Communiqués de presse Organes conventionnels
Le Comité pour l'Élimination de la discrimination raciale examine le rapport de Chypre
26 août 2013
Comité pour l'élimination
de la discrimination raciale
26 août 2013
Le Comité pour l'élimination de la discrimination raciale a examiné, aujourd'hui, le rapport présenté par Chypre sur les mesures prises par ce pays en application des dispositions de la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale.
Présentant ce rapport, Mme Leda Koursoumba, Commissaire juridique de la République de Chypre, a déclaré que durant la période couverte par le présent rapport, c'est-à-dire entre 2001 et 2011, Chypre a atteint de nombreux objectifs importants dans la lutte contre la discrimination raciale, en particulier depuis mai 2004 lorsque le pays a accédé à l'Union européenne. En dépit des difficultés économiques auxquelles il est actuellement confronté, le pays est déterminé à poursuivre ses efforts coordonnés afin d'assurer le plein respect des instruments internationaux de droits de l'homme auxquels il est partie, a-t-elle souligné. Elle a rappelé qu'en raison de la poursuite de l'occupation illégale de 36,2% de son territoire par les forces militaires turques, Chypre n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la totalité de son territoire et, par conséquent, ne peut assurer l'application de la Convention dans les zones qui ne sont pas sous son contrôle.
Mme Koursoumba a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre de plans d'actions adoptés par son pays, au nombre desquels le Plan national d'action pour l'intégration des ressortissants étrangers résidant légalement à Chypre (2010-2012). Elle a par ailleurs souligné que Chypre est déterminé à poursuivre ses efforts pour l'amélioration des conditions de travail, en particulier pour les groupes les plus vulnérables ; comme les chiffres en témoignent, ces efforts se sont avérés fructueux, a-t-elle souligné, évoquant notamment la baisse non négligeable du nombre de plaintes soumises au mécanisme de résolution des plaintes ayant pour compétence d'examiner les plaintes pour violation des contrats de travail des travailleurs domestiques. D'autre part, a fait valoir Mme Koursoumba, conformément aux recommandations faites par les organes nationaux et internationaux, un nouveau centre de détention amélioré pour les immigrants en situation irrégulière sujets à expulsion a commencé à être opérationnel en janvier 2013 à Menoyia, a-t-elle ajouté. Par ailleurs, l'Autorité indépendante d'enquête sur les allégations et plaintes contre la police maintient un contrôle étroit sur les comportements de la police. Mme Koursoumba a ensuite insisté sur l'importance du rôle que joue l'Ombudsman en tant qu'autorité indépendante en charge de l'égalité et en tant qu'organe anti-discrimination, notamment par le biais des différents rapports que publie cet organe.
La délégation chypriote était également composée, entres autres, du Représentant permanent de Chypre auprès des Nations Unies à Genève, M. Leonidas Pantelides, ainsi que de représentants du Ministère de l'éducation et de la culture ; du Ministère de l'intérieur ; de la Police ; et de la Mission permanente de Chypre auprès des Nations Unies à Genève. Elle a fourni des réponses aux questions soulevées par les experts du Comité s'agissant, notamment, des minorités nationales ; de la situation des Roms ; des questions d'éducation ; de la liberté de religion ; du suivi donné aux crimes racistes ; de la protection et du soutien aux victimes ; des travailleurs domestiques ; de la lutte contre la traite de personnes ; ou encore de la protection offerte aux réfugiés et aux requérants d'asile.
Présentant, en fin de dialogue, des observations préliminaires, la rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Chypre, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, a relevé que s'il y a des points de convergence entre les informations fournies par les organisations non gouvernementales (concernant l'application de la Convention à Chypre) et celles fournies par les autorités chypriotes, il y a également des discordances. Elle a par ailleurs exprimé l'espoir que le Comité n'aurait pas à attendre aussi longtemps le prochain rapport du pays qu'elle n'a eu à attendre celui qui a été examiné aujourd'hui. Il serait notamment intéressant que dans son prochain rapport, Chypre indique comment les minorités nationales contribuent à l'épanouissement et à l'essor de la société chypriote ; trop souvent, il semble en effet que ces minorités ne soient considérées que comme de simples récipiendaires de l'aide gouvernementale, a poursuivi la rapporteuse. Il ne semble pas que la discrimination soit expressément interdite dans les domaines politiques, économiques et culturels, a-t-elle également déploré. Elle s'est d'autre part félicitée des mesures qui ont été prises afin de protéger les travailleurs domestiques les plus vulnérables et a salué le rôle positif joué à cet égard par l'Ombudsman.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport de Chypre et les rendra publiques à l'issue de la session, qui doit se clore le vendredi 30 août prochain.
Le Comité adoptera des observations finales sur le rapport de Chypre en séance privée avant de clore la session, le vendredi 30 août prochain.
Présentation du rapport de Chypre
Présentant le rapport périodique de Chypre (CERD/C/CYP/17-22), MME LEDA KOURSOUMBA, Commissaire juridique de la République de Chypre, a indiqué être un agent indépendant rendant directement compte au Président de la République de Chypre et être dotée d'un mandat de six ans avec pour compétence, entre autres, de faire des propositions de réforme de la législation nationale afin d'assurer sa compatibilité avec les instruments internationaux de droits de l'homme tels que la Convention et de préparer les rapports du pays en vertu desdits traités internationaux.
Durant la période couverte par le présent rapport, c'est-à-dire entre 2001 et 2011, Chypre a atteint de nombreux objectifs importants dans la lutte contre la discrimination raciale, en particulier depuis mai 2004 lorsque le pays a accédé à l'Union européenne, a poursuivi Mme Koursoumba. Elle a rappelé que Chypre avait intégré l'Union monétaire européenne en janvier 2008 mais avait été frappé par la tourmente financière mondiale l'année suivante, ce qui l'avait amené à signer, en avril 2013, un mémorandum d'accord avec la Commission européenne, la Banque centrale européenne et le Fonds monétaire internationale afin de bénéficier d'une assistance financière. En dépit des difficultés économiques auxquelles il est actuellement confronté, le pays est déterminé à poursuivre ses efforts coordonnés afin d'assurer le plein respect des instruments internationaux de droits de l'homme auxquels il est partie, a souligné la Commissaire.
Mme Koursoumba a ensuite rappelé qu'en raison de la poursuite de l'occupation illégale de 36,2% de son territoire par les forces militaires turques, Chypre n'est pas en mesure d'exercer son contrôle sur la totalité de son territoire et, par conséquent, ne peut assurer l'application de la Convention dans les zones qui ne sont pas sous son contrôle, de sorte que toutes les informations et données qui seront fournies au cours du présent examen du rapport de Chypre ne concernent que les seules zones contrôlées par le Gouvernement de Chypre.
Suite à son accession à l'Union européenne, Chypre a adopté un nombre impressionnant de lois, a poursuivi Mme Koursoumba. En vertu de la Loi sur la lutte contre le trafic et l'exploitation de personnes et sur la protection des victimes (2007), un mécanisme national chargé de cette question a été mis sur pied, assorti d'un plan national d'action contre la traite de personnes (2013-2015), a notamment indiqué la Commissaire juridique. Cette Loi de 2007 a été amendée en 2012 et est en cours d'examen afin d'assurer sa pleine conformité avec la Directive 2011/36 de l'Union européenne, a-t-elle précisé. Elle a également attiré l'attention sur la Loi de 2002 relative à l'égalité de salaire entre hommes et femmes pour un travail d'égale valeur, dans le cadre de laquelle les conventions collectives ont été passées en revue afin d'identifier, de modifier ou d'abroger toute disposition susceptible d'aboutir à une discrimination fondée sur le sexe en matière de salaire.
Mme Koursoumba a ensuite attiré l'attention sur un certain nombre de plans d'actions adoptés par son pays, au nombre desquels le Plan national d'action pour l'intégration des ressortissants étrangers résidant légalement à Chypre (2010-2012). Elle a par ailleurs souligné que Chypre est déterminé à poursuivre ses efforts pour l'amélioration des conditions de travail, en particulier pour les groupes les plus vulnérables ; comme les chiffres en témoignent, ces efforts se sont avérés fructueux, a-t-elle souligné, évoquant notamment la baisse non négligeable du nombre de plaintes soumises au mécanisme de résolution des plaintes ayant pour compétence d'examiner les plaintes pour violation des contrats de travail des travailleurs domestiques.
Les personnes appartenant aux groupes vulnérables, notamment les immigrants en situation irrégulière, les prisonniers, les enfants, les femmes enceintes et les requérants d'asile, sont habilités à recevoir gratuitement les soins médicaux qu'ils nécessitent, a poursuivi la Commissaire, précisant qu'en dépit de la pression exercée par les coupes budgétaires, le Ministère de la santé s'efforce de maintenir cet accès aux traitements médicaux, en particulier pour les groupes vulnérables.
D'autre part, a fait valoir Mme Koursoumba, la police de Chypre a pris des mesures significatives pour intégrer des politiques antiracistes dans son parcours de formation et dans ses opérations. Conformément aux recommandations faites par les organes nationaux et internationaux, un nouveau centre de détention amélioré pour les immigrants en situation irrégulière sujets à expulsion, doté d'une capacité de 256 places, a commencé à être opérationnel en janvier 2013 à Menoyia, a ajouté la Commissaire juridique, faisant valoir que les policiers affectés à ce centre ont reçu une formation spécialisée sur les questions de droits de l'homme et sur les lois et politiques antiracistes. Mme Koursoumba a en outre attiré l'attention sur la mise sur pied du Comité de supervision des centres de détention pour immigrants en situation irrégulière et d'un Comité de plaintes du Centre de détention de Menoyia. Par ailleurs, a-t-elle ajouté, l'Autorité indépendante d'enquête sur les allégations et plaintes contre la police maintient un contrôle étroit sur les comportements de la police.
Mme Koursoumba a ensuite insisté sur l'importance du rôle que joue l'Ombudsman en tant qu'autorité indépendante en charge de l'égalité et en tant qu'organe anti-discrimination, notamment par le biais des différents rapports que publie cet organe : rapport de 2012 sur la discrimination ethnique dans la loi sur les locataires (loi qui exclut les non-Chypriotes de la définition de locataire, cette disposition étant donc en train d'être examinée par le Bureau juridique de la République) ; rapport de 2012 sur l'incitation à la xénophobie et à l'intolérance dans les discours politiques publics ; rapport de 2012 sur les comportements racistes à l'encontre des immigrants par les personnels médicaux dans les hôpitaux publics (rapport qui a mis en relief la nécessité d'enregistrer systématiquement de tels incidents et de mieux former et sensibiliser les personnels de santé) ; rapport de 2011 sur l'éducation des élèves roms ; ou encore rapport de 2013 sur la réponse des écoles aux incidents racistes. S'agissant de cette dernière question, l'Ombudsman, en tant qu'organe anti-discrimination, va aider le Ministère de l'éducation et de la culture à rédiger le projet de code de conduite contre le racisme dans les écoles, a précisé Mme Koursoumba. Pour ce qui est des élèves roms, a-t-elle en outre fait valoir, le taux d'abandon scolaire précoce de ces élèves est passé de 17,3% en 2003 à 11,2% en 2011.
Mme Koursoumba a ensuite indiqué que l'Ombudsman, en tant qu'organe anti-discrimination, intervient également au sujet de l'arrestation et de la détention de Syriens résidant de manière irrégulière à Chypre et dont les décrets d'expulsion n'ont pas été exécutés en raison de la situation en Syrie ; l'organe anti-discrimination a souligné l'illégalité de cette pratique étant donné que l'expulsion était, pratiquement, impossible. Aussi, le Ministère de l'intérieur a-t-il adopté une politique visant à octroyer un permis de résidence et de travail temporaire de six mois à toutes les catégories de Syriens se trouvant à Chypre qui sont détenteurs soit d'un passeport, soit d'une carte d'identité.
Mme Koursoumba a d'autre part évoqué les mesures prises dans le domaine de l'éducation, notamment au travers de la mise sur pied d'une unité chargée de la violence à l'école – unité qui fournit une aide aux établissements scolaires confrontés à des urgences en termes de violence et de délinquance juvénile, y compris pour ce qui est des incidents racistes. L'Observatoire de la violence à l'école a été mis sur pied en 2008, a par ailleurs rappelé la Commissaire juridique. Les élèves chypriotes turcs peuvent être scolarisés dans une école publique ou une école privée de leur choix et aucune ségrégation d'élèves n'est pratiquée à Chypre, la législation nationale stipulant que les élèves doivent être scolarisés dans l'école la plus proche de leur lieu de résidence. Étant donné que les familles financièrement défavorisées (essentiellement des non-Chypriotes) ont tendance à vivre dans les zones particulières, les écoles de ces zones accueillent un nombre proportionnellement plus grand de non-Chypriotes que les autres écoles ; aussi, le Ministère de l'éducation a-t-il introduit la mise en place de zones d'éducation prioritaire, conformément à la stratégie de discrimination positive de l'UNESCO.
Chypre est déterminé à intensifier ses efforts pour éliminer tout stéréotype menant à une discrimination raciale sous quelque forme que ce soit et pour promouvoir la tolérance et la compréhension entre tous les groupes ethniques, a conclu Mme Koursoumba, soulignant que le plus grand défi pour l'avenir reste pour Chypre de maintenir et d'assurer les ressources nécessaires pour le bon fonctionnement des mécanismes institutionnels et la poursuite des programmes de promotion de l'égalité, de manière à éviter tout retour en arrière par rapport à ce qui a été réalisé jusqu'ici.
Examen du rapport
Observations et questions des membres du Comité
La rapporteuse du Comité pour l'examen du rapport de Chypre, Mme Patricia Nozipho January-Bardill, a rappelé ce que d'autres comités ont relevé, à savoir qu'en raison des événements qui se sont produits en 1974 et qui se sont soldés par l'occupation par la Turquie d'une partie du territoire de Chypre, Chypre n'est pas en mesure d'exercer le contrôle sur la totalité de son territoire et ne peut donc pas assurer l'application de la Convention dans les zones qu'il ne contrôle pas, plus précisément dans les territoires du nord. Cette réalité constitue un sujet de préoccupation pour le Comité car le rapport ne dit pas grand-chose de la situation en ce qui concerne les questions raciales et ethniques et autres questions afférentes dans les territoires septentrionaux de Chypre, a insisté la rapporteuse. Elle a en outre attiré l'attention sur la récession économique globale qui frappe les Etats de la partie méridionale de l'Europe depuis 2008, relevant que le chômage était passé de 6.9% en mars 2011 à 10% en mars 2012, ce qui a eu pour effet de détériorer les relations raciales et ethniques, la xénophobie et l'intolérance y associée et exige de l'Etat qu'il soit davantage vigilant dans la protection et la promotion des droits de l'homme des groupes vulnérables.
Mme January-Bardill a ensuite relevé que selon le document de base fourni par Chypre, la quasi-totalité des Chypriotes grecs sont des chrétiens orthodoxes, alors que les Chypriotes turcs sont musulmans ; en outre, toujours selon le document de base, les Arméniens, les Maronites et les Latins ont choisi, conformément à la Constitution, d'être considérés comme faisant partie des communautés chypriotes grecques et sont reconnus comme minorités nationales, avec les Roms.
Tout en relevant qu'à Chypre, la Convention prévaut sur le droit interne, la rapporteuse a fait observer qu'elle n'a toutefois jamais été invoquée devant les tribunaux nationaux. D'autre part, a poursuivi Mme January-Bardill, la Constitution de Chypre interdit la discrimination, y compris la discrimination raciale, mais ne la définit pas et en tout cas certainement pas comme elle est définie dans la Convention. Ce n'est qu'en 2004, après avoir accédé à l'Union européenne, que Chypre a adopté une législation contre la discrimination et contre le racisme afin de se conformer aux directives anti-discrimination de l'Union, a-t-elle en outre relevé. Elle a toutefois salué un certain nombre d'initiatives prises par Chypre, au nombre desquelles le Plan national contre le racisme ainsi que nombre d'activités menées par la police aux fins de la lutte contre la discrimination (enregistrement électronique des délits à motivation raciale, sensibilisation aux droits de l'homme..).
S'agissant des Roms, Mme January-Bardill a relevé que le rapport décrit « la manière dont les Roms avaient choisi d'appartenir à la communauté turque conformément à l'article 2 de la Constitution et s'étaient rendus dans la partie turque de Chypre après l'occupation ». Elle a également relevé que le rapport énumère les services sociaux (logement, santé, éducation) que Chypre offre aux Roms suite à leur retour dans le sud de l'île afin d'échapper à la discrimination dans le nord. Or, cette description contredit celle de nombre de rapports de la société civile qui affirment que la communauté rom ne s'est jamais vu accorder le statut national, même pas par la Constitution de 1960 ; le fait de les associer à l'identité chypriote turc les a exclus, a souligné la rapporteuse. Les Roms sont à Chypre les personnes qui sont le plus victimes de ségrégation et qui vivent dans les pires conditions de logement ; peu est fait pour protéger tous leurs droits, a insisté Mme January-Bardill. Elle s'est en outre dite préoccupée par la situation des communautés migrantes provenant de pays tiers et des requérants d'asile et réfugiés dont les droits restent sans protection face à diverses formes de discrimination raciale et d'exploitation allant de l'octroi sélectif de permis de séjour aux riches ressortissants de l'Union européenne ou des pays du Golfe à des violations flagrantes des droits de l'homme (discrimination incluse) à l'encontre des travailleurs migrants les plus pauvres, en particulier ceux en provenance des pays du sud-est asiatique.
La rapporteuse s'est en outre fait l'écho d'organisations de la société civile qui ont déploré que les autorités chypriotes n'aient pas condamné ni poursuivi ou réprimandé de quelque manière que ce soit la propagande nationaliste, raciste et anti-immigrant promue par des individus, des groupes d'extrême droite et certains médias.
Le rapport soumis par Chypre ne présente aucune information sur la législation en vigueur – ni sur l'interdiction de la discrimination, ni sur l'interdiction des discours racistes – a déploré un autre expert, avant de relever que la législation chypriote est fragmentée en ce sens qu'il n'y a pas une et une seule législation de base sur la discrimination raciale. Tout en se réjouissant des compétences étendues de l'Ombudsman, cet expert a souhaité savoir si cette institution peut saisir directement la justice. Il a en outre salué la création d'une autorité indépendance chargée des plaintes contre la police. Cet expert a par ailleurs relevé que le Comité des droits de l'enfant s'était dit préoccupé par la discrimination dont continuent d'être victimes à Chypre les enfants d'origine turque et d'autres minorités. Le Comité des droits économiques, sociaux et culturels, quant à lui, s'inquiète, entre autres, de la discrimination existant contre les ressortissants de pays tiers, ainsi que contre les Roms et les Grecs pontiques, a ajouté l'expert.
Quelles minorités, pour Chypre, sont-elles visées par la Convention-cadre du Conseil de l'Europe sur les minorités nationales, a demandé une experte ?
Plusieurs experts ont fait observer qu'il n'existe pas de définition de la discrimination raciale à Chypre, sauf dans la loi sur l'égalité en matière d'emploi
Nombre de membres du Comité ont par ailleurs relevé que Chypre est composé de Chypriotes grecs (quasi-tous chrétiens orthodoxes) et de Chypriotes turcs (musulmans) et reconnaît comme minorités nationales les Arméniens, les Maronites et les Latins (qui sont représentés au Parlement), ce qui crée une certaine confusion et en tout cas une certaine intersectionnalité entre discrimination à caractère racial et ethnique et discrimination à caractère religieux.
Des préoccupations ont été exprimées au sujet de la discrimination de facto contre les Roms à Chypre. La situation des migrants, en particulier en termes de difficultés d'accès à l'emploi, a également été dénoncée. Un expert s'est inquiété des agressions racistes dont sont victimes les personnes d'ascendance africaine et s'est enquis des mesures que le pays envisage de prendre pour faire face à ce phénomène et lutter contre l'impunité en la matière.
L'extrême droite se fait de plus en plus entendre à Chypre et prend à partie les migrants, a pour sa part relevé un expert.
Un membre du Comité s'est dit convaincu qu'il existe un lien évident entre la situation économique qui frappe actuellement l'Europe – et pas seulement Chypre – et « ces politiques qui considèrent que le délit de faciès est tout à fait acceptable ». Dans ce contexte, quelles mesures prennent les autorités chypriotes pour contrer les activités d'organisations de type fasciste qui entrent maintenant dans le jeu démocratique grâce au soutien qu'elles obtiennent lors des élections ?
Une experte s'est enquise de la protection accordée aux requérants d'asile et aux réfugiés à Chypre.
Réponses de la délégation
La délégation chypriote a rappelé que Chypre est devenu un Etat indépendant en 1960 et s'est alors doté d'une Constitution rédigée par des experts internationaux. Les instruments juridiques internationaux auxquels le pays est partie l'emportent sur les dispositions du droit interne, a-t-elle ajouté.
La Constitution contient, en son article 28, une Charte des droits dont tout le monde a connaissance, a poursuivi la délégation. Toute personne vivant à Chypre jouit des droits de l'homme et l'Etat a le devoir d'assurer cette jouissance à chacun, a-t-elle indiqué. Lorsque l'on parle de communautés à Chypre, on parle des Chypriotes grecs et des Chypriotes turcs, qui sont tous chypriotes, a en outre expliqué la délégation. Evoquant les Arméniens, les Maronites et les Latins, trois groupes installés de longue date sur l'île et auxquels il fut demandé en 1959 de choisir à laquelle des deux communautés chypriotes ils souhaitaient appartenir (ce qui est important dans le contexte du régime électoral particulier de Chypre), elle a précisé que les Latins renvoient, historiquement, aux Vénitiens qui avaient jadis envahi l'île.
S'agissant des minorités nationales, la délégation a indiqué qu'elles sont reconnues en vertu de la Convention-cadre du Conseil de l'Europe pour la protection des minorités nationales. Les groupes religieux n'ont rien à voir avec la notion de minorité nationale du Conseil de l'Europe, a-t-elle en outre souligné. La langue arménienne a toujours été reconnue à Chypre en vertu de la Charte européenne sur les langues minoritaires, a-t-elle ajouté. Quant à l'arabe maronite, la délégation a souligné qu'un comité d'experts chargé de la question a présenté son rapport au Gouvernement, des mesures devant notamment être prises pour assurer l'enseignement de cette langue à l'école.
Les Roms sont une population qui, par nature, se déplace, a rappelé la délégation. Elle a assuré que des mesures ont été prises par le Gouvernement pour intégrer cette communauté ; malheureusement, a-t-elle reconnu, ces mesures ne sont pas aussi efficaces que souhaité, précisément parce que ces populations se déplacent.
Ces dernières années, beaucoup de familles roms – 600 à 700 personnes – se sont installées dans des zones contrôlées par le Gouvernement, en particulier à Limassol, a par la suite indiqué la délégation. Ces dernières années, a-t-elle précisé, autour de 30 000 euros sont alloués chaque année par le Ministère de l'intérieur en faveur du logement des Roms.
En ce qui concerne les questions d'éducation, la délégation a notamment fait état de la mise sur pied d'une équipe chargée d'aider les écoles confrontées à des cas de violence et à des incidents racistes ; les élèves vulnérables reçoivent dans ce contexte un soutien psychologique, a-t-elle indiqué.
Les enfants d'origine chypriote turque ne font pas l'objet de discrimination car conformément à la Constitution, leur accès à l'éducation est totalement garanti et ces élèves peuvent en outre aller dans l'école de leur choix ; ils bénéficient même de subventions de l'Etat s'ils veulent aller dans une école privée, ce qui n'est pas le cas pour les Chypriotes grecs, a fait valoir la délégation.
L'enseignement à l'école s'efforce d'éviter tout stéréotype, a en outre souligné la délégation.
Les critères permettant d'instaurer une zone d'éducation prioritaire sont en particulier un taux élevé d'analphabétisme, un taux élevé d'abandon scolaire ou encore la forte proportion d'élèves migrants étrangers.
L'essentiel de la population à Chypre est constitué de Chypriotes grecs qui sont chrétiens orthodoxes ; c'est la raison pour laquelle la religion qui est la plus enseignée dans les écoles publiques est la religion grecque orthodoxe (les écoles privées pouvant, elles, enseigner la religion de leur choix), a expliqué la délégation. Il n'en demeure pas moins que la Constitution garantit la liberté de religion de chacun, a souligné la délégation. Dans les écoles où la majorité des élèves est de confession musulmane, c'est la religion musulmane qui est enseignée, a-t-elle ajouté.
Chaque ville de Chypre compte au moins une mosquée et il y en a aussi dans certains villages ; c'est le Ministère de l'intérieur qui est chargé de leur entretien, a poursuivi la délégation. Récemment, un amendement législatif a été adopté afin de permettre la crémation, ce qui n'était pas possible à une époque, a-t-elle en outre indiqué. Par ailleurs, Chypre compte environ un millier de personnes de confession judaïque et une synagogue a été construite dans la ville de Larnaca, a-t-elle ajouté.
En vertu d'une loi adoptée en 2011, la motivation raciste d'un délit constitue une circonstance aggravante, a par ailleurs fait valoir la délégation.
Quant aux agissements des groupes d'extrême droite, il s'agit malheureusement d'un fléau qui n'est pas propre à Chypre et touche de nombreux pays, du sud au nord de l'Europe, a souligné la délégation. Un grand nombre d'organisations non gouvernementales, dont KISA, travaillent sur cette question et jouissent de tout le respect des autorités, a précisé la délégation.
D'après le registre des crimes racistes, pour la période allant de 2005 à 2012, 78% des incidents à caractère raciste ayant fait l'objet de procédures judiciaires ont abouti à des sanctions, a en outre fait valoir la délégation.
Pour la période 2010-2012, les chiffres relatifs aux enquêtes pénales engagées et aux mesures disciplinaires prises contre des agents de la police témoignent de l'efficacité des mécanismes chargés d'assurer le suivi du comportement des policiers ainsi que la volonté de la police de faire elle-même bon ordre par le biais de ses procédures internes.
La protection et le soutien apportés aux victimes se concentrent sur les actions prises aux fins de les informer de leurs droits, d'assurer leur sécurité et de leur faire bénéficier de l'appui et des conseils d'autorités de l'Etat, a en outre indiqué la délégation.
Les travailleurs domestiques constituent l'un des groupes de population les plus vulnérables à Chypre, a reconnu la délégation, avant de souligner qu'en cas de litige entre l'employeur et l'employé, une plainte peut être déposée auprès des autorités compétentes.
Chypre n'a certes pas à cet stade adhéré à la Convention de l'OIT sur les travailleurs domestiques, mais il s'agit d'une question qui est actuellement étudiée, a en outre indiqué la délégation. Il n'en demeure pas moins que la majeure partie des dispositions de cette Convention sont déjà intégrées et appliquées au niveau interne, a-t-elle fait valoir.
Ce n'est qu'avec la promulgation d'une nouvelle législation sur la lutte contre la traite de personnes, en 2007, que ce problème a été pris à bras le corps ; cette législation porte aussi sur l'exploitation sexuelle et sur le harcèlement au travail, a d'autre part indiqué la délégation. Elle a fait valoir que la traite et l'exploitation ont considérablement diminué au fil des années suite à l'abolition du visa artistique grâce auquel des filles arrivaient à Chypre pour se prostituer.
S'agissant de la protection offerte aux réfugiés et aux requérants d'asile, la délégation a notamment indiqué que les demandeurs d'asile ont droit à un certain nombre de prestations, une somme d'argent leur étant allouée dans un premier temps durant un délai de six mois, dans l'attente qu'il soit statué sur leur demande, après quoi ils ont le droit de travailler.
Conclusions de la rapporteuse
Mme Patricia Nozipho January-Bardill, rapporteuse pour le rapport de Chypre, a souligné qu'examiner le rapport de Chypre sur la base des informations fournies a constitué pour elle un véritable défi. Elle a ensuite remercié la délégation pour les réponses qu'elle a apportées aux questions soulevées par les membres du Comité.
Il y a des points de convergence entre les informations fournies par les ONG et celles fournies par les autorités chypriotes, mais il y a également des discordances, a ensuite fait observer Mme January-Bardill. Elle a par ailleurs exprimé l'espoir que le Comité n'aurait pas à attendre aussi longtemps le prochain rapport du pays qu'elle n'a eu à attendre celui qui a été examiné aujourd'hui. Prenant note de la situation particulière dans laquelle se trouve Chypre, la rapporteuse a jugé préoccupant qu'il faille autant de temps à Chypre pour sortir de cette situation. Mme January-Bardill a en outre souhaité que dans son prochain rapport, le pays fournisse des informations, ventilées notamment en fonction de l'origine ethnique, quant au nombre de personnes se trouvant en détention. Il serait également intéressant que Chypre indique comment les minorités nationales contribuent à l'épanouissement et à l'essor de la société chypriote ; trop souvent, il semble en effet que ces minorités ne soient considérées que comme de simples récipiendaires de l'aide gouvernementale.
La rapporteuse s'est en outre félicitée des mesures qui ont été prises afin de protéger les travailleurs domestiques les plus vulnérables et a salué le rôle positif joué à cet égard par l'Ombudsman. Mme January-Bardill a en revanche relevé qu'il ne semble pas que la discrimination soit expressément interdite dans les domaines politiques, économiques et culturels.
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