Le rapport fait état de l'utilisation d'une arme chimique, le sarin, dans «de multiples incidents» au cours de ce conflit. Toutefois, le seuil fixé par la commission elle-même quant au caractère probant des éléments de preuve n'a pas permis d'identifier les auteurs.

La commission rappelle aussi que «les acteurs externes qui soutiennent les belligérants sur les plans financier et logistique ont des obligations en droit international». En particulier, les États ne devraient pas autoriser le transfert d'armes s'il y a un risque que celles-ci soient utilisées pour commettre des crimes contre l'humanité ou des crimes de guerre, risque qui est «réel» en République arabe syrienne. La commission estime que le Conseil de sécurité «doit s'employer à obtenir le renvoi devant la justice des auteurs de ces violations et atteintes afin qu'ils aient à répondre de leurs actes». Elle ajoute que «l'inaction du Conseil» face à «d'autres violations graves qui menacent tout autant la paix et la sécurité internationales» en Syrie, due au désaccord entre les cinq membres permanents, «a ouvert un espace pour la prolifération des acteurs en République arabe syrienne, chacun poursuivant son propre agenda et contribuant à la radicalisation et à l'escalade de la violence». «Le Conseil de sécurité en porte la responsabilité».

Pays concerné

La République arabe syrienne a constaté que la commission d'enquête continuait de rejeter ses conseils, ainsi que ceux d'autres instances, visant à ce qu'elle fasse preuve d'intégrité et de transparence. Les témoignages recueillis sont en effet sujets à caution, selon elle. Il est établi par ailleurs, que le Qatar, l'Arabie saoudite, la Turquie et les États-Unis fournissent une assistance nourrie aux insurgés, la délégation syrienne se demandant pour quelle raison la commission passait cela sous silence, celle-ci se contenant d'évoquer de manière floue des appuis extérieurs. La commission ferme aussi les yeux sur les enlèvements de religieux, les personnes éventrées, les femmes battues en public.

L'affirmation de la commission selon laquelle la Syrie utilise l'aide comme moyen d'imposer ses volontés est totalement faux. La commission doit déclarer honnêtement qu'elle n'est pas en mesure de s'acquitter de sa tâche, estime la délégation syrienne. Le Gouvernement syrien recherche une solution politique à la crise, a assuré son représentant. La population ne pardonnera jamais ces crimes et cette haine et elle refusera le démembrement du pays, ce qui est le but recherché. La commission d'enquête n'a pas de fondement juridique. Elle obéit à un programme politique, le programme de ceux qui ne veulent pas d'une solution politique en Syrie, a conclu son représentant.

Débat interactif

De nombreuses délégations ont fermement condamné la poursuite des violences en Syrie. L'Union européenne a vivement condamné les autorités syriennes, qui utilisent la faim comme arme de guerre, et a demandé l'ouverture au plus vite d'un accès humanitaire aux populations. L'Union européenne s'est en outre dite favorable à une issue politique pour faire cesser ce bain de sang. Se rangeant au même avis, l'Autriche s'est dite horrifiée par le recours à la faim comme arme et par l'utilisation des enfants dans le conflit, estimant que la gravité de la situation exige que le Conseil de sécurité saisisse la Cour pénale internationale. L'Estonie a jugé regrettable qu'après trois ans de combat et plus de 100.000 morts, la communauté internationale continue d'être témoin de cette tragédie. Dans le même sens, l'Arabie saoudite a déploré que la communauté internationale n'aie toujours pas pris de mesures sérieuses pour mettre fin à ce conflit, alors que le monde est conscient de ce que fait le Gouvernement syrien contre son peuple et que des rapports identiques sont publiés à chaque fois.

Pour la Turquie, la situation humanitaire actuelle en Syrie n'en fait rien de moins que la pire des crises du XXIème siècle, crise dont l'entière responsabilité repose sur le Gouvernement syrien, qui se rend en outre coupable de nettoyage ethnique. Pour le Botswana, le conflit syrien est en train de battre des records mondiaux et, si rien n'est fait, la Syrie deviendra le premier pays au monde en termes de réfugiés et de personnes déplacées.

Cette situation est essentiellement imputable aux autorités syriennes, a accusé le Canada, pour qui le gouvernement devra assumer l'écrasante responsabilité des crimes qu'il commet. Pour le Qatar aussi, c'est bien le Gouvernement syrien qui est à l'origine du conflit sectaire qui s'installe et des pratiques terroristes contre son propre peuple, y compris l'utilisation d'armes interdites sous le prétexte d'éradiquer des groupes armé. Le Qatar accuse en outre le Gouvernement syrien de contester la légitimité de la communauté internationale en s'opposant à une issue politique au conflit. La Tunisie, qui juge la situation humanitaire catastrophique, a dit appuyer tout effort visant à sortir ce pays du conflit, dans le maintien de son intégrité territoriale.

Le Fonds des Nations Unies pour l'enfance (UNICEF) a jugé inadmissible que les enfants soient exposés à la guerre et à la violence une année de plus et a plaidé pour le respect du caractère sacré de la vie d'un enfant.

L'Allemagne a souligné que la violence avait atteint un niveau insupportable, appelant les parties en présence à y mettre un terme en s'impliquant dans le processus Genève 2. Elle a condamné le ciblage de zones civiles par les forces gouvernementales ainsi que les graves abus des droits de l'homme et les crimes de guerre commis par les groupes armés anti-gouvernementaux. L'Allemagne est préoccupée par les détentions arbitraires et demande la libération de plusieurs défenseurs des droits de l'homme, dont son représentant a cité les noms. La Nouvelle-Zélande a appelé le Gouvernement de la République arabe syrienne à respecter le droit humanitaire et à mettre un terme à l'usage d'armes prohibées. Le Paraguay a également dénoncé l'utilisation d'armes chimiques, en rappelant que cela constitue une violation du droit humanitaire. La Slovaquie a estimé que la situation des minorités et des groupes vulnérables est extrêmement préoccupante. Elle a demandé comment les procédures spéciales pourraient participer à alléger les souffrances de la population civile.

Le Japon a fermement condamné les attaques contre les civils, qui engendrent de très grandes souffrances, avant d'appeler à mettre un terme aux violences en Syrie. Les sièges imposés par les forces gouvernementales et non-gouvernementales ont des effets déplorables sur la situation des droits de l'homme, a-t-il dénoncé, comme la France et le Brésil, avant d'appeler toutes les parties à trouver une solution politique. La Sierra Leone a déploré que la situation continue de se détériorer et que la communauté internationale soit incapable d'y mettre fin. Elle a demandé à toutes les parties de respecter le droit humanitaire, notamment en laissant les acteurs humanitaires accéder aux populations en danger. Dans le conflit syrien, toutes les parties violent les droits de l'homme, a constaté le Chili, qui impute néanmoins à l'État syrien la responsabilité des agents qui agissent sous son autorité. Pour le Chili, tant que la politisation et la défense d'intérêts particuliers primera sur les droits de l'homme, l'efficacité du Conseil restera diminuée.

La Fédération de Russie a souligné que les groupes terroristes financés par l'étranger sont responsables d'atrocités. Il faut annihiler les groupes terroristes en Syrie, conformément à la résolution 2139 du Conseil de Sécurité. Certains de ces groupes imposent des règles bien éloignées des principes démocratiques dans les zones qu'ils contrôlent et les minorités religieuses sont chassées de chez elles.

Le Portugal a néanmoins souligné que, si toutes les parties avaient commis des atrocités, il apparaissait clairement que les violations les plus massives étaient imputables aux forces gouvernementales. Les Maldives ont noté qu'il y avait un consensus clair pour reconnaître que l'État syrien, qui a la responsabilité première de protéger les droits de ses citoyens, était responsable des actes commis par ses représentants, en violation de ses obligations internationales qu'il a pris par les traités qu'il a signés. Mais, pour Cuba, accuser un seul camp de tous les morts est une manière pour les parties de manipuler et désinformer la communauté internationale pour servir leurs visées politiques. Pour l'Équateur, l'intervention de Gouvernements extérieurs à la Syrie aggrave encore le conflit par la livraison d'armes à des groupes armés, exposant de fait les populations à la violence. La Thaïlande elle aussi a estimé que, pour éviter une escalade infinie, les acteurs extérieurs devaient cesser de transférer des armes.

La France a dénoncé l'utilisation d'armes illégales utilisées pour bombarder des bâtiments civils, les disparitions forcées et les mauvais traitements. Elle plaide pour la saisine de la Cour pénale internationale et considère que les preuves collectées par la commission d'enquête contribueront à la justice internationale. Les États-Unis eux aussi ont dit apprécier les efforts de la commission pour documenter les crimes commis. Ils ont condamné l'utilisation de la famine et l'emprisonnement de dizaine de milliers de Syriens par les forces gouvernementales, ajoutant que les responsables d'atrocités devront rendre des comptes. Le Royaume-Uni juge particulièrement frappant le niveau des violences sexuelles commises contre les hommes, les femmes et les enfants, particulièrement dans les centres de détention du régime. Il soutient l'appel de M. Pinheiro à référer la situation syrienne à la Cour pénale internationale. Il note que la commission fait une différence entre les groupes extrémistes et d'autres groupes armés de l'opposition qui appellent à une Syrie pluraliste et démocratique. Le Royaume-Uni soutient lui aussi cet objectif.

La Belgique estime essentielle l'imputabilité ainsi que le combat contre l'impunité. Il est essentiel de conserver une trace des violations commises. Il va sans dire que la Belgique est également favorable à la prorogation du mandat de la commission. L'Uruguay estime que les auteurs de violations devraient rendre compte de leurs actes devant la Cour pénale internationale. Il a appelé la communauté internationale à ne pas faire la sourde oreille à ce qui se passe en Syrie. Pour la Suisse, il doit être mis fin à l'escalade, ce qui implique notamment que les parties prenantes et notamment les parties extérieures cessent leur livraisons d'armes, comme le recommande la commission d'enquête. L'Argentine aussi demande l'arrêt des livraisons d'armes aux parties en conflit, ainsi que l'arrêt de tout recours à la violence par l'ensemble des parties, dont tous les responsables doivent être jugés pour leurs crimes.

L'Australie, qui a noté la dimension de plus en plus «sectaire» du conflit, s'est alarmée du recours à l'arme des violences sexuelles, qui semble connaître une recrudescence. L'Australie estime que le renvoi à la Cour pénale international par le Conseil de sécurité démontrerait qu'il ne tolère pas ces crimes. De leur côté, les Émirats arabes unis ont appelé à poursuivre les auteurs de crimes internationaux et à mettre fin aux atrocités et aux violations des droits de l'homme. Ils ont exprimé leur soutien aux «forces révolutionnaires qui cherchent à mettre sur pied un système démocratique et pluraliste».

Plusieurs pays, dont la République tchèque, la Pologne et le Luxembourg ont appelé à la mise en œuvre de la résolution 2139 du Conseil de sécurité, qui demande un accès humanitaire immédiat aux personnes affectées par le conflit. Pour le Maroc, le consensus obtenu en février dernier lors du vote de cette résolution est un signal positif que le Gouvernement devrait saisir pour octroyer un accès à l'aide humanitaire. Les parties syriennes doivent s'engager de bonne foi pour résoudre le conflit qui frappe le pays depuis trois ans. Les Pays-Bas demandent eux aussi l'application effective de la résolution 2139 et appellent le Conseil de sécurité à renvoyer le cas syrien devant la Cour pénale internationale. Leur représentant a dit avoir vu le film «Retour à Homs» du documentariste syrien Talal Derki lors du Festival du film et Forum international sur les droits humains de Genève. «''Je suis convaincu que si le monde voit ma maison détruite il agira'' dit un Syrien. Avons-nous agi? », a demandé la délégation néerlandaise.

La Syrie est l'exemple même de ce qu'un État ne doit pas faire, au risque de voir la situation lui échapper et devenir une question de sécurité internationale, a estimé la Malaisie, pour qui il est impératif que les livraisons d'armes cessent. Le Costa Rica a évoqué «trois années de cynisme» de la part des acteurs sur le terrain, qui affirment agir pour une juste cause tout en tuant enfants, femmes et vieillards, mais aussi de la part de la communauté internationale, qui demeure passive, spectatrice d'un massacre inadmissible. Il est grand temps que les responsables de la paix et de la sécurité des Nations Unies laissent de côté leurs intérêts politiques et géostratégiques en œuvrant pour la protection et le respect de la vie des civils, estime le Costa Rica.

Le Koweït, qui s'est dit attaché à l'intégrité territoriale de la Syrie, a déclaré avoir fait de la diplomatie humanitaire un élément fondamental de sa politique étrangère. C'est pourquoi il exhorte la communauté internationale à faire face à ses responsabilités. Le Koweït a rappelé qu'il avait organisé deux conférences internationales qui avaient permis de mobiliser des moyens pour porter assistance à la population civile via les organisations humanitaires. Les pays bailleurs de fonds qui ont pris des engagements financiers doivent les respecter et accélérer leurs versements. Quant aux auteurs de crimes, ils doivent être traduits en justice, conformément au droit international. L'Iraq a indiqué accueillir des dizaines de milliers de réfugiés syriens et leur apporter une aide humanitaire, ajoutant qu'il fallait résoudre pacifiquement le conflit dans le respect de l'intégrité territoriale du pays. En tant que pays touché par l'afflux de réfugiés, la Jordanie qui héberge 600. 000 syriens, a demandé que la communauté internationale s'implique davantage sur cette question.

L'Italie s'est dite profondément engagée dans le soutien aux pays de la région qui accueillent des centaines de milliers de réfugiés sur leur territoire. Elle a pris des engagements en matière humanitaire lors de la Conférence de Koweït à la mi-janvier. L'Irlande, qui a invité toutes les parties à revenir au plus vite à la table des négociations, s'est demandé comment améliorer la situation des civils dans l'attente d'une solution globale. Le Brésil, qui a réitéré sa condamnation absolue de toute violence, a rejeté toute tentative visant à politiser l'aide humanitaire. Il a ensuite déploré les effets négatifs des sanctions unilatérales sur la population civile, tout comme la Fédération de Russie.

Pour mettre un terme au conflit, les délégations se sont toutes déclarées favorables aux négociations politiques. L'Égypte a appelé à une solution immédiate, ajoutant que le refus de coopérer avec le médiateur international de l'ONU Lakhdar Brahimi ou de répondre aux aspirations du peuple syrien ne ferait qu'aggraver la situation. L'Algérie a déploré l'échec des négociations dites de Genève 2, car seule une entente entre les parties permettra une issue du conflit. L'Algérie estime en outre que la lutte contre le terrorisme doit respecter les normes internationales et que les parties doivent cesser tout financement du terrorisme. Il faut mettre un terme au combat et parvenir à une solution négociée dans l'intérêt et en conformité avec les aspirations du peuple syrien ont poursuivi la Libye et la Jordanie.

Pour le Mexique, la crise en Syrie exige des efforts coordonnés dépassant les considérations politiques. La sortie de crise exige des mesures spécifiques, incluant un engagement politique, un calendrier clair et une prise en compte de la situation humanitaires des populations civiles en état de siège. Le Danemark au nom des pays nordique a pour sa part insisté sur la nécessité de faire participer les femmes dans les processus politiques.

Bahreïn a estimé qu'il s'agissait d'un défi considérable pour la conscience humaine confrontée à un «processus d'extermination» sur lequel elle ne peut fermer les yeux. Bahreïn est aux côtés du peuple syrien dans le cadre d'un processus de transition qui suppose la mise en place d'un gouvernement intérimaire disposant de tous les pouvoirs exécutifs. La Roumanie considère que toutes les parties prenantes doivent faire des pas vers une solution politique ayant pour but la formation d'un organe gouvernemental de transition. Dans le même temps, le gouvernement doit permettre l'accès de la commission d'enquête en territoire syrien et coopérer pleinement avec elle. La délégation a demandé à la commission quelles étaient ses priorités pour la prochaine étape. Pour l'Italie, il n'y a pas d'alternative à une solution politique à la crise sur la base de la mise en œuvre complète du communiqué de Genève de 2012.

La Chine a estimé qu'une solution politique était la seule issue, cette voie faisant consensus au sein de la communauté internationale. Il faut une solution politique soutenue par la population et la mise en place d'une transition pacifique. Toutes les parties doivent donner la priorité à l'avenir du pays en promouvant les négociations et en mettant un terme à la violence afin de renforcer peu à peu la confiance. La communauté internationale doit respecter la Charte des Nations Unies en respectant le choix du peuple syrien. Une attitude juste et équilibrée doit être privilégiée, à l'instar de celle que la Chine s'efforce d'avoir.

La République populaire démocratique de Corée a affirmé que les questions relatives aux droits de l'homme devaient être résolues grâce à un dialogue authentique et une coopération constructive. Elle estime que tout approche fondée sur la confrontation en raison de motifs politiques est contre-productive et viole les principes de la Charte des Nations Unies, en particulier le respect de la souveraineté et de l'intégrité territoriale des États membres. Le Venezuela a rejeté catégoriquement toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures de la Syrie, avant de déplorer les actes terroristes commis en Syrie et la campagne médiatique internationale mensongère contre le Gouvernement du Président Al-Assad. Le Venezuela estime qu'il ne faut pas répéter les erreurs commises en Libye et mettre un terme immédiat aux combats et aux souffrances des déplacés et réfugiés. Le Bélarus a réaffirmé sa position de principe en soulignant que les mandats visant des pays spécifiques ne sont pas constructifs. L'activité de la commission ne va guère participer à l'établissement d'un dialogue constructif, ni à la désescalade sur le terrain.

La République islamique d'Iran a pour sa part déploré que la commission se soit tue en ce qui concerne les nombreux efforts déployés par la Syrie pour résorber la crise humanitaire. L'Iran reproche en outre à la commission d'ignorer le lien entre le terrorisme et l'aggravation de la situation humanitaire.

Pour les organisations non gouvernementales, Presse Emblème Campagne a déclaré que la Syrie avait été en 2013 le pays le plus dangereux de la planète pour les journalistes et a dénoncé les menaces imposées par les groupes armés aux journalistes, dont plusieurs journalistes sont par ailleurs détenus arbitrairement. La Fédération internationale des droits de l'homme, au nom également de Reporters sans frontières – international, a évoqué les cas individuels de défenseurs des droits de l'homme ayant subi des arrestations arbitraires, des détentions au secret, des disparitions forcées ou encore des procès inéquitables.
La Commission internationale de juristes a déclaré que les auteurs de violations de toutes les parties doivent être tenus responsables de leurs actes. En outre, la communauté internationale doit agir pour mettre un terme au conflit et apporter l'aide humanitaire nécessaire. Il faut remédier à la «culture d'impunité» qui règne actuellement en Syrie pour prévenir les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. L'Institut du Caire pour les études sur les droits de l'homme a déploré que les parties n'aient pas respecté le droit humanitaire au cours du conflit, ajoutant que les individus ayant commis des atrocités engagent leur responsabilité. Il ajoute que le peuple syrien se sent trahi et abandonné par la communauté internationale.
La Maarij Foundation for Peace and Development a souligné que toutes les parties doivent autoriser l'accès des acteurs humanitaires aux populations dans le besoin conformément aux dispositions du droit international humanitaire garantissant l'accès aux réfugiés et aux déplacés au cours des conflits armés. L'Association internationale des avocats et juristes juifs a déploré que l'accès des acteurs humanitaires ne soit pas autorisé et que toutes les parties se rendent coupables d'atrocités. Elle estime en outre que des acteurs extérieurs ont une influence négative sur le conflit.
Tout en se félicitant de l'appel urgent lancé au Conseil de sécurité pour une solution politique, la Syriac Universal Alliance a dénoncé la disparition de la langue syriaque du fait du conflit. Elle se demande en outre pourquoi la commission d'enquête ne mentionne pas que des minorités religieuses, en particulier les chrétiens, sont forcées de quitter le pays.

Conclusions du Président de la commission d'enquête

M. PINHEIRO a déclaré que la commission n'avait repris aucune des allégations rapportées par des médias ou de quelques autres acteurs. Le rapport ne contient que des témoignages recueillis par ses enquêteurs, a-t-il insisté. C'est la voix des Syriens, a-t-il poursuivi, en avertissant que les éléments recueillis seraient utilisés dans le cadre de la justice internationale. M. Pinheiro a également estimé que la communauté internationale devait assumer ses responsabilités. Pour sa part, la commission n'a cessé de réclamer l'arrêt des livraisons d'armes aux parties car il n'y a pas de solution militaire à ce conflit. La victoire militaire est illusoire, a conclu M. Pinheiro, qui a insisté sur la nécessité de réussir les négociations de Genève.
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